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2.4 Instrumentation pour la métrologie et l’imagerie de phase en rayons X

2.4.1 Éléments de contexte

2.4.1.1 Besoins en termes de métrologie

L’évolution de la métrologie optique sur synchrotron a suivi les avancées des dévelop-pements des accélérateurs, sources X et des optiques. Elle permet de contrôler et soutenir l’optimisation des sources, la caractérisation d’optiques élémentaires dans leurs conditions de fonctionnement et donc de contrôler l’alignement optimal des lignes de lumières et enfin de corriger les faisceaux Xin-situpar le biais d’optiques déformables dans des configura-tions de boucles d’optiques actives. On parle alors couramment d’analyse de front d’onde.

Les instruments d’analyse de surface d’onde permettent de mesurer la phase (ou un me-surande lié, comme la dérivée ou le laplacien) de l’onde électromagnétique associée à la propagation du faisceau. Ils permettent ainsi de mettre en évidence des défauts inhérents aux sources ou introduits par les optiques sur le chemin du faisceau. Les facteurs à l’ori-gine de ces dégradations sont multiples : dilatation thermique liée à la puissance déposée par le faisceau sur l’optique, qualité de fabrication, mauvais alignement des optiques sur la ligne, contraintes mécaniques déformant l’élément. Ces déformations du front d’onde sont décomposées en aberrations que nous choisirons de décrire ici à partir du formalisme de Frederik Zernike (BORNet WOLF,2000).

Néanmoins la première formalisation des aberrations optiques a été faite en 1857 (SEI

-DEL, 1856) par Ludwig Von Seidel où il fait apparaître les aberrations du 3eme ordre que sont l’aberration sphérique, la coma, l’astigmatisme la courbure de champ et la distorsion.

La description analytique est améliorée en 1936 par Frederik Zernike, qui développa la base orthogonale (sur un support disque) des polynômes de Zernike. Cette base est particulière-ment utilisée en métrologie optique visible et infrarouge. Cette description peut être reliée à la décomposition de Seidel (WYANT et CREATH,1992) et permet de pousser plus loin la description des aberrations aux ordres supérieurs. Les polynômes associés aux ordres 3 et 5 sont représentés sur la figure2.17, et l’équation mathématique d’un polynôme quelconque Znmavec(m, n)∈N2 est rappelée par la relation2.19. Les deux premiers polynômes repré-sentent un défaut de pointé du faisceau, le troisième, un défaut de mise au point associé à une courbure. Les suivants relèvent davantage des défauts de polissage d’une optique seule ou des déformations introduites par le maintien mécanique de celle-ci, ou encore elles cor-respondent au décentrement, désalignement d’optiques entre elles au sein d’une combinai-son. On relève dans l’ordre ; l’astigmatisme à0, celui à45, la coma du troisième ordre dans les deux directions et le défaut de sphéricité créant de l’aberration sphérique. Chacun de ces polynômes représente l’équilibre parfait entre les différents termes minimisant l’écart-type du polynôme sur la pupille. L’ajout d’autres polynômes ne fera alors qu’augmenter l’écart-type. De plus, leur moyenne est nulle sur la pupille.

Znm(ρ, φ) =Rmn (ρ)cos(mφ)

Zn−m(ρ, φ) =R−mn (ρ)sin(mφ) (2.19) Où,

Rmn (ρ) =

(n−m) 2

X

k=0

(−1)k(n−k)!

k!(n+m2 −k)!(n−m2 −k)!ρn−2k (2.20)

FIGURE2.17: Polynômes de Zernike, les trois premiers termes de la première ligne correspondent aux défauts de pointés et de courbure du faisceau, puis les suivants, aux aberrations du troisième ordre. La seconde ligne correspond

à une partie des aberrations du cinquième ordre.

Si cette décomposition peut paraître abstraite, il est intéressant de rappeler que le front d’onde de chacun d’entre eux représente la surface isophase de l’onde électromagnétique perpendiculaire à la distribution des vecteurs directeurs de l’ensemble des rayons lumi-neux. Cette considération permet de faire le lien entre des aberrations très fortes dites géo-métriques associées à de fortes déviations des rayons lumineux mais permet d’étendre plus loin l’analyse à des front d’onde très peu aberrants en limite de diffraction. Ainsi la connais-sance de l’écart-type du front d’onde dans la pupille permet alors de quantifier sa qualité par rapport à la limite de diffraction. André Maréchal (MARÉCHAL,1947) énonce qu’un sys-tème optique est limité par la diffraction si l’écart-type RMS entre le front d’onde idéal et le front d’onde aberrant est inférieur à 14λ, et de façon équivalente si l’écart maximum sur la pupille (“Peak to Valley” en anglais) est inférieur àλ4.

En réalité, en métrologie d’optiques X cette décomposition est peu adaptée car les pu-pilles des optiques sont très souvent rectangulaires et non rondes. Il est d’usage d’utiliser la décomposition sur les polynômes de Legendre, notés iciLn(x)à une dimension. Ils peuvent être définis à partir de la formule de Rodrigues2.21, et nous avons représentés les premiers termes pourn∈[1; 4]sur la figure2.18. Le terme pourn= 0est normalisé et vautL0(x) = 1.

