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3. ENSEIGNANTE 2 E TRIMESTRE : M.P

5.1. Contenus absents/présents

Pour mettre en évidence les tendances générales concernant l’enseignement-apprentissage de la compréhension en lecture au 2e trimestre durant la période de recueil de données, nous avons répertorié, dans le tableau suivant, les différents processus et connaissances présents ou absents dans les activités proposées par les trois enseignantes.

Tableau 8 : Analyse croisée des enseignantes du 2e trimestre

Processus et

Rappelons tout d’abord que les trois enseignantes ont travaillé la compréhension en lecture tous les jours durant ces deux semaines. Nous pouvons supposer qu’il s’agit d’un objet d’enseignement important pour elles étant donné qu’il est présent quotidiennement dans leurs classes.

Même si nous ne pouvons pas généraliser les résultats obtenus, nous pouvons constater certaines tendances chez ces trois enseignantes. Nous allons donc mettre en évidence, tout d’abord les processus et connaissances les moins présents dans les activités qu’elles proposent et ensuite ceux les plus abordés.

Nous voyons tout d’abord qu’aucune d’entre elles n’a proposé d’activités concernant les connaissances pour l’identification des mots durant la période du recueil. Comme nous nous trouvons plutôt au début de l’année scolaire, nous pensions trouver quelques activités travaillant ces connaissances. En effet, comme il a été explicité dans le cadre théorique à travers les documents officiels, la 2P est consacrée principalement au développement des stratégies pour que les élèves deviennent des lecteurs autonomes (Service de l’enseignement, 2006). Ainsi, les éléments techniques de la lecture sont censés être maîtrisés. Nous pouvons donc penser que ces connaissances ont été suffisamment développées en 1P, c’est pourquoi les enseignantes ne les abordent pas en 2P.

Même si nous considérons que les aspects techniques de la lecture doivent être maîtrisés, nous constatons que M.P. propose des activités de mobilisation des processus de déchiffrage et d’identification des mots à de nombreuses reprises durant la période du recueil.

Elle propose donc des activités où les élèves peuvent entraîner ces processus. Comme nous l’explique Chauveau (2004), ils font partie des opérations cognitives que le lecteur doit mettre en œuvre dans son activité de lecture. Giasson (2007) l’exprime aussi très bien, ces processus, même s’ils agissent à un autre niveau, font partie intégrante de la compréhension en lecture. Il est donc important que les élèves continuent de les travailler afin de les maîtriser davantage.

En effet, nous pouvons supposer, que même si les élèves ont appris à déchiffrer et même s’ils arrivent à utiliser ces processus, ils peuvent encore avoir des difficultés en 2P à mettre en œuvre ces capacités. Cependant, au vu des résultats de la période de recueil du 2e trimestre, nous pouvons dire que les enseignantes n’insistent pas sur l’enseignement du décodage. Cela ne signifie pas que les processus de déchiffrage et d’identification des mots ne sont convoqués dans les activités des élèves, mais qu’ils ne sont pas considérés comme un contenu d’enseignement-apprentissage à proprement parler.

Nous pouvons constater que d’autres contenus ne sont abordés que par l’une des enseignantes. Ceux-ci sont ainsi considérés comme presque absents de cette période de recueil. Nous avons tout d’abord les processus d’anticipation, de projection et d’évaluation, qui sont uniquement présents dans les activités de M.P. (1-2 fois), dans des activités de construction. Le modèle général d’intervention en lecture de Giasson (2007) montre qu’il est nécessaire de construire des stratégies non seulement avant, pendant et après l’activité de lecture. Ainsi, les processus d’anticipation, de projection et d’évaluation doivent être explicités pour mettre en évidence les stratégies à avoir lors de ces trois moments de lecture et ainsi faciliter la compréhension en lecture des élèves. Comme ces processus ne sont présents que chez une enseignante durant la période du recueil, nous pouvons faire l’hypothèse qu’il ne s’agit pas d’un contenu privilégié en 2P, même si les recommandations officielles énoncent l’intérêt d’enseigner ces processus à des fins de compréhension, car lire c’est aussi être capable d’anticiper, d’émettre des hypothèses sur le contenu d’un ouvrage ou sur la suite d’un texte, et de l’évaluer (Service de l’enseignement, 2006).

