• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Planter le décor : Mayotte

3. Enjeux liés à la mer et au littoral à Mayotte

3.2. Enjeux liés à la pêche et à l’aquaculture

Ces deux secteurs d’activités sont aujourd’hui porteurs d’enjeux clefs, tant d’un point de vue économique que, pour certains types de pêche, d’un point de vue socio-culturel. L’un des enjeux spécifique à la pêche mahoraise est d’abord un enjeu de connaissance (§3.2.1), qui constitue un facteur de difficulté pour la gestion et le développement de la filière pêche à Mayotte (§3.2.2). L’aquaculture quant à elle, si elle traverse dernièrement des difficultés, n’en demeure pas moins un secteur prometteur, notamment en tant que complément du secteur halieutique (§3.2.3).

3.2.1. Connaître la pêche à Mayotte

La problématique de la pêche à Mayotte se caractérise tout d’abord par une méconnaissance chronique, tant au niveau de la pêche artisanale que de la pêche industrielle.

La distinction entre ces deux grands types de pêche est utilisée par plusieurs sources98 mais appelle quelques précisions. Le domaine de la pêche est marqué, comme bien d’autres, par une multiplicité de définitions, variant d’un État à l’autre ou, de façon plus générale, d’une source à l’autre. Qu’il s’agisse du type de pêche ou de la définition du statut de pêcheur, les catégories et les critères de définition abondent. L’INSEE distingue par exemple quatre types de pêche : la « petite pêche »99, la « pêche côtière »100, la « pêche au large »101 et la « grande pêche »102. Ces quatre catégories se fondent sur la durée de l’expédition maritime et sur le tonnage des bateaux. La loi d’orientation sur les pêches maritimes et les cultures

98

Notamment Busson O., 2011 et IEDOM, 2008 à 2011 99

Absence du port inférieure ou égale à 24h 100

Absence du port comprise entre 24 et 96h 101

Absence du port supérieure à 96h, lorsque cette navigation ne répond pas à la définition de la grande pêche 102

Comprenant : a) Navires de plus de 1000 tonneaux de jauge brute ; b) Navires de plus de 150 tonneaux s'absentant habituellement plus de 20 jours de son port d'exploitation ou de ravitaillement ; c) Navires de plus de 150 tonneaux dont le port d'armement est éloigné de plus de 20 jours du port d'exploitation ou de ravitaillement.

marines de 1997 (loi n°97-1051 du 18 novembre 1997) distingue quant à elle la « pêche artisanale » de la « pêche industrielle » sur le critère de l’embarquement de l’armateur, alors que la Commission européenne considère comme artisanale la pêche effectuée au moyen d’embarcations de moins de 12 mètres (Busson, 2011), se fondant ainsi sur le critère de la taille de l’embarcation. Il existe bien d’autres critères, tels que la présence, l’absence ou la puissance d’un moteur sur l’embarcation, la distance à la côte – souvent croisée avec la profondeur de la zone de pêche –, les techniques utilisées, l’importance de la production, le caractère commercial ou vivrier de l’activité, le statut mono-actif ou pluri-actif des pêcheurs, ou encore le nombre de marins-pêcheurs embarqués. Selon les critères ou les combinaisons de critères utilisés, les chiffres peuvent énormément varier et s’avèrent ainsi souvent peu ou difficilement comparables d’un État à l’autre, ce qui constitue d’ailleurs l’un des enjeux forts de la réforme actuelle de la politique commune des pêches (PCP).

Ne prétendant aucunement trancher un débat aussi complexe, nous nous appuierons ici sur les définitions adoptées par O. Busson103, qui croise plusieurs critères de façon pertinente nous semble-t-il, au vu du contexte mahorais. En effet, selon lui « les termes de pêches côtières et de pêches hauturières, [] pourraient convenir dans la majorité des cas à Mayotte, sauf quand les pêches artisanales sont "lointaines", comme c’est souvent le cas ». Il ajoute en outre que « pour Mayotte, le critère de l’embarquement du propriétaire n’est pas pertinent car la plupart des propriétaires d’embarcations ne sont pas embarqués ; ce ne sont pas pour autant des entreprises de pêche industrielle. Le critère de taille du navire ne paraît pas non plus tout à fait adapté, car cela reviendrait à considérer que des palangriers de 13m pourraient être considérés comme industriels, ce qui ne correspond pas à l’acception commune du terme » (Busson, 2011). Il retient donc les définitions présentées dans l’encadré suivant, plus proches de celles données par la FAO que de celles précédemment évoquées.

