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2.1. Contexte général de la période de recueil des données

L’enseignante a travaillé sur une séquence d’enseignement continué de la lecture tirée du cahier de Pinchat, Le géant de Zeralda (Métroz, Oriolo & Papaux, 2005, Cahier N°1), comme M.P. (2e trimestre). Après étude de la séquence, nous constatons qu’il ne s’agit pas tout à fait de la même version car les deux premiers extraits ont été inversés. En effet, dans la séquence d’A.C., le premier extrait correspond au début de l’histoire, alors que ce même extrait, dans la séquence de M.P. se trouve en deuxième position. Contrairement à M.P., A.C.

n’a pas pu terminer la séquence durant la période de recueil car elle n’a travaillé la compréhension en lecture que deux fois.

L’enseignante ne travaille cette séquence qu’avec une partie de sa classe car elle partage ces heures avec l’enseignante chargée du soutien pédagogique (ECSP). Les élèves en appui, ceux qui ont de la difficulté en lecture, n’ont donc pas connaissance du travail sur Le géant de Zeralda. Ceux-ci travaillent sur des contenus explicites, sur le repérage d’informations.

2.2. Contenu du classeur

Comme A.C. a travaillé sur cette séquence deux fois durant les deux semaines de la période de recueil des données, nous avons seulement deux fourres dans son classeur.

Dans la première fourre, nous y trouvons les deux premières pages (cinq exercices) qui se concentrent sur un premier extrait du conte. La deuxième fourre contient la suite de la séquence Le géant de Zeralda, les pages 3 et 4 (3 exercices), qui traitent d’un deuxième extrait de l’histoire. Dans chacune des fourres, nous trouvons aussi les activités effectuées avec l’ECSP. Cependant, nous ne nous attarderons pas là dessus, car nous ciblerons le travail de l’enseignante elle-même, étant donné, comme elle l’a précisé dans l’entretien, que les deux enseignantes ne se concertaient pas sur la planification du travail effectué durant les heures d’appui.

A.C nous relate que, lors de certains exercices, il n’y avait pas de retour ni de discussions à propos de ce qui était demandé aux élèves ; ils réalisaient individuellement les exercices et les corrections se faisaient également de manière individuelle sans que la notion

travaillée soit forcément expliquée davantage. Cependant, il lui arrivait de réguler l’activité à ce moment-là, selon les besoins des élèves.

Même si les élèves travaillaient individuellement, l’enseignante nous a dit qu’elle prenait du temps en début de leçon, lors de la lecture de l’extrait pour les interroger sur des inférences, des expressions, du vocabulaire. Ainsi, il y a certains éléments relatifs aux extraits lus qui ont été discutés préalablement aux exercices écrits. Certaines de ces interventions reprennaient parfois les consignes des exercices écrits, “ des fois il y a des questions qui reprennent des questions déjà posées ” (Entretien 2).

2.3. Analyse générale : processus et connaissances

Après analyse des activités, nous avons établi le tableau suivant regroupant les différents processus et connaissances.

Tableau 9 : Processus et connaissances absents/présents durant les activités présentées dans le classeur d’A.C

Processus et connaissances travaillés Type de travail / fourre

C M

Processus : anticipation, projection, évaluation 1-2

Processus : représentation des significations du texte 2

Processus : mémorisation, régulation, contrôle 1-2

Processus et connaissances : sociabilités de l’écrit, connaissances des technologies de l’écrit

Processus : déchiffrage, identification de mots (automatisation) Connaissances thématiques, encyclopédiques

Connaissances linguistiques (sur la langue : orthographe, syntaxe, lexique)

2

Connaissances pour l’identification de mots (lexical-infralexical)

Connaissances sur le genre textuel (quatre niveaux du genre) 1

A travers ce tableau, nous pouvons constater que les processus et connaissances représentés dans les activités de l’enseignante sont : les processus d’anticipation, de projection et d’évaluation, le processus concernant la représentation des significations du

texte, les processus de mémorisation, de régulation et de contrôle, le déchiffrage, identification de mots (automatisation), les connaissances linguistiques (sur la langue : orthographe, syntaxe, lexique) et les connaissances sur le genre textuel. Elle ne travaille donc pas ce qui concerne la socialisation à la culture écrite, ni les connaissances thématiques, ni l’identification des mots.

Nous pouvons voir que les processus et connaissances travaillés sont, dans la majorité des cas (4 sur 6), uniquement mobilisés dans les activités proposées alors que quelques uns font aussi preuve d’une construction. Il s’agit des processus d’anticipation, projection, évaluation et représentation des significations du texte.

