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Famille structurelle, famille fonctionnelle : réflexion sur le travail prétorien d'adaptation de la notion de famille à travers la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour suprême du Canada

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Texte intégral

(1)

Famille structurelle, famille fonctionnelle - Réflexion sur

le travail prétorien d’adaptation de la notion de famille à

travers la jurisprudence de la Cour européenne des

droits de l'homme et de la Cour suprême du Canada

Thèse en cotutelle

Doctorat en droit

Clémence Bensa

Université Laval

Québec, Canada

Docteure en droit (LL. D.)

et

Université Toulouse 1 Capitole

Toulouse, France

(2)

Famille structurelle, famille fonctionnelle

Réflexion sur le travail prétorien d’adaptation de la notion de

famille à travers la jurisprudence de la Cour européenne des

droits de l’homme et de la Cour suprême du Canada

Thèse en cotutelle

Doctorat en droit

Clémence BENSA

Sous la direction de :

Marie-Claire Belleau, codirectrice de recherche

Bertrand De Lamy, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

La famille est une notion paradoxale. Bien qu’universellement connue, elle n’est pas l’objet d’une acception consensuelle. Les différentes sciences sociales, ainsi que les différentes branches du droit ne parviennent pas à s’accorder pour en donner une définition unanime. La famille présente également le paradoxe de relever de l’intime tout en dépendant de la sphère publique en ce qui a trait à sa reconnaissance et à l’exercice des droits qui en découlent. Ces dernières années, la notion de famille a subi l’influence grandissante des droits fondamentaux et de l’internationalisation des relations personnelles. Le droit, norme rigide et générale, semble éprouver des difficultés à appréhender la complexité et la variabilité d’hypothèses familiales. Dès lors, l’utilisation de notions floues par le législateur offre au juge un pouvoir important d’appréciation de ce qui constitue une famille. Dans ce contexte, l’étude comparée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour suprême du Canada permet de mettre en exergue les éléments pris en compte par les juges au moment de se positionner dans un contentieux familial.

Si l’élaboration d’une définition ne semble pas permettre de déterminer efficacement les contours de la notion de famille, l’utilisation d’un mécanisme semble, à l’inverse, offrir une approche plus souple du phénomène familial. Les variables au cœur du mécanisme utilisé dans cette étude sont au nombre de deux et correspondent aux multiples versants que peut regrouper une famille : un versant structurel, qui sera lui-même divisé en deux composantes, une juridique et une biologique, et un versant fonctionnel. Cette dichotomie permet de prendre en compte le réel et le complexe dans un domaine très évolutif. De plus, elle propose des clés de réflexion en invitant les juristes à penser la famille sans créer de liens de causalité entre les différents versants de la famille qui s’articulent constamment, se rencontrant souvent, s’opposant parfois.

(4)

Abstract

Although universally known, there is no consensual agreement of the concept of family. The different social sciences, as well as the various branches of law, can’t agree on an unanimous definition. The family presents the paradox of being intimate while depending on the public sphere with regard to its recognition and exercising of the rights related to it. In recent years, the notion of family has been increasingly influenced by fundamental rights and the internationalization of personal relationships. The law, which is normally rigid, seems to have difficulty apprehending the complexity and variability of family situations. Therefore, the use of vague opinions by the legislator offers the judge more latitude of what constitutes a family. In this context, the comparative study of the jurisprudence of the European Court of Human Rights and the Supreme Court of Canada highlights the elements taken into account by judges when they take up family litigation.

While the elaboration of a definition does not seem to be able to effectively determine the frame of the notion of family, the use of a mechanism seems, on the contrary, to offer a more flexible approach to the family phenomenon. There are two variables at the heart of the mechanism used in this study that correspond to the two sides a family can fall into: a structural side, which itself will be divided into two components, a legal and a biological one, and a functional side. This dichotomy makes it possible to take into account the real and the complex in a very evolutionary area. In addition, it offers the keys to reasoning by inviting jurists to think about the family without creating causal links between the different sides of the family that are constantly articulated, often agreeing, sometimes conflicting.

(5)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations ... viii

Remerciements ... xiii

Introduction générale ... 1

PARTIE 1 – L’émergence des notions de famille structurelle et fonctionnelle pour appréhender le phénomène familial ... 29

TITRE 1 – Le juge face au phénomène familial ... 31

Chapitre 1 – Le juge face à l’évolution et la diversification du phénomène familial .... 32

Section 1 – Le juge face à une société évolutive 32 § 1 – La similarité des évolutions touchant la famille ... 33

A) La diversification des formes familiales ... 33

1) Les différentes formes de couple ... 33

a) Les conjoints de fait ... 33

b) La famille homosexuelle ... 35

2) La maîtrise de la procréation ... 39

a) Le contrôle de la procréation ... 40

b) L’aide à la procréation ... 40

B) L’instabilité des formes familiales ... 49

1) La famille monoparentale ... 49

2) La famille recomposée ... 52

§ 2 – La prise en compte des évolutions touchant la famille par le droit ... 55

A) Le rôle du législateur dans la prise en compte des évolutions ... 55

B) Le rôle grandissant du juge dans la prise en compte des évolutions ... 60

1) L’évolution dans la conception du rôle du juge en matière familiale ... 60

2) L’évolution de la place du juge dans le contentieux familial ... 65

Section 2 – Le juge face à une société diverse 67 § 1 – L’internationalisation des relations familiales ... 67

§ 2 – Le multiculturalisme ... 70

Conclusion du chapitre 1 ... 73

Chapitre 2 - Le juge face à l’imprécision et la variabilité du phénomène familial ... 75

Section 1 – L’utilisation du flou en matière familiale 75 §1 – Les outils offerts au juge pour adapter le droit de la famille ... 76

A) La marge d’interprétation naturelle du juge dans l’application du droit ... 76

B) La marge d’interprétation accrue du juge en présence de notions floues .... 79

§ 2 – Le recours au flou pour adapter le droit de la famille ... 83

A) Le besoin d’un droit plus concret et moins mécanique ... 84

1) La délégation de pouvoir au juge pour une adaptation du droit ... 85

2) L’augmentation du pouvoir du juge en présence de flou ... 90

B) La justification objective de l’utilisation du flou ... 92

1) L’utilisation de la sociologie pour tenter de cerner une notion floue ... 92

2) La mise en œuvre d’une morale collective ... 94

Section 2 – L’influence de la personne du juge sur l’appréhension des litiges familiaux 98 § 1 – La place de la subjectivité du juge en matière familiale ... 98

§ 2 – Le contrôle de l’activité judiciaire en présence du flou ... 101

(6)

Conclusion du Titre 1 ... 105

TITRE 2 - La création prétorienne des notions de famille structurelle et de famille fonctionnelle ... 107

Chapitre 1 - La famille structurelle ... 109

Section 1 – La famille structurelle juridique 109 § 1 – Les liens de couple ... 110

A) Le mariage ... 111

1) Le mariage, union fondamentale ... 111

2) L’indisponibilité de l’état matrimonial ... 116

a) La possibilité de se marier offerte par les États ... 117

b) La liberté individuelle de choisir de se marier ... 123

3) Les effets du mariage ... 130

B) Le partenariat enregistré ... 134

1) L’apparition du partenariat enregistré ... 135

2) Les effets du partenariat enregistré ... 139

§ 2 – Les liens de filiation ... 142

A) La filiation fondée sur un lien biologique entre le parent et l’enfant. ... 143

B) La filiation détachée d’un lien biologique entre le parent et l’enfant ... 148