Pourra être considérée comme industrielle une activité de pêche effectuée à partir de navires d’une longueur supérieure à 24m, effectuant des pêches hauturières, appartenant à des sociétés et disposant d’une logistique importante leur permettant par exemple de changer d’océans selon la stratégie.

A contrario, une pêche artisanale peut s’entendre comme une pêche effectuée à partir de petites embarcations à proximité relative des côtes.

Encadré 6: Définition de la pêche industrielle et de la pêche artisanale par O. Busson (source : Busson O., 2011, p. 19)

103 Auteur de deux articles et d’un ouvrage sur la pêche à Mayotte et administrateur des Affaires Maritimes de Mayotte de 2005 à 2009.

Notons que la pêche artisanale est ici définie de façon beaucoup moins précise que la pêche industrielle, du fait de sa grande hétérogénéité. La structuration et la modernisation de cette pêche nécessiteront sans doute à terme de diviser cette large catégorie, mais pour l’heure elle nous semble pertinente pour caractériser ce secteur en pleine mutation, si difficile à cerner du fait de l’absence chronique « de données statistiques fiables » (IEDOM, 2011).

3.2.1.1. La question du nombre de pêcheurs artisanaux embarqués

En effet, le « puissant mécanisme de suivi de l’activité des marins » (Busson, 2011) que constitue le régime de sécurité sociale spécifique aux marins (ENIM104) ne s’appliquant pas à Mayotte, le nombre de pêcheurs n’est pas connu précisément à Mayotte aujourd’hui. La dernière étude statistique ayant été réalisée par la DAF date de 2003 (AGRESTE-ESAP, 2004, 2004) et évalue le nombre de pêcheurs à 4817, chiffre repris dans le rapport annuel de l’IEDOM de 2011, à défaut d’autres données. Il existe pourtant un Registre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture (RAPAM), qui faisait état, en 2006, de 413 pêcheurs-agriculteurs et de 294 pêcheurs déclarant la pêche comme leur seule source de revenus (Guézel, 2007), mais une minorité de pêcheurs seulement est inscrite dans ce registre et ceux qui y figurent sont généralement des patrons pêcheurs, rarement embarqués. Depuis 2006 la mise en place d’une qualification spécifique à Mayotte, le Certificat d’aptitude au commandement des navires de la petite pêche (CACPP)105 contribue à apporter quelques informations quantitatives (108 marins ayant obtenu ce brevet en 2010 par exemple), mais concerne là encore une minorité de pêcheurs. Il faut ajouter en outre que la pêche est un secteur employant un grand nombre d’immigrés comoriens en situation irrégulière – 60% des pêcheurs embarqués seraient en situation irrégulière en 2006 (Guézel, 2007) –, ce qui ne facilite certes pas les tentatives de quantification. « La Préfecture de Mayotte a accordé, depuis 2003, plus de 200 cartes de séjour à des pêcheurs étrangers (pour la plupart Anjouanais), mais il reste encore un grand nombre de pêcheurs étrangers en situation irrégulière à Mayotte » (IEDOM, 2011). Au vu de tout cela, force est de constater que parmi ces pêcheurs locaux, ceux que l’on appelle « pêcheurs professionnels » à Mayotte forment

104

Établissement national des invalides de la marine. Ce régime de sécurité sociale s’applique partout en France et dans les Outre-mers, sauf, pour l’heure, à Mayotte.

105

« Les capitaines de barques qui pêchent au moins quatre jours devraient être titulaires du brevet capacitaire à la pêche, mais le niveau de cette formation [] est difficilement accessible à la très grande majorité des navigants qui ne maîtrisent pas le français » (IEDOM, 2011, p. 87). Le CACPP, en ne demandant aucun pré-requis et en se basant sur des cours et des examens en langue locale est une innovation mahoraise permettant une régularisation du statut des pêcheurs ainsi qu’une amélioration de certaines de leurs connaissances. Il a été étendu depuis à la métropole et à la Réunion.

une catégorie plus que floue, pouvant relever de l’inscription au RAPAM, de l’adhésion au SMPPM (Syndicat Maritime des Pêcheurs Professionnels de Mayotte), de l’auto proclamation ou encore du type d’embarcation utilisée.

