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En terme d’entretien le contrat-plan (établi pour trois ans entre l’Etat, l’Office et les paysans) réparti clairement les rôles de chacun. Les canaux adducteurs, les falas, les principaux ouvrages régulateurs et les grands drains collecteurs sont à la charge de l’Etat. Les distributeurs, les partiteurs et les drains correspondant sont à la charge de l’Office, tandis que les arroseurs, les rigoles et leurs drains sont à la charge des paysans.

L’entretien du réseau tertiaire, entièrement à la charge des paysans depuis la restructuration de l’Office en 1994, pose de nombreux problèmes. Les paysans n’arrivent pas à s’entendre entre eux pour assurer cet entretien, ou n’en ont parfois simplement pas les moyens. Et le réseau se dégrade de plus en plus. Depuis peu l’Office tente de les organiser en OERT, Organisation d’Entretien du Réseau Tertiaire, mais leur mise en place n’est pas facile.

M. Moktar Zango, chef de l’association villageoise de Pando Camp et membre du Comité Paritaire de Gestion des Terres du casier Molodo Nord

« Avant, quand l’Office achetait le riz, on entretenait les arroseurs. Le riz qu’on produisait c’est l’Office qui l’achetait pour les amener dans les rizeries. Et une fois le riz à la rizerie, l’Office coupait tous les crédits. A cette époque, pour les arroseurs l’Office retenait une certaine somme d’argent sur ta vente, que tu ne pouvais pas obtenir tant que tu n’entretenais pas ton tertiaire. Après avoir fait l’entretien du tertiaire, tu pouvais passer prendre ton argent. Dans le cas contraire tu n’avais pas le droit à cette somme. C’est ainsi que l’entretien était fait. Au moment où l’Office a arrêté ses achats de riz, les travaux d’entretien ont été abandonnés. On nous a dit que les arroseurs étaient à nous, mais vous savez quand on laisse les gens livrés à eux-mêmes, souvent il y a des problèmes. On est resté comme ça et l’état des drains s’est dégradé de plus en plus. C’est seulement l’an passé que l’Office est venu avec l’idée des OERT et leur mise en place qui consiste à organiser en groupe les exploitants d’un même arroseur pour former un « ton ».

M. Sékou Ouologuèm, aiguadier à Pando Camp (casier Nord de Molodo)

« En général ceux qui sont seuls entretiennent leur arroseur. Ils n’attendent pas qu’il y ait une nécessité pour le faire. Ils le font couramment : en début des travaux ils le font, au milieu des travaux ils le font, et à la fin aussi ils le font. Mais en général là où il y a plusieurs exploitants sur un même arroseur, il y a des désaccords. Même si vous donnez rendez-vous un jour pour venir le faire, si un seul ne vient pas les autres vont dire « ah ! Un tel n’est pas venu,donc on reporte à demain ou après-demain ». Et finalement, ils laissent tomber. Il faut qu’il y ait une autre sorte de pression ou de sanction pour qu’ils puissent le faire. »

« On dit de l’entretenir et nous on rentre avec des faucilles dans le drainpour faucher les herbes et les enlever dans la plupart des cas. Voilà ce qu’on fait, pour permettre à l’eau de partir. Mais pour que l’eau coule bien, il faut curer le banco qui est dedanset confectionner les digues. C’est du à la non-réhabilitation des champs et en vérité nous, on n’a ni la force ni les moyens nécessaires pour le faire. Ils sont en train de nous organiser maintenant, d’organiser en groupe les gens qui sont sur le même arroseur, pour qu’ils puissent l’entretenir ensemble. Ils nous ont montré qu’on pouvait prendre des dispositions pour qu’au moment de la récolte et du battage, chaque membre du groupe donne une certaine quantité de riz qui sera collectée. En période d’entretien des drains, on pourra ainsi embaucher des prestataires pour les curer. Tout cela constitue des alternatives pour le curage, mais pour le moment on a encore rien commencé. »

M. Salif Ouedraogo, responsable de la Promotion aux Organisations Paysannes, zone de Molodo

« Mais il y a des difficultés dans le fonctionnement de ces OERTs. Ce sont les suivantes :

La première difficulté des OERTS sont les gens qui ont leur champ dans un village où eux- mêmes ne résident pas, on les appelle « non résidents ». Ils ne peuvent pas participer à ces travaux d’OERT, car le jour où vous voulez exécuter ces travaux la personne en question n’aura pas l’information à temps. Ils ne font donc pas les travaux comme ils devraient. »

M. Gaoussou Dambélé, chef d’arroseur et chef du village de Socourani

« Cela fait qu’il y a plus d’étrangers que d’anciens résidents, et on ne se connaît plus entre paysans. Parmi ces non-résidents, certains résident en France, en Cote d’Ivoire, à Bamako, à Ségou etc. … Comment peut-on bien exploiter les champs dans ces conditions ? Le drain que l’on a, si on veux bien l’entretenir, lui il est non résident, celui là aussi, aussi moi je suis le seul résident, est-ce que moi seul je pourrai entretenir le drain ? Non je ne peux pas. On n’est pas ensemble. Comment pourrons nous effectuer un bon entretien ?...

