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Enjeux liés au tourisme et aux loisirs nautiques, aquatiques et subaquatiques

Chapitre 2. Planter le décor : Mayotte

3. Enjeux liés à la mer et au littoral à Mayotte

3.1. Enjeux liés au tourisme et aux loisirs nautiques, aquatiques et subaquatiques

3.1.1. Vers un tourisme essentiellement « bleu »89

La mer et le littoral sont aujourd’hui au cœur d’un secteur touristique unanimement considéré comme l’un des facteurs de développement clef pour Mayotte90. Ainsi pouvait-on lire en 2006 dans la "Stratégie d’aménagement du territoire et de développement de l’action touristique à moyen et long terme" que « compte tenu des potentialités offertes par l’île, le Conseil Général et le Comité du Tourisme font du tourisme une priorité du développement économique de Mayotte » (CDM, CDT, 2006). Ou encore, dans le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de Mayotte91, que le tourisme est l’une des trois « filières à forte valeur ajoutée » vers lesquelles seront dirigées les politiques de soutien à l’économie (PADD, 2009). Ou enfin, plus récemment, dans le rapport 2011 de l’IEDOM, que « le tourisme constitue pour Mayotte l’un des secteurs d’activités présentant un grand potentiel de création de valeur ajoutée et d’emploi » (IEDOM, 2011). Longtemps embryonnaire, le tourisme se développe peu à peu depuis quelques années. Ainsi « au cours des années quatre-vingt, le nombre annuel de touristes est passé de 1000 à 3500 » (Gay, 1999). En 1999, l’INSEE estimait ce nombre à 21 000 et en 2010, il est passé à 53 000, avec une nette progression du tourisme d’agrément (qui concerne 43% des touristes en 2010) au détriment du tourisme affinitaire, qui restait jusque-là dominant. Selon l’INSEE, (20102), en 2010, « l’attractivité de Mayotte ces dernières années semble ainsi se confirmer », même si elle reste une destination mineure en comparaison des autres îles de l’Océan Indien, « la Réunion ayant accueilli au seul premier semestre 2010 environ 200 000 touristes » (IEDOM, 2011).

Depuis 1996, le slogan touristique adopté par le Comité du tourisme de Mayotte (CDTM)92 est révélateur du choix effectué pour construire et vendre cette attractivité : miser sur le « produit d’appel » clef que constitue l’élément marin. Anciennement « île aux

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(PADD, 2009) 90

Contrairement à la tendance dominante concernant les espaces littoraux et marins côtiers en Métropole aujourd’hui : « L’attractivité que connaissent les espaces côtiers les place davantage dans une logique de gestion du trop-plein (Paskoff, 1998) et du mal-développement que dans une recherche d’essor économique » (Guineberteau et al., 2006)

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Prévu par la loi d’orientation du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, le PADD a été élaboré et adopté le 17 décembre 2004 par le Conseil Général afin « de fixer les objectifs de développement économique, social, culturel et touristique ainsi que ceux de la préservation de sont environnement ». Il a été modifié afin de le rendre conforme à la loi Littoraldu 3 janvier 1986, applicable à Mayotte depuis l’ordonnance n° 2005-868 du 28 juillet 2005 relative à l’actualisation et à l’adaptation du code de l’urbanisme à la Collectivité. Il a été définitivement validé par le Conseil d’Etat en mars 2009 et a reçu son décret d’application en juin 2009.

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Association loi 1901 créée en 1987 à l’initiative du Conseil Général, le CDTM a vocation à conduire et à mettre en œuvre la politique et la stratégie du tourisme et de loisirs de Mayotte du Conseil Général (http://www.mayotte-tourisme.com).

parfums » au même titre que ses voisines comoriennes, Mayotte est désormais devenue « l’île au lagon », comme en témoigne l’actuel logo du CDTM.