3.2.1.2. La question des types d’embarcations artisanales et des zones de pêche associées

On distingue généralement trois types d’embarcations de pêche artisanale à Mayotte : les pirogues, les « barques Yam’ »106 et les palangriers. Comme on peut le voir sur la Photo 7, les pirogues mahoraises sont à balancier unique, taillées dans un tronc de manguier, de badamier ou de takamaka. Elles mesurent entre 2 et 5m de long et peuvent transporter de un à trois pêcheurs. La technique de pêche la plus utilisée avec ce type d’embarcation est celle de la palangrotte107, mais le filet peut également être utilisé (cf. Planche photo 5, chap.4). Certaines de ces pirogues sont motorisées. Le dernier recensement officiel effectué par la DAF date 2005 et comptabilisait 773 pirogues. D’autres estimations plus récentes avancent un chiffre de 900 pirogues en 2010 (Affaires Maritimes et Busson, 2011) et de 1200 en 2011 (Copemay et IEDOM, 2011). Là encore, difficile de disposer de données précises.

106Abréviation de « Yamaha ».

107 Correspond à l’utilisation d’une ligne lestée d’un caillou et gréée d’un hameçon droit, pratiquée de jour comme de nuit.

Photo 6: Palangrier (Cliché: R. Guézel)

Photo 7 : Pirogue (Cliché : L. Beretti)

Photo 8 : barque "Yam" (Cliché : A. Poiret)

À partir du début des années 90, « la flotte de pêche mahoraise a évolué avec l’importation massive de barques en polyester motorisées » (cf. Photo 8), de 7 à 9 mètres de long, adaptées à l’absence d’infrastructures portuaires dédiées à la pêche (non pontées, elles sont suffisamment légères pour être remontées sur la plage au retour de la pêche) (Busson, 2011). Selon les estimations, leur nombre est évalué entre 250 et 300 en 2011. Il a baissé depuis que leur importation a été interdite en 2004, car elles ne répondaient plus aux normes de sécurité en vigueur à Mayotte. Les techniques utilisées sont là aussi principalement la palangrotte et le filet.

Enfin, les palangriers (cf. Photo 6) constituent le dernier type d’embarcation à Mayotte, le plus moderne, pêchant, comme leur nom l’indique, à la palangre. Ce type d’embarcation fait son apparition à Mayotte au début des années 2000 et l’on compte aujourd’hui trois palangriers sur l’île.

Au niveau des zones de pêche de ces différentes embarcations, on peut constater sur le schéma suivant qu’elles tendent à se superposer, les barques partageant avec les pirogues les abords de la barrière externe et avec les thoniers senneurs la zone extérieure au lagon. En effet, certaines grandes barques équipées d’un double moteur et d’une cale à glace vont pêcher relativement loin, vers les bancs de la Zélée et du Geyser principalement (situés à environ 60 milles de Mayotte), mais aussi jusque dans les eaux malgaches, sur les bancs du Castor et du Leven (situés à 130 milles de Mayotte), de la Grenouille (180 milles) ou encore dans les eaux du Mozambique, au niveau du banc du Lazarus (230 milles) (Busson, 2011). Il va sans dire que dans ces barques non conçues pour parcourir de telles distances, les conditions de sécurité sont des plus faibles et il va également sans dire que les pêcheurs prenant de tels risques sont assez rarement de nationalité française.

Figure 12: Schématisation des zones de pêche associées aux types d’embarcations et aux types de pêche (source : Wickel A., 2008)

Représenté en rouge sur le schéma ci-dessus (cf. Figure 12), apparaît un autre type de pêche que nous n’avons pas encore abordé : la pêche à pied.

3.2.1.3. La question des pêcheurs à pied

En effet, à ces considérations axées sur les pêcheurs embarqués, il faut également ajouter la question des pêcheurs à pied, n’ayant fait l’objet d’aucune étude statistique avant 2008-2009, période à laquelle la mission d’étude pour la création du PNM a réalisé une enquête sur laquelle nous reviendrons plus précisément. C’est une activité qui demeure largement pratiquée à Mayotte, tout particulièrement lors des grandes marées. Elle peut être de diverse nature, selon les méthodes et les outils utilisés, ainsi que les produits pêchés (crustacés, coquillages, poissons, poulpes…). Ces derniers sont généralement destinés à une consommation familiale. Certains pêcheurs vendent toutefois le produit de leur pêche à des restaurants ou à des magasins, notamment lorsqu’il s’agit de poulpes et de crabes (les crabes faisant partie, en principe, des tabous alimentaires musulmans). On peut distinguer six types de pêche à pied :

- La récolte de coquillages

Pratiquée traditionnellement par les femmes comme par les hommes, de façon collective ou individuelle, cette activité consiste à ramasser diverses sortes de coquillages sur le platier et les parties rocheuses de l’estran, à marée basse.