1) La filiation basée sur la volonté de devenir parent ... 148

a) La filiation adoptive ... 148

b) La filiation par procréation médicalement assistée ... 153

2) La filiation basée sur la volonté de se comporter en parent ... 154

C) La reconnaissance d’un lien juridique établi à l’étranger ... 155

1) L’exequatur d’une adoption internationale ... 156

2) La transcription d’un jugement établissant la filiation d’un enfant né par gestation pour autrui ... 159

Section 2 – La famille structurelle biologique 161 § 1 – L’appréhension du lien biologique par les tribunaux ... 162

A) Le lien biologique entre un père et son enfant : un lien appréhendé par les nouvelles preuves biologiques ... 162

B) Le lien biologique entre une mère et son enfant : un lien modifié par les nouvelles techniques scientifiques ... 164

§ 2 – La connaissance du lien structurel biologique par les particuliers ... 166

Conclusion du Chapitre 1 ... 171

Chapitre 2 - La famille fonctionnelle ... 172

Section 1 – Les fonctions de la famille 173 § 1 – La fonction de soutien ... 173

A) La fonction de soin ... 174

1) La prise en charge factuelle des membres de la famille non capables de prendre soin d’eux-mêmes ... 175

a) La prise en charge factuelle des enfants ... 176

b) La prise en charge factuelle des adultes vulnérables ... 179

2) Le soutien des membres de la famille capables de prendre soin d’eux-mêmes ... 180

B) La fonction économique ... 182

1) La fonction économique pendant la vie commune ... 182

2) La fonction économique hors vie commune ... 184

§ 2 – La fonction sociale ... 187

A) La fonction procréative ... 188

B) La fonction éducative ... 190

(7)

2) L’instruction scolaire ... 193

C) La fonction symbolique ... 196

Section 2 – L’exercice des fonctions 197 §1 – L’attribution des fonctions ... 198

§2 – Les « figures familiales » ... 202

A) Les rôles genrés dans la famille ... 203

1) Les rôles genrés au sein du couple ... 203

2) Les rôles genrés dans la filiation ... 205

B) Le nombre de personnes pouvant exercer une fonction à l’égard d’un individu ... 210

Conclusion du Chapitre 2 ... 214

Conclusion du Titre 2 ... 215

Conclusion de la Partie 1 ... 216

PARTIE 2 - L’utilisation des notions de famille structurelle et fonctionnelle dans le contentieux familial ... 217

TITRE 1 - L’utilisation des notions de famille structurelle et fonctionnelle dans la résolution du contentieux familial ... 218

Chapitre 1 - La dissociation des liens familiaux : la dysfonction ... 220

Section 1 – Le diagnostic de la dysfonction familiale 220 § 1 – Le constat de la dysfonction ... 221

A) La dysfonction imposant la saisine du juge ... 222

1) L’auteur du constat de la dysfonction ... 222

2) L’appréciation de la dysfonction ... 226

B) La dysfonction imposant une action immédiate ... 236

§ 2 – Le rôle du juge face à la dysfonction ... 241

A) Le contrôle du diagnostic de dysfonction par le juge ... 242

1) La position du juge pour contrôler la dysfonction : une subsidiarité en chaîne ... 242

2) Le contrôle de la dysfonction : le recours aux matières exogènes au droit 246 B) La réponse judiciaire à la dysfonction ... 249

1) La mise en place de mesures par l’État ... 250

2) L’importance donnée à la procédure ... 253

Section 2 – Le traitement de la dysfonction familiale 256 § 1 – Le traitement de la dysfonction dans la relation entre un parent et son enfant ... 258

A) Le maintien des parents dans leur rôle : l’assistance ... 259

B) Le maintien du lien de filiation : la suppléance ... 261

C) La remise en cause du lien de filiation : la substitution ... 269

D) La remise en cause de toute relation personnelle : la rupture ... 273

§ 2 – Le traitement de la dysfonction dans la relation de couple ... 276

Conclusion du Chapitre 1 ... 280

Chapitre 2 - La concurrence des liens familiaux : la garde ... 281

Section 1 – La détermination initiale des modalités de garde de l’enfant 282 § 1 – La désignation du gardien ... 283

A) L’obligation de désigner un gardien ... 283

1) La finalité de la désignation ... 284

2) Les titulaires du pouvoir de désigner le gardien ... 290

3) Les personnes susceptibles d’être désignées gardien ... 293

a) Le conflit entre les parents de l’enfant ... 294

(8)

B) Le critère de désignation du gardien ... 313

1) La prise en compte de l’intérêt de l’enfant ... 314

2) Les éléments pris en compte dans l’appréciation de l’intérêt de l’enfant . 322 § 2 – La détermination des droits du parent non gardien ... 328

A) Le contenu du droit du parent non gardien ... 328

B) La possibilité de restreindre le droit d’accès d’un parent ... 335

Section 2 – La modification des modalités de garde de l’enfant 337 § 1 – L’exigence d’un fait nouveau pour revendiquer la modification des modalités de garde ... 338

§ 2 – La détermination du critère permettant la modification des modalités de garde ... 341

Conclusion du Chapitre 2 ... 344

Conclusion du Titre 1 ... 346

TITRE 2 - L’utilisation de la famille structurelle et de la famille fonctionnelle dans l’appréhension du contentieux familial ... 347

Chapitre 1 - Le réexamen des frontières de la famille à l’aune d’une lecture fonctionnelle de la famille ... 348

Section 1 – La prise en compte de paramètres propres à l’affaire 349 § 1 – La légitimité de la requête : l’influence de la législation sur les requérants349 § 2 – La réalité de la famille fonctionnelle : la consistance de la relation ... 356

Section 2 – La prise en compte de paramètres extrinsèques à l’affaire 360 § 1 – Le contexte juridique ... 360

A) Le recours à la méthode du consensus ... 360

B) Le recours à l’analyse des précédents ... 365

§ 2 – Le contexte social et culturel ... 367

A) L’interprétation des termes juridiques relatifs à la famille ... 367

B) La référence à la famille traditionnelle ... 376

C) Le recours au groupe de comparaison ... 380

Conclusion du Chapitre 1 ... 386

Chapitre 2 - Le réexamen des frontières de la famille à l’aune d’une lecture structurelle biologique de la famille ... 388

Section 1 – La prise en compte de paramètres propres à l’affaire 388 § 1 – L’intérêt privé confronté à l’intérêt général ... 388

§ 2 – Les intérêts divergents au sein de la même famille ... 394

Section 2 – La prise en compte de paramètres extrinsèques à l’affaire 398 § 1 – L’interprétation des termes juridiques relatifs à la famille ... 398

§ 2 – Le groupe de comparaison ... 406 Conclusion du Chapitre 2 ... 411 Conclusion du Titre 2 ... 412 Conclusion de la Partie 2 ... 413 Conclusion générale ... 415 Bibliographie générale ... 420 Annexe méthodologique ... 472 Index alphabétique ... 485

(9)

Liste des abréviations

§, §§ : paragraphe(s)

al. : alinéa(s)

AFDI : Annuaire français de droit international AJDA : Actualité juridique Droit administratif

AJ fam. : Actualité juridique Famille

Alta L.R. : Alberta Law Review

Am. J. Comp. L. : The American Journal of Comparative Law

AMP : assistance médicale à la procréation

Art. : article

B.U.L. Rev. : Boston University Law Review

c. : contre

C. de D. : Cahiers de droit

C. civ. : Code civil français

C. c. Q. : Code civil québécois

Cah. dr. eur. : Cahiers de droit européen Can. B. Rev. : Canadian Bar Review

Can. J. Fam. L. : Revue canadienne de droit familial

CEDH : Cour européenne des droits de l’homme

ch. : chapitre

chron. : chronique

CIDE : Convention internationale sur les droits de l’enfant CNRS : Centre national de la recherche scientifique

coll. : collection

comm. : commentaire

concl. : conclusion

contra : en sens contraire

Convention EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CSC : Cour suprême du Canada

D. : Recueil Dalloz

Dalhousie L.J. : Dalhousie Law Journal

DDHC : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789)

Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois

dir. : direction

doctr. : doctrine

Dr. fam. : Droit de la famille

Dr. pén. : Droit pénal

éd. : édition(s)

Fam. L.Q. : Family Law Quarterly

Gaz. Pal. : Gazette du Palais

Ibid. : au même endroit

in : dans

infra : ci-dessous

INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

J Am Acad Psychiatry Law : The journal of the American Academy of Psychiatry

and the Law

(10)

J.L. & Equality : Journal of Law and Equality

JCP G : La Semaine juridique, Édition générale

JCP N : La Semaine juridique, Notariale et immobilière

JDI : Journal du droit international

JO : Journal officiel

L. : loi

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

LPA : Les Petites affiches

Man. L.J. : Manitoba Law Journal

Medico-Legal J. : Medico-Legal Journal no(s) : numéro(s)

N.Y.U. Rev. L.

