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3.3 Effet Talbot

3.3.1 Effet Talbot pour des réseaux binaires unidimensionnels

L’effet Talbot correspond donc au phénomène d’auto-imagerie en propagation d’une structurep-périodique sous illumination cohérente. Ce phénomène est lui-même périodique selon la directionzde propagation de l’onde, et sa période longitudinale, appelée distance de TalbotZT, a été calculée analytiquement par Lord Rayleigh (RAYLEIGH,1881) en 1881 :

ZT = λ

1− r

1−

λ p

2 (3.37)

Cette expression se simplifie dans le cadre de l’approximation paraxiale (λ/p 1), condition aisément vérifiée dans le domaine des rayons X :

ZT = 2p2

λ (3.38)

Ce phénomène d’auto-imagerie périodique se produit pour des réseaux d’amplitude, mais également pour des réseaux de phase. Pour ces derniers, l’effet Talbot a été exhaus-tivement étudié depuis sa première description théorique en1971(GUIGAY,1971). Dans le domaine des rayons X durs, le phénomène a été observé pour la première fois par P. Cloe-tens en 97 (CLOETENS et al., 1997) avec des réseaux mono-dimensionnels de phase pure réalisés en matériau plastique et dont la modulation d’épaisseur était de l’ordre de2,4µm.

Le déphasage associé était faible, de l’ordre deπ/20pour l’un des réseaux utilisés.

FIGURE3.14: Coupe verticale sur les figures d’interférences produites par dif-férents réseaux unidimensionnels. Nous observons l’effet Talbot pour des ré-seaux binaires ; a) d’amplitudetres = 0outres = 1, et de phase dans le cas

d’un accord à ; b)πet c)π/2.

La figure3.14représente les différentes figures simulées d’effet Talbot obtenues pour les trois types de réseaux 1D les plus utilisés dans le domaine des rayons X, dans l’ordre ; le

réseau d’amplitude, et les réseaux de phase dont le saut de phase correspond àπ et π/2.

Dans chaque cas, l’évolution de la figure d’interférence est donnée dans le plan(y, z)depuis le plan diffractif jusqu’à la distance de TalbotZT. Dans le cas d’une source parfaitement cohérente, cette structuration de la lumière se reproduit à l’infini.

Ces réseaux étant périodiques dans la dimensiony, nous abandonnerons dans les nota-tions la dimensionx. La fonction de transmittance du réseau se décompose alors en série de Fourier unidimensionnelle à partir de ses coefficientsCl, notation reprise de3.26en aban-donnant l’indiceqassocié à l’axe fréquentiel selonx. Ainsi :

Tcres(y) =X

Cle2iπlyp (3.39)

Et le champ diffracté s’écrit selon l’équation3.8: Uz(y, z) =Tcres(y)T F−1[Pzx, νy)] =

Cette expression mathématique laisse présager de l’interaction des répliques associées à chaque ordre de diffraction du réseau entre elles. L’intensité sur le détecteur étant propor-tionnelle au module carré du champ, elle laissera apparaître la somme des contributions du recouvrement de tous les couples de deux ondes. Ainsi, selon chaque coefficient du réseau, et selon le déphasage accumulé en propagation pour chacun d’entre eux, nous pouvons nous attendre à observer une somme d’interférences constructives ou destructives, partiel-lement ou totapartiel-lement. D’autre part le terme de phase accumulé pour chaque ordre à l’in-térieur de l’exponentielle complexeπl2

p2

évolue intrinsèquement de façon périodique modulo2π, il est alors concevable d’anticiper une évolution elle-même périodique suivant la distance de propagationz.

Plus précisément nous allons nous intéresser à certaines distances remarquables : les distanceszk=kZ2T aveck∈N. Pour les valeurs paires dek, nous retrouvons le phénomène d’auto-imagerie du réseau ; le terme de phase accumulée pour chaque ordre à cette distance s’écrite−i2πl2 = 1l2 = 1, il vient alors :

Uz(y, kZ2T) =P

l=0Cle2iπlyp =Tcres(y) pourkpair (3.41) Pour k impair, le terme de phase vaut e−iπl2zλ/p2 = e−iπl2 = (−1)l2. Nous pouvons prouver que(−1)l= (−1)l2 ∀l∈N; ainsi, l’amplitude diffractée s’écrit selon l’équation3.42 et nous constatons qu’il y a une reproduction de la transmission du réseau mais translatée d’une demi-période.