M. Adama Traoré, manœuvre à Tiémédély Coura

« Je suis venu ici en 2002, c’est mon oncle maternel qui m’a envoyé ici en raison d’une relation d’amitié. C’est quelqu’un qui a son champ ici et qui avait dit devant mon oncle qu’il cherchait quelqu’un pour venir l’exploiter. C’est ainsi que mon oncle lui a répondu que son neveu pourrait bien le faire. Et c’est lui qui m’a envoyé ici. Depuis que je suis arrivé j’exploite ce champ.»

Savez-vous ce qu’est une OERT ?

« Je ne suis pas au courant »

Etes-vous au courant qu’il y a eu des formations sur l’entretien du tertiaire dans le village de Tiémédély Coura ?

« Je ne suis pas au courant »

« Je suis là pour un travail, et le matin je vais au travail. Ils doivent informer les travailleurs de ce qui se passe. Mais si on te le dit et que tu ne viens pas, alors on peut t’accuser. Mais si on ne te le dit pas, tu ne peux pas être au courant.»

« Si j’avais eu l’information concernant ce groupe, je l’aurais intégrée car j’aime bien cette idée. Parce qu’une fois que le drain est sale, il est difficile pour l’eau de couler. »

M. Salif Ouedraogo, responsable de la Promotion aux Organisations Paysannes, zone de Molodo

« Deuxièmement ce sont les statuts et règlements intérieurs qui font marcher les OERTs. Ces statuts et règlements légalisent les OERTs. Mais les membres eux-mêmes ne respectent pas les contenus de ces papiers alors qu’ils ont été établis de façon participative, avec leurs propres propos.

Une fois les papiers obtenus il faut faire faire un récépissé au niveau de la préfecture ce papier que le commandant doit délivrer pour que l’état reconnaisse l’association et que le travail puisse se développer. Mais les gens ne payent pas les cotisations. Par conséquent les sanctions qui doivent être prises ne peuvent pas être prises par l’OERT si les membres n’ont pas payé pour ce récépissé.

Quatrièmement, il y a la vétusté de certains réseaux. Avant l’aménagement était fait avec un certain calibre de réseau. Mais maintenant ces réseaux sont dégradés jusqu’à un certain niveau, et finalement quand tu regardes les travaux à réaliser sont plus importants. C’est un gros problème car les gens se découragent très vite. »

Il est important de souligner la difficulté d’entretenir manuellement des arroseurs et des drains fortement enherbés. Les assécher en contre-saison afin d’y mettre le feu pourrait constituer une solution.

Si ces OERTs n’avaient pas d’existence officielle jusqu’ici, il faut reconnaître que dans certains cas, les paysans fonctionnaient déjà sur ce type de schéma. Les travaux étaient réalisés soit collectivement sur l’ensemble de l’arroseur, soit individuellement, chacun devant son champ. Mais l’absence de véritable moyen de sanction en cas de refus d’un paysan conduisait bien souvent à un entretien partiel qui finissait par décourager tout le monde. Il subsiste aujourd’hui encore quelques réticences paysannes vis-à-vis des OERTs, mais elles ne devraient pas durer.

M. Souleymane Coulibaly, exploitant, membre du Comité Paritaire de Gestion des Terres de Tiémédély Coura (N’Débougou) et premier conseiller du chef

« Si tu constates qu’ils ne l’ont pas fait tout de suite c’est dû à un manque de compréhension. L’homme de la brousse n’est pas instruit, si l’intellectuel vient avec sa parole, son avis, alors le jour où il nous demande de faire quelque chose on ne le fait pas tout de suite. On peut attendre jusqu’à l’année prochaine, jusqu’au moment où on aura des informations d’autres personnes qui l’auront déjà fait. Alors à ce moment là on se décide à le faire nous aussi. »

Au travers de cette vidéo les acteurs locaux de la gestion de l’eau ont soulevé un certain nombre de questions :

Comment donner aux paysans les moyens de lutter efficacement contre la

dégradation du réseau tertiaire ?

Pourquoi les paysans sont-ils incapables de s’organiser collectivement pour faire

face aux problèmes d’entretien ?

Comment faire en sorte que les OERT deviennent fonctionnelles?

Si l’entretien du réseau tertiaire pose quelques soucis, il faut reconnaître qu’au niveau secondaire et primaire cela pose également des problèmes. Les entretiens commencent très souvent en retard et sont généralement mal faits, voire pas faits du tout.

EXTRAITS DES REUNIONS DE PROJECTION

A Niono le 15-11-06 et à Kolongo le 16-11-06

Abdoulaye Keita, ONG Nyeta Conseil

« Mon intervention concerne les OERT qu’on a installées au niveau des arroseurs et des drains. Il faudrait qu’on prenne des dispositions dès à présent en termes de financement pour qu’elles puissent faire leur travail, au niveau des caisses comme nesigiso ou d’autres réseaux de caisses. A mon avis les OERT n’ont pas été mises en place uniquement pour le faucardage, car dans ce cas la seule force physique suffirait, mais plutôt pour ce qui concerne les entretiens à long terme comme le curage et la réfection des cavaliers. Ce sont des travaux qui dépassent la force des propriétaires des champs. Donc comme à présent ce sont des organisations officiellement reconnues, il faut prendre des dispositions pour leur donner de l’argent à crédit de manière à pouvoir réparer les parties endommagées, et qu’en contrepartie elles rembourseront. Si on pouvait négocier ces lignes de crédit

au niveau de la micro finance maintenantou bien même au niveau des banques, à mon avis ce serait une bonne chose.

