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Chapitre 2. Planter le décor : Mayotte

4. Gérer et protéger la mer et le littoral à Mayotte

4.4. Émergence et mise en place d’un autre outil : le PNM

4.4.1. Un « nouvel » outil

Contrairement à l’argumentaire déployé pour le projet de RNL, celui mobilisé pour le parc naturel marin s’axe, en écho à l’argumentaire national, sur une rupture avec les outils précédents, notamment au niveau d’une gestion plus concertée, plus adaptée au milieu marin et davantage guidée par les principes du développement durable. En outre, l’argumentaire local insiste sur la « gestion des équipements » et sur le principe d’un « acteur unique », qui fédère actions et acteurs, deux arguments faisant particulièrement écho à Mayotte, comme nous l’avons entraperçu.

« Le parc naturel marin est un nouvel outil de gestion du milieu marin, créé par la loi du 14 avril 2006. Adapté à de grandes étendues marines, il a pour objectif de contribuer à la protection, à la connaissance du patrimoine marin et de promouvoir le développement durable des activités liées à la mer. Jusqu’à la création de ce nouveau statut de protection, divers outils servaient les stratégies de conservation du milieu marin. Peu d’initiatives concernaient à la fois le littoral et le large et offraient un cadre de gouvernance adapté. C’est sur la base de ce constat qu’est née, au début des années 90, l’idée de créer ce nouvel outil qui peut être mobilisé de la côte vers le large, dans la limite des douze milles nautiques ( ZEE) »145. Présentation de l’outil PNM par l’ANAMP

Présentation de l’outil par la DAF, lors de la réunion de la MISEEN146 du 23 janvier 2007 Figure 18 : Présentation de l’outil PNM à l’échelle nationale et à l’échelle locale

145

http://www.aires-marines.fr 146

Mission Inter Services de l’Eau et de l’Environnement, créée en juillet 2005 par les services de l’État afin d’assurer les responsabilités régaliennes prévues dans le Code de l’Environnement, applicable à Mayotte depuis 2005. Elle comprend : le Bureau de la coordination et de l’environnement de la préfecture (BCE), la Direction de l’agriculture et de la forêt (DAF), la Direction de l’Équipement (DE), la Direction des affaires sanitaires et sociales (DASS), les Affaires maritimes et, depuis 2007, la division territoriale de la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE).

Au fond, les objectifs de connaissance et de développement durable ne sont pas spécialement nouveaux dans le contexte local. Affichés dans le PGLM puis dans le PADD ainsi que dans les plans d’actions locaux IFRECOR et Biodiversité, ils sont au cœur des discours sur la gestion de l’environnement littoral et marin dès avant la loi de 2006 créant les PNM.

Ce sont bien davantage les objectifs en termes de gestion d’espaces conséquents et de concertation qui apparaissent comme innovants à Mayotte où, comme on vient de le voir, le « zonage mosaïque » prévaut et où la participation des usagers (c’est-à-dire des « acteurs de terrain ») est inexistante ou purement décorative.

C’est sur ce second point qu’il est intéressant d’axer la rétrospective synthétique que l’on peut faire du processus de mise en place du PNM à Mayotte.

4.4.2. Processus de mise en place du PNM et place de la participation

Si l’on reprend les grandes étapes de création d’un PNM (cf Figure 19), il est possible de distinguer trois grandes formes de participation : la participation prévue dans le cadre de la loi (du 14 avril 2006), la participation laissée à l’initiative de la mission d’étude pour la création d’un PNM et enfin, diverses formes de participation « parallèles » à ces deux cadres.