& Soc. Change : New York University Review of Law and Social Change

obs : observations

op. cit. : dans l’ouvrage précité

Osgoode Hall L. J. : Osgoode Hall Law Journal

Queen's L.J. : Queen's Law Journal

p., pp. : page(s)

PACS : pacte civil de solidarité

préc. : précité

PUF : Presses universitaires de France

PUB : Presses universitaires de Bordeaux

Rapp. : rapport

RCS : Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada

RD & santé McGill : Revue de droit et santé de McGill

RD publ. : Revue du droit public et de la science politique en France

et à l'étranger

R.D. McGill : Revue de droit de McGill

R.D. Ottawa : Revue de droit d’Ottawa

R. du B. : Revue du Barreau du Québec

R. du N. : Revue du notariat

R.D.U.S. : Revue de Droit de l’Université de Sherbrooke

RDSS : Revue de droit sanitaire et social

Rép. pr. civ. Dalloz : Répertoire Procédure civile Dalloz

Rev. int. droit comp. : Revue internationale de droit comparé

Rev. crit. DIP : Revue critique de droit international privé

réq. : requête

RFDA : Revue française de droit administrative R.G.D. : Revue générale de droit

RJPF : Revue juridique personnes & famille

R.J.Q. : Recueils de jurisprudence du Québec R.J.T. : Revue juridique Thémis

R.R.J. : Revue de la recherche juridique, droit prospectif

RSC : Revue de science criminelle et de droit pénal comparé RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil

R.T.D.F. : Revue trimestrielle de droit familial

RTDH : Revue trimestrielle des droits de l’homme

RUDH : Revue universelle des droits de l’homme

s. : suivant(e)s

Sask. L. Rev. : Saskatchewan Law Review

(11)

supra : ci-dessus

ss. : sous

t. : tome

Tolley's J. Child L. : Tolley's journal of child law

U.N.B.L.J. : University of New Brunswick Law Journal

U. Toronto Fac. L. Rev. : University of Toronto Faculty of Law Review

V., v. : voir, voyez

V° : verbo (mot)

(12)
(13)

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » (LA FONTAINE, 1668)

(14)

Remerciements

Pour ces années de recherche, passionnantes et stimulantes, je tiens à remercier :

Madame la Professeure Marie-Claire Belleau et Monsieur le Professeur Bertrand De Lamy, d’avoir accepté de m’encadrer tout au long de ce cheminement. Leur direction, parfaitement complémentaire, leurs conseils avisés, leur bienveillance et leur exigence m’ont permis de mener à bien ce projet jalonné de défis techniques, administratifs et intellectuels. Je leur dois également d’avoir découvert, ou redécouvert, certains grands auteurs de la littérature.

Mes amis, qui, de près ou de loin, ont nourri ma réflexion, m’ont encouragée et m’ont surtout offert d’indispensables moments de relâche. Plus spécifiquement, mes pensées vont aux membres de l’équipe du jeudi qui ont rendu cette aventure humaine et intellectuelle unique, et tout particulièrement à Marine et Léa.

Madame le Professeur Claire Neirinck, pour m’avoir transmis sa passion du droit de la famille et avoir cru en mes capacités à mener à bien un travail de thèse, ainsi que Maryline, qui a été une personne ressource dont la disponibilité et la générosité me servent de modèle.

Tiffany et Victor, pour leur habileté informatique, mais surtout pour leur amitié et leur soutien, du palier du 12 à la vie liégeoise. Je voudrais également témoigner ma reconnaissance aux altruistes relectrices de cette thèse qui ont consacré un temps précieux à ce travail fastidieux et m’ont entourée de leur présence rassurante au cours des dernières semaines de rédaction.

Ma famille enfin et surtout, dont la beauté, la complexité et les paradoxes expliquent le choix de mon sujet de recherche et constituent l’essence de toute chose. Parce que sans vous, sans cette tribu aimante, bruyante et dispersée, rien n’eût été possible.

(15)

Introduction générale

1. L’universalité de la famille – Qu’on l’aime ou qu’on la haïsse, la famille intéresse tout

le monde et ne laisse personne indifférent1. Nous descendons tous de quelqu’un et avons tous une

histoire familiale propre. Étymologiquement, le terme de famille, issu du latin familia, apparaît dès l’époque romaine où il servait à désigner la « réunion de serviteurs, d’esclaves appartenant à un seul individu ou attachés à un service public »2. Il n’apparaît dans un sens contemporain que tardivement,

au XIVe siècle. Pourtant, les anthropologues et les historiens s’accordent sur la permanence du

phénomène familial, qu’une étude entière ne suffirait pas à circonscrire. L’Ancien Testament, qui constitue certainement l’un des plus anciens écrits parvenus jusqu’à nous, ne traite-t-il pas d’un couple et de sa descendance, en somme d’une famille ? 3

Le concept de famille est tellement ancré en chacun, qu’il semble échapper au besoin d’être défini4. Est-il nécessaire de définir une « notion dont chacun connaît intuitivement le contenu »5 ? La

question mérite d’être posée. Pourtant, « [c]hacun vit habituellement sous l’impression vague que tout le monde a la même compréhension de ces notions, jusqu’à ce que des conflits de valeurs naissent dans son environnement immédiat ou que l’actualité mette en relief que le rapport à la famille et aux enfants varie considérablement selon les cultures et les contextes »6. La notion de famille touche tant

à l’intime que chaque personne peut en concevoir une définition personnelle. Cette idée, qu’il n’est pas nécessaire de définir la famille, semble mise à mal tant ce concept renvoie à des valeurs personnelles, telles que l’éthique, la morale ou la religion. Aussi, dans une société où les individus sont amenés à

1 A. GIDE, Les Nourritures terrestres, Mercure de France, Paris, 1897.

2 A.-J. ARNAUD, « Famille », in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, Paris, 2e éd., 1993, pp. 251-256.

3 L’histoire d’Adam et Ève, dans sa version finale est vraisemblablement consignée dans la Genèse à la fin du IVe ou au début du IIIe siècle avant J.-C. Voir notamment : C. UEHLINGER, « Genèse 1-11 », in Introduction à l’Ancien Testament, sous la dir. de T. RÖMER, J.-D. MACCHI et C. NIHAN, Labor et Fides, 2009, p. 207.

