• Aucun résultat trouvé

problématique de la recherche et contextualisation théorique

1) Par où entrer et comment observer l’objet « Mai 68 » ?

Il est toujours facile de se fixer un cahier des charges en début de thèse : je voulais en l’occurrence travailler sur Mai 68 à partir d’un matériau empirique solide et de « première main », ne se limitant ni aux « leaders », ni aux étudiants, ni aux parisiens – l’idée étant de faire parler des anonymes – et construit de manière à pouvoir être contrôlé et situé socialement et politiquement. Trouver un terrain et construire un corpus répondant à cet objectif ambitieux fut autrement plus difficile et souleva de multiples problèmes empiriques : comment (re)trouver des acteurs qui ne se sont jamais exprimé sur Mai 68 dans l’arène publique, mais qui y ont néanmoins participé ? En l’absence de Who’s who ou d’annuaire des « anciens soixante-huitards », par quelle(s) voie(s) pouvais-je entrer sur le terrain ? Quelle définition devais-je donner au fait d’avoir « participé » à Mai 68 ? Etc. Un seul aspect était indispensable depuis les prémisses de cette recherche : je voulais travailler sur des familles afin de pouvoir aborder la question de la transmission familiale et des incidences de Mai 68 sur la « deuxième génération ».

a) Une entrée organisationnelle ?

J’ai tout d’abord pensé me limiter à une catégorie d’acteurs politiques des événements de Mai 68 : militants de l’UNEF, de la JCR ou du « Mouvement du 22 mars » et retrouver leurs traces par les archives de ces organisations. Mais faire le choix d’une entrée organisationnelle c’était passer à côté de tous les « inorganisés » alors qu’ils formaient à l’époque la majorité des participants283 aux événements de Mai-Juin 68. C’était donc passer à côté de la pluralité des registres de participation aux événements, et ne pas se donner les moyens de la comparaison des incidences biographiques de la participation à Mai 68 selon les modalités de participation. Désirant aborder la question des conditions sociales de la transmission de dispositions à l’engagement, j’ai envisagé dans un deuxième temps d’entrer sur le terrain par la « deuxième génération ». L’idée consistait à partir d’un échantillon d’« enfants de soixante-huitards », militant au moment de l’enquête dans une organisation ou une association politique – comme

283

le syndicat Sud, l’association Attac, la LCR ou encore l’organisation Vamos !284 – et de remonter à leurs parents « soixante-huitards ». Si cette option de recherche permettait d’accéder à une plus grande diversité des registres d’engagements des parents en Mai 68, elle sacrifiait l’ensemble des familles dans lesquelles aucun des enfants n’a pris le chemin du militantisme (ainsi que celles dans lesquelles les enfants ont eu des expériences militantes avant de se désengager). Or il s’agit, là aussi, je le pressentais et ai pu le confirmer ensuite, de la majorité des familles. De plus, ce choix ne permettait pas d’analyser les rôles respectifs de l’institution familiale et des autres facteurs entrant en jeu dans la transmission des dispositions au militantisme.

b) Déplacer la focale : accéder à la « deuxième génération » par l’école

C’est en reformulant l’objet en termes générationnels – plutôt qu’en termes de transmission de mémoires familiales de Mai 68 – que l’idée et l’opportunité d’entrer sur le terrain par le biais d’écoles primaires se sont présentées. En effet, plusieurs ex-« soixante-huitards » rencontrés dans la phase exploratoire de la recherche, m’ont fait part de l’existence d’une école primaire expérimentale dans le 20ème arrondissement de Paris, où, selon leurs dires, « des générations d’enfants de soixante-huitards » ont été scolarisés. L’école Vitruve existant toujours, je m’y suis rendue afin d’évaluer l’intérêt qu’elle pouvait constituer pour l’enquête. La rencontre de Jo285 qui y enseigne depuis 1976, fut décisive. Les entretiens répétés et approfondis avec cet ex-« soixante-huitard » exprimant ses dispositions contestataires dans le champ de l’école ont confirmé l’intérêt de cette institution scolaire singulière ainsi que la spécificité de son recrutement dans les années 1970 et 1980 : « Y’avait les enfants du quartier et les dérogataires, principalement des enfants de soixante-huitards »286.

