• Aucun résultat trouvé

Un effet de halo : l’alimentation et les PGC avant tout

Chapitre IV : L’étude exploratoire

II. Les principaux résultats de l’étude exploratoire

2.2.2. Un effet de halo : l’alimentation et les PGC avant tout

Afin de cerner au mieux la composition de ce concept de « cherté de la vie », il a été question de déterminer l’ensemble évoqué pris en considération dans le cadre de cette évaluation. Dans cette perspective, les terrains de l’étude exploratoire ont permis de déterminer les différents postes de consommation associés au terme « la vie » dans l’esprit des consommateurs.

L’objectif principal étant de déterminer si cette notion de « vie » fait référence à l’ensemble des postes de dépenses des individus ou à quelques-uns d’entre eux en particuliers (effet de halo).

Les résultats de l’étude exploratoire font apparaitre un premier résultat selon lequel « la cherté de la vie » serait basée, non pas sur l’ensemble des postes de consommation, mais sur quelques postes en particulier, notamment les produits de grande consommation (PGC).

191 Le classement des différents postes de consommation ici utilisé est issue d’une étude réalisée par l’INSEE dans le cadre de l’enquête BdF 2005. Dans ce cadre, les dépenses de consommation des ménages ont fait l’objet d’un regroupement en 12 fonctions principales.

1. Produits de grande consommation,

2. Transports, regroupant achat et entretien de véhicules personnels, carburant, titres de transport …,

3. Logement, regroupant loyers, charges et dépenses d’énergie (eau, chauffage, …),

4. Equipement de la maison,

5. Loisirs et culture sous forme de biens et de services,

6. Habillement & chaussures,

7. Communication couvrant achat d’appareils et services de télécommunications,

8. Services médicaux et de santé, 9. Hotels, cafés & restaurants, 10. Tabac,

11. Enseignement, couvrant les dépenses de formation et l’accompagnement scolaire, 12. Autres biens et services dont les dépenses

d’assurance, services à la personne, etc.

Dans le cadre de l’étude exploratoire, les postes « logement et équipements de la maison » ont été fusionnés car souvent cités ensemble par les interviewés. De plus, deux autres postes de consommations ont été intégrés à la liste de l’INSEE car souvent cités par les interviewés dès les premiers entretiens : les produits locaux et les produits de luxe.

Le Tableau 31 résume de façon synthétique l’ensemble évoqué dans le cadre de l’évaluation de la cherté de la vie en fonction des différents terrains de l’étude exploratoire. L’annexe 5 présente dans le détail les résultats terrain par terrain concernant l’ensemble évoqué et illustre l’ensemble des résultats obtenus par des verbatim ainsi que par les images issues de la technique de la photo-elicitation. Le résumé des résultats des différentes méthodes de collecte met en avant quatre postes de dépenses dont les fréquences d’occurrences sont particulièrement élevées : les produits de grande consommation notamment l’alimentation (PGC) (2.2.2.1.), les transports (2.2.2.2.), le logement (2.2.2.3.), la communication & les loisirs et la culture (2.2.2.4.).

192

Tableau 31. Tableau récapitulatif de l’ensemble évoqué dans le cadre de l’évaluation de la cherté de la vie TOTAL

Transports (achat d'appareils & services de

communication) 17 10 7 34 10%

Logement (Loyer, charges, dépenses

électroménager, …) 16 5 2 23 7%

Loisirs & culture (biens & services) 11 5 1 17 5%

Communication (achat d'appareils & services de

communication) 9 1 4 14 4%

2.2.2.1. Les produits de grande consommation notamment l’alimentation

Les produits de grande consommation notamment les produits alimentaires correspondent aux achats courants des ménages. Depuis 2001, les prix des produits alimentaires ont progressé de 2,5 % par an soit un rythme supérieur à la période précédente (+ 1,8 % par an) et à celui mesuré en France (+ 1,7 %) (INSEE, 2014c). Les prix dans l'alimentaire augmentent plus vite que l'indice général des prix à La Réunion. Une augmentation des prix largement ressentie au sein de la population. En 2011, les ménages réunionnais dépensaient en moyenne 334 euros par mois en produits alimentaires et boissons non alcoolisées (soit 7 % de plus qu’en 2006) (INSEE, 2014b). L’Enquête Budget de famille 2011 (INSEE, 2014b) titrait « L’alimentation, première préoccupation des ménages les plus modestes ».

