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Sociogenèse des dispositions au militantisme en Mai 68 :

2) L’analyse factorielle : un moyen de révéler des sous-populations relativement homogènes du corpus

Sur le plan factoriel résultant de cette analyse statistique (cf. schéma 1 ci-dessous) sont projetés les mots19 utilisés par les enquêtés pour qualifier les personnes ayant été importantes dans la formation de leurs goûts politiques. Comment lire cette analyse factorielle ? Examinons le schéma ci-joint.

Pour saisir la signification du positionnement des différents agents de politisation dans tel ou tel secteur du plan factoriel, il faut comprendre dans un premier temps comment sont constitués les deux axes qui structurent le plan factoriel.

Le premier axe (12.9%20) est structuré par des variables relatives à la socialisation familiale21. Il oppose ainsi les futurs soixante-huitards issus de familles marquées par des traditions politiques, dont les parents ont participé à la Résistance et se situent politiquement à gauche (cadran ouest du plan factoriel) aux futurs soixante-huitards qui déclarent leurs parents « ni de gauche ni de droite », qui n’ont pas connaissance de tradition politique familiale, et dont les parents sont davantage pratiquants (à l’est du plan).

Le deuxième axe (10.2%) différencie les acteurs par leur « capital militant »22 : on trouve ainsi dans le cadran nord les enquêtés ayant déjà milité avant 1968, les plus actifs en Mai 68 et ceux qui se pensaient « révolutionnaire » à cette époque, tandis que le cadran sud regroupe ceux qui n’ont pas eu d’activité militante avant 68 et qui déclarent une participation moins active et dans un registre moins radical.

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Nous avons procédé ici à un recodage des réponses ouvertes afin de limiter le nombre de mots (et notamment les « mon », « ma », « le ») et éviter les non sens en regroupant les réponses équivalentes (par exemple : M. Rocard, Michel Rocard, Rocard ont été recodées « Rocard »).

20 Ce pourcentage correspond à la contribution du premier axe à l’inertie totale du nuage de points. Si cela peut paraître peu à première vue, ces chiffres ne prennent sens que relativement au nombre de modalités actives. Or ici, le nombre de modalités actives retenues dans l’analyse factorielle est élevé, si bien que le pourcentage cumulé des deux premiers axes est largement satisfaisant. Pour le détail des contributions des dix premiers axes à ainsi que les coordonnées des modalités actives et valeurs-tests, cf. Annexe B.3.

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L’orientation politique et religieuse des parents, ainsi que l’existence (ou non) d’une tradition politique familiale figurent en effet parmi les cinq premières variables qui contribuent le plus à l’axe des abscisses. 22 Défini par Frédérique Matonti et Franck Poupeau comme « les savoirs et les savoir-faire incorporés au fil des expériences politiques » in « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°155, 2004, p. 4-11.

Si les mots utilisés par les enquêtés sont difficilement interprétables individuellement (par leurs simples coordonnées), ils prennent sens les uns par rapport aux autres, par la distance qui les séparent sur le plan factoriel et par la proximité qu’ils ont avec les différentes modalités des variables actives1. Par ailleurs, si nous nous permettons ici, à partir d’une question portant sur la formation politique deles enquêtés, d’inférer des schèmes de sociogenèse de dispositions au militantisme en Mai 68, c’est uniquement quand les hypothèses tirées des analyses statistiques ont pu être confirmées et étayées par le matériau qualitatif.

Quatre principales sous-populations d’enquêtés se distinguent sur le plan factoriel, cerclées par nos soins de différentes couleurs. Envisageons brièvement ces quatre groupes qui seront analysés en détail dans la suite du chapitre.

Un premier ensemble se situe à l’ouest du plan, légèrement au-dessus de l’axe des abscisses, et regroupe les enquêtés dont la conscience politique se structure dans la sphère familiale selon le schème de la transmission familiale de dispositions à un engagement de

gauche. En effet, on y trouve des enquêtés dont les parents se situent à gauche sur l’échiquier

politique, non pratiquants, et qui ont pour certains participé à la Résistance. Ces enquêtés héritent ainsi d’une tradition politique familiale qui leur est transmise par leurs parents ou leurs grands-parents, figures les plus fréquemment citées par ce groupe (cf. présence des mots « père », « grands-parents », « mère »). Nous distinguerons par la suite les enfants de familles juives communistes des autres enfants de militants, dans la mesure où l’histoire familiale des premiers joue un rôle central dans la transmission des dispositions à l’engagement.

