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problématique de la recherche et contextualisation théorique

2) Enjeux de méthode : une analyse processuelle sur deux générations

Avant de présenter rapidement les enjeux de méthode liés à l’analyse du corpus d’enquête, précisons que nous soutenons, dans la lignée des travaux d’Olivier Fillieule, « qu’une approche compréhensive reposant sur l’analyse de récits de vie peut s’articuler à une analyse quantitative, pour peu que l’enquête statistique s’inscrive dans le cadre d’une approche longitudinale »322. Or l’enquête statistique s’inscrit bien, dans notre cas, dans une approche longitudinale rétrospective et son originalité tient au fait qu’elle s’étend sur deux générations familiales. Le principal enjeu d’analyse des matériaux recueillis entre 2004 et 2008 consiste à

321 A quelques exceptions près, tous les entretiens ont été réalisés au domicile des enquêtés et les observations menées au cours et autour de ces entretiens consignées dans un journal de terrain.

322 Fillieule O., « Propositions pour une analyse processuelle de l’engagement individuel. Post scriptum », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, 2001, p. 200.

démêler ce qu’ils doivent aux effets de cycle de vie, aux effets de cohorte, aux effets générationnels et historiques mais également aux effets du contexte de recueil des données. Afin de ne pas se méprendre sur la signification des données et d’éviter les attributions causales factices, le sociologue dispose de divers outils pour démêler ces temporalités multiples, intégrer à l’analyse les conditions de production des matériaux et prendre en compte les effets de reconstructions biographiques. Mais il ne suffit pas d’exposer en introduction ces divers problèmes méthodologiques pour les résoudre : c’est pourquoi ils ne seront qu’évoqués ici et réellement intégrés au fil de la démonstration.

a) Un usage statistique et ethnographique des questionnaires

L’approche généalogique empruntée (liée à la construction de l’objet) permet de remonter à une population hétérogène d’ex-soixante-huitards et d’intégrer au corpus des enquêtés qui continuent à avoir des pratiques militantes au moment de l’enquête mais également toutes celles et ceux qui se sont désengagés à différentes époques. En ne travaillant pas uniquement sur les « restes de cohortes »323 qui coexistent à un moment donné, la recherche échappe au principal écueil des coupes synchroniques324. Mais la discussion concernant les atouts et les limites du corpus enquêté par questionnaire est développée dans l’introduction de la deuxième partie : nous nous contenterons ici de donner quelques précisions sur la nature des questionnaires et les méthodes d’analyse.

Afin de reconstruire rétrospectivement et le plus précisément possible, les cycles longs d’engagement mais également les trajectoires professionnelles et familiales, nous n’avons pas pu éviter l’écueil de la longueur des questionnaires325. Ils comptent en effet plus de 240 questions chacun – questionnaire « parents » et « enfants » – (cf. Annexe A) et nombres d’entre elles sont laissées « ouvertes » afin de permettre un usage qualitatif326 des questionnaires. Nous avons toujours demandé que soient renseignées les dates des différents engagements, désengagements, réorientations professionnelles, événements familiaux, etc, sans lesquelles la (re)construction des différentes trajectoires « soixante-huitardes » aurait été approximative. Si certains enquêtés ont joué le jeu et passé du temps à retrouver les dates

323 Offerlé M., Les partis politiques, Paris, PUF, 1987, p. 75.

324 Cf. également Favre P., « De la question sociologique des générations… », art. cit., p. 308 ; Fillieule O., Le désengagement, op. cit., p. 13-14.

325 Les enquêtés ont ainsi consacré de 1h30 à plus de 4h00 à remplir les questionnaires et parfois plus pour celles et ceux qui y ont adjoint divers documents et pages de commentaires.

326 Cf. Soutrenon E., « Le "questionnaire ethnographique". Réflexions sur une pratique de terrain », Genèses, n°60, 2005, pp. 121-138. Nous détaillerons au fil de l’argumentation la nature de ces usages qualitatifs.

exactes, la chronologie est restée lacunaire pour d’autres327. Nous avons alors cherché à compléter les dates quand cela était possible, à l’aide des autres types de matériaux dont nous disposions (entretiens, questionnaires d’autres membres de la famille, connaissance des chronologies des différentes organisations militantes des années 1970, etc.).