Accéder aux registres d’anciens élèves de l’école Vitruve afin de constituer de manière méthodique un corpus d’enquêtés n’a pas été chose simple. Après avoir fait part de ma demande auprès de l’équipe d’instituteurs – fonctionnant de manière collégiale287 – et après avoir obtenu leur accord, ces registres se sont avérés être entreposés au collège Henri Matisse288. Malgré l’accord des instituteurs de Vitruve, les nouveaux interlocuteurs m’ont tout

284 Vive l’Action pour une Mondialisation Solidaire ! 285

La trajectoire de Jo est analysée dans le chapitre 6, partie B.2.a.

286 Extrait du premier entretien réalisé avec Jo, à l’école Vitruve, le 08/06/04. 287 Nous montrerons que c’est là une des incidences de Mai 68 sur cette institution.

288 Dans les locaux initiaux de l’école Vitruve, avant qu’elle ne déménage en 1992 dans le passage Jeaussaume où elle est actuellement localisée.

d’abord refusé l’accès aux registres, affirmant que cela était strictement interdit et allait contre le principe du respect de l’anonymat. Face à cette fin de non-retour de la part de la proviseure adjointe, les lettres de recommandation de mon directeur tout comme celles de mon laboratoire d’accueil avec cachet de l’École Normale Supérieure ne suffirent pas à débloquer la situation. C’est quasiment en forçant la porte du proviseur – je suis entrée dans son bureau à un moment où la proviseure adjointe, qui m’en refusait l’accès, était absente – que je pus obtenir son accord. Et pour dire à quoi tiennent parfois l’accès (ou la fermeture) au terrain : c’est en lançant une discussion sur les études universitaires et la difficulté de réaliser une thèse qu’il m’a confié avoir dû arrêter ses études d’histoire (après la maîtrise) pour travailler alors qu’il aurait aimé continuer dans la recherche. Il m’a finalement raconté sa trajectoire pendant plusieurs heures, pour me demander vers la fin de notre entrevue si je cherchais à publier ma thèse : il avait, en effet, monté une petite maison d’édition de travaux universitaires et se proposait de publier ma thèse ! J’ai pu, ce jour là, photocopier l’ensemble des registres d’anciens élèves – sur la période 1972-1985289 – à partir desquels une grande partie du corpus de familles enquêtées a été construit.

Afin d’éviter l’écueil du tropisme parisien, et afin d’élargir le spectre – social et géographique – des familles étudiées, j’ai ensuite décidé d’étendre l’enquête à une école comparable en province. Il fallait trouver pour ce faire une école primaire, publique, proposant un enseignement expérimental, susceptible de recruter des enfants de « soixante-huitards » dans les années 1970 et 1980 et existant encore à ce jour… Les réseaux de l’ICEM (Institut Coopératif de l’École Moderne) qui recensent les écoles primaires dans lesquelles des instituteurs pratiquent la pédagogie de Célestin Freinet ont facilité cette recherche. Très peu d’écoles correspondaient aux critères retenus (totalité de l’équipe enseignante pratiquant les méthodes Freinet ; institution existant depuis le début des années 1970) et pour en choisir une, j’ai testé un hypothétique lien entre Vitruve et l’une d’entre elles en soumettant aux instituteurs de Vitruve les noms de ces écoles. C’est ainsi qu’Aline m’a expliqué connaître l’une d’entre elles :

« On n’est pas encartés chez Freinet ici (elle rit), mais bon, on est proches…Après, les instituteurs des écoles, on les connaît pas forcément, mais là, vraiment par hasard…comme je travaille sur un projet d’échange avec le Sénégal, avec les gens du secteur international de

289

l’ICEM, je me suis retrouvée avoir entendu parler de l’école Ange-Guépin, et être allée à

Rufisque, au Sénégal, dans l’école avec laquelle ils correspondent »290.