« La catégorie où les produits sont les plus chers c’est au niveau alimentaire, je pense que c’est particulièrement cher. Les autres aussi mais bon après … enfin l’alimentaire est une priorité, on ne pourra pas acheter tous ce que l’on veut mais on ne peut passer outre ! » Répondant 1 – 26 ans – St Pierre - Réunion – Etudiante – Femme

Similaires d’un point de vente à un autre, ces produits peuvent faire l’objet de comparaisons d’autant plus que les consommateurs ont une bonne connaissance des prix de ces produits couramment achetés. Moati et Ranvier notaient déjà en 2007 que dans le but de pouvoir acquérir les nouveaux produits et services à la mode tout en préservant leur capacité d’achat, les consommateurs réalisent des arbitrages dans l'allocation de leurs dépenses au détriment des produits les moins impliquants. Confrontés à l’émergence de nouvelles offres très impliquantes,

193 les produits de grande consommation ont ainsi été victimes d’arbitrages au profit d'autres catégories de biens et services (Moati and Ranvier, 2007). Reculant dans la hiérarchie des priorités des ménages, les consommateurs ont cherché à faire des économies sur les dépenses courantes telles que les produits de grande consommation afin de pouvoir satisfaire leur désir d’achat en constante croissance (Moati and Rochefort, 2008a). La consommation ostentatoire venant détourner les sommes consacrées aux besoins essentiels, les consommateurs sont ainsi moins enclins à dépenser une part considérable de leur budget dans les produits de grande consommation. Préoccupés à préserver leur capacité d’achat, les consommateurs sont ainsi plus sensibles aux prix de ces produits, aux variations de leurs prix ainsi qu’à leurs différentiels de prix entre les points de vente.

26 janvier 2014, 18:02, à proximité de Saint-Denis ; P. Salem : « j’ai fait quelques achats au centre Leclerc du Butor à st Denis. Puis j 'ai comparé les prix avec le site de leclerc à Pau en métropole » « Les mini Babybels vendu à la réunion sont 10% plus petits que ceux vendus en France. Les 12 mini Babybels en France font 264 grammes soit 264/12 = 22 grammes pièce alors que chez nous, 200/10 = 20grammes et je ne parle pas de l'écart de prix le kiri fait 20g en Métropole et 18 g à la RUN. »

Il est à noter que l’alimentation pèse nettement plus lourd sur le budget des ménages du premier quartile32 (21 %) que sur celui des ménages du quatrième quartile33 (14 %). La dépense moyenne par an en alimentation d’un ménage du premier quartile avoisine les 2 700 € tandis que celle d’un ménage du quatrième quartile dépasse les 5 000 €. Plus la richesse d’un ménage tend à augmenter, plus la part des dépenses consacrées à l’alimentation tend à diminuer.

2.2.2.2. Les transports

Le second poste de dépenses dénoncé comme cher par les interviewés correspond aux transports. Ainsi, l’achat d’un véhicule et l’ensemble des frais annexes (entretiens, pièces détachées, …) sont perçus comme chers par les consommateurs. En comparant avec les « prix métropoles », la perception de la cherté de ce poste s’avère exacerbée.

« Après mi trouve que les voitures lé cher ! lé pas aussi bon marché que la France hein ! » Répondant 20 - 26 ans - Ste Marie - Réunion - Commercial - Homme

« Ensuite, les pièces détachées pour la voiture. Il faut entretenir la voiture. Y a les pièces d’usure.

Y fo changer quand les pièces y cassent. Les pièces lé pas donné non plus. Surtout les pièces d’origines. » Répondant 21 - 34 ans - St André - Inactif - Homme

32 Premier quartile : le quart des ménages ayant les revenus les plus faibles par unité de consommation

33 Quatrième quartile : le quart des ménages ayant les revenus les plus élevés par unité de consommation

194

« L’automobile et l’assurance pèsent lourd » dans le budget des réunionnais (INSEE, 2008: 21).