Les questionnaires ont été saisis et traités statistiquement avec le logiciel SPAD328. L’analyse statistique des données textuelles (issues des réponses aux questions ouvertes) constitue le principal avantage de ce logiciel facile d’accès et suffisamment performant pour les différents besoins de l’enquête. Seules les régressions logistiques ont été réalisées avec un autre logiciel (SPSS).

La palette des méthodes d’analyse et d’interprétation des divers matériaux utilisés en sciences sociales peut paraître large, mais avec un peu de recul, celles-ci ont quasiment toutes à voir avec la comparaison329. Importée des sciences expérimentales et adaptée à la spécificité des matériaux et à l’impossibilité de raisonner « toutes choses égales par ailleurs », la comparaison n’est autre qu’une forme d’expérimentation indirecte330. Derrière cette méthode générique, la comparaison recouvre différentes méthodes selon la nature de ce qui est comparé et selon que la comparaison est temporelle, historique, spatiale ou encore « génétique ». Nous aurons recours à ces différents types de comparaison tout au long de la thèse. Donnons quelques exemples et précisons les méthodes d’analyses les plus appropriées. Pour rendre compte, à un instant t, des différentes formes de participation aux événements de Mai-Juin 68 ou encore des différentes formes de reconversion des ressources militantes dans la sphère professionnelle, l’analyse factorielle est particulièrement adaptée. Elle met en effet en évidence, de manière statistique et visuelle, la pluralité des registres de participation – ou des formes de reconversion – en les rapportant aux caractéristiques sociales des acteurs. C’est ainsi l’occasion de comparer l’influence respective de différents facteurs (par exemple le sexe ou l’âge) sur un processus qui nous intéresse (par exemple les types d’incidence du militantisme).

327 Cette limite est également soulignée par Olivier Fillieule dans « Propositions pour une analyse processuelle… », art. cit.

328

Avec la version v5.0. Je remercie vivement Christian Baudelot pour son aide et ses conseils quant à l’utilisation de SPAD. Nous aurions pu utiliser SAS mais SPAD était plus facile d’accès et ne nécessitait pas de longue formation préalable.

329

Vigour C., La comparaison dans les sciences sociales, Paris, La découverte, « Repères », 2005

330 Emile Durkheim écrivait ainsi : « nous n’avons qu’un moyen de démontrer qu’un phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de l’autre », dans Les règles de la méthode sociologique, Paris, Flammarion, coll. "Champs", 1988 [1894], p. 125.

Si l’on cherche en revanche à comparer sur le temps long des devenirs collectifs, il faudra dans un premier temps objectiver un certain nombre de phases ou de séquences biographiques avant de recourir à une analyse statistique par classification. Cette méthode découpe en effet un corpus en un nombre restreint de « classes » qui réunissent les enquêtés qui se ressemblent le plus entre eux (sur un certain nombre de facteurs) et se différencient le plus des autres sous-populations.

Pour comparer l’influence respective de différentes variables sur un fait qui nous intéresse, c’est plutôt la régression qui sera utile. C’est à cette méthode que nous aurons recours pour mesurer l’influence respective de l’âge, du sexe, du fait d’avoir milité ou non avant 1968, des formes de militantisme en mai 68, etc, sur le fait de militer au moment de l’enquête.

C’est encore grâce à la comparaison des militants aux divers désengagés, que nous serons à même de construire des hypothèses sur le maintien de l’engagement, dans la mesure où « le ‘renoncement’ aux activités militantes est un analyseur, au sens où le désengagement militant est un révélateur des conditions de possibilité de l’engagement lui-même, ou plus exactement, un révélateur du tarissement de ses conditions de possibilité »331.

Mais ce sont bien les simples tris croisés qui seront mobilisés la plupart du temps, pour comparer par exemple les effets du militantisme en fonction de l’intensité de participation à Mai 68 ou encore la transmission de dispositions militantes en fonction du type de militantisme parental. Par ailleurs, le fait d’avoir un corpus d’« enfants » apparié aux parents permet d’apporter des résultats précieux sur la transmission familiale des goûts et préférences politiques, et de le faire potentiellement sur trois générations.