Lambis lambis (Sept doigts) Cypraecassis rufa (Casque rouge) Planche photo 2: Coquillages récoltés au cours d’une session de pêche à pied

(clichés: Lara Beretti, 2008) - La pêche au poulpe

Sans embarcation, la pêche au poulpe se pratique de deux façons : soit à pied, sur le platier, soit, à partir du platier, en nageant au niveau du tombant. Ce sont autant les hommes

que les femmes qui pratiquent la première technique, la seconde étant exclusivement masculine.

Planche photo 3: Pêche au poulpe (clichés: Lara Beretti, 2008) - La pêche à l’uruva

L’uruva (Tephrosia sp.) est une plante sauvage et anciennement cultivée à Mayotte. Traditionnellement, les femmes fabriquent une pâte avec ces feuilles, qu’elles jettent ensuite dans les flaques résiduelles du platier, à marée basse. Toxique, cette pâte provoque l’asphyxie des poissons, mais également de tous les êtres vivants présents dans la flaque. Les poissons sont donc ensuite récoltés facilement à la main. Ce type de pêche ainsi que la culture de l’uruva sont interdits depuis l’arrêté préfectoral n°396/DAF-SEF du 17 juin 1997, portant interdiction de certains modes de pêche, ainsi que de la culture de l’uruva sur le territoire de Mayotte. Elle continue néanmoins à être pratiquée par certains.

- La pêche au djarifa et la pêche au filet

La pêche au djarifa se pratique depuis des générations à Mayotte, et constitue peut-être le mode de pêche le plus unanimement reconnu comme traditionnel (par les habitants, et par les touristes, pouvant trouver de nombreuses cartes postales ou descriptions de guides, mettant en scène cette activité). Il s’agit d’une activité exclusivement féminine, qui se pratique en fond de baie et en sortie de mangrove, à marée descendante, et plus particulièrement lors des marées basses de vives eaux. Aujourd’hui, les djarifas sont de plus en plus largement confectionnés à partir d’un tissu en tulle (type moustiquaire), plus facile à soulever car laissant passer plus d’eau à travers les mailles que des tissus en coton ajouré. Les mailles sont donc extrêmement fines. Pour cela, la longueur du djarifa excède rarement 6m, pour une

largeur variant entre 4 et 6 m (cf. Photo 9 et Photo 10). Chaque pêcheuse ne possède pas son

djarifa, c’est généralement la propriété d’un groupe de pêche au sein duquel la pêche sera partagée équitablement.

Photo 9: Djarifa (source : Dahalani Y., 1997)

La technique est la suivante : il faut deux femmes tenant le djarifa et une « rabatteuse ». Les deux pêcheuses tenant le djarifa le maintiennent ouvert dans l’eau, en le bloquant avec leurs pieds, ce qui permet de le plaquer au fond de l’eau. L’autre côté du djarifa est maintenu à la surface à la main. Lorsque le banc de poisson est entré dans le djarifa, les pêcheuses le lèvent afin de piéger les poissons à l’intérieur.

Photo 10: Levée du djarifa (source : Dahalani Y., 1997)

La pêche au filet peut également se pratiquer à marée descendante, sur le principe de la pêche au djarifa. Il s’agit là aussi de piéger de petits poissons en les encerclant dans le filet, puis en tirant celui-ci vers le bord tout en le refermant. Il faut donc être au minimum deux pêcheurs.

Photo 11: Pêcheuses au filet changeant de zone de pêche, Musical Plage (cliché : Lara Beretti, 2008)

D’une façon générale, la pêche à pied se pratique face au village (la pêche au djarifa

étant particulièrement codifiée à ce niveau-là : hors de question pour des femmes de s’aventurer sur le périmètre d’un autre village, sous peine de représailles en règle de la part des femmes du village en question), tandis que le lagon constitue un espace beaucoup moins approprié, chacun étant libre d’aller pêcher où bon lui semble.

- La récolte de Porites pour le Mzindzano

Enfin, un dernier élément que l’on peut classer parmi les activités de pêche à pied même s’il est particulier, consiste dans la récolte de certains coraux (Porites massifs des groupes

lutea, solida, lobata), pour construire la « pierre à mzindzano », utilisée pour la fabrication du masque de beauté traditionnel du même nom. Le port de ce masque est répandu dans l’ensemble de l’archipel des Comores, mais également dans le nord du Mozambique, en Tanzanie et dans les îles de Zanzibar et Pemba.