Doté d’un parc de 341 476 voitures particulières inférieur ou égal à 15 ans au 1er janvier 201634 (contre 213 036 en Guadeloupe, 202 591 en Martinique, 67 793 en Guyane), la voiture constitue le moyen de transport privilégié des Réunionnais. Même si le budget consacré aux transports est un de ceux qui varient le plus selon le niveau de revenu, le coût à l’achat ainsi qu’à l’entretien ou encore les dépenses en essence et en assurance participant à l’évaluation de la cherté de la vie.

En 2011, les ménages réunionnais consacraient 18,4 % de leur budget de consommation annuel aux frais de transports (contre 17,2 % en France métropolitaine) (INSEE, 2014a). Selon l’INSEE (2014a), chaque année, 4 500 personnes supplémentaires empruntent le réseau routier.

Ainsi, le budget consacré aux transports par ménage s’avère être supérieur à celui de la métropole notamment du fait que les prix d'achats des véhicules sont plus élevés et que le recours aux transports en commun s’avère être moins intense à La Réunion. En effet, en 2014, la part des transports en commun dans les déplacements domicile-travail sur l’île est faible (5

%) et stable depuis 1999 (INSEE, 2014a).

2.2.2.3. Le logement

Constituant l’une des plus importantes dépenses pour les ménages, le logement représente une dépense incompressible.

« Le deuxième, c’est vraiment les dépenses logement, les factures genre EDF, EAU, téléphone et autres, ça fait un budget par mois, et quand tu l’enlèves de ce que tu gagnes, il ne reste pas grand-chose. » Répondant 18 - 28 ans - Montpellier – France - Inactive - Femme

Incluant le loyer, les charges ou encore les dépenses électroménagers, le logement correspond à l’un des postes dénoncés par les individus comme chers dans le cadre de l’évaluation de la cherté de la vie. Les charges telles que les dépenses d’électricité, gaz, eau, assainissement et ordures ménagères s’avèrent être quasiment identiques pour toutes les catégories de ménages (de 1 000 à 1 200 € par an) et de ce fait, elles pèsent plus lourdement sur les ménages à faible

34 Observation et Statistiques, Ministère De L’environnement, De L’énergie Et De La Mer, http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/transports/r/parcs.html

195 revenu. Alors que ces charges ne correspondent qu’à 3% du budget des ménages du quatrième quartile, elles correspondent à 8 % du budget des ménages du premier quartile.

2.2.2.4. Les communications, les loisirs et culture

Au fil des avancées technologiques et de l’apparition de nouveaux biens et services, la structure de consommation tend à se diversifier. Les dépenses en communications, activités de loisirs ou hôtels occupent une place de plus en plus importante dans le budget des ménages.

En France, les dépenses en économie de l’information sont passées de 3,8 % du budget des ménages en 1960 à 6,0 % en 2012 (Insee-Première, 2013). En 2012, en France, les ménages ont dépensé 67 milliards d’euros en « produits de l’économie de l’information », soit en moyenne 2 370 euros par ménage (Insee-Première, 2013). La moitié des dépenses liées à l’économie de l’information en 2012 s’avère être pré-engagée, directement prélevée sur le budget des ménages sous forme d’abonnements. Il s’agit donc là de nouveaux besoins dont les coûts viennent se soustraire directement au revenu des individus. Mais les habitants d'outre-mer n'ont pas encore bénéficié comme en métropole des forfaits « low cost » et de la baisse généralisée des forfaits qui en découle. Ce qui est susceptible d’expliquer, en partie, la prise en compte de ce poste de communication dans le cadre de l’évaluation de la cherté de la vie.

