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Critères de sélection et déroulement des entrevues

PARTIE I : Contextualisation, cadre théorique et méthodologie

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE

2.5 La réalité du terrain ethnographique

2.5.2 Critères de sélection et déroulement des entrevues

Les critères de sélection que nous avons fixés pour réaliser cette recherche ont été logiquement déterminés par la nature de notre projet. Bien que ce dernier ait évolué, au regard des premières difficultés auxquelles nous avons été confrontés, notre objectif initial est resté identique : rencontrer des soignés et des individus non-soignés œuvrant dans le monde du cancer et ayant un lien avec les MAC. Par conséquent, qu’il s’agisse de soignés, de praticiens, de gestionnaires de fondations ou de professionnels de santé, nous n’avons pas limité nos rencontres exclusivement au monde des soignés ou à celui des personnes offrant des soins MAC. En ce qui concerne les entrevues formelles, nous avons eu recours à la méthode traditionnelle des entrevues individuelles semi-dirigées. Tous les entretiens ont été précédés d’une présentation générale de notre étude comme mise

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contexte et par la remise des formulaires de consentement requis. Dans un souci de cohérence, nous avons établi trois guides d’entrevues spécifiques aux trois types d’acteurs rencontrés (soignés, praticiens MAC et acteurs du réseau de santé). Ces trois guides figurent dans l’Annexe 2. Toutes les entrevues ont été enregistrées sur un dictaphone et retranscrites à l’aide d’un logiciel de transcription. Pour des raisons de confidentialité, la plupart des noms des personnes rencontrées (soignés, praticiens MAC, directions, professionnels de santé) ont été modifiés. En ce qui concerne les praticiens, certains ont insisté pour que leur nom soit anonymisé par crainte d’être identifié par une institution médicale. En effet, l’un d’entre eux avait, dans le passé, reçu un contrôle du Collège des médecins suite à une entrevue accordée à un journaliste. Les trois fondations étudiées, quant à elles, ont été rebaptisées fondations A, B et C afin de préserver leur anonymat.

2.5.2.1 Entretiens avec les soignés

Les critères de sélection des soignés ont été basés sur un principe de similarité à savoir des individus adultes au prise avec un cancer et utilisant une ou plusieurs MAC en complément de leur traitement conventionnel. Les types de cancer, les traitements reçus et les stades de développement de la maladie n’ont pas constitué des critères d’exclusion puisque nous cherchions à atteindre une diversité de profils médicaux de personnes touchées par la maladie et usant de MAC. Il nous a également semblé important d’établir un nombre paritaire d’individus sélectionnés, soit un nombre égal de femmes et d’hommes répartis selon des critères sociaux diversifiés. Ces variables nous semblaient nécessaires pour saisir les formes d’utilisations, d’associations et d’adaptations des MAC selon le genre (femmes et hommes) et les différents niveaux de CSP (catégories socioprofessionnelles). Notre intention était également de vérifier si ces variables de genre, de CSP et de niveaux socioéconomiques jouaient un rôle déterminant dans les usages de MAC. La majorité de ces critères ont pu être respectés puisque nous avons pu rencontrer des personnes venant de tous milieux socioprofessionnels (actifs et retraités) et d’âges variés (entre 28 et 70 ans). Malheureusement, le critère de parité initialement fixé n’a pu être respecté en raison de la réalité de notre terrain. En effet, le nombre de femmes s’est avéré largement supérieur, aussi bien dans les fondations que dans les personnes

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référencées par les soignés et par les cliniques de MAC, une réalité sociodémographique largement constatée dans les travaux portant sur la question (Brenton et Elliott, 2014). Toutes les entrevues avec les soignés se sont déroulées dans deux contextes : soit au sein des fondations, soit à leur domicile. Les échanges ont duré en moyenne deux heures et demie. La moitié de ces entrevues s’est prolongée de manière informelle au cours d’observations participantes. D’autres se sont déroulées en deux ou trois rencontres successives. L’objectif de ces entrevues était de tracer les itinéraires thérapeutiques de chaque soigné par le biais de la méthode du récit de vie dont il convient de présenter les thèmes principaux. La trajectoire de vie des personnes touchées par la maladie a été le premier thème abordé. En ce sens, il a été question du milieu social et économique dans lequel elles avaient grandi, comme l’environnement familial, le type d’éducation reçue, le niveau scolaire, le milieu professionnel, etc. Dans cette partie, nous nous sommes également intéressés à leur regard sur le système de santé québécois, sur les MAC et sur le cancer avant que celui-ci n’apparaisse dans leur vie. Nous avons été particulièrement attentifs aux termes utilisés dans leurs discours sur le cancer et sur les MAC afin de rendre compte du degré d’influence des médias, de l’environnement proche et des sources d’informations plurielles. Le deuxième thème abordé a concerné l’explication que les personnes donnaient à l’apparition de leur cancer. Nous avons d’abord cherché à savoir comment avait été vécue l’annonce du diagnostic initial, à la fois par eux-mêmes et par leur entourage. Il a ensuite été question des discours entendus au sujet du vécu avec le cancer afin d’en dégager un champ lexical spécifique (espoir, courage, lutte). Dans un troisième temps, c’est l’expérience même du cancer qui a été discutée selon deux aspects. Il a d’abord été question des effets négatifs du traitement oncologique d’un point de vue physiologique et psychologique et également de l’impact qu’il avait eu sur leur perception de la maladie. Nous avons ensuite interrogé les ressources (les MAC) utilisées par les soignés pour soulager la douleur et les façons dont elles avaient transformé leur quotidien. Nous avons ainsi cherché à saisir plus précisément les moyens d’accéder aux MAC, les choix effectués et les influences extérieures éventuellement impliquées dans ces choix. Nous avons également discuté de ces usages selon les temporalités médicales relatives à leur cancer. Autrement dit, nous voulions déterminer si leur utilisation, voire leur adhésion, précédait ou suivait l’annonce du cancer. Il a aussi été question de la façon

