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Les effets des rites d'initiation sur la culture organisationnelle

LEADERSHIP ET ENTREPRENEURIDP

2.2. LES EFFETS DU LEADERSHIP SUR LA CUL TURE ORGANISATIONNELLE

2.2.2. Les effets des rites d'initiation sur la culture organisationnelle

Une grande attention a été consacrée dans la littérature sur les organisations aux avantages compétitifs qui dérivent de l'existence d'une culture « forte », c'est-à-dire un système de croyances qui définit une mission générale, crée une obligation supérieure aux intérêts personnels, un sens du« bien» général et la volonté de l'atteindre.

Les chercheurs qui ont exploré le domaine de la culture des organisations se sont concentrés sur les contnbutions des éléments culturels « à l'unification et au contrôle de l'organisation» (Smircich & Calas, 1987:238). Selon Thévenet (1992), les années passées dans le même milieu social (donc l' entreprise) et dans la même culture transforment la vision personnelle, les habitudes et normes de travail des personnes dans l'entreprise. Schein, comme nous l'avons vu précédemment, suggère que le concept de culture doit être réservé « au niveau plus profond de suppositions de base et de croyances qui sont partagées par les membres d'une organisation» ; il prend ainsi une position fonctionnelle en avançant que « ces suppositions et croyances sont les réponses apprises aux questions de survie d'un groupe dans son environnement externe et à ses questions d'intégration interne }}.(Schein, 1985:6)

Le processus d'initiation est ainsi un processus à travers lequel un membre de l'organisation acquiert un nouveau rôle, en s'adaptant à la culture de l'organisation. Cette adaptation fait référence précisément aux processus psychologiques tels le changement d'attitude, la confonnité, l'influence, la réciprocité et le développement de sentiments de fidélité et d'obligation vis-à-vis de l'organisation.

L'objectif du processus d'initiation est de construire une obligation vis-à-vis de l'organisation et mettre en phase les objectifs et les valeurs de l'individu avec ceux de l'organisation. C'est-à-dire de faire en sorte que le nouvel employé accepte et s'identifie aux buts et aux valeurs de l'organisation aussi efficacement que possible. Les chercheurs ont remarqué que, pour que le processus de construction d'une obligation soit efficace, les croyances et les comportements à priori doivent être d'abord «cassés» (Aronson & Mills, 1959; Cialdini, 1993).

L'un des objectifs principaux du processus d'initiation est de faire renoncer l'individu à ses buts antérieurs, à ses croyances et attitudes qui peuvent entrer en conflit avec celles de l'organisation. Cela peut se faire soit par la punition physique ou psychologique (comme dans « la fabrication de policiers» (Van Maanen, 1978); soit en faisant en sorte que les individus acceptent une autre identité, spécifique à la situation (comme dans « l'usine du sourire» (Van Maanen, 1991); soit d'une manière non coercitive d'influence (par exemple via la règle de la réciprocité (Regan, 1971). Ces sortes de rituels ont été pratiqués depuis l'origine des sociétés humaines. Ils symbolisent le changement, le passage d'une frontière, l'entrée dans un groupe fermé, sélectif. Plus ces rites de passage sont douloureux pour les acteurs, plus grande est leur signification aux yeux des autres membres du groupe et des nouveaux membres (Reitter, 1985).

Pour que le rite de passage ait lieu, il est important que l'intégration dans l'organisation soit considérée comme un privilège par le nouveau membre et qu'elle ait une connotation d'exclusivité. Si l'employé juge que le fait d'intégrer telle organisation est un privilège qui améliorera son statut, une réponse plus favorable de sa part envers l'organisation est ainsi assurée. Cialdini analyse plusieurs exemples où les membres d'un groupe social sont

forcés de passer des rites d'initiation douloureux ou humiliants mais qui les intègre dans l'organisation ou le groupe par besoin de sembler cohérents face aux autres et face à eux- mêmes (Aronson, 1959; Cialdini, 1993).

La confiance est cruciale pour qu'un rite de passage ait un résultat positif. Des unités d'élite militaires ont, dans le monde entier, constaté que la façon la plus efficace de faire traverser les rites de passages aux individus est de combiner des niveaux extrêmes de pressions physiques et psychologiques avec un très haut niveau de justice, de soutien et de respect. Cela n'est possible qu'en leur faisant clairement comprendre que le caractère désagréable des rites sert à en faire des membres à part entière du groupe tout en leur offrant un appui moral et physique réel et en étant très juste dans leur traitement. Un tel traitement augmente la probabilité d'éveiller des sentiments de sympathie et un besoin de réciprocité (Cialdini, 1993) tout en soulageant le côté dur de l'intégration des nouveaux membres.

Selon les chercheurs les rites de passage recouvrent différents éléments. L'un d'entre eux est l'apprentissage de nouvelles connaissances, importantes pour une bonne exécution du travail et pour le fonctionnement général de l'organisation; un autre est l'acquisition d'une base stratégique, c'est-à-dire un ensemble de règles de décision pour la résolution de problèmes. D'autres éléments ressortent, comme la familiarisation avec la mission de l'organisation, son but ou son mandat et un changement d'attitudes et de valeurs qui aboutissent à un attachement plus profond à l'organisation (Van Maanen & Schein, 1979).

La clarification du contrat psychologique et le «mentoring» participent également des rites de passage. Puisque que la socialisation est principalement accomplie par l'apprentissage social, les collègues et les supérieurs du nouveau venu en fournissent tous les éléments, en créant dans le même temps une pression de conformité. Les supérieurs sont une source d'autorité, de récompense et de punition. Les collèges peuvent influencer les nouveaux venus en étant désirables comme amis, mais aussi par leur capacité informelle à récompenser et punir (Hac~ 1992).

2.3. RESUME

En ce qui concerne la notion du leadership, il y a une vaste quantité de littérature discutant ses effets sur des résultats organisationnels. Tandis qu'il y a un accord que les contraintes situationnel1es et des normes sociales manifestent une influence sur le comportement du leader et des résultats organisationnels en des différentes façons, il existe aussi de l'évidence empirique suffisante que la personnalité du leader et son comportement a une influence sur des facteurs organisationnels et peut, dans certaines circonstances particulières, être même décisif pour des résultats organisationnels. En regardant la stratégie et la structure des restaurants gastronomiques, il devient clair qu'ils reflètent la plupart des caractéristiques des organisations entrepreneuriales décrites ci- dessus, et que leur fonctionnement est fortement lié à la qualité du leadership dans l'organisation. Ceci sera discuté en détail dans les chapitres contenant les résultats de l'étude du terrain.

Mais, avant d'aborder la partie empirique de l'étude, pour mieux comprendre la façon dont les entrepreneurs/chefs dirigent leur restaurant gastronomique, il est nécessaire de brosser le tableau de la culture nationale française dans laquelle ces individus ont été immergés depuis leurs débuts et qui a une influence majeure sur des sujets tels que l'autorité et le leadership. Ceci semble nécessaire comme complément pour l'absence de la mise en contexte historique des phénomènes de leadership dans le présent chapitre. La définition des concepts de leadership et d'autorité spécifique du contexte national vont nous permettre de mieux éclairer la spécificité du caractère national français. C'est sur ce point particulier, que la France a une culture distincte d'autres pays, beaucoup plus que sur les aspects que nous aborderont ultérieurement comme celle de la créativité. Un éclairage de ce point semble nécessaire pour pouvoir expliquer pourquoi c'était en France et nul part ailleurs - en dépit de ses origines Italiennes - que la Grande Cuisine a pu se développer.

CHAPITRE 3

LEADERSIllP

ET RELATIONS D'AUTORITE DANS LA