Figure 10: Logo actuel du Comité du tourisme de Mayotte

Ainsi, si Mayotte peut, comme d’autres îles, correspondre « dans l’imaginaire collectif, à l’archétype du "paradis tropical", apprécié pour son ensoleillement et la douceur de ses températures, pour ses paysages, ses plages, ses eaux turquoises [], c’est surtout le lagon aux dimensions exceptionnelles (1100 km2) qui confère à celle que d’aucuns qualifient de "presque atoll" une grande originalité, offrant aux visiteurs de magnifiques paysages marins et plus particulièrement aux plongeurs des sites sous-marins uniques » (Bernardie-Tahir, 2001). Les activités liées au milieu marin se sont donc développées au fil des années, afin de répondre à la demande de touristes majoritairement métropolitains, représentant 48% des touristes en 2010 selon l’INSEE (20102), mais également des métropolitains résidents et des Mahorais qui se tournent progressivement vers ces activités.

3.1.2. Émergence et développement d’activités nautiques, aquatiques et subaquatiques

Au niveau de l’offre commerciale liée au milieu marin, elle est principalement constituée de trois grands types d’activités : la plongée, les sorties de découverte du milieu marin et la pêche sportive. Les chiffres présentés ici concernant le nombre de sorties ou les chiffres d’affaires générés sont principalement issus de l’enquête réalisée en 2008-2009 par A. Quartararo, qui a dû pallier le manque de données chronique sur ces sujets au moyen de nombreuses interviews recoupées avec des données souvent disparates ou peu actualisées. Ils doivent donc être considérés avec une certaine prudence, mais n’en constituent pas moins une information intéressante et inédite.

3.1.2.1. La plongée sous-marine

Cette activité, la plus ancienne à Mayotte, est aujourd’hui proposée par seize clubs de plongée, principalement basés sur la zone Mamoudzou-Dzaoudzi (8 structures), la plus proche du site de plongée le plus fréquenté : la Passe en S, qui accueille approximativement

plus de 17 300 plongées par an, soit 57% des plongées de Mayotte (Quartararo, 2009). D’autres clubs sont présents autour de l’île, notamment au niveau des structures hôtelières les plus importantes (Trévani dans le nord, Sakouli au sud-est et Le Jardin Maoré au sud). La plupart de ces clubs sont de petites structures, comptant moins de cinq salariés permanents, qui génèreraient néanmoins un chiffre d’affaires de 1,3 à 1,5 millions d’euros par an (Quartararo, 2009).

3.1.2.2. Les sorties de découverte du milieu marin

Deux types de sorties existent : l’observation des mammifères marins et les promenades en mer. Les premières sont proposées principalement par huit opérateurs, qui proposent tout au long de l’année des « safaris dauphins » pouvant selon les saisons ou les occasions, s’enrichir d’observations d’autres espèces (raies mantas, tortues, cachalots…). L’espèce phare de cette activité reste cependant la baleine à bosse, présente dans les eaux mahoraises de juin à octobre. Cette activité constitue de fait une « promenade en mer », mais la distinction souligne les différences de moyens de toutes natures entre ces structures et les trois pêcheurs officiellement autorisés à transporter des passagers, dans des embarcations aux normes. Ces derniers proposent des promenades, de la pêche embarquée de loisir et accessoirement du

whale-watching93. De nombreux pêcheurs pratiquent également ce type de sorties sans autorisation, car elle constitue un complément de revenus non négligeable. Selon certaines estimations, il y aurait eu 12 700 whale-watchers au cours de la « saison baleine » 2008, pour un chiffre d’affaires estimé entre 750 000 et plus d’un million d’euros (Guezel et al., 2009).

D’un point de vue spatial, les zones les plus fréquentées correspondent à la partie nord-est et sud-nord-est du lagon et de ses abords. La carte suivante a été réalisée par l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) et montre la fréquentation du lagon pour le

whale-watching par différents usagers94.

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Activité d’observation des cétacés dans leur milieu naturel, à vocation touristique et pédagogique 94

Enquête menée en août 2007 auprès de 48 personnes : 28 plaisanciers à moteur, 3 plaisanciers à la voile, 8 plongeurs, 7 pêcheurs emmenant occasionnellement des touristes pour des balades en mer et 2 opérateurs de whale-watching.