[…] Maintenant il faut voir que les questions que les paysans se posent sont les suivantes : Si je fais l’entretien qu’est-ce que ça apporte à ma famille ? Si je ne gaspille pas l’eau, en termes économiques, qu’est-ce que ça peut apporter à ma famille ? On doit écrire et montrer aux paysans que si tu n’as pas entretenu ton drain tu auras des difficultés de drainage, et qu’il sache ce que cela aura comme conséquences. Tout d’abord si tu récoltes dans l’eau cela jouera sur la qualité de ton riz. Il faut qu’on lui montre cela, c’est pourquoi je pense qu’il faut une formation. Non pas de la sensibilisation mais surtout de la formation, parce que le fait de le dire aujourd’hui n’est pas la solution. Il faut qu’on s’assied, qu’on fasse des projections, qu’on parle en leur montrant et en indiquant les conséquences économiques que cela pourra induire. Par exemple, si tu as un hectare et que tu as eu des problèmes de drainage, de combien de FCFA ton coût d’exploitation a-t-il augmenté ? »

Sekou Bah, ONG Nyeta conseil

« Parce qu’il y a ce point aussi. Si on essaye de vérifier, les paysans ne font pas leur part d’entretien du réseau. Ils ne le font pas, mais chaque année on leur donne de l’eau. Et si on est tous réunis ici c’est à cause de l’eau. Et si tu voies que certains entretiens ne se font pas c’est bien parce qu’on donne l’eau. Si on coupe l’eau à certains endroits le travail est fait. C’est vrai, dans certaines localités quand tu leur dit qu’ils n’auront pas d’eau s’ils ne font pas le travail, alors ils le font. Parce que si vous constatez que la campagne est en train d’avancer, qu’on est presque en juin ou juillet et que vous n’avez pas d’eau, vous allez vous chercher et vous retrouver même si certains sont à Ségou ou à Bamako vous allez vous voir et le travail sera fait. Il faut qu’on se dise ça aussi.»

Amadou Waïgalo, coordinateur des centres Faranfasi So

« Ca va amener de grandes difficultés dans l’avenir. En deux mots le problème d’OERT dont vous parlez il faut qu’on s’en méfie sérieusement parce que nous constatons qu’il y a beaucoup de faiblesse dans le processus de mise en place. Ces OERT ont un statut associatif alors que qui dit « association » dit « libre volonté des gens. » C'est-à-dire que ce sont les gens qui doivent s’inscrire ensemble pour créer ces OERT. Mais dans certaines localités la manière dont elles ont été créées laisse vraiment à désirer. Donc si ça continue comme cela les OERT ne pourront pas vivre.»

Seydou Ouedraogo, exploitant et membre du Comité Paritaire d’Oulan, zone de Macina

« Pourtant à l’Office les OERT ont été mises en place, mais si tu prends 100 OERT tu n’en verras aucune qui fait correctement son travail. Qu’on dise la vérité, si tu te lèves maintenant pour partir dans nos villages aucun drain n’est entretenu, ils sont tous plein d’herbes, et en plus quand on bat le riz on laisse la paille dans l’eau du canal, tout cela empêche l’eau de passer. Mais on se lève et on dit que c’est l’Office qui doit le faucher. Si nous fauchons les nôtres, nous pourrons parler de celui de l’Office et même de celui de l’Etat et alors on pourra dire que c’est celui là qui n’a pas bien fait le sien. […]

Si on arrive au niveau des curages et qu’on ne peut pas le faire à la main, on va voir le chef service pour qu’il nous aide avec la machine. Même si c’est le gasoil, on va s’entendre sur la manière dont il peut nous aider pour qu’on puisse faire le travail. Le voilà assis ici, quelle est l’OERT qui est venue le voir en disant « mon drain est bouché et je voudrais le curer, j’ai tel montant d’argent et je souhaite que vous nous aidiez » ? Quelle est l’OERT qui est venue le voir de cette manière ? […]

Quand tu dis aux gens venons ensemble tel jour pour faire le travail, tu peux te retrouver à venir seul le matin et jusqu’au soir tu ne verras personne d’autre venir. Nous ne le faisons pas. Donc voyons ensemble, les avantages de l’OERT c’est pour nous, donc prenons les au sérieux. Sinon l’Office a tout fait, on nous a même amené à Niono pour visiter d’autres OERT. Mais jusqu’ici tout est laissé comme ça. Alors qu’on a les récépissés qui montrent qu’on souhaite faire ça. Donc cela veut dire qu’on est en train de se leurrer, que nous autres paysans nous nous jetons des fleurs. C’est nous qui devons prendre ces OERT au sérieux, et commencer par balayer devant notre porte. »