Uz(y, kZ2T) =P

l=0Cle2iπlyp(−1)l2 =P

l=0Cle2iπlyp(−1)l=Tcres(y−p/2) pourkimpair (3.42) L’intensité sur le détecteur étant proportionnelle au module carré de l’amplitude dif-fractée, à ces distances particulières l’intensité suit le module carré de la transmission des réseaux. Pour un réseau d’amplitude, le contraste est maximal à ces positions puisqu’il re-produit la modulation binaire du réseau entre0et1; c’est ce que l’on observe sur le cas a) de la figure3.14. De plus, il y a bien une translation d’une demi-période à la distanceZT/2. En revanche, pour des réseaux de phase sans effet d’amplitude|Tcres(y) |2= 1, le contraste est

3.3. Effet Talbot

nul à ces positions comme nous le constatons sur les figures b), c). Nous pouvons toujours parler de phénomène d’auto-imagerie, mais contrairement aux réseaux d’amplitude, il est ici à contraste nul.

Par conséquent la modulation en intensité générée par un réseau de phase ne réalise pas forcément une auto-image de la structure diffractante en propagation. J. C. Guigay a démon-tré (GUIGAY,1971) que l’amplitude diffractée à des distances fractionnaires de la distance de Talbot kk1

Cette expression permet de remonter au champ diffracté aux positions remarquables de Talbot fractionnaires identifiées sur la figure 3.14 comme ZT /8, ZT /4 et leurs multiples.

Notamment, J.C. Guiggay a démontré à partir de cette expression qu’enZT /4, le champ dif-fracté pouvait être relié à la fonction de transmittance du réseau par une expression simple :

U(y,ZT

4 )∝T(y)e−iπ4 +T(y+p/2)eiπ4 (3.44) Menant ainsi à la distribution d’intensité à cette distance, dépendant principalement du profil de phaseϕres(y)du réseau et d’un coefficient de proportionnalitéκ:

I(y,ZT

4 ) =|U(y,ZT

4 )|2=κ(1 +sin[ϕres(y)−ϕres(y+p/2)]) (3.45) Ainsi, concernant le réseau de saut de phase (0,π), le contraste est nul à cette distance ; il n’y a pas de modulation d’intensité :

I(y,ZT

4 ) =κ(1 +sin(π)) =κ (3.46) En revanche pour un réseau de saut de phase (0,π/2), nous retrouvons un contraste maximal : la distribution d’intensité reproduit une modulation typique de la distribution de phase du réseau telle queI ∈[0; 2κ]: Dans le cas de ce dernier réseau on retrouve une figure de diffraction semblable au profil d’un réseau d’intensité de même période que le réseau de phase. Ainsi en plaçant un réseau d’absorption de même période que le réseau de phaseπ/2et placé à une distance deZT/4 derrière celui-ci, le contraste des franges de Moiré est maximal. D’autre part I. Zanette a démontré dans ses travaux de thèse (ZANETTE, 2011) que les zones de contraste maximal des franges générées par un réseauπse trouvent tous lesZT/16et forment une distribution d’intensité de forme carrée de même contraste que dans le cas d’un réseauπ/2à ZT/4, ce que l’on retrouve sur la figure3.14.

Cependant, la modulation générée étant unidimensionnelle il n’est possible d’extraire de la modulation de l’interférogramme qu’une dérivée dans une direction. Les algorithmes d’intégration à partir d’une seule dérivée étant moins stables (KOTTLER et al., 2007) il est préférable de prendre une seconde mesure avec l’échantillon (ou le réseau) tourné de 90 par exemple.

3.3.2 Effet Talbot dans le cas de structures en damier

Ces développements instrumentaux ont donc été poursuivis de sorte à pouvoir accéder à une mesure bidimensionnelle immédiate. Par conséquent les modulations d’intensité gé-nérées par le réseau de diffraction doivent se décomposer selon deux dimensions, ce qui implique directement que la structure diffractante soit également périodique dans deux di-mensions.

Dans la suite de ces travaux de thèse, nous étudierons plus particulièrement les struc-tures diffractantes en damier. Nous définirons le damier comme un objet périodique de même périodepdans les deux dimensions orthogonales de l’espacexety, avec un rapport cyclique de 12. Par convention nous représenterons une dame noire comme correspondant à une sur-épaisseur de matériau, et une dame blanche comme une zone de transmission unitaire. Du fait de l’équilibre entre les surfaces noires et blanches, la transformée de Fou-rier de cette objet est simplifiée par l’annulation de l’amplitude de l’ensemble des ordres de diffraction d’indices pairs non nuls.