Parons enfin à l’inévitable question de la comparaison du corpus enquêté avec un « corpus témoin ». Un tel corpus aurait été idéalement constitué d’une population en tous points comparables aux enquêtés à la veille de Mai 68 mais qui n’auraient pas participé du tout aux événements. Un tel corpus est tout simplement impossible à constituer. On aurait pu ensuite chercher une école primaire « classique » afin de constituer un autre type de corpus « témoin », constitué de « soixante-huitards » qui n’auraient pas fait le choix d’une scolarisation expérimentale pour leurs enfants. Mais selon quels critères aurait-on choisi une autre école afin que la comparaison ait un sens ? Choisir une école du même quartier n’était pas une solution dans la mesure où la population enquêtée, globalement dérogataire, n’était

331 Gottraux P., « Autodissolution d’un collectif politique. Autour de Socialisme ou Barbarie », in Le désengagement militant, op. cit., p. 77.

pas domiciliée dans le quartier. De plus, l’accès aux registres d’anciens élèves aurait été autrement plus difficile (si ce n’est impossible) que pour les écoles Vitruve et Ange-Guépin. Enfin, si les écoles sélectionnées ont permis de retrouver un nombre important d’ex-« soixante-huitards » c’est bien parce que leur recrutement était spécifique du fait de leur caractère expérimental : la proportion d’ex-« soixante-huitards » parmi les parents d’élèves scolarisés entre 1972 et 1985 aurait été bien plus faible dans une école ordinaire, rendant l’enquête fastidieuse et les corpus incomparables.

Le corpus témoin « idéal » n’existant pas, nous comparerons parfois les résultats obtenus à des données de cadrage issues d’enquêtes nationales, mais la solution la plus sensée sera de comparer, au sein du corpus, la sous-population des enquêtés ayant participé le plus activement aux événements de Mai 68 avec ceux qui ont plutôt été « spectateurs ». C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de ne pas avoir imposé une définition restrictive du « soixante-huitard » en début d’enquête.

Si l’on cherche enfin à comparer, sur le temps long des trajectoires comment une même

disposition à peut se traduire par diverses pratiques en fonction du contexte et de l’évolution

professionnelle et familiale, les statistiques ne nous seront pas d’un grand secours sans les récits de vie. Cette thèse plaide plus généralement pour une incessante articulation des données quantitatives et qualitatives qui s’enrichissent mutuellement à condition de faire l’effort (et de prendre le risque) de les confronter. Et si nous séparons ici – de manière un peu artificielle – les questions de méthode relatives à l’analyse des questionnaires de celles relatives aux usages des entretiens, c’est que le recours à ces matériaux pose des problèmes partiellement différents.

b) Statut et usages des entretiens : croiser les regards sur un passé familial commun

L’approche statistique ne constitue qu’un pan de l’analyse processuelle sur deux générations familiales proposée ici. S’en tenir à l’objectivation des positions successivement occupées par les enquêtés reviendrait à donner les résultats d’un problème mathématique en occultant les différentes étapes de la démonstration. Or nous chercherons, autant que faire se peut, à rendre compte simultanément des possibles et des contraintes objectifs auxquels sont confrontés les enquêtés et de leurs motivations subjectives, pour analyser notamment ce qui se joue dans le désajustement potentiel entre ces deux niveaux d’appréhension des trajectoires. Seule l’analyse compréhensive permet d’appréhender la construction du sens de l’engagement par

les enquêtés, tout comme les processus de (re)négociation identitaire qui accompagnent et rendent possibles les différentes incidences biographiques du militantisme ou les diverses appropriations des héritages familiaux. L’analyse qualitative des trajectoires vient donc contextualiser des observations statistiques et introduire l’épaisseur temporelle et dynamique des processus identitaires analysés. L’enquête croise ainsi les différentes sources dans une « triangulation »332 nécessaire au contrôle de chacune d’entre elles ainsi qu’à la multiplication des regards sur l’objet333. Mais avant de revenir sur les avantages liés au recueil des points de vue de différents protagonistes sur un passé familial commun, rappelons les principales limites du matériau qualitatif utilisé.