A l’opposé, on trouve à l’est du plan factoriel les enquêtés qui n’héritent pas d’une tradition politique familiale (ils situent leurs parents « plutôt à droite » ou « ni à gauche ni à droite ») mais qui reçoivent une socialisation religieuse (principalement catholique). Ceux-là ne se réfèrent pas comme les premiers à leurs parents ou grands-parents mais au « curé », à leur « environnement », à leurs conjoints (cf. les mots « épouse » et « mari » dans le cadran sud-est), ou à des hommes politiques (F. Mitterrand, C. De Gaulle, M. Rocard). Pour ces derniers, ce sont des organisations religieuses (telle la JAC2 par exemple : cf. le mot

1 Ainsi, un ensemble de termes qui sont proches sur le plan factoriel ont été utilisés par des enquêtés qui se ressemblent sociologiquement : par exemple, les enquêtés dont les parents sont pratiquants, et qui n’héritent pas d’une tradition politique familiale (à l’est du plan factoriel, le long de l’axe des abscisses) évoquent plus fréquemment que les autres Rocard M., Mendès-France P. ou encore leur curé comme ayant joué un rôle dans la formation de leurs idées politiques.

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« militant-JAC » à l’extrême est du schéma) et syndicales (notamment la CFDT) qui joueront le rôle de politisation joué par la famille chez les premiers. Ce schème de la politisation

d’engagements religieux sera développé dans la troisième partie du chapitre. Nous

distinguerons alors la politisation d’engagements religieux d’acteurs issus des classes populaires de celle d’acteurs issus des classes supérieures et tenterons d’apporter les clefs de compréhension de ces conversions d’engagements religieux en engagements politiques à partir de l’analyse comparée de plusieurs trajectoires idéales-typiques.

Un troisième ensemble se situant au nord est du schéma regroupe des acteurs ayant milité avant 1968, majoritairement issus de familles populaires, qui font référence à des intellectuels engagés (J.P. Sartre, L. Althusser), des leaders militants (A. Krivine, R. Linhart) ou des figures tutélaires (F. Engels et K. Marx) dans la formation de leurs choix politiques. Nous montrerons que ces acteurs sont bien souvent les premiers de leur famille à obtenir le baccalauréat, ce qui fait d’eux des intellectuels de première génération, dont la politisation est intrinsèquement liée à la mobilité sociale ascendante et la position de porte-à-faux qu’elle entraîne vis-à-vis de leur classe d’origine. Trois sous-profils seront distingués selon l’âge (et donc le moment où ils accèdent aux études supérieures) et le type de militantisme investi (Extrême gauche, PCF, et syndicalisme étudiant), à partir des trajectoires de Jean, Jeanne et Aline.

Enfin, le cadran sud-ouest du plan factoriel regroupe une sous-population plus féminine, plus jeune, constituée d’enquêtés n’ayant pas eu d’expériences militantes avant 1968. Ici, ce sont principalement les pairs (cf. les mots « amie » et « amis ») et le contact du milieu étudiant (« Vincennes ») qui vont jouer un rôle central dans la prise de conscience politique. On retrouve pour cette population l’influence des pairs que décrivent R. et M. Braungart dans le processus de constitution de générations politiques3.

Le schème des incohérences statutaires4 caractérise les enquêtés qui vivent des situations de décalage entre leur condition (étudiante, féminine) et la manière dont ils continuent d’être (dé)considérés. L’exemple central est ici celui des femmes qui éprouvent un désajustement de

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Ces derniers écrivent en effet : « Il y a donc un lien très serré entre le contexte culturel et les générations politiques. Le nombre important des jeunes, la marginalisation et l’isolation de ces derniers, ont tendance à produire une culture vigoureuse propre à la jeunesse, où ce sont les pairs du même âge, plutôt que des adultes, qui exercent la plus grande influence en termes de socialisation » dans Braungart R., Braungart M., « Les générations politiques », in Générations et politique, op. cit., p. 29.