FIGURE3.15: Définition d’un damier de périodepet de transmittance binaire, Tcres= 1ouTcres=te

Bien que le terme d’effet Talbot soit initialement utilisé pour décrire les phénomènes d’auto-imagerie de réseaux1D, nous garderons cette appellation dans le cadre de la dif-fraction de réseaux2D. Nous pouvons constater sur la figure 3.16que les modulations en propagation de l’intensité des franges d’interférence peuvent changer de façon drastique par rapport au cas unidimensionnel. En effet, pour ce dernier, l’ensemble des ordres sont si-tués sur un même axe fréquentiel perpendiculaire à la structure périodique du réseau. Dans le cas bidimensionnel, le spectre de la fonction de transmittance du réseau est bien plus complexe et fait apparaître des ordres dans l’ensemble du plan fréquentiel. Ainsi il existe non seulement plus de couples contributeurs à la figure d’interférence, mais également des couples dont la contribution se produit selon des axes transverses aux axes principaux(x, y).

Dans un premier temps, nous proposerons une analyse de la diffraction de ces réseaux uniquement fondée sur l’observation des simulations de l’effet Talbot, puis nous décrirons mathématiquement le phénomène dans la section suivante. Nous retrouvons pour le réseau π [3.16b)] le phénomène de pseudo-focalisation avec un maximum de contraste tous les multiples deZT/16impairs et de perte de contraste tous lesZT/8mais ici de façon exacerbée par rapport au cas1D.

3.3. Effet Talbot

FIGURE3.16: Coupe verticale sur les figures d’interférences produites par dif-férents réseaux bidimensionnels. Nous observons l’effet Talbot pour des ré-seaux binaires ; a) d’amplitudet = 0 out = 1, et de phase dans le cas d’un

accord à ; b)πet c)π/2.

Dans le cas du réseauπ/2[3.16c)], les modulations en propagation sont plus chahutées.

À une dimension, la perte de contraste se produisait tous lesZT /2avec une translation des franges d’une demi-période ; dans le cas 2D, les pertes de contraste totales suivies d’une translation du maillage de taches apparaissent deux fois plus souvent, tous lesZT /4, et les maxima de contraste semblent apparaître tous les multiples impairs deZT/8.

Enfin nous remarquerons que, dans le cas 1D, la figure de diffraction en propagation d’un réseauπ/2est similaire à celle d’un réseau d’amplitude décalée longitudinalement de ZT/4. Dans le cas2D, le phénomène est identique, mais la figure de diffraction est translatée en propagation d’une quantitéZT/8.

À notre connaissance, il n’y a pas eu de développement théorique concernant le calcul de l’intensité propagée derrière un réseau quelconque dans le cas2D. La difficulté n’est pas tant d’un point de vue conceptuel, car le formalisme théorique est identique au cas1D, mais le calcul de diffraction devient plus fastidieux car il nécessite de prendre en compte l’ensemble des ordres hors axes produisant des interférences croisées. Le premier interféromètre à deux réseaux bidimensionnels pour les rayons X reporté dans la littérature (ZANETTEet al.,2010) est composé d’un réseau de phase en damier accordé àπcouplé à une grille de type Hart-mann. La distance entre les deux réseaux suit la même règle de conception que celle donnée dans le cas1Dpar T. Weitkamp (WEITKAMPet al., 2006) : Le réseau de lecture de période p2doit avoir une périodep2 = p1/η, avecp1la période du réseau de phase. De plus, il doit être placé à une distancezkgarantissant un contraste de modulation maximum donnée par l’équation3.48. Un schéma de l’instrument est représenté en figure3.17.

zk =n p21

2λ (3.48)

Avec,

η=

1 si φ=π 2 si φ= π2

FIGURE3.17: Interféromètre à deux réseaux bidimensionnels constitué d’un réseau de phase (0,π) en damier et d’une grille de type Hartmann. Figure

ex-traite de (ZANETTEet al.,2010).

Que ce soit en 1D, ou en2D, si l’instrument doit travailler sur une large bande spec-trale, il est impératif de pouvoir accorder la distance inter-réseaux de façon à conserver un contraste suffisant des franges de Moiré. Ceci explique pourquoi nous relevons différentes distances inter-réseaux dans la littérature en fonction des conditions de mesure.

D’autre part, comme dans le cas du MHM-X fictif, un second problème réside dans l’ac-cord du damier de phase à π. En effet, cet accord n’est respecté qu’à une seule longueur d’onde, et change avec l’énergie (section 3.1.4) du fait des propriétés des matériaux en rayons X. Typiquement, nous avions calculé que pour un réseau de phase accordé àπ en milieu de bande à15keV, la phase du réseauϕappartient à l’intervalle[π2;32π](figure3.12).