Maintenant que nous avons une vue d’ensemble des deux leçons menées par A.C., nous allons entrer de manière spécifique dans chacun des processus et connaissances travaillés.

2.4. Analyse spécifique par processus et connaissances

2.4.1. Processus : anticipation, projection et évaluation

La séquence de Pinchat Le géant de Zéralda propose différents exercices demandant aux élèves d’anticiper les contenus du texte et de faire des hypothèses. Lors du premier jour, nous avons relevé deux exercices impliquant ces processus d’anticipation et de projection, comme les exercices 1 et 2 de la fourre 1, que nous illustrons à travers la Figure 1. Ces deux exercices illustrent bien le processus d’anticipation demandé aux élèves. La formulation d’hypothèses se fait, comme nous l’avons dit plus haut, sans discussion préalable avec l’enseignante ou les autres élèves, mais elles ont été reprises par la suite ce qui leur a permis de justifier leurs réponses, et d’y mettre une certaine validation. Après discussion avec l’enseignante, nous apprenons qu’elle n’entraîne pas cette discussion après chaque hypothèse, les élèves sont donc amenés à en formuler une sans forcément la vérifier, ni l’argumenter.

“On a regardé ce qu’ils ont mis […] on a regardé par rapport à leurs hypothèses qu’est-ce qui était juste qu’est-ce qui était pas juste” (Entretien 2). Nous voyons ici qu’elle revient sur ce que les élèves ont fait individuellement, mais ce n’est pas fait de manière systématique, elle le reprend si cela pose problème aux élèves. Ces éléments ont donc parfois fait l’objet d’une discussion, d’un retour de la part de l’enseignante, mais pas d’un réel enseignement, car elle il n’y a pas d’enseignement explicite sur la manière de faire des hypothèses, ni sur les indices qui nous permettent de le faire.

La séquence d’enseignement continué de la lecture de Pinchat, Le géant de Zéralda, propose différents exercices demandant aux élèves d’anticiper les contenus du texte et de faire des hypothèses sur ces contenus. Lors du premier jour de travail, nous avons relevé deux exercices impliquant ces processus d’anticipation et de projection, les exercices 1 et 2 de la fourre 1, que nous illustrons à travers la Figure 21.

Figure 21 : Fourre 1 Le Géant de Zeralda Exercices n° 1 et 2

Ces deux exercices illustrent bien le processus d’anticipation concernant les contenus du conte demandé aux élèves. La formulation d’hypothèses se fait, comme nous l’avons dit plus haut, sans discussion préalable avec l’enseignante ou les autres élèves, mais elles ont été reprises par la suite, ce qui leur a permis de justifier leurs réponses, et d’y mettre une certaine validation. Après discussion avec l’enseignante, nous apprenons qu’elle n’entraîne pas cette discussion après chaque hypothèse, les élèves sont donc amenés à en formuler une sans forcément la vérifier, ni l’argumenter.

“On a regardé ce qu’ils ont mis […] on a regardé par rapport à leurs hypothèses qu’est-ce qui était juste qu’est-ce qui était pas juste” (Entretien 2). Nous voyons ici que l’enseignante revient sur ce que les élèves on fait individuellement, mais ce n’est pas fait de manière systématique, elle reprend leurs hypothèses si cela pose problème aux élèves. Ces éléments ont donc parfois fait l’objet d’une discussion, d’un retour de la part de l’enseignante,

mais pas d’un réel enseignement, car elle il n’y a pas eu une explicitation sur la manière de faire des hypothèses, ni sur les indices qui nous permettent de le faire.

2.4.2. Processus : représentation des significations du texte

A de nombreuses reprises lors de la lecture des extraits (fourres 1 et 2), l’enseignante interrogeait les élèves sur des inférences à faire pour la compréhension du texte. En effet, elle amenait les élèves à se questionner sur les intentions et les émotions des personnages, alors qu’ils n’étaient pas explicités dans le texte. Un exemple qui illustre bien cette idée concerne la phrase “Il était toujours de mauvaise humeur et avait toujours faim”. Voici l’extrait dont est tiré cet exemple :

Figure 22 : Fourre 1 Extrait n°1 du Géant de Zeralda

L’enseignante a alors demandé “pourquoi il est de mauvaise humeur […] est-ce qu’on est sûr parce qu’il a toujours faim ou c’est parce que peut-être il a de la peine à attraper les enfants […]” (Entretien 2). Nous voyons alors que l’enseignante profite de ces moments collectifs pour questionner les élèves sur les inférences qu’ils devraient faire pour comprendre l’extrait.

