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2.2 1960-1980 : développement de la production de masse

3.2. Les entreprises de mise en marché

Après l’absorption par MONTANA WINES du second gros opérateur historique CORBANS, en

2000 (environ 2 Mo de caisses commercialisées chacun avant l’opération), la petite industrie

néo-zélandaise apparaît très concentrée : MONTANA est, seul, responsable de 60 % de la

production de vin, de 49 % des exports, et détient 25 % de part de marché sur le marché domestique (56 % des vins néo-zélandais) ; la firme vend annuellement 5 millions de caisses.

Les deux opérateurs suivants, NOBILO et VILLA-MARIA, approchent le million de caisses

commercialisées – ce qui les placent dans l’ordre de grandeur des plus gros metteurs en

marché de vins de Bourgogne ; ils sont loin derrière MONTANA, mais se distinguent des autres

présence sur le segment « commercial », un siège social et des entrepôts dans la capitale économique, Auckland, ainsi qu’une implantation multi-régionale, particularités qu’elles

partagent avec MONTANA. Ces deux compagnies comptent pour environ 20 % de la

production néo-zélandaise … soit autant que les 395 opérateurs suivants réunis. Ces derniers, de taille très variable, allant de celle d’un petit récoltant-embouteilleur (quelques milliers de bouteilles) à celle d’un négociant éleveur moyen (120 000 caisses pour Cloudy Bay), sont des sociétés d’implantation locale, disposant rarement de plus d’un site de vinification, et commercialisant surtout des vins super et ultra premium. Une large majorité sont des entreprises récentes : en 1990, il y avait 152 vineries commercialisant moins de 2 000 hl de vins (22 000 caisses) ; en 2002, il y en a 369 (New Zealand Winergrowers, 2002).

§ 3.2.1. Montana et les autres gros opérateurs

Au sein de la filière, MONTANA WINES tient une place particulière. Par sa dimension et ses

parts de marché, il s’agit de l’unique major néo-zélandaise, capable de rivaliser à l’international avec les géants californiens, australiens et français, trustant sur le marché domestique le circuit des C.H.R. et exerçant un quasi-monopole sur le segment des vins courants en bag-in-box, peu à peu abandonné par les autres metteurs en marché nationaux.

C’est, à son échelle, le GALLO de Nouvelle-Zélande. Seuls les concurrents australiens, très

offensifs sur le proche marché néo-zélandais depuis le milieu des années 1990, ont été capables de faire perdre des parts de marché à la société en l’attaquant sur le segment « commercial » des vins embouteillés (5,5 à 10 NZ$), avec leurs chardonnay, shiraz et merlot d’entrée de gamme.

MONTANA et les trois autres gros opérateurs historiques, CORBANS, NOBILO et VILLA-

MARIA, sont à l’origine des sociétés privées familiales, fondées par des entrepreneurs

locaux d’origine dalmatienne; aujourd’hui, seule VILLA MARIA demeure propriété de ses

fondateurs, son président, George Fistonich, ayant refusé d'ouvrir le capital de son entreprise lors de la crise du début des années 1980 – la compagnie a alors connu un recul immédiat de ses parts de marché, puis une croissance plus lente que celle de ses rivaux (Workman, 1993).

Au contraire MONTANA passe dès le milieu des années 1970 sous contrôle de la FMN

canadienne SEAGRAM, d'un consortium, le CIL, puis en 2001, du britannique ALLIED-

DOMECQ. CORBANS est acquis par ROTHMANS quelques années plus tard. Enfin, la famille

Nobilo cède ses parts au géant australien BRLHARDY, qui porte sa participation de 20 à 80 %

de la compagnie en 2000 – avant d’être lui-même racheté par la FMN CONSTELLATION

Ces quatre sociétés sont originaires de la région d’Auckland, où sont localisés le siège et les installations d'embouteillage, dans la banlieue de la capitale économique (Henderson, Kumeu), à proximité du premier foyer de consommation domestique (Auckland City).

Leur organisation industrielle est rationalisée. Elles possèdent des vignobles et des unités de vinification dans les grandes régions productrices, Marlborough, Gisborne et Hawkes Bay. MONTANA et CORBANS vinifient dans les trois régions, Villa Maria dispose de deux vineries à

Hawkes Bay (ESK VALLEY et VIDAL) et d'une à Marlborough. NOBILO est également présent à

Marlborough (SELAX). Les raisins sont vinifiés sur place, selon les cas le vin peut être élevé en

fût ; puis le vrac expédié à Auckland où il est embouteillé et conditionné, prêt à la mise en marché dans l’agglomération ou pour l’expédition à partir du port d’Auckland. Ces compagnies industrielles intègrent une fonction de distributeur de vins, et de spiritueux

pour NOBILO, ce qui constitue un avantage certain pour l’accès au marché domestique.

MONTANA importe du vrac australien, distribue les français CORDIER,LATOUR ET DEUTZ, ainsi que des petits producteurs néo-zélandais.

