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Ces dernières années, les bailleurs de fonds ont largement imposé le recours à l’aménagement dit « participatif ». Ces aménagements, en plus d’impliquer le bénéficiaire des travaux, présentent l’avantage d’être nettement moins coûteux. Dans ce système les paysans ont la charge d’aménager l’ensemble du réseau tertiaire. Ils doivent donc effectuer le creusement des arroseurs, des rigoles et des drains, ainsi que le planage des parcelles. Cela conduit à un certain nombre de difficultés, comme nous explique M. Adama Diarra, chef du casier Sud à Molodo.

M. Adama Diarra, chef casier Sud à Molodo

« A la date d’aujourd’hui quand on parle d’aménagement ou de réhabilitation, c’est qu’on demande aux paysans d’exécuter leur part du travail, qui correspond au tertiaire. Mais les problèmes qu’on a constatés, c’est que les paysans n’ont pas la force nécessaire (moyens financiers, physiques et matériels) pour le faire. Tous les exemples qui ont eu lieu chez nous, n’ont pas été bien faits. Il y en a eu chez moi, ici à Niafassy. Et jusqu’à aujourd’hui nous avons des problèmes. Les paysans ne peuvent pas le faire comme cela devrait être fait. Ils ne peuvent pas non plus respecter le gabarit de l’arroseur, ni des diguettes. On a constaté que cela leur posait des problèmes.

A mon avis, si on veut que ce travail soit bien fait, il faudrait peut-être que l’entreprise accepte de faire tout le travail et que la part devant revenir aux paysans soit ajoutée au prix de leur redevance eau. »

M. Julien Kamaté, chef Service Gestion de l’Eau à Molodo

« Bon, en fait l’idée est bonne parce qu’au moins si le paysan se sent vraiment concerné par ce réseau qu’il a lui-même construit, il devrait quand même pouvoir l’entretenir car il sait que c’est lui qui l’a fait. Il a sué justement pour pouvoir faire ce réseau là, donc il devrait pouvoir être en mesure… Ca devrait pouvoir le toucher quand il le voit en mauvais état. Par conséquent il devrait pouvoir l’entretenir. Mais quant tu obtiens les choses à l’œil, que tout est bien fait comme ça, qu’on vient t’installer comme dans l’ancien office, où justement on faisait l’aménagement clef en main… On amène le paysan et on lui confie la terre, c’est pas la même chose. En fait il ne voit pas l’importance de tout ça. C’est trop « cadeau » quoi. »

« Il faut trouver une manière. Ca veut dire soit l’équipement, qu’on peut effectivement donner aux paysans pour qu’ils puissent le faire, et avoir un suivi de ces travaux là. Parce que ce qui se passe, ce qu’on observe nous ici : y a les travaux de l’entreprise et les travaux des paysans. Et il y a également le contrôle qui est là. Ce qui se passe c’est qu’il y a un délai d’exécution des travaux pour l’entreprise. Généralement l’entreprise arrive à terminer alors que les travaux paysans ont démarré depuis peu. Donc à la fin du contrat de contrôle, lui est obligé de rentrer. Mais derrière, le suivi des travaux paysans, qui doit l’assumer ? Là cela pose un problème. »

M. Adama Diarra, chef casier Sud à Molodo

« Bon, à propos de ce que tu viens de dire, on a vu qu’il y avait des entrepreneurs qui embauchaient des villageois comme manœuvres. Ce sont des gens du village dont le réseau doit être entretenu. L’entreprise utilise ces gens comme manœuvre sur leur propre réseau, dans un souci de bien faire le travail puisque c’est pour eux. On a vu des cas comme ça. Et dans la plupart des cas ce travail est mieux fait que s’il était fait par des manœuvres venus d’ailleurs. »

Bien souvent à l’heure actuelle, ce sont les entreprises qui finissent les travaux en partie à la place des paysans, ce qui engendre des retards et des surcoûts. Par ailleurs l’entretien des parties aménagées par les paysans est d’autant plus difficile et coûteux par la suite. Pourtant lorsqu’une entreprise est chargée de l’exécution de l’ensemble des travaux, ceux- ci ne se déroulent pas non plus forcément de la meilleure façon, et de nombreux paysans se plaignent de la qualité réelle de ces aménagements.