4 K. FRANKLIN, « A Family Like any Other Family : Alternative Methods of Defining Family in Law », 18 N.Y.U. Rev. L. & Soc. Change 1990, p. 1029 : « La famille compte depuis longtemps parmi les unités sociales les plus essentielles et universelles. Ce sentiment d'expérience familiale partagée a donné lieu à un consensus souvent non vérifié de ce qu'est exactement la famille. En conséquence, puisque l'“(o)n parle de la famille comme si on savait exactement ce dont il s'agit”, on n'estime pas nécessaire de définir les notions enchâssées dans ce terme » (la traduction de ce passage provient de

CSC, Affaire CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL) c. MOSSOP, 1 RCS 554, 25 février 1993, p. 89). 5 A. BÉNABENT, Droit de la famille, Montchrestien-Lextenso, Paris, 2e éd., 2012, p. 1.

(16)

vivre ensemble, il semble pertinent de tenter d’en cerner les contours. Dès lors, comment saisir ce qui constitue une famille ? Ce phénomène peut-il être appréhendé à l’aide d’une définition universelle ?

2. La famille, objet d’étude polysémique – La famille constitue un sujet d’étude pour de

nombreuses sciences sociales qui ont tenté d’en délimiter le périmètre. Ainsi, de nombreux chercheurs se sont intéressés à cette notion, notamment en anthropologie, histoire, économie, sociologie, démographie ou psychologie1. Il serait vain d’espérer dresser un tableau exhaustif des différentes

approches de la matière familiale développées dans chacun de ces domaines. Quelques extraits de l’intérêt porté à la matière permettent, à titre illustratif, d’effleurer l’incommensurable variété des analyses de la famille et l’impossibilité d’en tirer une définition consensuelle.

Les historiens relèvent une certaine tendance de la famille au rétrécissement. Ainsi, à Rome, la famille était composée du paterfamilias et de l’ensemble des personnes soumises à son autorité et vivant sous son toit2. Cette acception large se resserre progressivement pour mettre en avant la famille

nucléaire qui apparaît, en France, à partir de 11503. Cette dernière, qui comprend un couple

hétérosexuel marié et ses enfants biologiques, constitue la structure la plus facilement qualifiée de famille dans les sociétés occidentales modernes4.

L’ethnologie nous apprend l’immense diversité des formes familiales à travers le temps et l’espace en soulignant le fait qu’aucune société n’ait réussi à se passer de cette institution5. Certaines

sociétés, telles les Menangkabau de Sumatra, ont adopté un système d’organisation sociale basé sur l’ascendance maternelle où la cellule de base est composée d’une mère et de ses enfants. Ces femmes cohabitent avec leurs frères, même après leur mariage. Le mari, toujours rattaché à sa cellule d’origine vient ponctuellement passer la nuit auprès de son épouse6.

1 V. ÉGÉA, Droit de la famille, coll. Manuel, LexisNexis, Paris, 2016, p. 1 ; L. ROUSSEL, La famille incertaine : essai, Odile Jacob, Paris, 1989, pp. 9-10.

2 C. NEIRINCK (ss. dir), Droit de la famille, coll. Tout le droit, Ellipses, Paris, 2e éd., 2007 ; A.-J. ARNAUD, « Famille », op. cit.

3 M.-H. RENAUT, Histoire du droit de la famille, coll. Mise au point, Ellipses, Paris, 2e éd., 2012, pp. 9-10.

4 Selon une étude de 2010, 80 % des Canadiens estiment qu’un couple hétérosexuel marié et leurs enfants constituent une famille. Voir R.D. PARKE, Future families diverse forms, rich possibilities, John Wiley & Sons Inc, Chichester, West Sussex, 2013, p. 1.

5 F. ZONABEND, « De la famille. Regard ethnologique sur la parenté et la famille », in Histoire de la famille, sous la dir. de A. BURGUIÈRE, G. DUBY, F. ZONABEND et C. KLAPISCH-ZUBER, Armand Colin, Paris, 1986, p. 16.

(17)

Certaines populations ont organisé leurs rapports familiaux autour de la notion de polyandrie fraternelle. Ainsi, lors d’un mariage chez les Pahari du Cachemire et du Népal, une femme épouse l’aîné des frères qui représente l’ensemble de la fratrie. Tous les frères sont considérés comme les maris de la femme. Les enfants issus de ces unions reconnaissent l’entièreté de la fratrie comme leurs pères1.

Ces exemples s’inscrivent dans des paradigmes éloignés du contexte culturel occidental. Ils constituent pourtant la confirmation que la famille peut prendre des formes très diversifiées. Dans les sociétés européennes et nord-américaines, le concept de famille se construit encore fréquemment autour du modèle de la famille nucléaire et se trouve plus souvent confronté à la question de la monoparentalité ou de la recomposition familiale, par exemple2.

La sociologie se révèle également incapable de présenter une approche consensuelle de la famille3. Les analyses sociologiques de la famille mettent en avant diverses tendances, telles que

l’individualisation des membres du groupe familial, l’importance de la qualité des relations interindividuelles, l’implication de l’État dans le contrôle de la famille ou encore son caractère évolutionniste4. De plus, évolutions sociologiques et famille s’influencent mutuellement : « [l]ieu du

privé, la famille est en prise directe avec la société. Aussi les mutations sociales profondes qui concernent autant l’économie, le travail, les espaces urbains, que la culture et les modes de vie, etc. ont-elles des répercussions immédiates sur la vie quotidienne des individus […]. À l’inverse, la famille qui n’est pas une simple caisse de résonance de ces changements, participe activement à ses transformations »5.

La famille se situe au cœur d’un paradoxe en ce qu’elle relève de l’intime tout en dépendant de la sphère publique en ce qui a trait à sa reconnaissance et à l’exercice des droits qui en découlent6.

1 Ibid., p. 64.

2 Voir infra §§ 37-41.

3 F. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, coll. Série Domaines et approches, Armand Colin, Paris, 6e éd., 2017, p. 7.

4 Pour une présentation de différentes théories sociologiques sur la famille, voir notamment M. SEGALEN et A. MARTIAL, Sociologie de la famille, coll. Collection U, Armand Colin, Paris, 8e éd., 2013, pp. 7-23 ; F. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, op. cit., pp. 7-28 ; M. MESSU, « “Sociologue, raconte-moi la famille!” 30 ans de sociologie française de la famille », Enfances, Familles, Générations 2011, p. 10. En matière de sociologie de la famille, l’œuvre d’Émile DURKHEIM apparaît comme fondamentale : voir notamment É. DURKHEIM, « Introduction à la sociologie de la famille »,

in Textes. 3. Fonctions sociales et institutions, coll. Le sens commun, les Éditions de Minuit, Paris, 1975, pp. 9-34. 5 M. SEGALEN et A. MARTIAL, Sociologie de la famille, op. cit., p. 7.

6 En cela, la famille paraît très dépendante des politiques menées à son encontre. M. COMMAILLE s’est longuement intéressé à ces rapports. Voir notamment : J. COMMAILLE, « Ordre familial, ordre social, ordre légal. Éléments d’une sociologie politique de la famille », L’Année sociologique 1987, no 37, pp. 265-290 ; J. COMMAILLE et C. MARTIN, « La

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Ainsi « [l]’histoire et l’anthropologie sont là pour montrer que ce qui semble évident ne l’est pas et que ce que l’on aurait tendance à penser comme un lien “naturel” est en fait un lien construit et sans cesse reconstruit, parce qu’il dépend étroitement de la conception que la société se fait de la famille et des relations entre individus »1.

3. La famille lue par les juristes : entre fait et droit – Au même titre que les autres

sciences sociales, le droit étudie la famille. Plus encore, par le biais de sa production normative, l’État la réglemente et en donne une acception particulière. Pourtant, les lois, normes rigides et générales, éprouvent de la difficulté à appréhender ce phénomène variable et complexe2. La famille apparaît au

confluent du matériel et de l’émotionnel, de l’intime et du public, de l’individuel et du collectif. Elle s’inscrit de plus dans la durée et chaque individu a vocation à occuper plusieurs places successives et souvent concomitantes au sein de plusieurs groupes familiaux.