Le réseau aura donc un comportement de typeπ,π/2ou hybride entre les deux sur l’en-semble de la bande. Par conséquent, il l’en-semble difficile avec un seul réseau d’absorption de garantir un comportement stable de mesure sur l’ensemble de la gamme spectrale puisque la période des franges projetées sur la grille peut varier du simple (casπ/2) au double (cas π). Le masque d’absorption utilisé en vue de générer des franges de Moiré dans le cas seul d’un accord àπne pourra garantir un recouvrement adéquat à toutes les énergies. Ce phé-nomène est illustré sur la figure3.18. Nous constatons que le maillage de taches à une même distance évolue suivant l’énergie, et ce, quelle que soit la distance d’observation.

Nous ferons remarquer que ce constat est le même pour un réseau d’amplitude. Il s’agit d’un problème plus large associé à l’apparition de l’ordre0dans le spectre de la fonction de transmittance du réseau. Nous l’étudierons plus amplement dans la suite.

Ainsi, bien que ce type d’instrument soit très répandu dans la littérature, nous avons montré qu’il n’est pas adapté à un fonctionnement sur une large bande spectrale, du moins sans modifications lourdes du système que ce soit en termes de distance inter-réseau ou d’accord du premier réseau de phase. Ces modifications rendent la calibration absolue plus difficile. Il faudra donc proposer un instrument en rupture avec ce type de concept, plus

3.3. Effet Talbot

simple, à partir d’un seul réseau de diffraction, à définir en trouvant une nouvelle confi-guration interférométrique permettant de fixer la distance entre réseau et détection, et en adaptant cette dernière à la détection des franges interférométriques de faibles dimensions.

FIGURE3.18: Évolution des figures de Talbot pour un même réseau accordé à πà15keV sur une bande de10à30keV. Une coupe enz =ZT/16est égale-ment schématisée pour les énergies10,15,20keV. À droite de la figure nous représentons un schéma du réseau en damier en noir, et les disques en bleu illustrent les franges lumineuses générées par le réseau. Pour une même posi-tion, symbolisée sur les figures de Talbot par les traits pointillés, nous consta-tons que le maillage de frange varie : il se dédouble à 15keV par rapport à 10keV, et se translate d’une demi-période selonxety à20keV. Au-delà de

cette énergie le maillage est figé mais le contraste des franges diminue.

3.3.3 Impact de la transmission des matériaux

Un autre facteur qui semble moins étudié dans la littérature et qui est exacerbé dans le domaine des rayons X correspond à l’impact de la transmission des matériaux utilisés pour la réalisation des structures diffractantes. Selon les filières technologiques développées par les équipes de recherche, les matériaux constitutifs des réseaux diffèrent. On retrouve principalement des structures à base de nickel, silicium, ou or dans le cas de processus li-thographiques couplés à une croissance des structures par électrodéposition de matière. Il est aussi envisageable d’utiliser des structures en résine plastique, mais celles-ci sont sus-ceptibles de se déformer sous faisceau synchrotron notamment en faisceau blanc. Enfin les processus de type etching permettent de structurer des matériaux comme le silicium ou le carbone sous sa forme diamant. Ces matériaux sont plus ou moins absorbants et selon l’épaisseur des structures diffractantes transmettent plus ou moins le rayonnement. Ainsi un réseau de phase peut également avoir un effet de transmission et donc coupler ces effets au cours de la diffraction.

Par exemple, le premier réseau de l’instrument représenté en figure3.17est en silicium, avec des dames déphasantes d’une épaisseur de29µm. La transmission associée à une telle

épaisseur varie entre à80−99%sur la bande10−30keV. Des réseaux de phase en or ont aussi été utilisés comme réseaux de phase (RIZZI, 2013). Si naturellementδAu > δSi per-met de réduire la hauteur des plots pour un même déphasage à produire, en contre-partie βAu > βSi, ce qui provoque aussi un effet de d’absorption accru. Dans la référence (RIZZI

et al.,2013), avec des dames déphasantes d’une hauteur de3µm, la transmission des dames sur cette bande varie entre52−86.5%. Nous représentons l’impact de ces effets de transmis-sion dans le cas de réseaux fictifsπ etπ/2avec une transmission de50%sur la figure3.19.

Nous rappelons que la transmission du matériauT se relie au facteur de transmission en amplitudetpar la relationT =t2, ainsi le facteurtvaut icit=p

1/2 =√ 2/2.

FIGURE3.19: Effet d’une transmission deT= 50%sur un réseauπetπ/2

Nous observons une modification du contraste des franges notamment aux positions re-marquables pour le réseau d’amplitude pure aux distances multiples deZT/4. L’effet sur des coupes de franges aussi résolues peut ne pas sembler si catastrophique mais nous ver-rons expérimentalement dans le chapitre7, pour des interférogrammes échantillonnés par le système de détection à hauteur de quelques pixels à quelques dizaines de pixels par franges, que l’impact associé à la transmission est plus prononcé que ce que nous pouvons constater ici.