« Par exemple, à la TV, nous voit bien des publicités de la Métropole, même sur le canal satellite, sur les abonnements Internet etc. Ben, n’a rien à voir avec la Réunion. Franchement, y fé baver ! Téléphone fixe, mobile… » Répondant 21 - 34 ans - St André - Inactif - Homme _ 231

16 novembre 2013, 13:03 ; Jean Tr : « mdr j'adore tout le monde s'acharne sur les grandes surfaces alors que les 2 principaux opérateur tel et internet se gavent ! »

Synthèse des postes de consommation incriminés dans le cadre de l’ECV35

L’étude exploratoire permet de constater que l’évaluation de la cherté de la vie serait basée sur la perception du niveau des prix de quelques postes de consommation en particulier notamment ceux des produits d’achats courants. Alors que plusieurs études empiriques ont démontré les faibles capacités de mémorisation des prix par les consommateurs (Gabor and Granger, 1961;

Walser-Luchesi, 1998), dans l’optique de déterminer l’attractivité des promotions, de savoir lorsque les prix augmentent et de comparer les offres entre les magasins (Zollinger, 2004), les consommateurs disposent tout de même d’une information prix concernant certains produits.

35 ECV = évaluation de la cherté de la vie

196

« Il s’agit le plus souvent de dépenses régulières dont le prix est précisément connu du consommateur » (INSEE, 2010c). Les consommateurs ont tendance à se focaliser sur le niveau des prix des achats répétitifs pour évaluer le niveau général des prix. Ainsi, la connaissance sémantique utilisée dans le cadre de l’évaluation de la cherté de la vie (le montant global des dépenses de consommation) serait majoritairement basée sur le budget consacré à quelques grands postes de consommation pour lesquels les consommateurs disposent d’une connaissance globale du niveau de dépenses (impôts, loyers, transport, communications, ...). Dit autrement, l’évaluation de la cherté de la vie s’avère être basée sur quelques postes de consommation à partir desquels les consommateurs portent un jugement sur l’évolution générale des prix (CREDOC, 2005). On parle alors d’un effet de halo. Mis en évidence par Thorndike (1920), l’effet de halo est un biais de perception cognitif qui tend à globaliser une impression basée sur quelques caractéristiques non représentatives du tout. Lors de l’appréciation des hausses de prix, les consommateurs ont ainsi tendance à se focaliser sur un nombre limité de postes de consommation dont notamment l’alimentation, le transport et le logement. Et pour cause, à La Réunion, selon l’INSEE, les principaux postes du budget moyen sont, dans l’ordre, les transports, l’alimentation, le logement et les services (Figure 40). En 2011, la moitié du budget des ménages réunionnais est consacrée à ces trois grands postes de consommation (INSEE, 2014b). Toutefois, le premier poste s’avère être diffèrent en fonction du montant du budget. En effet, pour les plus modestes, l’alimentation est le premier poste du budget des ménages (21 % de leur dépenses). Tandis que pour les ménages les plus aisés, le poste de dépenses en tête de liste correspond aux transports (INSEE, 2008).

Figure 40. Le poids des différents postes de consommation dans le budget des ménages, selon le niveau de vie du ménage - Réunion - (INSEE, 2014b)

197 A cet effet de halo s’ajoute une perception asymétrique des changements de prix par les consommateurs. Cette perception plus aigüe des augmentations de prix que de leurs baisses vient conforter les consommateurs dans leur impression de cherté de la vie. Davantage sensibles aux pertes qu’aux gains (Kalwani et al., 1990), une augmentation de prix engendre chez les individus un effet négatif plus fort que l’effet positif lié à une baisse de prix (Putler, 1992). Les consommateurs restent ainsi focalisés sur les prix des produits courants alors que les prix de certains autres produits et services constituent des parts de plus en plus croissantes de leur consommation. En somme, l’évaluation de la cherté de la vie est souvent fondée sur quelques postes de consommation non représentatifs du tout, notamment sur ceux qu’ils achètent couramment et ceux dont les prix ont tendance à augmenter.

2.3. La conceptualisation et la définition de l’évaluation de la cherté de la vie La revue de la littérature sur la perception des prix et sur le pouvoir d’achat complétée par les résultats de l’étude exploratoire permettent, dans un premier temps, de déterminer les dimensions de l’évaluation de la cherté de la vie (2.3.1.), et dans un second temps, de proposer une définition du concept (2.3.2.). Une fois la définition posée, une analyse des concepts limitrophes de l’évaluation de la cherté de la vie permettra de distinguer cette dernière de notions conceptuellement proches (2.3.3.).

Outline

Documents relatifs