En droit, la notion de famille se décline autour de deux liens juridiques que sont l’alliance3 et la

parenté4. Pourtant, ce postulat ne permet pas de parvenir à une compréhension consensuelle des

situations que le droit qualifie de famille.

Le droit de la protection sociale, par exemple, retient une conception fluctuante du lien familial : « il se saisit tantôt du modèle de la famille légitime, tantôt des nouveaux modèles familiaux »5. Ainsi,

repolitisation de la famille contemporaine », in Le lien familial, sous la dir. de F. DE SINGLY et S. MESURE, Presses universitaires de France, Paris, 2001, pp. 129-149 ; J. COMMAILLE et F. DE SINGLY, « L’avenir politique de la question familiale en Europe », in La Question familiale en Europe, sous la dir. de J. COMMAILLE et F. DE SINGLY, L’Harmattan, Paris, 1997, pp. 307-329 ; J. COMMAILLE, « Repenser politiquement le droit de la famille. L’exemple de l’homosexualité »,

AJ fam. 2006, p. 401.

1 H. FULCHIRON, « Le “lien familial” », Dr. fam. 2016, dossier 50.

2 M.-H. RENAUT, Histoire du droit de la famille, op. cit., p. 3 : « Peu d’institutions sociales évoluent aussi vite que

la famille. La famille d’aujourd’hui n’est plus celle du Code civil de 1804, et elle change encore sous nos yeux, beaucoup plus sous l’action des mœurs, de l’économie, que par l’effet des modifications législatives, si bien que la notion de famille, avec tout ce qu’elle comporte de confus et de variable, n’est plus facilement identifiable ».

3 « Lien juridique qui, établi par l’effet du mariage, entre chaque époux et les parents de l’autre, crée entre alliés les plus proches des droits, obligations, charges et interdictions comparables à ceux qui résultent de la parenté » : G. CORNU (ss.

dir), Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, PUF, Paris, 12e éd., 2017, V° « Alliance ».

4 « Lien qui existe soit entre deux personnes dont l’une descend de l’autre […] soit entre personnes qui descendent d’un auteur commun […] et auquel la loi attache des effets de droit […] » : Ibid., V° « Parenté ».

5 F. MAISONNASSE, « Le lien familial en droit de la protection sociale », in Le lien familial hors du droit civil de la famille, sous la dir. de I. MARIA et M. FARGE, colloque du GRDF, Groupe de Recherche Droit de la Famille, 28 juin 2013, Maison de l’avocat, Grenoble, coll. Colloques & Essais no 8, Institut universitaire Varenne, LGDJ, Lextenso, Clermont-Ferrand, 2014, p. 117.

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en matière d’ayant droit pour l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, le droit français désigne principalement des membres de la famille liés par un lien de droit. À l’inverse, « dans le droit de l’aide sociale, les ressources du concubin sont prises en compte pour apprécier l’état de besoin »1,

ce qui renvoie à une conception plus large du lien familial, permettant à des individus qui n’ont pas créé entre eux de lien juridique d’être pris en compte par le droit.

Même en droit de la famille, les limites du phénomène familial ne sont pas clairement tracées. À titre d’exemple, en France, la famille est comprise de manière très large lorsque le Code civil fait référence au conseil de famille. Cet organe, organisé par le Code civil permet de prendre en charge l’enfant orphelin ou celui dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale. S’il réunit préférentiellement des personnes liées à l’enfant par un lien de parenté ou d’alliance, tels que ses oncles et tantes ou grands-parents, des tiers à la famille peuvent compléter cette composition. Ainsi, l’acception de la famille dans cette hypothèse s’avère particulièrement large et peut englober des individus non reliés à l’enfant par un lien de droit. Ces individus sont des adultes qui manifestent de l’intérêt à l’égard de l’enfant. Ils ne pourront faire partie du conseil de famille que si leur présence est dans l’intérêt de l’enfant2. Plus réduite, l’acception de la famille dans le droit de la succession ne

reconnaît que les liens d’alliance et de parenté jusqu’au sixième degré. Au-delà, les membres de la famille ne sont pas considérés suffisamment proches pour être des héritiers du défunt. L’attribution du nom de famille répond quant à elle à une logique encore plus étroite et permet uniquement à un enfant de recevoir le nom de son père, de sa mère ou une combinaison des deux. Dans cette hypothèse, la famille ne renvoie qu’aux parents, ascendants au premier degré en ligne directe.

4. La famille, notion variable et évolutive – La notion de famille a vocation à évoluer très

rapidement3 et à englober des situations de plus en plus variées. Aussi, pour espérer parvenir à faire

émerger une définition consensuelle de ce concept universel, il faut se parer d’outils capables de tenir compte de ces rapides mutations. À ce titre, l’étude des lois ne semble pas suffisante à embrasser le caractère mouvant de la famille.

1 Ibid., p. 118.

2 Voir art. 399 C. civ.

3 C. CICCHELLI-PUGEAULT et V. CICCHELLI, Les théories sociologiques de la famille, La Découverte, Paris, 1998, pp. 31-32 ; F.-R. OUELLETTE, « Enjeu familial et redéfinitions de la famille », préc.

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L’analyse jurisprudentielle en revanche, semble permettre de prendre en compte plus efficacement les tensions entre droit et fait. Il apparaît en effet que les simples liens d’alliance et de parenté ne sont pas suffisants pour appréhender l’entièreté de la notion de famille et son aspect évolutif et variable. La jurisprudence offre un panorama très révélateur des réflexions récurrentes que connaît le contentieux familial. De plus, le juge apparaît comme un acteur central dans la résolution de problématiques nouvelles, qui peuvent remettre en question les contours de la notion de famille1. Sa

position est en effet idéale pour analyser les interactions entre fait social et droit. Le juge est l’arbitre principal entre le droit et le non-droit2. De plus, la famille ne peut pas être qualifiée d’« entité propre »3.

Elle est une « association intime de plusieurs individus dont chacun possède, outre les droits qu’ils partagent avec les autres membres de la famille, ses propres droits. Aussi l’État doit-il traditionnellement arbitrer entre ces droits contradictoires en intervenant par ses organes législatifs et judiciaires »4. Le juge doit donc arbitrer les conflits potentiels entre les intérêts des différents membres

de la famille. Il apparaît, de plus, être le premier acteur juridique à répondre à des revendications inédites dans un domaine aussi mouvant que l’est celui de la famille. Face à ces problématiques sans cesse renouvelées, le juge a pour rôle essentiel de « placer le droit au plus près de la société, de rechercher la meilleure adéquation possible entre l’appareil normatif et les données économiques, sociales et culturelles caractéristiques du contexte dans lequel ses jugements sont reçus »5. Dans les

sociétés occidentales contemporaines, qui connaissent une population multiple et complexe, le droit national subit une influence marquée par les droits fondamentaux et la famille n’échappe pas à ce mouvement en ce que ses contours sont remis en question par les droits fondamentaux.

1 La question du rôle du juge se pose : détient-il trop de pouvoir ? Voir à titre d’exemple : P.J. MCCORMICK, Supreme at last : the evolution of the Supreme Court of Canada, J. Lorimer, Toronto, 2000, p. 1 : « Today, conferences are held on the subject of whether Canada has become a “judocracy” (ruled by judges) rather than a democracy (ruled by the people), and it makes sense to ask who has more power, the prime minister of Canada or the chief justice of the Supreme Court ». 2 J. CARBONNIER, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 10e éd., 2001.