L’école « ouverte » d’Ange-Guépin, affiliée aux réseaux de l’ICEM et fondée en 1973 dans un quartier ouvrier de Nantes est ainsi devenue le terrain secondaire de l’enquête. Après avoir vérifié, lors d’un premier terrain exploratoire, que cette école pouvait être comparée291 à l’école Vitruve, l’accès aux registres d’anciens élèves pour la même période n’a posé aucun problème.

c) Un corpus spécifique et contrôlable

Si le choix de cette entrée sur le terrain extrêmement spécifique et singulière relève en partie du « hasard des rencontres », du tâtonnement empirique et des opportunités de terrain – autant de facteurs essentiels de la construction de l’objet de recherche292 et du métier de sociologue – il se justifie également par rapport à l’originalité des matériaux auxquels il donne accès. Faire le choix de ces écoles était tout d’abord un moyen de contourner les inévitables porte-parole autoproclamés des événements de Mai 68, d’accéder à des « anonymes » et à une population hétérogène de « soixante-huitards »293. Cela permettait ensuite de ne pas faire reposer l’enquête sur des échantillons préexistants et mal contrôlés comme celui de l’enquête menée par H. Hamon et P. Rotman294 ou tout autre échantillon d’acteurs qui se seraient autoproclamés ou auraient été labellisés « soixante-huitards » : il aurait été périlleux de chercher à déconstruire la catégorie de « soixante-huitards » si la construction même de l’échantillon reposait sur une forme historiquement construite de la catégorie295.

290 Extrait du carnet de terrain, suite à une discussion informelle avec Aline le 15/06/04. Deux entretiens ont par la suite été menés avec elle et sa trajectoire antérieure à Mai 68 est analysée dans le premier chapitre.

291

A postériori, la comparabilité de ces deux terrains n’est pas si évidente et soulève diverses difficultés méthodologiques qui seront exposées dans le chapitre préliminaire.

292 Beaud S., Weber F., Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, « Repères », 1998 [1997], p. 23-58. 293 En effet, toute entrée « par Mai 68 » aurait été plus restrictive sur le plan du type de militantisme en Mai 68, de l’âge, du lieu de participation ou encore du statut (d’étudiant vs de salarié) en 1968.

294 Nous avons pensé un temps reprendre l’échantillon des enquêtés d’Hamon et Rotman dans « Génération » et l’étendre à leurs conjoints et leurs enfants mais il nous a semblé que l’intérêt d’un tel corpus aurait été bien moindre et que les conditions d’enquête auraient été bien plus difficiles, la plupart d’entre eux ayant déjà parlé publiquement et/ou écrit sur Mai 68 et leurs biographies. Si j’ai pu être tentée par cette entrée à priori plus « évidente » sur le terrain, je remercie à posteriori Gérard Mauger de m’en avoir dissuadée, ayant fait l’expérience d’entretiens difficiles à mener avec certains de ces « leaders de Mai 68 » (J’ai ainsi recueilli dans le cadre d’un séminaire d’Histoire orale de l’Ecole Nationale des Chartes et de l’EHESS intitulé « Mai 68 et les intellectuels vs l’histoire orale », les récits de vie d’Alain Geismar et d’Alain Krivine)

295 Cela reviendrait en effet à ne pas prendre en compte les effets de contrainte des catégories sur les individus classifiés. De nombreux enquêtés m’ont ainsi expliqué dans un premier temps qu’ils ne rentraient pas vraiment dans l’enquête dans la mesure où ils n’étaient pas des cas « typiques de soixante-huitards », alors même qu’ils avaient participé aux événements. Sur les effets de labellisation et la construction historique des catégories, on