4Ce terme est repris des travaux de Chamboredon J.C. sur la jeunesse : « Adolescence et post-adolescence : la juvénisation », dans Alléon A.M, Morvan O., Lebovici S. (dir.) Adolescence terminée, adolescence interminable, Paris, PUF, 1985.

plus en plus intenable entre les évolutions objectives de leur condition (accès aux études supérieure, à l’indépendance économique via le marché du travail et à l’indépendance sexuelle) et l’inertie des représentations.

Si l’approche factorielle ne permet pas d’entrer dans une compréhension fine des processus qui nous intéressent, elle a le mérite de rendre compte de manière statistique et visuelle de l’hétérogénéité socio-politique des participants aux événements de Mai 68. Elle permet entre autre de remettre en question, après d’autres, toute explication réductrice des déterminants de l’engagement en Mai 68 pour réhabiliter par l’enquête empirique une réalité sociologique plus complexe que les diverses interprétations des événements ont pu laisser entrevoir5. Elle permet par ailleurs de déconstruire la catégorie de « soixante-huitard » qui rassemble des populations aux caractéristiques sociologiques fort différentes, convergeant en « Mai 68 » pour des raisons passablement divergentes. Cependant, elle n’aurait de sens sans l’approche complémentaire des entretiens biographiques pour analyser et comprendre les processus ayant prédisposé ces acteurs à refuser l’ordre social dans lequel ils évoluaient. L’analyse qualitative permet en effet de contextualiser les observations statistiques en rendant compte de l’épaisseur temporelle et dynamique des processus à l’œuvre chezles enquêtés, insaisissables par les seules statistiques.

B - Le schème de la transmission familiale de dispositions à

l’engagement

La famille est l’instance de socialisation politique principale de nombre deles enquêtés. Il est impossible de donner ici un pourcentage de ceux concernés par ce premier schème dans la mesure où les différents schèmes que nous allons présenter ne sont pas exclusifs les uns des autres. Nous pouvons néanmoins rappeler que plus de la moitié deles enquêtés situent leurs parents à gauche, que 43% répondent positivement à l’existence d’une tradition politique dans leur famille et enfin qu’un tiers d’entre eux ont un parent (au moins) qui a participé à la Résistance.

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Diriez-vous que votre père est (ou était) Diriez-vous que votre mère est (ou était)

Effectif %/Total Effectif %/Total

Plutôt de gauche 91 51 95 53

Plutôt de droite 60 34 49 27

Ni de gauche ni

de droite 28 15 33 18

Total 179 100 177 98

Il ne suffit pas d’avoir des parents de gauche pour hériter de dispositions à l’engagement, mais 26% des enquêtés citent un de leurs parents ou grands-parents au premier rang des personnes ayant été importantes dans la formation de leurs goûts politiques. Ces chiffres permettent de souligner l’aspect réducteur des interprétations psychanalytiques de Mai 68 comme rébellion de jeunes contre leurs parents6. Ils vont davantage dans le sens de ce que décrivent Richard et Margaret Braungart à propos des militants des années 1960 aux Etats-Unis : « Bien que certains jeunes radicaux aient critiqué l’inactivité politique de leurs parents, la plupart d’entre eux véhiculaient des valeurs et des croyances qui leur avaient, pour l’essentiel, été transmises dans leur foyer »7.

Les futurs militants qui héritent de dispositions à l’engagement de leurs parents se caractérisent par une politisation extrêmement précoce : on les retrouve dès le collège ou au tout début du lycée au sein des Jeunesses communistes (JC), de l’UEC (Union des Etudiants Communistes) ou des comités anti-fascistes. Ils partagent pour la plupart une histoire familiale « problématique » par rapport à la 2de Guerre Mondiale, qu’ils aient pour certains des origines juives et des proches déportés, ou qu’ils aient eu des parents résistants et/ou communistes. L’histoire familiale et le sentiment d’appartenance à des minorités persécutées participent ici de la politisation précoce de ces militants.