3 J. WOEHRLING, « L’impact de la Charte Canadienne des Droits et Libertés sur le Droit de la Famille au Québec », 19 R.G.D. 1988, p. 735.

4 Ibid.

5 G. CANIVET, « Le rôle du juge dans un monde en mutation », in Claire L’Heureux-Dubé à la Cour suprême du Canada, 1987-2002, sous la dir. de M.-C. BELLEAU et F. LACASSE, Wilson & Lafleur, Montréal, 2004, p. 25. Sur l’importance

d’avoir un droit adapté aux évolutions sociales, voir notamment F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Rénover le droit de la famille :

Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, Ministre

de la Justice, coll. Collection des rapports officiels, La Documentation française, Paris, 1999 ; A. ROY, Pour un droit de la

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5. L’influence des droits fondamentaux sur la famille – Le juge national n’est pas le seul

acteur à articuler droit et phénomène familial. En effet, depuis plusieurs décennies, les démocraties occidentales sont très fortement soumises à l’influence du droit de la personne1. Cette évolution n’est

pas propre au droit de la famille, mais la matière en offre une illustration révélatrice. Les droits fondamentaux apparaissent comme un outil d’adaptation du droit aux évolutions de la société2. Une

des particularités de l’influence des droits de l’homme est de s’intéresser à la personne sans nécessairement prendre en compte le groupe familial dans son ensemble3. Les auteurs se sont

interrogés sur la manière dont les droits fondamentaux pourraient être articulés avec le droit de la famille4.

Le succès des droits de la personne est notamment dû à l’utilisation de certains principes, tels que la non-discrimination, l’égalité ou la liberté, notamment la liberté religieuse. Plus particulièrement, sous couvert de non-discrimination5, les catégories juridiques mises en place par le droit national en

matière familiale6 semblent pouvoir être remises en question par la mise en avant d’autres intérêts à

1 En Europe, il est plus facilement fait référence à la notion de droit de l’homme. Le terme d’« homme » alors doit être compris dans son sens large, c’est à dire tout « être appartenant à l'espèce animale la plus développée, sans considération

de sexe » (voir dictionnaire en ligne du CNRS : http://atilf.atilf.fr, V° « homme », sens I). Ce terme est quelque peu décrié

au Canada où il lui sera préféré celui de « personne » ou d’ « individu ». Traditionnellement, dans l’expression « droit de l’homme », le terme d’homme s’écrivait avec un H majuscule, afin de le distinguer de l’homme, « mâle adulte de l'espèce

humaine » (voir dictionnaire en ligne du CNRS : http://atilf.atilf.fr, V° « homme », sens II), qui est en altérité avec la femme,

« être humain de sexe féminin » (voir dictionnaire en ligne du CNRS : http://atilf.atilf.fr, V° « femme », sens I). Cette convention semble cependant moins utilisée aujourd’hui. Dans un souci d’allégement du texte, le terme d’homme utilisé dans l’expression « droit de l’homme » fera donc en référence au premier sens donné ici.

2 R. LECKEY et N. BALA, « Les trente premières années de la Charte canadienne en droit de la famille », 42

Revue de droit de l’Université de Sherbrooke 2012, p. 415.

3 Voir notamment : I. THÉRY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Rapport à la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Éditions O.

Jacob, La Documentation française, Paris, 1998, pp. 14-15 : « Depuis deux siècles, le débat social sur la famille demeure

marqué par l’opposition entre ”familialistes” et ”individualistes” ». Pour une critique de cette « individualisation » des

rapports familiaux, voir F. TERRÉ, C. GOLDIE-GENICON et D. LASZLO-FENOUILLET, Droit civil : La famille, coll. Précis, Dalloz, Paris, 9e éd., 2018, § 65.

4 R. LECKEY et N. BALA, « Les trente premières années de la Charte canadienne en droit de la famille »,

préc., p. 411.

5 Voir l’article 14 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée,

sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». De même, voir l’article 15(1) de la Charte canadienne des

droits et libertés : « La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la

même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ».

6 Ces catégories permettent au droit de différencier différents individus ou groupes selon des considérations éthiques, morales, politiques ou religieuses. Voir notamment J.-P. PIERRON, « La famille, entre tradition et modernité : comment les

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protéger. Dès lors, la justification de la protection d’un modèle familial par rapport à un autre tient difficilement. Par exemple, le choix législatif de n’autoriser le mariage que pour les couples de même sexe peut s’expliquer par la volonté de préserver la famille nucléaire. Pourtant, des revendications basées sur une discrimination fondée sur le sexe peuvent potentiellement remettre en cause cette position. En effet, « toute opération de catégorisation suppose un objectif, un choix de départ, une hiérarchie entre les buts, qui peuvent toujours être remis en question, notamment au moyen de la notion de discrimination »1. Les revendications fondées sur le principe de non-discrimination imposent

aux juges de tenir compte des faits de l’espèce, ce qui implique un raisonnement inductif de leur part. Cette individualisation du droit semble ainsi avoir le pouvoir de remettre en cause l’universalisme du droit, et plus particulièrement du concept de famille2. Elle introduit beaucoup de flou dans le droit et

dans la notion de famille. Les droits de l’homme représentent en effet « un système de valeurs récent construit par l'homme occidental »3. Les droits fondamentaux ne constituent pas une source universelle

de droit, comme on pourrait s’y attendre, mais bien un ensemble de principes très ancrés dans le temps et l’espace. De ce fait, le contenu de ces notions a vocation à évoluer en fonction des spécificités nationales et à ne pas recevoir la même acception selon la période considérée.

De ces constats découle l’intérêt d’envisager la question familiale sous l’angle européen. Une analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme permet, tout à la fois, de tenir compte de l’importance du phénomène décisionnel en matière familiale et de l’influence très marquée des droits fondamentaux en ce domaine4. La Cour européenne des droits de l’homme se

révèle être un acteur très actif et très significatif de l’évolution des droits de la personne en général et du droit de la famille en particulier. Les juges européens doivent non seulement prendre en

droits fondamentaux font-ils évoluer le droit de la famille ? », in Mariage-conjugalité, parenté-parentalité, sous la dir. de H. FULCHIRON, Actes des trois journées du séminaire 2007-2008 organisé par le Centre de droit de la famille de l’Université Jean Moulin Lyon 3, coll. Thèmes et commentaires, Dalloz, Paris, 2009, p. 198.

1 P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage-conjugalité, parenté-parentalité, sous la dir. de H. FULCHIRON, Actes des trois journées du séminaire 2007-2008 organisé par le Centre de droit de la famille de l’Université Jean Moulin Lyon 3, coll. Thèmes et commentaires, Dalloz, Paris, 2009, pp. 238-239.

2 Ibid., p. 238.

3 M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Vie privée, vie familiale et droits de l’homme », Rev. int. droit comp. 1992, p. 768 : à propos des droits de l’homme, l’auteur écrit : « Longue et pénible conquête dont le contenu évolutif et toujours susceptible de

changement suffirait à lui seul à prouver la nature éminemment culturelle et par là-même contingente, plus particulièrement dans les sociétés pluralistes modernes ».

4 J.-S. BERGÉ, « La comparaison du droit national, international, européen : de quelques présupposés et finalités », in Mélanges en l’honneur de Camille Jauffret-Spinosi, 2013, pp. 88-91.

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considération la législation de plusieurs États pour faire évoluer ses notions, mais sont également amenés à prendre position sur des sujets problématiques et novateurs. La Cour est particulièrement sollicitée à propos du contentieux familial et celui-ci constitue quantitativement le second contentieux le plus important qu’elle ait à traiter1.

La Cour européenne des droits de l’homme est l’organe décisionnel du Conseil de l’Europe2.

