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Section 1 – La famille structurelle juridique

B) Le partenariat enregistré

2) Les effets du partenariat enregistré

109. Le partenariat, structure juridique impliquant droits et obligations – L’objectif d’un

paragraphe sur les effets du partenariat n’est pas de référencer toutes les incidences de cette structure juridique sur les couples. Il n’est pas non plus question ici de dresser un catalogue des différentes formes de partenariat et de leurs particularités. L’intention est de comprendre les tenants et les aboutissants de la mise en place d’une seconde structure juridique de couple.

1 Ibid., § 77. Voir également CEDH, Affaire KARNER c. AUTRICHE, Requête no 40016/98, 24 juillet 2003, § 41, JCP G

2004, I, 107, obs. F. SUDRE ; RTDH 2004, p. 663, note P. FRUMER ; RTD civ. 2003, p. 764, obs. J.-P. MARGUÉNAUD ;

RD publ. 2004, p. 841, obs. M. LEVINET ; RD publ. 2004, p. 800, obs. F. SUDRE ; CEDH, Affaire KOZAK c. POLOGNE, Requête no 13102/02, 2 mars 2010, § 92.

2 VALLIANATOS ET AUTRES c. GRÈCE, préc., § 77. Voir également KARNER c. AUTRICHE, préc., § 37 et § 42 ; X ET AUTRES c. AUTRICHE, préc., § 99.

3 VALLIANATOS ET AUTRES c. GRÈCE, préc., § 77. Voir également CEDH, Affaire SALGUEIRO DA SILVA MOUTA c. PORTUGAL, Requête no 33290/96, 21 décembre 1999, § 36, RTD civ. 2000, p. 313, obs. J. HAUSER ; RTD civ. 2000,

p. 433, obs. J.-P. MARGUÉNAUD ; Dr. fam. 2000, comm. 45, A. GOUTTENOIRE-CORNUT ; JCP G 2000, I, 203, chron. F. SUDRE ; JCP G 2001, I, 293, obs. T. FOSSIER ; X ET AUTRES c. AUTRICHE, préc., § 99 ; CEDH, Affaire E.B. c. FRANCE, Requête no 43546/02, 22 janvier 2008, § 93 et § 96, AJ fam. 2008, p. 118, obs. F. CHÉNEDÉ ; RDSS 2008,

Au Canada, le partenariat enregistré existe au Québec, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba. Mais ces conceptions du partenariat enregistré diffèrent de celles connues en Europe, notamment en France. En effet, dans l’hexagone, le pacte civil de solidarité est conçu comme une forme alternative de structure de couple, comme un cadre juridique donnant des droits et obligations aux partenaires. Au Canada, le partenariat enregistré apparaît moins comme une structure globale de couple que comme un mode de publicité de la relation de fait. Au Manitoba, les conjoints de fait peuvent faire enregistrer leur relation auprès d’une institution publique. En Nouvelle-Écosse, les concubins peuvent eux aussi faire enregistrer leur relation en signant un partenariat domestique. Ces procédures leur permettent de bénéficier de certaines lois réservées aux couples mariés. Ces lois sont très souvent ouvertes aux conjoints de fait mais avec une condition de délai pour pouvoir en bénéficier ou avec la présence d’un enfant. L’enregistrement permet de bénéficier des avantages de nombreuses lois sans respecter l’exigence de durée.

110. Le partenariat, reconnaissance d’une nouvelle structure globale de couple – En

mettant en place un partenariat enregistré, les législateurs ont entendu concevoir un nouveau statut pour les couples. Ce faisant, l’idée n’était pas de mettre en place des effets ponctuels, mais de créer un cadre juridique global réglementant l’ensemble de leur vie de couple. Ainsi, le partenariat enregistré offrirait aux individus, notamment aux couples homosexuels ne pouvant pas accéder au mariage, un moyen « de réglementer les questions patrimoniales, de pension alimentaire et de succession non pas à titre de simples particuliers concluant entre eux des contrats de droit commun, mais en se prévalant du régime juridique du pacte de vie commune, donc en bénéficiant d’une reconnaissance officielle de leur relation par l’État »1.

À l’origine, le partenariat enregistré est appréhendé comme une structure de couple. Il n’est donc pas conçu comme le point de départ d’une vie de famille, à la différence du mariage qui peut être considéré comme l’acte fondateur de la famille2. Pourtant, cette distinction peut être atténuée en ce

que le mariage n’est pas limité à des personnes capables de procréer. Ainsi, cette institution est ouverte aux personnes stériles du fait de leur âge ou de leur santé. De même, un couple n’ayant pas l’intention de mettre au monde des enfants ne se voit pas interdire le mariage. En outre, les couples de personnes de même sexe bénéficient d’une reconnaissance progressive dans de nombreux pays

1 VALLIANATOS ET AUTRES c. GRÈCE, préc., § 81. 2 Voir supra § 93.

qui acceptent leur dimension familiale. Cette évolution est consacrée dans un arrêt fondateur de la Cour européenne des droits de l’homme, l’arrêt Schalk et Kopf contre Autriche de 20101. Les juges de

Strasbourg estiment qu’« il est artificiel de continuer à considérer que, au contraire d’un couple hétérosexuel, un couple homosexuel ne saurait connaître une “vie familiale” aux fins de l’article 8 »2.