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dont les soignés utilisaient une ou plusieurs MAC, à quelle fréquence et si ces usages avaient été communiqués aux équipes soignantes. Tous ces éléments nous ont permis de voir si des « bricolages thérapeutiques » avaient eu lieu. Les échanges se sont terminés autour d’une large discussion relative à l’intérêt subjectif de ces utilisations. En d’autres termes, nous voulions situer ce que les MAC venaient satisfaire chez les soignés, en quoi elles leur semblaient efficaces et dans quelle mesure elles avaient pu avoir un impact sur leur lecture du cancer. La dimension relationnelle des patients avec leur thérapeute MAC a également été questionnée afin de vérifier si l’écoute, le dialogue et la parole constituaient des éléments importants dans les phases d’évolution de la maladie et des besoins aussi bien affectifs que représentationnels générés par le cancer. Pour finir, nous avons recueilli l’avis des soignés au sujet de l’intégration des MAC à leur traitement oncologique.

2.5.2.2 Entretiens avec les praticiens MAC

En ce qui concerne les praticiens MAC, un seul critère de sélection a été retenu : la prise en charge, passée ou présente, de personnes touchées par un cancer. Les rencontres se sont réalisées soit sur leur lieu de travail (cliniques, cabinets ou fondations), soit dans un lieu public (café, restaurant). Les entretiens réalisés ont été d’une durée variable comprise entre une heure et demie et trois heures. Dans un premier temps, nous les avons interrogés sur leurs parcours professionnels pour comprendre les raisons qui les avaient amenés à devenir praticien MAC. Dans un second temps, il a été question de situer leurs types de patientèle, les façons dont les personnes les contactaient et si d’éventuelles recommandations entre praticiens MAC se réalisaient lorsque des difficultés thérapeutiques dépassaient leur champ de compétences. Un troisième temps a été dédié à la manière d’administrer une MAC. Nous voulions savoir si elle était personnalisée en fonction de chaque soigné, si ces derniers pouvaient se l’approprier, s’ils étaient invités à la compléter par d’autres MAC et s’ils étaient encouragés à en parler aux professionnels de santé qui les suivaient dans leur traitement oncologique. Le quatrième thème de ces rencontres a abordé la place des MAC dans la prise en charge des soignés vivant avec un cancer. Nous avons d’abord voulu situer la lecture du cancer propre à chaque thérapeute, et donc leur manière d’appréhender la question aussi bien avec leurs patients qu’avec le

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monde médical. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés au regard porté par les praticiens MAC sur le traitement du cancer par la biomédecine. Nous les avons ensuite questionnés sur la façon et les raisons dont une MAC pouvait contribuer à améliorer la vie d’un soigné. Enfin, nous avons souhaité connaître leur opinion sur la place accordée aux MAC au Québec, en particulier dans le champ biomédical.

2.5.2.3 Entretiens avec les cadres des fondations et directions scientifiques

Les critères de sélection de ces acteurs ont été déterminés par leur niveau de responsabilité dans l’offre de MAC. Tous ces acteurs nous ont été recommandés suite à nos entretiens avec les praticiens MAC des trois fondations côtoyées. Toutes les entrevues ont duré en moyenne entre une heure et demie et deux heures. Certains thèmes ont pu être plus approfondis que d’autres en fonction du profil des professionnels rencontrés. Les entrevues ont d’abord porté sur l’opinion des acteurs à l’égard des traitements conventionnels du cancer. Une grande partie de ces entrevues touchait à la place des MAC dans le paysage sociétal et sur les raisons de leur existence dans le traitement du cancer. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés aux définitions données aux MAC et, bien entendu, à la question de leur utilité dans le cas du cancer. Le cas échéant, nous avons interrogé la façon dont les oncologues et les équipes de soins côtoyés concevaient les MAC et si, selon eux, certaines d’entre elles semblaient plus utiles que d’autres. Enfin, nous nous sommes intéressés aux enjeux relatifs au dialogue avec les soignés-utilisateurs de telles approches complémentaires.

2.5.3 Entrevues semi-dirigées, rencontres informelles, observations