Elle applique et interprète la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette juridiction est composée de 47 juges, ce qui correspond au nombre des États parties à la Convention, élus pour 6 ans. La Cour peut être saisie par un particulier ou par un État, mais uniquement après épuisement des voies de recours internes3. Elle rend des arrêts

déclaratoires qui se bornent à se prononcer sur l’existence d’une violation de la Convention européenne. La Cour ne « va pas jusqu'à abroger la loi, annuler l’acte ou casser la décision d’où procède cette violation »4, mais peut octroyer des réparations au requérant5.

6. L’éclairage du droit par l’approche comparatiste – Si c’est sous l’angle des droits

fondamentaux que cette recherche se positionne, la volonté de ne pas se limiter à l’approche d’une juridiction unique s’est rapidement imposée. Ce choix méthodologique est apparu opportun compte tenu du caractère polysémique, évolutif et circonstancié de la notion de famille. Le droit comparé se révèle être une méthode capable de pallier les éventuels travers d’une appréhension partiale et partielle de ce concept et de renforcer le travail de déconstruction intellectuelle6. L’approche

1 Entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2015, 4631 arrêts ont été rendus par la Cour européenne des droits

de l’homme sous le visa de l’article 8 de la Convention relatif au respect de la vie privée et familiale.

2 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, coll. Droit fondamental Classiques, PUF, Paris, 13e éd., 2016, §§ 186 et s. ; J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme, coll. Connaissance du droit, Dalloz, Paris, 7e éd., 2016 ; J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ Lextenso, Paris, 2e éd., 2012, §§ 898 et s.

3 « Le système européen de protection des droits de l’homme ayant un caractère subsidiaire, la saisine de la Cour de Strasbourg n’est possible qu’après avoir épuisé les voies de recours internes. C’est en effet le juge national qui est à la fois le juge naturel et le premier juge de la Convention européenne des droits de l’homme, le juge européen n’intervenant que pour pallier les éventuelles insuffisances de la protection nationale. La règle de l’épuisement des voies de recours a pour finalité de laisser aux instances nationales l’occasion de prévenir ou de redresser les violations des dispositions conventionnelles » : J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme : droits et libertés fondamentaux garantis par la CEDH, coll. Manuel, LGDJ, Issy-les-Moulineaux, 7e éd., 2017, § 57.

4 J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 41.

5 Sur la portée des arrêts, voir notamment J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme : droits et libertés fondamentaux garantis par la CEDH, op. cit., §§ 65-66 ; J.-P. MARGUÉNAUD, La Cour européenne des droits de l’Homme,

op. cit., pp. 40-46.

6 Si le droit comparé est une matière relativement récente, il n’a cessé de gagner en importance et en

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comparatiste place le juriste face aux biais intellectuels que le parcours universitaire et personnel façonne nécessairement1. Les découvertes qu’elle induit imposent de remettre en cause soit nos

concepts, soit la méthode de jugement des magistrats, voire l’un et l’autre. Elle pousse le comparatiste dans ses retranchements. Quand il se trouve dans l’impossibilité de comprendre les liens entre des notions, quand apparaît un problème de rationalité ou un manque de cohérence, le juriste doit s’interroger sur la raison de ce constat et ce qu’il révèle.

La comparaison apparaît d’autant plus pertinente que les institutions supranationales ou suprêmes ont vocation à traiter de problèmes juridiques semblables. Ainsi, pouvoir multiplier « les angles d’approche et les options interprétatives possibles »2 permet de mettre en balance tout à la fois le résultat juridique

obtenu, mais également la méthode d’interprétation des juges. L’apport évident du droit comparé à la réflexion du juriste réside dans la confrontation des solutions apportées par des juridictions différentes à un même problème posé. Les sociétés occidentales, bien que similaires, restent des entités différentes et complexes ne permettant pas nécessairement une reprise pure d’une solution de droit. D’ailleurs, la simple transposition d’une décision de justice dans un autre contexte ne constitue pas la garantie qu’elle sera bien comprise, bien acceptée ou suffisamment adaptée à une autre société. La comparaison peut offrir à ce titre des « points de repère », des « indications valables concernant les tendances de l’évolution de certaines institutions juridiques, ou même de domaines juridiques »3. Il faut alors se garder de tomber dans certains

travers de la comparaison qui tendraient à donner à ces éléments un poids disproportionné. La méthode

comme les fondateurs, au XIXe siècle, du droit comparé compris en tant que branche indépendante du droit.

Voir : T. RAMBAUD, Introduction au droit comparé : les grandes traditions juridiques dans le monde, coll. Quadrige manuels droit-science politique, PUF, Paris, 2e éd., 2017, pp. 23-24 ; B.

FAUVARQUE-COSSON, « Deux siècles d’évolution du droit comparé », Rev. int. droit comp. 2011, pp. 530-533 ; C. JAMIN, « Le vieux rêve de Saleilles et Lambert revisité. À propos du centenaire du Congrès international de droit comparé de Paris », Rev. int. droit comp. 2000, pp. 733-751.

1 I. ZAJTAY, « Problèmes méthodologiques du droit comparé », in Aspects nouveaux de la pensée juridique :

recueil d’études en hommage à Marc Ancel, sous la dir. de R. CASSIN et M. ROLLAND, A. Pedone, Paris,

1975, pp. 71-72 : « Le droit comparé est appelé à agrandir l’horizon intellectuel du juriste. Les idées de bases

du droit comparé ne doivent pas rester le trésor caché des travaux de doctrine, elles ont leur rôle à jouer également sur le plan de la formation du juriste. Celui-ci doit apprendre au cours de sa formation que le système juridique dans lequel il a été élevé n’est pas le seul de son genre, que les lois des différents pays prévoient différentes solutions pour tel ou tel conflit d’intérêts, et que la solution adoptée par son législateur n’est pas forcément la meilleure ». Voir également M. FROMONT, « Réflexions sur l’objet et les méthodes du

droit comparé », in Mélanges en l’honneur de Camille Jauffret-Spinosi, 2013, p. 377

2 G. CANIVET, « Le rôle du juge dans un monde en mutation », op. cit., p. 41.

3 L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé. Tome II. La méthode comparative, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1974, pp. 304-305.

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comparative n’a pas vocation à offrir des solutions directement et immédiatement transposables d’un État à un autre.

L’intérêt majeur réside dans l’apport plus subtil du droit comparé qui permet de saisir le raisonnement intellectuel des acteurs juridiques ayant mené à la solution choisie1. La comparaison

permet de mettre en exergue les différences d’interprétation de certains principes communs aux sociétés occidentales contemporaines. Cet exercice éclaire, tout à la fois, l’influence du contexte dans lequel les décisions sont rendues, la place primordiale du juge en matière familiale et l’influence que peuvent avoir les jurisprudences des hautes cours sur la famille. Que l’on raisonne sous l’angle du fond du droit ou sous celui des méthodes d’interprétation des juges, la comparaison agit comme le révélateur de certains éléments d’un système juridique, en offrant au juriste la possibilité d’envisager certains problèmes sous un angle nouveau2. Avec la conviction de l’apport de l’analyse comparée sur

la famille3 se pose la question du choix des juridictions à étudier.