Par ailleurs, l’entrée par ces écoles expérimentales est un moyen de spécifier le corpus enquêté : l’enquête ne porte plus sur « les soixante-huitards » mais sur une population de « soixante-huitards » caractérisée par des stratégies éducatives singulières296. On pourrait nous reprocher d’avoir enquêté une population trop peu « représentative », mais cette entrée singulière sur le terrain présente l’avantage de définir un corpus situable et contrôlable sociologiquement, condition nécessaire à toute généralisation des hypothèses et résultats. Le corpus construit est ainsi scientifiquement solide, cohérent, et n’est ni ego-centré, ni parisiano-centré, ni fondé sur des figures publicisées des événements, ce qui permet à cette enquête d’apporter des éléments inédits et contrôlés à un travail scientifique sur Mai 68. Après avoir justifié ce terrain « en creux », en avançant ce qu’il permettait d’éviter, il me semble essentiel d’insister sur des justifications théoriques, liées à la problématique des incidences biographiques du militantisme. En effet, entrer sur le terrain par la « deuxième génération » et par des institutions dont l’existence même doit beaucoup à la crise politique de Mai 68297 était un moyen de sélectionner des enquêtés ayant investi leur humeur anti-institutionnelle298 dans leurs pratiques éducatives, au cours des années 1970 et 1980. Ce choix de scolarisation représente en effet un acte particulier – supposant des dispositions spécifiques – qui représente un indicateur potentiel de la consistance des préférences politiques des enquêtés. Partant donc de l’hypothèse299 d’un lien entre leur participation aux événements de Mai 68 et le fait de scolariser leurs enfants dans ces écoles expérimentales, je sélectionnais d’anciens militants caractérisés par des effets biographiques « significatifs » du militantisme en Mai 68. Autrement dit, une forme (supposée) d’incidence de Mai 68 devenait mon entrée sur le terrain.

Enfin, pour travailler sur les effets de politisation engendrés par la transmission d’« héritages de Mai 68 », le terrain de l’école, cible privilégiée de la critique généralisée des rapports

lira avec intérêt l’introduction de la thèse de Bastien Bosa intitulée « De la « construction sociale de la réalité » à la « réalité des constructions sociales » », dans Bosa B., Trajectoires aborigènes et logiques d'État: ethnographie socio-historique des relations raciales dans le Sud Est australien, thèse de doctorat sous la direction de Alban Bensa, EHESS, 2006.

296

Cette entrée par la « deuxième génération » explique l’absence d’homosexuels et l’absence de « soixante-huitards » n’ayant pas eu d’enfants dans le corpus.

297 C’est ce que nous montrons dans le chapitre préliminaire par une socio-histoire des deux écoles enquêtées. 298 Humeur caractéristique des événements de Mai 68 selon Pierre Bourdieu : cf. Homo Academicus, op. cit., p. 207-250.

299 Si cette hypothèse est largement confirmée sur le terrain vitruvien, la réalité s’est avérée bien différente sur le terrain nantais (cf. chapitre préliminaire). Mais cela a finalement permis d’accéder à une population de soixante-huitards plus hétérogène et de recueillir, entre autres, des matériaux sur le « mai ouvrier » que nous n’avions pas anticipés.

sociaux de domination300 pour les uns, « arme politique »301 de transformation sociale susceptible de former de futurs acteurs du changement social pour d’autres, n’est pas anodin. Annick Percheron discerne ainsi trois registres d’intervention de l’école dans le processus de socialisation politique302 dans lesquels les écoles enquêtées se différencient des autres écoles, pour partie « à cause » de Mai 68. Ce terrain permet donc d’aborder le problème « peu traité, de l’articulation entre la famille et l’école dans la structuration des orientations politiques »303.

d) En quête d’enquêtés…Constitution du corpus et recueil des matériaux.

Accéder aux registres d’anciens élèves m’a semblé être sur le moment une grande victoire : ce n’était qu’un début. En effet, l’objectif était de retrouver l’ensemble des familles mentionnées dans ces registres pour sélectionner celles dans lesquelles l’un des parents – au moins – avait participé aux événements de Mai 68, afin d’envoyer des questionnaires304 (cf. Annexe A) aux anciens « soixante-huitards » et à leurs enfants (anciens élèves de ces écoles). J’aurais pu consacrer un prologue à la quête des enquêtés305, plus de trente ans après, à travers la France entière : en effet, retrouver la trace de personnes pour lesquelles je disposais des noms et prénoms ainsi que l’adresse postale de l’époque, a pris les formes d’un un réel travail de détective. Différents outils ont été utilisés pour retrouver anciens élèves et parents d’élèves : le bouche-à-oreille, l’annuaire de l’association des amis de l’école Vitruve (l’AMEV), les annuaires privés d’anciens instituteurs restés en contact avec des familles ont été précieux, mais rien n’a pu remplacer le recours – fastidieux et chronophage – aux pages blanches306. J’ai passé, sur une période de deux années (2004-2006), plus de trois mille appels téléphoniques, ne sachant jamais si j’allais joindre les personnes recherchées ou des homonymes, si j’allais les trouver à leur domicile aux heures où moi je travaillais, si celles-ci allaient penser que je voulais leur vendre une nième cuisine intégrée ou un nouveau forfait

300 Du fait de son rôle de socialisation des enfants, via la relation éducative, aux rapports sociaux d’autorité. 301 Tournier V., « École publique, école privée… », art. cit., p. 560.