Ln(x) = 1 2nn!

dn dxn

x2−1n

(2.21) À titre d’exemple, prenons la focalisation d’un faisceau X en limite de diffraction pour des énergies inférieures à20keV (λ= 62pm) par un miroir plan courbé par des actionneurs mécaniques réglables. Les aberrations de plus basses fréquences comme la courbure ou la

2.4. Instrumentation pour la métrologie et l’imagerie de phase en rayons X

FIGURE2.18: Polynômes de Legendre utilisés pour décrire la plus grande par-tie des aberrations optiques dans ce manuscrit.

coma peuvent être corrigées par les actionneurs, on spécifie alors une amplitude maximale sur la pupille dans la dynamique de correction pour ces aberrations. En revanche pour celles d’ordre supérieur, le critère de Maréchal impose que le front d’onde en sortie d’optique soit de l’ordre de4,4pmRMS pour être limité par la diffraction. Les défauts de forme du miroir ne doivent donc pas entraîner de déformations du front d’onde excédant cette valeur. L’uti-lisation en incidence rasante autour de0,2permet de limiter cette contrainte sur la hauteur maximale des défauts sur l’optique car la déformation réelle du front d’onde dépend éga-lement de l’angle d’incidence rasante2.22. Ainsi,h la hauteur des défauts est inversement propotionnelle au sinus de l’angle d’incidence rasante θr. La figure2.19 montre le retard total accumulé∆par le rayon 1 sur le rayon 2 en fonction de la hauteur du défaut. Ainsi le retard causé par un défaut doit satisfaire∆ ≤ 4,4pmRM S ce qui entraine des défauts de surface en hauteur tolérables tels queh≤0,7nmRM S.

∆ = ∆1+ ∆2= 2sin(θr)h (2.22)

FIGURE2.19: Défaut de forme

Ces performances de polissage peuvent être atteintes actuellement grâce à deux tech-niques de polissage ; par faisceau d’ions (ZIEGLER et al.,2010)], et par action de particules

TABLE2.2: Spécifications de surface pour les miroirs X.

Définition du défaut Specification longueur d’onde spatiale Erreur de hauteur ≤1.0nmRM S 1mm−1m

Rugosité ≤0.2nmRM S 20µm−1mm

Rugosité haute fréquence ≤0.4nmRM S 20nm−20µm

de poudres mélangées à de l’eau ultra pure (YAMAUCHIet al.,2002). Souvent ces optiques sont contrôlées par le fabricant et sur installations synchrotron, dans le domaine visible, dans les laboratoires de métrologie optique. Nous y retrouvons différents instruments per-mettant de contrôler les surfaces optiques sur une certaine gamme de fréquences spatiales.

Les “long trace profiler” (LTP) [(TAKACS, QIAN et COLBERT, 1987), (QIAN, JARK et TA

-KACS, 1995), (QIAN et TAKACS, 2007)] et Nanometer Optical Measuring machine (NOM) [(SIEWERTet al.,2004), (ALCOCKet al.,2010)] assurent la mesure1Ddes défauts basses fré-quences (supérieurs à1mm) et de la courbure du miroir. D’autres instruments de mesure plein champ permettent d’accéder à une information en2Dà plus hautes fréquences (infé-rieures à1/20µm−1), comme les interféromètres de type Michelson ou Fizeau. Seulement ils ne peuvent en général pas mesurer la totalité de l’optique et une procédure de “stitching”

est nécessaire (THOMASSET,2014). D’autre part, l’analyse des franges nécessite une mise au point de l’instrument sur la surface du miroir à chaque déplacement de la tête ; l’interfé-romètre n’est alors pas pas sensible à la courbure du miroir. Enfin la mesure à plus haute fréquence encore, permet d’accéder à la rugosité de surface, mesure extrêmement impor-tante, car la réflexion spéculaire peut être accompagnée d’une réflexion diffuse diminuant les performances intrinsèques de l’optique. Les rugosités typiques réalisées par super po-lissage sont alors de l’ordre de l’angström RMS et peuvent être contrôlées par exemple par microscopie à force atomique (AFM) (ALS-NIELSENet MCMORROW,2011).

Mesurer de telles performances dans le domaine visible n’est alors pas aisé, car il est nécessaire de s’affranchir entre autres des turbulences. De plus, si il est impératif de pou-voir contrôler en visible ces optiques de qualité extrême, il est tout aussi capital de poupou-voir aligner, et optimiser ces optiques par des moyens de métrologiein-situsur faisceau X dans leurs conditions de fonctionnement. La table2.2résume les amplitudes typiques des défauts tolérés associés à leur fréquence spatiale, extraites de la littérature.

Ainsi, en termes de cahier des charges, nous avons besoin d’un analyseur de surface d’onde dont la résolution spatiale (sur le front d’onde) est inférieure à10µmpour atteindre des fréquences spatiales sur échantillons de l’ordre du millimètre. Il doit être capable de mesurer des défauts de surface d’onde sub-picométriques, mais doit également avoir une dynamique de mesure suffisante pour mesurer des fronts d’onde de forte amplitude. No-tamment, il doit pouvoir permettre la mesure d’un front d’onde sphérique d’une source située à “l’infini” jusqu’à une trentaine de centimètres de l’analyseur.