111. Effets similaires ou distincts du mariage – Les États qui mettent en place un

partenariat enregistré ont la volonté de créer un statut juridique de couple. Il est très fréquent que les effets patrimoniaux qu’ils y attachent soient similaires à ceux du mariage. Ainsi, l’Union civile du Québec offre les mêmes droits et obligations que le mariage en imposant aux partenaires le devoir de respect, de fidélité, de secours, d’assistance et de vie commune3. Au Royaume-Uni également, le civil

partnership « accorde des droits et obligations équivalents à ceux d’un couple marié »4. En Autriche,

le partenariat prévoit la représentation entre partenaires à l’égard des tiers ainsi qu’un droit à pension alimentaire entre les membres du couple5. De plus, « [à] l’instar des couples mariés, les partenaires

enregistrés doivent vivre ensemble comme des époux à tous égards et partager un domicile commun, et se doivent mutuellement respect et assistance »6.

L’idée est d’offrir aux partenaires, notamment aux membres de couples homosexuels, un encadrement juridique de leur vie commune. En effet, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme estiment que « les couples homosexuels sont, tout comme les couples hétérosexuels, capables de s’engager dans des relations stables. En effet, la vie en commun des couples de même sexe implique les mêmes besoins de soutien et d’aide mutuels que ceux des couples de sexe opposé »7. Il est très fréquent de voir modifiées des lois offrant des avantages matériels aux époux

afin qu’elles profitent aux partenaires. Il arrive que le législateur rajoute une condition de durée pour que le partenariat puisse faire jouer tous ses effets, mais cette position est rare. La condition de délai de l’union sera souvent imposée lorsqu’il faudra élargir les bénéfices d’une loi aux conjoints de fait.

1 SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE, préc. 2 Ibid., § 94.

3 QUÉBEC (PROCUREUR GÉNÉRAL) c. A, préc., § 97, juge LeBel. 4 EWEIDA ET AUTRES c. ROYAUME-UNI, préc., § 25.

5 SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE, préc., § 20. 6 Ibid.

La vraie distinction entre le mariage et le partenariat concerne les effets vis-à-vis des enfants. Cela peut s’expliquer par le fait que le partenariat ait été conçu, du moins au départ, comme une organisation juridique de couple et non de famille. La seconde cause de cette distinction peut tenir au fait que, dans la plupart des États, le partenariat a été mis en place en amont d’une ouverture du mariage aux couples de même sexe. Ainsi, en Autriche, le partenariat ne permet pas aux partenaires d’adopter un enfant ni de recourir à l’insémination artificielle. De plus, les membres du couple ne sont pas autorisés à adopter l’enfant de leur partenaire1. En France également, le Pacte civil de solidarité

ne permet pas aux couples de bénéficier de l’aide médicale à la procréation ou de l’adoption de l’enfant du conjoint marié.

Au-delà des liens structurels juridiques entre les membres d’un couple, qui sont multiples, celui unissant un enfant et son parent est unique ; il s’agit du lien de filiation.

§ 2 – Les liens de filiation

112. Le lien entre un parent et son enfant – Au sein de la catégorie « famille structurelle

juridique », le lien de filiation, qui unit un enfant à son parent, est constitutif d’un lien de famille, au même titre qu’un lien de couple. Le droit de la filiation est très technique. Il ne s’agira pas ici d’étudier les spécificités de chaque droit national, mais de comprendre comment le droit est susceptible de reconnaître et construire les liens de filiation. Il faudra pour ce faire insister sur l’importance de ce lien structurel entre un enfant et son parent ainsi que les difficultés que rencontrent les Cours européenne et canadienne pour trancher les affaires dans ce domaine. L’idée est donc de comprendre les problématiques découlant de la complexification et de l’évolution de la notion de famille structurelle. La procréation médicalement assistée, le mariage des couples de même sexe, les adoptions internationales, entre autres, imposent aux juges de résoudre de nouvelles problématiques qu’il est intéressant d’étudier. En effet, il paraît important de savoir comment sont reconnus ces liens structurels juridiques entre deux individus.

La création d’un rapport de filiation entre un enfant et son parent peut trouver sa justification dans le lien biologique entre ces deux individus. Ainsi, l’engendrement fonde traditionnellement le lien

1 SCHALK ET KOPF c. AUTRICHE, préc., § 23.

de filiation (A). En outre, la filiation peut n’avoir aucune origine charnelle et découler de l’acte de volonté d’un adulte visant à voir établir un lien juridique avec un enfant qui lui est biologiquement étranger (B).