Recueillir, plus de trente ans après, des récits de pratiques et des souvenirs des événements de Mai-Juin 68 ou encore des descriptions de pratiques éducatives pose, à l’évidence, de sérieux problèmes. Celui tout d’abord de la mémoire dont le principe même repose sur la sélection d’un certain nombre de souvenirs et l’oubli de tous les autres. Outre les inévitables « trous de mémoire » et les imprécisions ou confusions sur les dates, les lieux et les pratiques, le fait de se souvenir de certains épisodes et d’en oublier d’autres n’est pas aléatoire et dépend en grande partie du présent. Autrement dit, nous savons depuis les travaux fondateurs d’Halbwachs que le passé est reconstruit à partir et en fonction de ce que l’on est devenu et que la mémoire, individuelle comme collective, résulte d’un processus de construction sociale334. Pierre Bourdieu a par ailleurs approfondi cette question en mettant en évidence l’illusion biographique – des enquêtés mais également de certains analystes – visant à reconstruire à posteriori comme un tout cohérent ce qui n’est en fait que la succession de positions sociales335. Or cette propension à l’illusion biographique voire à la reconstruction biographique est ici largement renforcée par la situation d’entretien, l’objet de la recherche et la participation passée à un événement ayant potentiellement infléchi des trajectoires. En effet, Doug McAdam montre qu’un militantisme intense lors d’une crise politique est une occasion rare de reconstruction de sa biographie336 en un « avant » et un « après » et plus généralement les entretiens rétrospectifs avec des convertis se heurtent à la difficulté d’obtenir des faits sur la trajectoire antérieure à la conversion. Les convertis réinterprètent en effet leur

332 Olivier de Sardan J.P., « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie », Enquête. Anthropologie, histoire, sociologie, n°1, 1995, pp. 71-109.

333

Bourdieu P., Chamboredon J.C., Passeron J.C., Le métier de sociologue, Paris, Ed. Mouton, 1968. 334

Halbwachs M., Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994 [1925]

trajectoire passée à l’aune de la nouvelle grille d’interprétation du monde. Par ailleurs, le nombre d’enquêtés ayant eu recours à la psychanalyse est particulièrement élevé dans les deux générations familiales étudiées, rendant la nécessaire déconstruction biographique d’autant plus ardue.

La propension à la réflexivité337 des enquêtés vient également renforcer la difficulté à analyser les récits de vie en compliquant l’objectivation et la nécessaire distanciation vis-à-vis des discours indigènes. Du reste, s’il nous arrivera de reprendre à notre compte certaines de leurs catégories, c’est que « l’on voit mal pourquoi la lucidité des individus serait systématiquement d’une valeur inférieure à celle du sociologue »338.

Enfin, au-delà des caractéristiques sociologiques des enquêtés qui expliquent leur propension à prendre aisément la parole – et à parler longtemps ! – , les entretiens ethnographiques sont pour certains d'entre eux l’occasion de réhabiliter une mémoire non officielle de Mai 68 si bien que ces entretiens sont traversés d’enjeux d’interprétations sur la nature des événements339.

Il n’existe aucune solution magique face à ces multiples obstacles méthodologiques mais divers moyens pour avoir un recours raisonné et contrôlé aux récits de vie. Nous en présenterons brièvement quelques-uns ici, ils seront surtout intégrés aux démonstrations. Tout d’abord, certaines « ficelles » peuvent être utilisées au cours des entretiens pour pallier les défauts de mémoire ou les reconstructions biographiques. La connaissance fine des chronologies et des univers dans lesquels ont évolué les enquêtés permet souvent de souligner l’inexactitude des dates ou des faits avancés pour non pas « piéger » les enquêtés mais les faire rebondir, préciser, voire leur permettre de rafraîchir leur mémoire. Avoir rassemblé des archives et les apporter au cours des entretiens s'avère particulièrement heuristique340, comme l’usage de photographies récupérées dans les archives des écoles ou auprès d’autres membres de la famille. Croiser et confronter différents points de vue au sein d’une même famille est

336 McAdam D., « Gender as a Mediator of the Activist Experience : The Case of Freedom Summer », The American Journal of Sociology, Vol. 97, N° 5, 1992, p. 1231. Cette question est davantage détaillée dans la dernière partie du chapitre 3.