M. Moussa Dembélé, chef d’arroseur à Socourani

«Les gens de l’entreprise ont ramassé la propre terre des parcelles pour faire les digues. C’est le banco des champs qui a servi à faire les digues ! Ils ont mis le bulldozer dans l’arroseur pour aplanir l’intérieur et le mettre à niveau avec les cotes données par les topographes. C’est comme ça que nos arroseurs ont été réhabilités. Il n’y a pas eu de creusement.

« Quand j’étais petit, il y avait déjà un régulateur dans l’arroseur mais il était là-bas. Et au moment de la réhabilitation ils n’en ont pas remis un, soit disant que ce n’était pas prévu. A l’hivernage suivant, quand on a eu des problèmes d’irrigation, on est parti voir le chef casier qui a vérifié les plans et a reconnu qu’en fait il devait y avoir un régulateur dans l’arroseur (drain). Il a donc fait venir un entrepreneur, M. Bouaré, et il lui a montré cet endroit pour qu’il construise le régulateur. Quand alors j’ai vu l’entrepreneur et son équipe de travail, je leur ai demandé des explications. J’ai dit que si jamais le régulateur est mis en place à cet endroit, alors les exploitants qui sont en aval pleureront de ne pas avoir d’eau. Ils m’ont répondu que c’était bien le lieu que le chef casier leur avait indiqué. Ils ont continué leur travail et ensuite l’histoire m’a donné raison. On est reparti voir le chef casier. Je lui ai dis qu’il fallait nous demander à nous exploitant où installer le régulateur, parce que le bic et le papier servent à travailler dans les bureaux, mais chez nous ici en brousse, ce sont les dabas, les pelles et les pioches qui servent pour le travail. »

Au travers de cette vidéo les acteurs locaux de la gestion de l’eau ont soulevé un certain nombre de questions :

Comment renforcer le contrôle et le suivi des travaux d’aménagement et de

réhabilitation ?

Quelle place doit trouver la participation paysanne dans la réalisation des nouveaux

aménagements ?

Comment motiver l’implication de paysans qui n’ont pas la sécurité de leur tenure

foncière ?

EXTRAITS DES REUNIONS DE PROJECTION

A Niono le 15-11-06 et à Kolongo le 16-11-06

Faléry Bolly, secrétaire général SEXAGON

« Ensuite c’est une question difficile que je pose à tout le monde et à moi-même. On fait des aménagements et deux ou trois ans après on a des difficultés d’irrigation et de drainage. Est-ce que la manière de faire ces travaux est la bonne ? C’est une chose importante à laquelle il faut réfléchir. Et pourtant il y a les gens du contrôle. Au moment où ils exécutent les travaux tu verras qu’il y a les paysans qui leur disent le plus souvent que la façon dont ils sont en train de faire le travail n’est pas la bonne. Ils ne considèrent pas les paroles des paysans alors que ces paysans connaissent ces travaux depuis de nombreuses années. Ce sont des gens qui n’ont pas la connaissance de ces travaux en tête mais dans le ventre, et si tu leur poses des questions même au réveil ils te répondront.»

Amadou Tiécoura Traoré, délégué suppléant des exploitants de l’Office du Niger.

« Mais si cela se déverse dans le drain et que le drain n’est pas curé jusqu’à sa limite, c'est-à-dire jusqu’à sa connexion avec les falas (drains collecteurs), l’eau ne sortira pas. Et dans ce cas ça va refouler dans les champs comme l’ont dit les gens de B5. Donc ce que j’ai à ajouter c’est que si vous aménagez ou réhabilitez des champs il faut nécessairement curer les drains jusqu’au niveau des falas là où ils se déversent en brousse. Si tu ne les cures pas jusqu’à ce niveau, l’eau sera refoulée et va revenir, et les milliards que tu auras investis seront inutiles deux ou trois ans après. »