Pour appréhender les vecteurs de la transmission de dispositions à l’engagement et comprendre les processus de structuration d’une conscience politique de gauche, nous allons revenir ici sur les trajectoires de Simon qui hérite d’une mémoire familiale « juive communiste » et celle de Louis, fils de cheminot communiste. La séparation opérée entre les enfants de militants issus de familles juives et les autres enfants de militants n’a aucunement pour objectif d’enfermer les premiers dans des « identités culturelles »8 ou « raciales ». Par

6 Cf. entre autre André S., L’univers contestationnaire, Paris, Payot, 1969. 7 Braungart R., Braungart M., « Les générations… », art. cit., p. 20.

8 Pour une critique du concept d’identité, cf. Martina A., Laferté G., « Dépasser la « construction des identités » ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses, 61, 4, 2005, pp. 135-152.

contre, au vu de leur surreprésentation dans le corpus, il s’agit de comprendre comment certains peuvent revendiquer cette appartenance comme une motivation à l’engagement ou comment d’autres ont pu être stigmatisés et subir ces catégorisations lors d’expériences d’humiliations, ces deux aspects se confondant pour partie « dans la mesure où l’auto-définition renvoie souvent à ce qui a été une hétéro-l’auto-définition subie. »9

1) Simon : l’héritage d’une mémoire familiale « juive et communiste »

Simon est né en 1942 en Auvergne, d’un père juif d’origine ukrainienne et d’une mère athée, communiste. Son père, issu d’une lignée de rabbins, grandit en Pologne puis en Allemagne avant d’arriver en France en 1925: il sera le seul de sa famille à y rester définitivement, renié par ses parents pour avoir épousé une goy et refusé d’investir le rabbinat. Sa mère, fille d’un notable de Volvic (qui décède alors qu’elle est enfant), fait des études d’architecture, milite au parti communiste et participe à l’association des écrivains artistes révolutionnaires (AEAR). En 1942, ses parents partent se réfugier en Auvergne dans la maison de sa grand-mère maternelle, athée, radicale, et féministe, qui cachera de nombreuses familles juives. Simon naît en 1942, ses deux parents et sa grand-mère participant alors activement à la Résistance :

« Mon père, ma mère, et toute la famille d’ailleurs, ont participé à la Résistance à Riors ; d’ailleurs, c’est fou ces trucs de collabos, parce que la maison familiale à Riors était dans la grande avenue, et elle était remplie du haut en bas, et les familles habitaient dans des pièces ; mes parents habitaient un bout tout en haut, et puis y’avait pleins de juifs d’Europe centrale ; et ils ont accueilli pas mal de gens du Parti Communiste qui passaient, dont des dirigeants importants, y’avait des armes, j’ai encore un revolver… Et les voisins de gauche et de droite

étaient des gens de Riors normaux… Mais y’a eu aucune dénonciation, personne n’a été pris. »10

Il insiste sur le rôle central des femmes dans sa famille : son père tombe malade très jeune et ne peut plus travailler si bien que sa mère est obligée d’assurer la subsistance de la famille. Après avoir été institutrice pendant la guerre, elle devient professeur de dessin industriel (le diplôme d’architecte ne donnant pas accès au métier d’architecte pour les femmes à cette époque). Ils vivent de 1945 à 1949 dans des ateliers d’artistes dans le quartier d’Alésia à Paris, avec d’autres familles juives communistes. C’est sa mère qui lui apprend à lire, si bien que Simon passe le plus clair de son temps auprès d’elle ou de sa grand-mère chez laquelle il

9 Dauvin P., Siméant J., Le travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au terrain, Presses de la FNSP, Paris, 2002, p. 29.