337

Nous rendons compte des conditions sociales de cette réflexivité au fil de la thèse et montrons le rôle qu’elle a pu jouer dans les motivations à l’engagement et les affinités qu’elle entretient avec la sociologie critique (cf. chapitre 1).

338 Siméant J., La cause des "sans papiers". Mobilisations et répertoires d'action des étrangers en situation, thèse de science politique, IEP de Paris, 1995, p. 75.

339 L’analyse détaillée des différents rapports à l’enquête nous permet ainsi, dans le 2ème chapitre, de dresser l’espace des représentations indigènes des événements.

cependant le principal moyen de contrôle utilisé au cours de l’enquête puis au moment de l’analyse des matériaux. Sur la question des pratiques éducatives et de l’enfance des enquêtés de la « deuxième génération » en particulier, le croisement des regards sur un passé familial commun permet de contrôler et de déconstruire les formes individuelles de reconstruction biographique. Mais cela permet également d’intégrer ces processus de reconstruction biographique à l’analyse et d’en proposer une sociologie341 car bien qu’en partie déterminés par des contraintes objectives l’analyse perdrait à les rejeter comme de pures « illusions ». Un autre moyen particulièrement efficace de contrôler les récits concernant la période postérieure à Mai 68 réside dans la confrontation des questionnaires et des entretiens des deux membres de couples séparés. Or comme c’est le cas de la majorité des « parents » enquêtés, nous n’avons pas hésité à poser des questions aux enquêtés sur la trajectoire et les devenirs politiques, professionnels et familiaux de leurs ex-conjoints. Leurs regards croisés, souvent désenchantés, voire critiques, ont constitué un outil particulièrement efficace pour déconstruire les diverses rationalisations ex-post. De manière similaire, les cas de conflits intergénérationnels rendent plus aisée la déconstruction des théorisations éducatives parentales, tout comme la confrontation des souvenirs de frères et sœurs permet parfois de faire la part des pratiques éducatives qu’ils ont effectivement connues et des reconstructions

ex-post en fonction des devenirs sociaux.

Enfin, la confrontation des données issues des entretiens à celles consignées par les mêmes personnes dans les questionnaires (ou par leurs conjoints, leurs enfants ou leurs parents342), voire aux résultats statistiques obtenus sur l’ensemble du corpus est un dernier moyen de neutraliser et d’intégrer les phénomènes de reconstruction biographique ou simplement de compenser les défauts de mémoire, en armant l’ethnographie par les statistiques343.

340

Laurens S., « Pourquoi et comment poser les questions qui fâchent ? Réflexion sur les dilemmes récurrents que posent les entretiens avec les imposants », Genèses, n° 69, 2007, p. 112-127.

341 Nous montrons notamment qu’il s’agit là de processus genrés : cf. chapitre 3 et 4. 342

Nous avons bien sûr assuré l’ensemble des enquêtés de l’anonymat.

343 Weber F., « L’ethnographie armée par les statistiques », Enquête, n°1, 1995, pp. 153-165 ; Weber F., Manuel de l'ethnographe, PUF, « Quadrige Manuels », Paris, 2009. Il serait fastidieux de détailler dans l’introduction les diverses formes d’articulation des données quantitatives et qualitatives auxquelles la démonstration recourt : nous les intégrerons à l’analyse et les expliciterons au fil de l’argumentation.

Après avoir situé la thèse au croisement de la sociologie des crises politiques, de l’engagement, des générations et de la socialisation, et après avoir dressé un aperçu des matériaux et des enjeux de méthode, il reste à présenter l’architecture globale de l’argumentation. Dans une logique diachronique, celle-ci comprend trois parties, qui correspondent à trois grands « moments » : l’avant-Mai 68 et le temps court des événements (partie I) ; l’après-Mai 68 des trajectoires parentales (partie II) ; et les devenirs des « enfants de soixante-huitards » (partie III). Un chapitre préliminaire propose une socio-histoire des deux écoles enquêtées et une première sociographie du corpus enquêté.

La première partie s’arrête sur la sociogenèse des dispositions contestataires des futurs

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