Venons-en à présent à la question de la construction de la notion ou de sa mobilisation.

Certes, l’enseignante a discuté avec les élèves des inférences à faire, cependant, il n’y a pas eu un réel enseignement car l’enseignante ne met pas en évidence comment faire ces inférences.

Ainsi, il ne s’agit pas là d’un enseignement explicite, mais plutôt d’un moyen de vérifier la compréhension des élèves.

2.4.3 Processus : mémorisation, régulation et contrôle

Lorsque nous analysons les traces du classeur de l’enseignante A.C., nous apprenons que certains des exercices demandent aux élèves de revenir sur ce qu’ils ont lu pour trouver une information. Cela concerne le processus de mémorisation d’une part, car l’élève doit se souvenir dans quelle partie du texte il doit chercher l’information et réussir à la repérer. Il doit aussi vérifier si l’information se trouve bien dans cette partie du texte et ainsi avoir une régulation et un contrôle sur sa lecture : être capable de se relire, de se questionner sur l’endroit où se trouve l’information.

Deux exercices de la fourre 2 travaillent ces processus car les élèves doivent “repérer dans un texte l’élément d’information recherché” et “relier les informations nouvelles à celles déjà connues”. L’élève doit être capable de répondre à certaines questions en faisant référence à ce qu’il a déjà lu. L’enseignante considère que le conte est beaucoup trop long et que “c’est très difficile parce qu’ils ne sont pas lecteurs experts […] ils savent ils se souviennent ils vont peut-être relire un bout […] mais est-ce qu’ils y arrivent non ” (Entretien 2). C’est pourquoi l’enseignante les guide dans certains passages du texte ou elle les questionne oralement sur ce qu’ils pensent, ce qu’ils savent du conte. Elle insiste aussi parfois sur la mise en mémoire des informations, comme lorsqu’elle dit aux élèves “d’essayer de revenir sur le début du texte […] il faut se souvenir de la fois d’avant ” (Entretien 2).

Nous pouvons distinguer des moments de mobilisation où l’enseignante laisse les élèves travailler de manière individuelle, sans intervenir pour réguler. Cependant, lorsqu’elle passe à la correction individuelle, elle les guide pour qu’ils puissent trouver l’information à chercher. Il ne s’agit pas d’interventions sur des manières de faire, mais plutôt axées sur des aides pour trouver la réponse. Il n’y a donc pas une intervention très poussée de la part de l’enseignante pour la construction de ce processus chez les élèves.

2.4.4. Connaissances linguistiques

Lors de la lecture des extraits, il est arrivé que l’enseignante demande à chaque élève de lire une phrase pour que “ça leur entraîne la notion de phrase” (Entretien 2, p. 4). Pour faire ce type de lecture, les élèves doivent maîtriser la notion de phrase: par quoi elle est délimitée, comment la reconnaître. Cette notion n’est constitue toutefois pas un objet d’enseignement. Il s’agit plutôt d’une régulation orale si un des élèves ne s’arrête pas au point lors de sa lecture à voix haute.

La question de la compréhension des mots a aussi été évoquée par A.C. lorsqu’elle nous parle de la lecture des extraits en collectif. En effet, il lui est arrivé de questionner les élèves sur un mot et de leur demander une définition. Nous voyons bien ici qu’il n’y a pas de construction du lexique en lien avec les significations véhiculées dans le texte, mais d’une mobilisation des connaissances linguistiques des élèves sans discussion sur le sens du mot.

L’enseignante insiste cependant sur le fait que la quantité de mots inconnus peut entraver la compréhension: “il y a des mots vous pouvez ne pas les comprendre des fois aussi quand je lis je comprends pas certains mots mais quand il y en a trop ça va devenir embêtant ” (Entretien 2), Elle pense néanmoins que cela n’est pas un problème si l’élève comprend l’idée générale du texte.

2.4.5. Connaissances sur le genre textuel

La plupart des exercices présents dans le classeur se réfèrent au texte Le géant de Zéralda et moins au genre textuel du conte. En effet, les questions posées concernent principalement la compréhension du texte en question et sollicitent peu des connaissances sur le genre en général. Cependant, deux exercices visent la vérification de ces connaissances car ils interrogent les élèves sur la reconnaissance du genre grâce à des éléments de textualisation, comme dans l’exemple suivant dans la figure 23.

