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Un environnement de géométrie dynamique comme élément intervenant dans l’organisation de milieux pour

EQUATIONS DIFFERENTIELLES

1.3. NOTRE TRAVAIL

1.3.2. Un environnement de géométrie dynamique comme élément intervenant dans l’organisation de milieux pour

l’étude des équations différentielles

Un des objectifs du recours aux outils informatiques est de rendre accessible aux étudiants des tâches et des productions qui, dans un environnement papier/crayon, seraient presque impossibles à considérer ou difficiles à produire. Par exemple, une approche numérique peut nécessiter des tableaux de valeurs pour les différentes méthodes de résolution numérique : l’accès à un logiciel peut permettre de les obtenir facilement. De même, dans une approche qualitative des équations différentielles il y a besoin de représentants graphiques des objets de ce champ d’étude, tels que des champs de tangentes ou des familles de courbes solutions. Or, les outils informatiques permettent de produire facilement ces représentants graphiques. Pour produire ceux-ci, il est possible de recourir soit à des logiciels de calcul formel tels que Mathematica, Derive, etc., soit à des logiciels dédiés aux équations différentielles. Dans ces deux types de logiciels, le changement de configuration des représentants graphiques se fait de façon indirecte, par modification des réglages initiaux ou à l’aide de curseurs (ou barres paramétrées), et l’on ne peut donc pas manipuler directement les objets. En revanche, un logiciel de géométrie dynamique comme Cabri Géomètre permet la manipulation directe des objets, sans devoir se préoccuper de nouveaux réglages ou de curseurs. On peut déplacer directement les objets à l’aide de la « souris ». Par ailleurs, Laborde et Caponi (1994) remarquent que les rétroactions du logiciel sont fondées sur des connaissances mathématiques. Cela signifie que le déplacement des objets dans cet environnement doit respecter les propriétés mathématiques de base utilisées lors de leurs constructions. Comme nous l’illustrerons ci-dessous, ces spécificités du logiciel permettent de concevoir des contextes d’expérimentation donnant lieu à des phénomènes graphiques en lien étroit avec les connaissances mathématiques en jeu.

Nous présentons ensuite quelques constructions possibles en utilisant Cabri Géomètre. Ce logiciel permet, par exemple, de construire à partir d’un point mobile P(xP,yP) de l’écran, un vecteur tangent dynamique V d’origine P, associé avec une équation différentielle de la forme y’=f(x,y). Une méthode de construction consiste à assigner aux coordonnées (a,b) du vecteur V les valeurs a = 1 et b = f(xP,yP) (cf. fig. 3, ci-après). Les phénomènes graphiques qui donnent lieu au déplacement de P dépendent donc de l’équation différentielle.

0.5 0.5 P (x^2-2-y)*sqrt(y^2-1) y'= (1,07; 1,53) f(x,y)=(x^2-2-y)*sqrt(y^2-1) f(1,07; 1,53) = -2,78 1 V (1 ; -2 ,7 8 )

Fig. 3 : Construction d’un vecteur tangent dynamique

Nous montrons en page suivante (figures 4 et 5), deux écrans possibles8 issus du déplacement d’un vecteur dynamique normé associé avec l’équation différentielley'=(x2 −2− y) y2 −1. Dans la figure 4, on essaie de souligner que le déplacement du point P peut conduire à l’identification de zones où le vecteur est inexistant :

0.5 0.5 (x^2-2-y)*sqrt(y^2-1) inexistant y' = P

Fig. 4 : Le vecteur disparaît dans la région -1<y<1

La figure 5 ci-dessous, tente de montrer que le déplacement du vecteur peut conduire à l’identification d’une courbe du plan où le vecteur devient horizontal :

8

Dans les figures 4 et 5, nous avons utilisé l’outil « Trace » de Cabri qui permet de conserver le parcours du vecteur lors de son déplacement.

Cadre théorique et Problématique

0.5 0.5

y' = (x^2-2-y)*sqrt(y^2-1)

P

Fig. 5 : Il y a une région du plan où le vecteur devient horizontal

Il est évident que dans des logiciels de calcul formel, tels que Dérive ou Mathematica, on peut avoir accès à différents représentants graphiques. Dans le cas particulier d’un champ de tangentes, ces logiciels fournissent une configuration régulière de celui-ci. Le champ est construit sur une grille de points distribués de manière uniforme. Par opposition, dans un logiciel de géométrie dynamique, l’identification de phénomènes graphiques comme les précédents résulte d’un travail exploratoire à l’aide du vecteur dynamique et de l’outil « Trace » de Cabri. Dans les figures 4 et 5 précédentes, grâce à la précision de calcul du logiciel, le déplacement continu (et non discret comme la grille des logiciels de calcul formel) du vecteur permet, dans le premier cas, de vérifier par manipulation directe que lorsque le vecteur se trouve hors du domaine de la fonction f, il disparaît ; tandis que dans le deuxième cas, le déplacement soigneux du vecteur peut conduire à identifier un lieu géométrique sur lequel les vecteurs deviennent horizontaux.