Figure 11: Fréquentation du lagon durant l’activité de whale-watching (Source : Pusineri et Caceres, 2009)

3.1.2.3. La pêche sportive

Cette activité est actuellement proposée par deux structures, qui auraient effectué selon l’enquête d’A. Quartararo environ 160 sorties en 2008, pour un total de 480 à 500 clients et un chiffre d’affaires de 45 000 euros. La demande serait en augmentation et « proviendrait d’une clientèle composée plutôt de cadres ou de retraités ayant un bon pouvoir d’achat parce que l’activité est relativement coûteuse (équipement, carburant, prestation) » (Quartararo, 2009).

Outre ces activités à caractère commercial95, on assiste également au développement d’activités de loisir liés à la mer et au littoral, telles que la baignade, le snorkelling

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Auxquelles nous pouvons ajouter le tourisme de croisière, qui « représente un réel potentiel économique pour Mayotte » (Guézel R. et alli, 2009), Mayotte ayant accueilli 10 879 croisiéristes entre septembre 2007 et avril 2008.

(exploration sous-marine au moyen de palmes, masque et tuba) ou encore le kayak, qui sont de plus en plus pratiquées, y compris par un public mahorais, notamment par le biais de l’école (cours de natation, kayak et initiation à la voile).

3.1.3. Un aménagement du territoire touristique essentiellement littoral

Le littoral constitue, du point de vue du développement de ces activités nautiques, aquatiques et subaquatiques, un espace clef. Quelques zones littorales sont aujourd’hui particulièrement concernées : « Structures et clients se concentrent fortement dans la zone Nord-Est de Grande terre (Mamoudzou) ainsi qu’en Petite terre (Dzaoudzi), le déséquilibre de la répartition des structures et des équipements correspondant au déséquilibre de la répartition démographique et à la faiblesse des aménagements touristiques, spécifiquement. Actuellement, il existe 3 pôles touristiques en dehors de Mamoudzou, tous les trois développés autour de structures hôtelières : Trévani au Nord-Est, Sakouli au Sud-Est et N’Gouja au Sud » (Ouartararo, 2009). En outre, il est stipulé dans le PADD, que « les sites potentiels d’accueil des installations touristiques majeures nouvelles devront être localisés exclusivement sur le littoral » (PADD, 2009), en dérogation à la loi Littoral, afin de pallier le défaut actuel de structures d’hébergement96 et de se donner les moyens d’atteindre l’objectif de 120 000 à 150 000 visiteurs par an à l’horizon 2020. Neuf sites stratégiques de développement touristique ont ainsi été identifiés dans le PADD, pour accueillir des « projets hôteliers d’envergure » (IEDOM, 2011). En janvier 2011, la Préfecture et le Conseil Général ont lancé des appels à projets concernant quatre de ces neufs sites : Bambo-Est (commune de Bandrélé), Mtsanga Beach (commune de Sada), Mtsanga Gouéla et Mariam Lidi (commune de Bouéni toutes les deux). Trois ont été pourvus au cours de l’année 2011 (Bambo-Est, Mtsanga Beach et Mtsanga Gouéla).

Cette littoralisation des infrastructures liées au tourisme rejoint la problématique plus large de la pression foncière générale qui pèse sur le littoral depuis quelques décennies et va croissant. Elle pose des questions clefs en termes de politique foncière, dont la complexité est décuplée à Mayotte, en raison des multiples évolutions en termes d’application de la législation nationale et notamment de la loi littoral, qui ne va pas sans heurts.97

96 En 2011, la capacité d’hébergement est de 559 chambres, soit 231 chambres de plus qu’en 2007, mais 1951 chambres de moins que la Réunion et 10 941 chambres de moins que Maurice (IEDOM, 2011, p. 131).

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Outre le littoral, nous pouvons constater que globalement, sur l’ensemble de la zone maritime de Mayotte, c’est plus spécifiquement le lagon qui constitue, au niveau du développement et de la gestion des activités de loisirs, la zone la plus porteuse d’enjeux.

Ainsi, sur ces deux zones clefs (littoral et lagon), la question est celle de l’augmentation de ces activités, de la pression potentielle sur les milieux qu’elles peuvent générer et d’une gestion qui permettent le développement économique au cœur duquel elles se trouvent, tout en préservant ces milieux.