Figure 19 : processus de mise en place d’un PNM

(source : Guézel R., 2007)

Ainsi, nous avons reporté sur la frise chronologique suivante (Figure 20) ces trois formes de participation que nous avons pu identifier au cours de la mise en place du PNM à Mayotte, à partir de nos observations, d’entretiens avec les acteurs institutionnels, les acteurs de terrain et les agents de la mission, ainsi que d’un travail de recherche dans les archives de la mission. Pour construire cette figure, nous avons considéré comme « éléments de participation » toute forme d’interaction entre le sujet PNM et les acteurs locaux : information, consultation, débat… Le début officiel de la mission se situe à la fin de l’année 2007, avec l’arrêté ministériel de création de cette mission d’étude, mais il nous a semblé

intéressant de remonter en amont, jusqu’à la première apparition du projet, lors d’une réunion de divers services de l’État en MISEEN, au cours de laquelle le porteur du projet de RNL147 a présenté le projet de PNM, alors envisagé comme complémentaire de la RNL (cf. Figure 20).

Cette réunion a été suivie d’un stage réalisé au sein de la DAF, qui avait pour thème l’identification des acteurs concernés et donc susceptibles d’être intégrés à la mise en place des projets de PNM et de RNL. Ce stage ainsi que la mission de prospection du directeur de l’ANAMP, qui a eu lieu au milieu ont donné l’occasion à certains acteurs d’être informés sur ces projets et d’émettre un avis. Au cours de la mission, des évènements comme le Grenelle de la mer, les EGOM148 ou le festival de l’image sous marine ont constitué d’autres moments de participation parallèles au travail de la mission, en termes de visibilité du projet, d’information, ou de débat (EGOM, Grenelle).

Les formes de participation mises en place à l’initiative de la mission ont suivi en grande partie celles utilisées dans le cadre du PNM d’Iroise : groupes de travail, comités de pilotage (CoPil) rassemblant l’ensemble des groupes de travail et tout un panel d’autres acteurs. Mais cette interaction entre PNM et acteurs est aussi passée par le biais d’une enquête sur les pêches traditionnelles, réalisée au cours de l’année 2008 par les agents de la mission, et qui a été l’occasion d’échanges avec les pêcheurs villageois autour du PNM, tout autant que lors des réunions d’information et de consultation villageoises organisées entre avril et mai 2009. De la même façon, le retour des agents de la mission dans les villages en juillet 2009 pour mobiliser des représentants des pêches traditionnelles en vue du troisième et dernier comité de pilotage de septembre 2009, a été l’occasion d’échanges qu’il nous a semblé important de faire apparaître en tant qu’éléments de participation.

Enfin, conformément à la loi, le processus s’est achevé par une mise à disposition du public149 et une consultation officielle des « personnes morales et organismes directement intéressées », pour aboutir en janvier 2010, deux ans après le début officiel de la mission, à la création du second PNM français et du premier PNM outre-mer.

La question de savoir dans quelle mesure ces diverses formes de participation mises en place au cours de ce processus constituent une réelle innovation dans le cadre de la gestion de l’environnement littoral et marin à Mayotte est tout l’objet des chapitres suivants.

147

Qui a participé à la réflexion nationale autour de la loi de 2006 148

États généraux de l’outre-mer 149

Il est normalement prévu une enquête publique, mais en application des dispositions du code de l’environnement propres à Mayotte, celle-ci a été remplacée par une « mise à disposition du public », dans les formes prévues aux articles L. 651-3 et R 651-4 du code de l’environnement.

F ig u re 2 0 : R ét ro sp ec ti ve d e la m is e en p la ce d u P N M à M ay ot te : g ra n d es é ta p es e t fo rm es d e p ar ti ci p at io n (C on ce p ti on /R éa li sa ti on : L . B er et ti )

Conclusion

Au terme de ce second chapitre, nous avons un aperçu un peu plus précis de ce qui fonde certaines spécificités de ce territoire mahorais au sein duquel s’inscrit le projet de PNM sur lequel nous nous sommes penchée.

Nous tenterons, au gré des pages qui suivent, de comprendre le degré d’adéquation de l’outil PNM et de ses modalités de création, avec ce territoire. Ce qui exige, avant toute chose, de préciser les méthodes au moyen desquelles nous avons mené notre investigation.

Chapitre 3. Réalités, enjeux et méthodes d’une recherche de