7. La comparaison Europe-Canada – Pour parvenir à une conclusion pertinente, il

semblait nécessaire de choisir une région géographique dont la population et la société soient comparables avec la situation européenne. À ce titre, le Canada paraît avoir de nombreux points communs avec l’Europe. De la même manière que les pays de l’Union européenne, les provinces et territoires canadiens sont des entités démocratiques et modernes. De plus, elles constituent des terres d’accueil pour de nombreux immigrants, ce qui crée un contexte multiculturel qui s’avère être un terrain fertile à l’émergence d’une multitude de conceptions de la famille, lesquelles se révèlent de plus en plus variées4. Au Canada, comme en Europe, le droit ne reconnaît pas une approche précise et

consensuelle de ce qu’est une famille. À titre d’exemple, le droit québécois retient une conception

1 G. CANIVET, « Le rôle du juge dans un monde en mutation », op. cit., p. 41 : « Alors le juge serait moins influencé par des solutions concrètes puisées dans un autre système de droit, que par ce va-et-vient herméneutique entre les buts, spécifiques ou généraux, escomptés par une règle ou une institution et les solutions pratiques que des juges étrangers ont conçues pour atteindre ces buts ».

2 Y.-M. LAITHIER, Droit comparé, coll. Cours Dalloz, Série Droit privé, Dalloz, Paris, 2009, p. 15 : « grâce à la comparaison, le juriste perçoit mieux ce qui est original, ce qui est constant, ce qui résiste aux changements, ce qui est latent et ce qui reste peu ou mal exploré dans son propre droit ».

3 M. BANDRAC, « Recherche sur la place du droit comparé dans la motivation des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme en appication des garanties du procès équitable », in Mélanges en l’honneur de Camille

Jauffret-Spinosi, 2013, p. 31.

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fiscale large du groupe familial en considérant que les conjoints de fait1 constituent une famille.

Pourtant, ces derniers sont exclus du régime primaire, réservé aux individus mariés, ce qui ne leur donne pas la possibilité de bénéficier d’un droit à une pension alimentaire après une séparation ou au partage des biens. Ils sont, dans cette hypothèse, traités par le droit comme des colocataires.

Juridiquement, le Conseil de l’Europe et le Canada font face à une diversité des cultures juridiques, certaines provinces ou États connaissant un système de common law, tandis que d’autres relèvent de la tradition civiliste en matière privée2. À cet égard, il est intéressant de constater que le

Canada et l’Europe connaissent un bijuridisme inversé : au Canada, le droit civil du Québec représente une exception en droit privé dans un État où la common law prime en matière publique. Inversement, en Europe, la tradition civiliste semble majoritaire par rapport aux systèmes de common law. Cette dualité, qui transparait dans la manière de rédiger un jugement, de construire son argumentation et dans l’attention portée aux identités régionales, rend d’autant plus pertinente la comparaison des jurisprudences européenne et canadienne. À ce titre, la Cour suprême du Canada apparaît comme la juridiction à étudier3. Située au sommet de l’ordre judiciaire canadien, elle est la juridiction d’appel de

dernier ressort du pays. Elle est créée en 1875 par The Supreme Court Act et est composée de neuf juges. La Cour suprême a une fonction de juge, mais elle a également un rôle consultatif. En outre, elle a la particularité d’être également une juridiction de droit constitutionnel, ce qui lui permet d’interpréter et d’appliquer les codes ainsi que les chartes sur les droits de la personne.

La Cour suprême du Canada, tout comme la Cour européenne des droits de l’homme a pour objectif d’harmoniser les droits, et non de les uniformiser. À ce titre, « [l]e droit comparé joue un rôle

1 Au Québec, le terme de « conjoints de fait » est utilisé pour identifier les membres d’un couple qui ne sont pas mariés et qui n’ont pas conclu de partenariat enregistré. Cette expression n’est pas employée en France où lui sera préférée celle de concubins. La notion de concubinage a, quant à elle, une connotation très péjorative au Québec. Dans les développements subséquents, l’utilisation du terme concubin renverra à l’utilisation française qui n’est pas dépréciative et sert à désigner « (Celui, celle) qui vit maritalement avec un(e) conjoint(e), sans être marié(e) avec lui (elle) » (voir dictionnaire en ligne du CNRS : http://atilf.atilf.fr, V° « concubin, ine »).

2 L. LEBEL et P.-L. LE SAUNIER, « L’interaction du droit civil et de la common law à la Cour suprême du Canada », 47 C. de D. 2006, p. 23 : « Depuis que la Cour suprême a cessé de concevoir son rôle comme celui d'un agent d'uniformisation du droit canadien, un véritable dialogue entre les deux traditions juridiques a pu s'établir graduellement ».

3 P.J. MCCORMICK, Supreme at last : the evolution of the Supreme Court of Canada, op. cit. ; CANADA, Cour supreme du Canada, Cour suprême du Canada, Ottawa, 2012.

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important, compte tenu de l’utilité qu’il représente dans le cadre de l’harmonisation des systèmes juridiques, liée aux transformations du droit dans la société mondialisée »1.

Toutefois, nous admettons les limites de notre recherche comparée en ce qui a trait au fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour suprême du Canada. De nombreuses distinctions entre ces deux cours pourraient amener à penser qu’une telle comparaison est superficielle ou non pertinente. Effectivement, la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas une cour suprême au même titre que la Cour suprême du Canada. Elle n’est pas réputée être un quatrième degré de juridiction et ce point a été répété fermement par les grands acteurs du Conseil de l’Europe en 2004 lors du congrès d’Izmir2. De même, la Cour européenne des droits de l’homme n’est

pas dépendante d’un pouvoir législatif susceptible de contrôler son action. La Cour suprême du Canada, quant à elle, est la juridiction suprême de l’État fédéral qu’est le Canada. Les juges suprêmes n’entendent une affaire que si la Cour accorde une demande d’autorisation aux parties en cause. L’entonnoir procédural ainsi mis en place ne permet qu’aux causes considérées comme particulièrement importantes pour l’ensemble du pays d’être examinées par les juges de la plus haute instance judiciaire du Canada3. De plus, ce mécanisme est appliqué très restrictivement en matière

familiale ce qui explique le nombre restreint d’affaires canadiennes par comparaison au contentieux européen.

Cette étude comparative offre pourtant des clés de réflexion très intéressantes tant ces deux Cours ont une fonction et une place similaire dans l’ordre juridique.

1 I. GARRIDO GÓMEZ, « Le droit comparé en lien avec les autres sciences juridiques », in Mélanges en l’honneur de Camille Jauffret-Spinosi, 2013, p. 422.

2 Dans la Déclaration d’Izmir, rendue suite à la Conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne

des droits de l’homme organisée dans le cadre de la présidence turque du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, les grands acteurs du Conseil de l’Europe (notamment le Président du Comité des Ministres, le Président de l’Assemblée parlementaire, le Secrétaire Général, le Commissaire aux droits de l’homme et le Président de la Cour EDH) « invite[nt] la Cour à : […] c. Confirmer, dans sa jurisprudence, qu’elle n’est pas un

tribunal de quatrième instance, évitant ainsi le réexamen de questions de fait et de droit décidées par les cours nationales ». Ainsi, la Cour n’est pas « une juridiction d’appel, de révision ou de cassation. Elle ne peut pas contester l’établissement par les juridictions internes des faits [d’une] affaire ni l’interprétation ou l’application du droit interne ». CONSEIL DE L’EUROPE, « Les critères de recevabilité », CourTalks – DisCOURs 2015,

p. 5 (document disponible sur le site internet de la Cour européenne des droits de l’homme : www.echr.coe.int/Documents/COURtalks_Inad_Talk_FRA.PDF).

3 Voir la Loi sur la Cour suprême (L.R.C. (1985), ch. S-26), plus précisément l’article 40(1) qui précise qu’ « il

peut être interjeté appel devant la Cour de tout jugement, […] lorsque la Cour estime, compte tenu de l’importance de l’affaire pour le public, ou de l’importance des questions de droit ou des questions mixtes de droit et de fait qu’elle comporte, ou de sa nature ou importance à tout égard, qu’elle devrait en être saisie et lorsqu’elle accorde en conséquence l’autorisation d’en appeler ».

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