Ces exemples montrent que dans ce contexte, le graphique pourrait avoir un rôle différent de celui de l’enseignement traditionnel. Les rétroactions du logiciel donnent lieu à divers phénomènes graphiques, liés aux particularités de l’équation différentielle en question, mais pour les expliquer et les justifier, on ne peut pas se limiter au graphique. Il faut faire le lien entre ces faits graphiques et certaines connaissances des cadres concernés (fonctions, géométrie analytique, analyse, etc.). Ces constats nous montrent que dans un environnement de géométrie dynamique, le graphique peut fonctionner dans un mode opératoire.

Nous considérons que l’interprétation mathématique des faits graphiques repérés grâce à l’environnement de la géométrie dynamique, peut favoriser l’apprentissage de certaines notions du champ des équations différentielles. Par exemple, dans le premier cas présenté ci-dessus (fig. 4), des questionnements sur les causes de la disparition du vecteur dynamique pourraient permettre d’établir un lien entre ce type de comportement et la nature de l’expression symbolique de l’équation différentielle concernée. Dans le cas de la figure 5 ci-dessus, l’exigence d’arguments mathématiques pour expliquer l’existence d’une courbe particulière où le vecteur devient horizontal, peut conduire à mettre en relation les faits

graphiques repérés avec des notions sur les équations différentielles, comme celles sur les isoclines.

Les possibilités de la géométrie dynamique, comme outil d’aide à l’apprentissage de notions dans le domaine des équations différentielles, ont déjà été soulignées par Laborde (1999). Elle a montré comment, en se servant du déplacement et de l’outil Trace, les étudiants pouvaient (dans un travail préalable à un cours) donner du sens aux concepts tels que l’isocline zéro :

« The trace facility of the software allows the user to have an image of the field of vectors […]. The density of displayed points of this field may be regulated according to the speed of movement of P. This provides a first image of the behavior of the derivative, which can be given to be interpreted by the students. They can be asked to visually identify the locus of points P where y’=0 […] The manipulation is not very easy and requires permanent adjustment […] This compels the necessity to have a more precise idea of the set of points P where y’=0, and leads back to the algebraic setting to find an equation of this locus and then to construct it in Cabri, using the calculate and the locus facility […] It is the possible to check more precisely, using the drag mode, that the tangent vectors at points of this locus are horizontal. » (pp. 169-170)

Le logiciel Cabri Géomètre II Plus offre d’autres possibilités d’exploration (accessibles par manipulation directe) telles que : construire le lieu géométrique du vecteur lorsque son origine se déplace sur une grille ; obtenir l’équation d’un lieu géométrique ; déplacer le système de coordonnées, changer la graduation des axes ; changer l’emplacement de la fenêtre d’affichage sur une région de 1 m2 ; redéfinir des objets, comme par exemple le vecteur dynamique pouvant se déplacer sur un autre objet : une grille, un lieu géométrique, etc.

Une autre fonctionnalité du logiciel, c'est la possibilité de créer des macro-constructions, celles-ci permettant de construire des objets à partir des objets initiaux utilisés lors de leur construction. Ainsi, le vecteur- tangent dynamique peut être reconstruit à l’aide d’une macro, ce qui permet de le reproduire à chaque fois que l’on veut. L’obtention du représentant graphique d’une solution approchée (en suivant la méthode d’Euler), à l’aide d’une macro, peut se faire de la manière suivante : à partir d’un point quelconque de l’écran, on construit un premier vecteur tangent ; ensuite, on construit un deuxième vecteur à partir de l’extrémité du premier ; etc. Cette solution approchée a aussi une nature dynamique et peut être manipulée librement. Si l’on déplace l’origine du premier vecteur, la ligne polygonale formée par l’ensemble des vecteurs attachés se déplace aussi. Ces rétroactions du logiciel permettent, par exemple, d’explorer les différentes configurations que les courbes solutions peuvent présenter dans une région du plan.

La figure 6 ci-dessous, présente le champ de vecteurs associé à l’équation différentielle 2 2 25 ) 1 ( ' x y y

y = − − − , produit comme le lieu géométrique du vecteur dynamique lorsque son origine se déplace sur une grille9 :

9

Cadre théorique et Problématique 0.2 0.2 (x^2-1-y)*sqrt(9-y^2) y' = P

Fig. 6 : Champ de vecteurs associé à l’équation différentielle 2 2 25 ) 1 ( ' x y y y=

La figure 7 ci-contre, présente un ensemble de solutions approchées, qui ont été construites par le déplacement d’une solution approchée dynamique et à l’aide de l’outil « Trace » de Cabri :

0.5 0.5

(x^2-1-y)*sqrt(9-y^2) y' =

Fig. 7 : Familles de solutions approchées de l’équation différentielle 2 2 25 ) 1 ( ' x y y y=

Les faits graphiques que suscitent l’exploration des courbes solutions, dans l’environnement de géométrie dynamique, ainsi que l’accès à des outils tels que « Coordonnées ou équation », « Pente », etc. permettent de concevoir un travail mathématique spécifique sur le registre graphique : dans un environnement de géométrie dynamique, le registre graphique pourrait fonctionner dans un mode opératoire. Ces particularités de l'environnement informatique nous permettent d’envisager la possibilité de concevoir une grande variété d’activités d’expérimentation.