302

Que sont le contenu de l’enseignement, l’initiation à certaines formes de participation et l’apprentissage de certains types de relations sociales : Percheron A., « La socialisation politique. Défense…», art. cit., p. 215. 303 Tournier V., « École publique, école privée… », art. cit, p. 563.

304 L’élaboration des deux questionnaires (l’un destiné aux « parents, ex-soixante-huitards, l’autre destiné à leurs enfants) s’est faite tout au long de la première année de thèse. Cf. partie D.2. ci-dessous.

305 Comme l’a fait Doug McAdam: cf. “In Search of the Volunteers” dans McAdam D., Freedom Summer, Oxford University Press, New York, 1988, pp. 3-10.

306 J’ai utilisé dans un premier temps l’annuaire téléphonique en ligne, pour vite m’apercevoir de la principale limite de cet outil pour le type de requête qui me concernait : les recherches y sont effectuées par région et non pas sur la France entière, ce qui multipliait par 22 le temps nécessaire à l’obtention des numéros recherchés. Un

téléphonique, etc307. On peut parler pour cette phase de l’enquête d’un véritable entêtement pour joindre les personnes recherchées308, voire dans certains cas des apparentés qui seraient en mesure de communiquer leurs coordonnées, d’autant que de nombreuses filles ne portaient plus, au moment de l’enquête, leur nom de jeune fille et qu’un très grand nombre de mères d’élèves avaient repris leur nom de jeune fille après avoir divorcé309 ! Sur ce dernier point, les registres d’anciens élèves de l’école Vitruve se sont avérés bien plus féconds dans la mesure où les noms de jeune fille des mères y sont renseignés, tandis que dans ceux de l’école Ange-Guépin, un seul nom figure pour les parents, et les prénoms ne sont pas toujours consignés. Cette différence de « qualité » des registres a ainsi influencé le taux de familles retrouvées et a participé de ce fait au déséquilibre entre les deux terrains310.

Le premier contact avec l’ensemble des futurs enquêtés a donc été téléphonique : après m’être assurée que je parlais bien à la personne recherchée, je devais évaluer si celle-ci rentrait dans le cadre des familles « ciblées ». Pour ce faire, j’ai questionné les intéressés sur leur éventuelle participation aux événements de Mai 68 – dans le cas des parents d’élèves – ou sur celle de leurs parents. Afin de sélectionner des acteurs ayant participé à divers degrés aux événements de 68, du simple manifestant aux plus engagés, j’ai opté pour une acception très large311 de la notion de participation aux événements de 68. Cela permettait en effet de ne pas imposer a priori une définition arbitraire du « soixante-huitard », de ne pas exclure en début

autre site internet m’a finalement permis d’effectuer ces recherches sur l’ensemble du territoire français, mais le nombre de requêtes journalières étant limité, cela a posé d’autres types de problèmes…

307

J’ai assez vite compris que pour être écoutée plus de dix secondes, les premiers mots prononcés étaient cruciaux et que parler d’« anciens élèves » et d’« école » avait un rendement autrement plus important que parler d’enquête sociologique ! La pratique et les expériences désagréables et répétées d’appels de personnes non concernées (quand on recherche une « Marie Durand », on se retrouve facilement avec 8 à 10 appels à faire pour trouver la « bonne »), de refus ou d’impairs – dont le plus éprouvant a sûrement été d’expliquer à une personne que l’on cherche à joindre Mr ou Mme X et d’apprendre que celui-ci est décédé, voire s’est suicidé – m’ont enseigné qu’il valait mieux s’abstenir de passer ce genre de coups de téléphone à la chaîne les jours où l’on ne se sentait pas « d’attaque » et que cet aspect de l’enquête pouvait avoir un côté extrêmement éprouvant.

308

Je demandais au premier membre de la famille retrouvé de me communiquer les coordonnées des autres et

Outline

Documents relatifs