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passe toutes les vacances jusqu’à l’âge de treize ans. Sa socialisation politique est ainsi marquée très jeune par ces femmes communistes et féministes. À partir de 1949, ils emménagent à Gentilly où Simon grandit dans un milieu communiste fortement politisé :

« À Gentilly y’avait l’école du bas où j’étais et l’école du haut qui était l’école des riches… Je

me souviens une discussion à la cantine, avec un fils de flic au moment des grandes manifs ouvrières à l’époque, avec la SNECMA qui était à côté, y’avait eu dans nos rues des barricades, des manifs extrêmement violentes, des mouvements ouvriers, je devais avoir huit ans…Et nos discussions c’était : qui c’est le plus fort ? Lui bien sûr c’étaient les flics, l’armée, ils ont des armes, etc, et moi j’ai dit : oui, mais y’a la Chine ! Je me souviens de ça comme si c’était hier : après avoir mis tout le monde dans la balance, j’étais à court d’arguments, y’avait les soviétiques, tout le monde quoi, pour l’écraser, et je me souviens avoir remporté le morceau, dans mon esprit au moins, d’avoir trouvé le bon argument : avec les chinois, là, il était battu ! Donc c’est vrai que dans la famille, la politique ça a été tout le temps, tout le temps… »

Dès la classe de 6ème, Simon se rappelle avoir rejoint un « groupe juif » qu’un de ses amis avait constitué après avoir subi des injures antisémites, mais il affirme avoir davantage souffert de l’anticommunisme que de l’antisémitisme, notamment à partir du moment où il quitte Gentilly pour aller au lycée Louis Le Grand :

« En 1956, j’étais à Louis le Grand : c’était les quêtes pour aider les pauvres hongrois, y’avait eu le saccage du siège de l’Huma ; moi j’étais vraiment le pestiféré complet, enfin je me vivais comme ça, c’était violent, on était deux ou trois de familles communistes à résister mais on se sentait vraiment encerclé, de tous les côtés, ça avait été un choc ! (…) Enfin, l’idée qu’une troisième guerre mondiale allait venir, c’était très important et présent très très tôt, plus toutes les horreurs de la Guerre d’Algérie. Ma mère disait toujours : si ça va mal on ira en Israël, c’était toujours cette peur…Alors qu’en fait, je pense que j’ai eu des réactions plus violentes anticommunistes qu’antisémites: à Gentilly, c’était vraiment le bastion [communiste], y’avait toute la famille plus l’environnement, mais dès que j’allais au Quartier latin, c’était l’inverse. »

On voit à travers cet extrait d’entretien comment se conjuguent, s’entremêlent les sentiments d’appartenance à des minorités persécutées : juives et communistes, et comment la transmission d’une mémoire familiale est à l’origine de ces sentiments :

« C’est pas juif, c’est juif communiste : à mon avis, le point de départ c’est la révolution bolchevik, c’est que les juifs d’Europe centrale ont été émancipés par les communistes, ça a été vachement fort quand même ! […]. C’est l’émancipation qu’il y a eu après 1917, enfin pendant cette période, qui a été un truc très très fort, et qui a été prolongé bien sûr : en Europe, y’a eu la

Ces sentiments d’appartenance à des minorités vont être renforcés par les humiliations, les insultes, provenant des camarades de classe, se muant alors en sentiments d’injustice, qui prendront bientôt une charge politique, dès le lycée, dans des classes extrêmement politisées au moment de la Guerre d’Algérie :

« L’engagement politique vraiment, ça a été la Guerre d’Algérie, l’UNEF comme militant vraiment très actif, et puis j’étais sympathisant de deux ou trois groupes dont les Groupes Action Résistance, c’était un truc qui dépendait du PSU, et puis le Front Universitaire Antifasciste, et au lycée St Louis on se cassait la figure tout le temps avec ceux qui préparaient St-Cyr ! Et puis j’avais un prof d’anglais qui s’appelait Goldring, qui était un militant communiste membre du Comité Central, qui avait été plastiqué, et puis y’avait Ruff, un type très connu, qui avait fait un discours après la grande manif de Charonne… C’est marrant comme on était politisé, y compris dans la classe ! Y’en avait un qui écrivait Ben Bella au tableau, d’autres : « l’OAS vaincra », et ça se battait…et quand y’avait les grandes manifs, je me souviens Ruff qui nous disait : ouais, les gars faut y aller, c’est bien…C’était fou ! »

On retrouve chez l’ensemble de ces enquêtés, fils et filles de juifs communistes étant nés

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