Les objets dynamiques : vecteurs tangents et courbes solutions

Comme nous venons de le constater, dans un environnement de géométrie dynamique il est possible de construire différents objets associés à des représentants graphiques du champ des équations différentielles. Dans notre travail en particulier, nous nous sommes intéressés à deux de ces objets : des vecteurs tangents dynamiques et des courbes solutions dynamiques. Ces deux objets dynamiques ont la particularité de pouvoir générer, à partir de leur manipulation et grâce à l’exploration à l’aide des outils « Trace » ou « Lieu » de Cabri, soit un champ de vecteurs, soit la famille de courbes solutions associées à l’équation différentielle. Par ailleurs, les variations de l’objet dynamique « vecteur tangent » sont étroitement liées aux propriétés algébriques de f(x,y) en y’=f(x,y), et la courbe solution dynamique matérialise les fonctions solutions d’une équation différentielle.

Pour problématiser l’articulation entre le registre graphique et le registre symbolique des équations différentielles, en utilisant les objets dynamiques « vecteur tangent » et « courbe solution », nous avons imaginé deux types de situations :

• étant donné des vecteurs dynamiques et des équations différentielles, relier et justifier. Nous les avons appelées « situations d’association », en effet ; il s’agit d’associer des représentants d’objets du champ des équations différentielles ;

• étant donné une courbe dynamique, trouver l’équation différentielle de la famille obtenue à partir de cette courbe dynamique. Nous les avons appelées « situations de construction », dans ce cas, il s’agit de construire un représentant symbolique d’une équation différentielle.

Nous considérons que les demandes d’interprétation et de justification mathématiques des faits graphiques identifiés peuvent susciter des raisonnements de nature différente. Dans le premier type de situation, le fait de disposer d’informations sur les deux représentants pourrait conduire à mettre en œuvre des arguments qualitatifs pour lier le registre graphique et le registre symbolique. En revanche, dès lors que pour le deuxième type de situation, les arguments qualitatifs ne sont pas suffisants, il est nécessaire de mobiliser des connaissances des cadres concernés (fonctions, géométrie analytique, analyse, etc.), d’une manière plus ciblée, pour contrôler le travail mathématique permettant d’obtenir le représentant recherché. Néanmoins, la demande de justification mathématique des liens entre les registres symbolique et graphique dans ces deux types de situations, pourrait requérir la mise en fonctionnement de connaissances aux niveaux mobilisable et disponible des cadres concernés (fonctions, géométrie analytique, analyse, etc.).

Ci-après nous analyserons brièvement les caractéristiques de la géométrie dynamique, et son rôle possible pour l’organisation de « milieux » favorisant l’apprentissage des notions du champ des équations différentielles.

Cabri peut-il jouer un rôle dans l’organisation d’un milieu ?

Brousseau (1998) considère que l’apprentissage des élèves est le résultat des interactions entre un milieu organisé et une intention didactique. Ce milieu est un « système antagoniste » de l’élève :

« L’élève apprend en s’adaptant à un milieu qui est facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres, un peu comme le fait la société humaine. Ce savoir, fruit de l’adaptation de l’élève, se manifeste par des réponses nouvelles qui sont la preuve de l’apprentissage » (p. 59)

Cadre théorique et Problématique Les deux caractéristiques les plus importantes d’un milieu sont : les possibilités d’action et de rétroaction qui se produisent dans les actions des apprenants ; la possibilité de répéter une même stratégie lors de la résolution d’un problème. Le rôle de ces caractéristiques dans l’apprentissage est souligné par Margolinas (1993) :

« L’importance de la répétition est une conséquence de l’option constructiviste qui est à la base de l’apprentissage par adaptation. L’élève doit avoir l’occasion de se heurter au milieu pour pouvoir remanier qualitativement sa connaissance. De plus, les occasions de répétition en situation d’action, permettent de rendre l’élève de plus en plus conscient de ce qui le pousse à agir, le rendant capable d’aborder des situation de formulation.

L’importance de la répétition du même jeu tient également à la nature de la validation par le milieu. La rétroaction due au milieu est, la plupart du temps, bien plus riche qu’un simple Vrai-Faux. » (pp. 117-118)

Les spécificités du logiciel Cabri Géomètre décrites précédemment, ainsi que les différentes rétroactions qu’il offre, montrent qu’il satisfait aux conditions pour se constituer en élément important dans l’organisation de milieux pour l’étude des équations différentielles.