Plus précisément, il s’agissait pour les élèves de justifier l’appartenance d’un extrait à un genre, en se basant sur un des quatre niveaux (contexte, contenus thématiques, planification et textualisation) qui le caractérisent, par exemple en mettant en évidence l’organisateur textuel il était une fois. Ce type de questions amène à s’interroger sur les autres genres textuels et à réactiver certaines connaissances les concernant.

Figure 23 : Fourre 1 Le Géant de Zeralda Exercice n°3

Pour la réalisation de l’exercice, l’enseignante nous dit que

On a regardé pourquoi c’était un conte on a dit aussi pourquoi ça pouvait pas être les autres une recette de cuisine qu’est-ce qu’il y aurait eu dedans un documentaire aussi on l’a fait cette année on a dit pourquoi c’était pas possible et un poème aussi on a regardé […] (Entretien 2)

Cette question a donc fait l’objet d’une construction des connaissances à propos de certaines caractéristiques du genre conte avec les élèves car ils ont pu discuter et argumenter leur choix.

2.5. Discussion des résultats

Comme nous l’avons précisé, l’enseignante A.C. n’a abordé la compréhension en lecture que deux périodes de 45 minutes par semaine, elle en a donc fait quatre en tout. Le reste de la semaine il n’y a pas eu de périodes ou d’activités centrées sur la compréhension en lecture. Les différents processus et connaissances ne sont donc illustrés que par un ou deux, voire trois exercices dans de rares cas, dans un laps de temps plutôt court. Notons aussi qu’elle a effectué huit exercices pendant ces quatre périodes.

A travers l’analyse des différents processus mis en évidence dans ces exercices, on peut observer que l’enseignante demande majoritairement une mobilisation des connaissances et processus liés à la compréhension d’un conte. En effet, les élèves sont face à des tâches qu’ils doivent faire individuellement et qui ne font l’objet d’un retour que si l’enseignante le juge nécessaire après avoir corrigé leurs exercices. La correction de ces exercices se fait elle-même individuellement aussi, les élèves allant vers l’enseignante lorsqu’ils les ont terminés. Il n’y a donc pas de retour ni de discussions en collectif visant l’institutionnalisation des objets d’enseignement-apprentissage.

Cependant, A.C. profite de moments collectifs en début de leçon pour amener les élèves à inférer ce qu’ils lisent, en les questionnant sur les sous-entendus, en mettant en évidence que la compréhension n’est pas juste dans les mots qui sont écrits, mais aussi dans ce qu’on infère et interprète. Ces moments oralisés permettent à l’enseignante d’aborder aussi des questions de vocabulaire.

Il est intéressant de souligner que l’enseignante essaie de “les [les élèves] pousser à comprendre ce qu’ils lisent / de se poser des questions etc.” (Entretien 2) et que “s’ils ont

vraiment compris ils sont capables de réexpliquer avec d’autres mots” (Entretien 2). Elle les pousse donc, si nous en revenons à notre cadre théorique, à avoir un contrôle sur leur activité de lecture, à être capables de se questionner sur leur compréhension et ainsi de savoir ce qui leur pose problème.

Notons aussi que l’enseignante n’est pas réellement satisfaite de la répartition des heures avec l’ECSP. Cela la contraint à travailler la compréhension en lecture pendant deux périodes d’affilée alors qu’elle aurait préféré avoir deux périodes distinctes par semaine car

“là ça fait beaucoup et il y a une forme de lassitude parce qu’il y a quand même toujours le même fonctionnement” (Entretien 2). Nous n’avons pas développé la question de la motivation de l’élève dans sa tâche de lecture, mais nous voyons bien ici l’interaction qui existe entre lecteur-contexte-texte et son influence sur l’activité de l’élève.

L’analyse des traces du classeur de A.C. montre que cette séquence d’enseignement continué de la lecture permet aux élèves, dans la majorité des activités, de mobiliser les processus et connaissances nécessaires à la compréhension en lecture. Il ne s’agit donc pas réellement d’un enseignement explicite de ces processus, mais plus de leur mise en œuvre et d’une vérification de cette mise en œuvre, étant donné qu’il n’y a pas de discussions sur des stratégies à mettre en place. En effet, l’enseignante “ […] leur explique toujours quand ils ne comprennent pas quelque chose” (Entretien 2), mais ne leur explique pas comment faire pour comprendre. Si les élèves ont des questions de vocabulaire, elle leur explique, mais elle ne leur montre pas comment ils auraient pu trouver la réponse sans faire appel à elle.