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Entrevues semi-dirigées, rencontres informelles, observations participantes

PARTIE I : Contextualisation, cadre théorique et méthodologie

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE

2.5 La réalité du terrain ethnographique

2.5.3 Entrevues semi-dirigées, rencontres informelles, observations participantes

À travers l’immersion ethnographique, la première des fondations visitées a constitué l’apport ethnographique central de cette recherche en raison d’une ethnographie hebdomadaire d’une à deux journées par semaine pendant cinq mois. L’entrée dans l’univers de cette fondation (nommée fondation A) nous a permis de rendre compte de la diffusion des MAC en dehors du milieu de la santé privée. Cette expérience nous a également aidé à mesurer les difficultés rencontrées par les fondations en termes de viabilité et de visibilité auprès du monde hospitalier. L’ancrage dans cette fondation nous

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a également amené à observer la façon dont ces services étaient organisés, utilisés et effectifs pour les soignés grâce à une observation directe et participante.

Ces observations ont pu s’articuler en participant régulièrement à des ateliers d’art thérapie, en aidant comme « bénévole-informel », en établissant des liens interpersonnels avec les praticiens et les soignés, ainsi qu’en réalisant des entrevues avec des coordonnateurs et des directeurs de fondations. Les observations participantes ont été d’un apport considérable pour saisir les effets d’une expérience collective et individuelle. Nous avons appréhendé ces effets dans le cadre d’un atelier d’art-thérapie puisque nous y avons nous-même participé.

Notre statut au sein de la fondation A a progressivement évolué du rôle d’observateur extérieur à celui d’un rôle de passeur et de confident. En ce sens, les nombreux et précieux échanges informels ont été l’occasion de partages et de confidences, aussi bien de la part des soignés que des praticiens MAC, que ce soit lors du rangement d’une salle d’art-thérapie, de l’accompagnement d’une soignée jusqu’à sa voiture un soir de tempête de neige, d’un café à emporter pris avec un praticien ou d’une rencontre fortuite avec le directeur. Il nous est également arrivé de discuter informellement avec des soignés avant ou après leur séance de radiothérapie ou de chimiothérapie. Ces rencontres ont conduit certains d’entre eux à témoigner de leur réticence à aller à l’hôpital pour les traitements ; de leurs états d’âme liés à la douleur invisible que produisait la maladie. Quant aux praticiens MAC, ils confiaient plutôt leurs préoccupations à l’égard de la situation d’un patient ou des difficultés de financements qu’ils rencontraient pour accroître leurs services.

Enfin, la particularité d’un tel terrain ethnographique nous conduit à évoquer l’incidence de notre recherche sur les acteurs rencontrés et sur nous-même. Notre engagement sur un terrain spécifique (comme à la fondation A) et les entrevues menées avec les soignés, nous ont confronté aux multiples et diverses souffrances que génère le cancer. Les nombreuses discussions que nous avons eues avec les soignés ont été ponctuées, voire interrompues, par du chagrin, un sentiment de tristesse, des pleurs, mais aussi des soulagements. Pour une grande partie des soignés, ces rencontres ont été un moyen de se livrer à un inconnu même si un rapport de confiance a pu être établi en amont et favorisé,

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en partie, par notre présence régulière au sein de l’une des trois fondations. A cet égard, certains des soignés nous ont confié que le fait de pouvoir parler de leurs souffrances venait soulager un sentiment de solitude. Même si la majorité d’entre eux étaient entourés par leurs proches et que tous étaient reconnaissants de l’accompagnement offert par leurs infirmières pivots, la souffrance affective et physique restait en filigrane dans leur quotidien. Ces situations ont amené plusieurs d’entre eux à nous remercier pour l’intérêt accordé à ce sujet. En effet, en prolongeant des amorces d’affinité avec quelques soignés, nous avons eu le privilège d’être invité à partager des moments intimes comme des soupers ou des « 5 à 7 ». Pour plusieurs soignés, il était aussi important de nous montrer les créations réalisées au sein de l’atelier d’art-thérapie qu’ils fréquentaient ou avaient fréquenté (voir Annexe 3) ; pour certains, il importait de nous montrer la salle de méditation qu’ils avaient confectionnés et pour d’autres, il s’agissait simplement de nous présenter à leur famille et de passer un moment simple et plaisant avec eux. Tel que le situait Agier (2006), notre intégration au sein de l’une des trois fondations nous a permis de vivre une certaine proximité et de créer de véritables affinités avec plusieurs soignés et praticiens MAC. Cependant, nous avons veillé à garder une distance avec « notre terrain » afin de limiter, sans toutefois l’éviter, notre empathie voire affinité envers ceux qui nous confiaient leur histoire de vie et ce dans un souci de mise à distance de notre subjectivité sans pour autant l’écarter. De plus, le décès de certains soignés avec lesquels des amorces d’amitiés s’étaient développées nous a particulièrement incité à rendre compte de la voix des soignés, forme de restitution morale de la parole profane. Nous avons en fait éprouvé un sentiment de responsabilité et d’engagement à l’égard de ces individus. Nous avons donc été directement confrontés aux multiples effets que pouvaient produire l’usage d’une MAC et d’un traitement oncologique sur le corps et l’esprit de ces personnes. À plusieurs reprises, ces expériences nous ont amené à vivre une forme d’intimité (Laplantine, 1993) avec un terrain composé de soignés et de soignants présents hors de l’espace classique des hôpitaux. En revanche, nous n’avons pas pu nous investir autant dans les fondations B et C, cantonnés uniquement à la visite de leurs locaux et à la réalisation de quelques entrevues. Au moment de notre rencontre, la fondation B, située au cœur d’un centre hospitalier, vivait des difficultés financières et organisationnelles. Les praticiens et le cadre rencontrés nous ont expliqué que les problématiques auxquelles

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ils faisaient face actuellement ne leur permettaient pas d’accueillir une recherche ethnographique. Des difficultés relationnelles avec le centre hospitalier, à cette période, venaient s’ajouter à leur indisponibilité. La fondation C, quant à elle, nous a offert une fenêtre de quelques jours en raison des protocoles de recherche qui ne nous permettaient pas d’enquêter sur plusieurs mois. En effet, au moment de notre arrivée, cette fondation accueillait des résidents en médecine, issus de leur université partenaire, pour des stages de plusieurs mois. Dans ce contexte, l’accès à une étude anthropologique, menée par un doctorant d’une université non-partenaire, était compromise.