Photo 12 : Femme portant le msindzano (cliché : Lara Beretti, 2008)

« Pour réaliser ce maquillage quotidien, les femmes se servent d’un « tabouret » de corail sur lequel elles préparent une pâte onctueuse en râpant, sur le corail mouillé d’un peu d’eau, du bois, le plus souvent de santal, et/ou des végétaux (racines de henné, bourre de coco, un champignon ligneux, etc…), mêlés avec d’autres végétaux odorants (fleurs séchées, lichen, safran ou petites graines). Ce masque de beauté a des vertus protectrices de la peau contre le soleil et d’autres agressions » (Chanfi et Thomassin, 1999). Ces « tabourets » de corail sont fabriqués par des artisans qui en produiraient, selon l’enquête réalisée dans le cadre de la mission d’étude pour la création du PNM entre deux et cinq par an (Guézel et al., 2009). Cependant, la cueillette de corail étant interdite depuis 1980108 et l’amende conséquente, il est difficile d’obtenir des informations précises et suffisamment nombreuses pour être représentatives.

Planche photo 4: Des Porites massifs aux « tabourets » de corail (clichés : Lara Beretti, 2008)

L’enquête sur les pêches traditionnelles à Mayotte qu’a mené la mission d’étude pour la création du PNM comportait trois volets : un volet enquête, un volet comptages et un volet évaluation de l’impact de la pêche au djarifa. Nous reviendrons ultérieurement sur les deux autres volets, mais notons ici les apports du volet comptage. Celui-ci a consisté en une série de survols en ULM tout autour de l’île, réalisés entre août et novembre 2008. Le fait que ces survols n’aient pu être effectués qu’au cours d’une saison est un biais certain, mais des données inédites et fort intéressantes ont pu en être tirées, même si elles restent à approfondir. Ainsi, il a pu être estimé que « chaque jour, en moyenne plus de 160 ramasseurs et une vingtaine de pêcheuses au djarifa fréquentent le pourtour de l’île » (Guézel et al., 2009).

108

En termes spatialisation des données relatives à ces pêches, cette étude a apporté des informations tout à fait intéressantes, comme l’illustre cette carte réalisée pour la pêche au

djarifa (cf. Figure 13).

Figure 13 : Zones de pêche au djarifa et nombre de djarifa en activité (source : Guézel R., et al. 2009)

3.2.1.4. La question de l’évaluation des prélèvements de la pêche artisanale

Au-delà de la question du nombre de pêcheurs et d’embarcations, se pose également celle des quantités prélevées, en termes de ressources. Elles sont elles aussi très difficiles à quantifier. La CAPAM (Chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte) évalue cependant à 2050 tonnes de poissons la production annuelle du secteur de la pêche, pour un chiffre d’affaires d’environ 10 millions d’euros. La pêcherie palangrière, quant à elle, est estimée à environ 30 tonnes en 2011, contre 42 tonnes en 2010 (IEDOM, 2011).

3.2.1.5. Les thoniers senneurs

La « méconnaissance chronique » dont nous parlions un peu plus haut à propos de l’ensemble du secteur pêche à Mayotte touche la pêche industrielle de façon différente de la pêche artisanale. En effet, concernant cette pêche, des données quantitatives sont plus faciles à trouver109, mais selon certains auteurs, elle a longtemps été occultée, considérée comme ne faisant pas partie de la pêche mahoraise. En effet, si l’on remonte au fil des années dans les rapports de l’IEDOM, cette pêche n’apparaît qu’à partir du rapport annuel de 2007. Auparavant, la pêche qui est présentée est uniquement artisanale.

Actuellement, cinq thoniers senneurs sont immatriculés à Mayotte, parmi les plus récents de la flotte française et qui représentent ¼ de la flotte industrielle thonière française. En tout, ce sont une cinquantaine de thoniers français, espagnols, seychellois et italiens qui pêchent chaque année dans la ZEE de Mayotte. En 2010, il aurait ainsi été pêché près de 6000 tonnes de thons dans la ZEE de Mayotte en quelques semaines, pour un chiffre d’affaire estimé par les Affaires Maritimes entre 4 et 6 millions d’euros (Busson, 2011). Les prises sont