§ 3.2.2. La frange concurrentielle des producteurs ultrapremium

La variante à ce schéma dominant est celui de la vinerie locale, en pleine expansion depuis quinze ans. Parmi les plus petites (moins de 2 000 hl produits), on trouve des entreprises artisanales à facteurs de production exclusivement familiaux, mais également des producteurs au capital familial employant de un à cinq salariés permanents. Des « lifestylers », amateurs de vins décidés à s'installer en profitant du boom de l'industrie, sont nombreux dans cette catégorie. Certains ont un lien avec l’industrie ou le commerce, ancien employé d’un gros opérateur, caviste ou importateur, d’autres aucun ; on trouve des professions libérales, des anciens cadres de l’administration, etc. Les enfants devenus adultes ne participent pas au travail et l'un des conjoints conserve parfois son métier en dehors de la société, ce qui dans les premières années permet au propriétaire de consacrer son énergie au développement du vignoble et de la vinerie sans se soucier des rentrées financières. Parfois il ne travaille lui-même sur le domaine qu'à mi-temps, attendant cinq ou six ans avant de s'installer définitivement. Des familles se lancent ainsi dans les années 1980 avec des capitaux limités sans avoir pour objectif initial la production de vins de prestige – même si par la suite les premiers succès peuvent les encourager à chercher la qualité sans compromis,

certaines devenant des icônes dans la profession (ATA RANGI,NEUDORF). Ces entreprises sont

assez proches des récoltants-embouteilleurs français, à la différence essentielle qu’elles peuvent se procurer une part substantielle de leur raisin, jusqu’à 70 %, auprès de cultivateurs indépendants.

Installées dans des régions au potentiel méconnu (Nelson, Martinborough), les plus anciennes de ces boutique-wineries ont cherché à développer une clientèle captive d'amateurs par le biais de la vente directe : vente au cellier, mail-order, restaurant attenant. Comme leurs consœurs de Napa Valley, elles associent le vin à la gastronomie, au bon vivre et à l'art, certaines accueillent des expositions, d’autres se diversifient dans l’accueil de touristes ou de conférences. Dans les années 1990, la réputation croissante des vins néo-zélandais à l’étranger leur permet de servir l’export de luxe, mais la vente directe demeure importante (entre 20 et 50 % des volumes) ; en revanche, le marché domestique, hors vente directe, n’apparaît pas comme une priorité. Il est courant que la gamme soit segmentée en deux niveaux de qualité : même les plus petites vineries proposent une cuvée « reserve » ou bien « single vineyard », avec une individualisation à la parcelle. Les vins sont systématiquement proposés à plus de 17 NZ$, prix du sauvignon blanc d'entrée de gamme, et les cuvées spéciales de pinot noir ou de chardonnay atteignent les 35 à 80 NZ$. On observe que ces TPE évoluent selon deux schémas : (i) elles maintiennent la rareté ou conservent un rythme de croissance modéré, en gardant une maîtrise de la production de raisin, des prix élevés et en continuant à orienter l'essentiel de la production vers les marchés captifs et les circuits prescripteurs (vente directe, restaurants, cavistes, importateurs de luxe) ; (ii) elles accroissent les volumes et abaissent les coûts, augmentent la main d'œuvre salariée, ont recours à des achats croissants auprès de récoltants ou développent un vignoble sur lequel le process est simplifié, commercialisent leurs vins auprès de la grande distribution ou des compagnies aériennes, éventuellement expédient une partie de leur production en vrac pour des marques distributeurs de détaillants britanniques. Cette seconde variante a permis à des

vineries familiales comme ALLAN SCOTT,HUNTERS,SEIFRIED,SPENCER HILL ou WHITER HILLS

d'atteindre des volumes conséquents (50 000 à 200 000 caisses) en l'espace de dix à quinze ans. La trentaine de vineries de taille moyenne que compte le pays se répartissent ainsi entre ces sociétés – issues de TPE familiales ayant pris de l'envergure – et des entreprises créées et

développées par des groupes d’investisseurs (CLOUDY BAY, PALLISER, VAVASOUR). Elles

emploient de 5 à 15 salariés permanents, parmi lesquels un chef des cultures en charge des ouvriers viticoles, et un winemaker. Des fonctions de gestion apparaissent, directeur général, responsable marketing.