M.P. est également la seule à proposer des activités visant les sociabilités de l’écrit, et ce de nombreuses fois. Elle se démarque donc bien des deux autres enseignantes, car elle aborde ces connaissances de manière quotidienne. Les contenus abordés sont étroitement liés au support textuel qui est chargé de notre culture. Travailler avec ces écrits signifie donc accéder à la culture de l’écrit, que ce soit en approfondissant le support lui-même ou en intégrant une visée communicative (lecture aux autres, etc.). Comme Chauveau (2001) nous l’explique, lire est une activité chargée de sens : il y a un but, une intention du lecteur à travers un support écrit qui est un objet culturel. Prendre en compte les sociabilités de l’écrit lors de son enseignement permet aux élèves de s’acculturer (Colé, P., Fayol, M., Goigoux, R., Gombert, J.-E., Mousty, Ph. & Valdois, S., 2005) et ainsi de s’initier à la compréhension en lecture dans un contexte particulier. L’acte de lire s’inscrit donc dans une visée particulière et n’est pas dénuée de sens. En ne travaillant pas (ou peu) sur divers objets et supports écrits, les enseignantes ne permettent pas aux élèves de situer l’activité de lecture dans un contexte culturel. Nous pouvons supposer que les enseignantes ne considèrent peut-être pas cet aspect culturel de la lecture comme important pour la compréhension. Nous pensons que le contact avec la culture écrite est davantage favorisé dans les degrés précédents car les enseignants prennent en général le temps de faire connaître différents albums, auteurs, genres textuels par la lecture à voix haute. Cette pratique étant peu à peu délaissée, la compréhension en lecture perdrait ainsi sa dimension culturelle.

Nous pouvons mettre en évidence un autre contenu abordé uniquement par une seule enseignante: les connaissances encyclopédiques et thématiques. N.G. est en effet la seule à proposer des activités permettant aux élèves de travailler ces connaissances. Le modèle contemporain de compréhension en lecture développé par Giasson (2004) met en exergue l’interaction du lecteur avec le texte. Pour comprendre, le lecteur met ainsi en œuvre les connaissances du monde qu’il possède, en les articulant avec les informations du texte. Plus elles sont avancées, mieux il comprendra. Etre expert dans un domaine permet ainsi de mieux comprendre un texte portant sur ce sujet. Ainsi, développer des connaissances, en dehors de l’activité de lecture elle-même permet ensuite de les réinvestir dans cette activité. Il est donc important que le lecteur puisse apprendre à articuler ces connaissances, développées à l’intérieur ou hors du contexte de lecture, lorsqu’il est en train de lire. En travaillant une thématique dans une activité de lecture et dans d’autres contextes, N.G. a pu contribuer à la construction de ces connaissances thématiques et encyclopédiques chez ces élèves. Si les autres enseignantes ne travaillent pas ces connaissances encyclopédiques et thématiques dans cette période du recueil, cela signifie peut-être qu’elles considèrent que le sens vient plutôt du texte et que le lecteur ne met pas en jeu ses propres connaissances pour le comprendre ou qu’elles les abordent à d’autres moments de l’année.

Les connaissances linguistiques sont aussi peu représentées durant le 2e trimestre dans notre recueil des données car elles ne sont abordées que par deux enseignantes: M.P., uniquement à travers des moments de mobilisation, et N.G., à travers des moments de construction et de mobilisation. Notons cependant que M.P. propose des activités régulières mobilisant ces processus. Nous avons appris que les connaissances linguistiques, ou aspects textuels (Gaonac’h & Golder, 2004) entrent en jeu dans la compréhension en lecture. En effet, le lecteur doit faire appel à différentes catégories de connaissances linguistiques pour traiter le texte : la syntaxe, le lexique, l’orthographe. Elles ne sont pas toujours rattachées à la signification du texte lui-même, mais une meilleure maîtrise de la phrase, de l’orthographe des mots, ainsi qu’un bagage lexical plus développé permet au lecteur d’investir ces connaissances pour comprendre le texte. Nous pouvons supposer que les enseignantes considèrent que les textes qu’elles proposent aux élèves ne posent pas de difficultés linguistiques particulières, c’est pourquoi elles n’approfondissent pas ces connaissances.

Les connaissances sur le genre textuel sont peu représentées dans le tableau, bien qu’elles soient abordées par les trois enseignantes. En effet, elles ne sont mobilisées ou construites que deux ou trois fois en moyenne durant cette période du recueil. Ces constats ne

correspondent pas aux attentes officielles concernant la compréhension en lecture que nous avons développées dans notre cadre théorique, car le Secteur de l’enseignement (2006) énonce des objectifs bien précis articulés autour des genres textuels. De plus, selon plusieurs auteurs comme Giasson (2007) et Gaonac’h et Golder (2004), il faut mettre en œuvre les connaissances propres à certains textes (structure) pour ainsi les comprendre. Cela implique donc que le lecteur doit s’appuyer sur les caractéristiques des différents genres textuels pour les comprendre. Nous pouvons alors supposer que ces enseignantes n’ont pas, durant cette période, privilégié les connaissances du genre et leur lien avec la compréhension en lecture.