Figure IV.8. La division du travail entre récoltants, industriels-distributeurs nationaux et TPE-PME vinicoles

Opérateur national Récoltant Vinerie (TPE-PME)

raisin raisin

Australie, Chili, France, Espagne

Table IV.10. L’offre par segment (marché domestique).

segment gamme de prix degré de concentration

luxe 100 NZ$ + Quelques rares cuvées locales et

imports étrangers ultra premium 20 -100 NZ$

faible

Plusieurs centaines de vineries de toutes tailles**

super premium 17 – 20 NZ$ premium (intermédiaire) 14 – 17 NZ$ premium (commercial) 10 – 14 NZ$

moyenne : noyau de gros metteurs en marché

MONTANA, NOBILO*, VILLA- MARIA et quelques opérateurs de taille moyenne (Giesen, Seifried…)**

commercial (= value)

5.5 – 10 NZ$ forte : oligopole MONTANA, Nobilo, Villa-Maria**

basique < 5.5 NZ$ position dominante MONTANA

* racheté par BRL Hardy en 2001

** depuis le milieu des années 1990, concurrence des firmes australiennes : Southcorp, BRL Hardy (racheté par Constellation Brands en 2002), Wolf Blass (Fosters), Orlando Wines (Pernod-Ricard)

§ 3.2.3. Organisation collective

Après avoir été longtemps divisés, clivage entre petits winemakers et gros opérateurs, entre winemakers et récoltants, les professionnels sont depuis 2002 fédérés par une unique organisation, New Zealand Winegrowers (NZWG).

Table IV.11. Etapes de l’organisation collective de l’industrie.

Année Evénement

1926 En réponse à une réglementation contraignante due aux politiques de tempérance, les winemakers fondent la Viticultural Association

1943 Scission entre la Viticultural Association – formée pour l'essentiel de TPE familiales d'origine dalmatienne – et les associations de vineries de plus grande taille à main d'œuvre salariée (New Zealand Wine Council, Hawkes Bay Winemakers Association). Entre 1950 et 1975, la Viticultural Association déploie des efforts considérables pour infléchir la législation vitivinicole, par un lobbying incessant auprès des parlementaires

1968 Fondation du New Zealand Grape Grower's Council pour défendre les intérêts des récoltants de raisin 1975 Fondation du Wine Institute, regroupant l'ensemble des vineries – sous l'impulsion du gouvernement

qui souhaite une autorité statutaire pour assurer la représentation de l'industrie

2002 Rapprochement entre Wine Institute et New Zealand Grape Growers Council, pour former une interprofession regroupant les deux familles de la viticulture et de la mise en marché

Sources : Scott (1964); Cooper (1977); Workman (1993) ; New Zealand Winegrowers (2002, 2003)

Les prérogatives de NZWG sont proches de celle d’une interprofession française, allant de la publication de données économiques à la promotion des produits, en passant par le financement d’expérimentations sur la vigne et le vin. Elle reprend de fait les missions de l’association nationale des récoltants, le New Zealand Grape Growers Council, et celles du Wine Institute. Comme son homonyme californien, cette dernière organisation donne la priorité politique à l’ouverture des marchés – notamment ceux de l’Union européenne – et à la diminution des taxes domestiques sur les vins.

Du fait de la grande hétérogénéité entre compagnies (taille, stratégie de commercialisation, positionnement en prix, etc.), les vineries sont représentées au Wine Institute et à NZWG selon un système de quotas de représentants, avec trois catégories reconnues : les gros opérateurs (plus de 20 000 hl), les sociétés de taille moyenne (2 000 à 20 000 hl) et les petites vineries (moins de 2 000 hl).

Table IV.12. Les principales associations de l’industrie vitivinicole néo-zélandaise dans les années 1990.

organisation objet

The Wine Institute of New- Zealand Incorporated

Organisation à adhésion libre, mais à contribution obligatoire, responsable pour le lobbying vinicole, le financement de recherches, la réalisation de rapports sur l'industrie, la promotion générique des vins de Nouvelle-Zélande à l'étranger et la distribution d'information aux membres et à l'industrie. Il est financé par une taxe obligatoire et des cotisations volontaires. Les travaux financés par les taxes doivent bénéficier à l'ensemble de l'industrie, les autres actions (salons à l’étranger par exemple) sont financées sur le principe user pay

The New Zealand Grape Grower's Council (NZGGC)

Organisation à adhésion libre, également à contribution obligatoire, établie par les récoltants pour faire valoir leurs intérêts au niveau national. Il existe des associations locales qui regroupent les récoltants d'une même région et qui gèrent notamment les conflits d'usage liés à l'espace rural : urbanisation, relation avec l'agriculture pastorale, etc.. Quand les contrats entre récoltants et vineries se négociaient sur une base collective, ces organisations régionales étaient impliquées dans le processus

Winegrowers of New Zealand

(fondée en 1981)

Organisation qui – réunissant le Wine Institute et NZGGC – établit, conduit et finance les programmes de recherches sur la vigne et le vin, dissémine l'information aux opérateurs. Gère également le Wine Guild, responsable depuis 1983 du marketing vers le Royaume-Uni, ainsi que le Wine Exporters Group, qui depuis 1996 pilote le marketing global. Cette organisation est aussi responsable du programme Integrated Wine Grape Production Scheme, destiné à une production durable de raisin et de vin, ainsi que de l'Export Spray Schedule, destiné à assister les récoltants dans l'obtention des certificats pour les marchés export. Préfigure New Zealand Winegrowers

Section 4 – Réglementation