Concernant les processus de mémorisation, de contrôle et d’évaluation, ils sont abordés par les trois enseignantes, mais à des fréquences différentes : T.S les fait mobiliser de manière quotidienne dans les activités proposées, alors que N.G. ne les travaille qu’une ou deux fois. Notons que M.P. est la seule à proposer des activités permettant la construction de ces processus, même s’ils ne sont pas très présents. Ces processus métacognitifs sont pourtant importants pour le lecteur car, comme nous avions expliqué précédemment, ils lui sont nécessaires pour maîtriser sa compréhension et ainsi choisir des stratégies adéquates pour sa lecture. En effet, si un élève a des difficultés à comprendre un texte, grâce à ces processus, il pourra choisir une stratégie lui permettant d’analyser et de surmonter l’obstacle. Nous supposons que les enseignantes croient que ces connaissances, presque absentes des pratiques, ne doivent pas forcément faire l’objet d’un enseignement explicite, mais que les élèves les développeraient de manière presque spontanée.

Le processus le plus représenté durant le 2e trimestre concerne la représentation des significations du texte car, même s’il n’est pas présent de manière quotidienne dans les activités proposées, les trois enseignantes l’ont abordé. Chez deux d’entre elles, T.S. et M.P., ces processus ont été construits et mobilisés dans les activités, T.S. un peu plus souvent que M.P. Dans la classe de N.G., ils ont été uniquement mobilisés par les élèves dans les exercices effectués. Il y a donc eu un travail particulier sur la construction d’une image mentale du texte pour former un tout cohérent. Cela peut passer par la construction du lexique spécifique au texte, par la recherche d’informations, la formulation d’inférences, etc. Nous pensons que ces processus peuvent être considérés par ces trois enseignantes comme une des grandes difficultés des élèves. En effet, un modèle mental d’un texte peut être très complexe selon s’il est plus ou moins résistant. Comme nous l’avons pointé dans les documents officiels du Service de l’enseignement (2006), le travail de la compréhension en lecture en 2P doit se porter progressivement sur des textes qui résistent aux élèves. Nous pouvons donc supposer

que les textes travaillés durant cette période du recueil est propice au développement de ces processus.

5.2. Conclusion

Au vu de ces résultats, nous pouvons constater que, durant la période de recueil du 2e trimestre, il y a davantage d’activités de mobilisation que de construction dans les classes observées. Chacune des enseignantes a ainsi davantage proposé des activités mobilisant les processus et connaissances, que leur construction, certains contenus faisant même parfois uniquement l’objet d’une mobilisation en situation. Ce constat peut être expliqué par le degré, la 2P, où l’on considère le lecteur presque autonome car il est capable de déchiffrer seul et de maîtriser les mécanismes du code écrit. Cependant, pour chaque nouvelle composante, l’enseignante devrait passer par une phase de construction des notions avant de les entraîner.

Nous pouvons donc nous demander si ces contenus ont été précédemment enseignés ou s’ils ne font que l’objet d’une mobilisation dans les activités.

Il est intéressant de noter qu’une des enseignantes sort un peu du lot, M.P., car trois processus sont fortement présents dans ses activités : les processus et connaissances concernant les sociabilités de l’écrit, les processus de déchiffrage et d’identification des mots, et les connaissances linguistiques. De plus, elle est la seule à mettre en avant l’acculturation des élèves à l’écrit dans ses activités et les processus d’anticipation, de projection et d’évaluation.

Concernant l’ensemble des données pour cette période du recueil, nous constatons donc que les pratiques sont assez distinctes les unes des autres. Cependant, certains processus et connaissances sont pas/peu mis en œuvre dans les activités proposées par les trois enseignantes, comme les connaissances pour l’identification des mots, les connaissances sur le genre textuel, les connaissances thématiques, encyclopédiques ainsi que les processus d’anticipation, de projection, et d’évaluation.

L’accent, durant cette période du recueil, est davantage mis sur le processus de représentation des significations du texte. Les enseignantes insistent donc sur la construction d’un tout cohérent. Par conséquent, nous sommes tentés à dire ici que ce contenu est privilégié durant cette période car il s’agit du seul contenu abordé par les trois enseignantes, aussi bien en construction qu’en mobilisation.

Partie 4 B)

Enseignantes du 3 e