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Le consentement à payer, un compromis entre les deux courants de recherche Récemment utilisé en marketing, l’étude du consentement à payer s’avère être pertinent dans

Chapitre I : De la connaissance des prix à l’évaluation de la cherté de la vie

II. La cherté perçue

2.2.3. Le consentement à payer, un compromis entre les deux courants de recherche Récemment utilisé en marketing, l’étude du consentement à payer s’avère être pertinent dans

le cadre de l’analyse des réactions des consommateurs aux prix (Le Gall-Ely, 2009). Caractérisé comme l’un des prix de référence internes (PRI) susceptibles d’être utilisés par les individus, le consentement à payer (CAP) permet de déterminer les prix les plus élevés que les consommateurs estiment comme acceptables. Considéré comme un prix de référence interne par certains chercheurs, le consentement à payer est caractérisé par d’autres comme le seuil supérieur de la marge d’acceptabilité. Si ces deux courants s’accordent sur le caractère relatif de la cherté perçue, ils s’opposent quant à la référence prise en considération par les individus dans le cadre de cette évaluation. Le concept de consentement à payer permet de trouver une issue au différend entre ces deux courants. Basée sur une comparaison du prix d’une offre avec une référence propre à l’individu, le processus de perception de la cherté parait différent dans le cadre des deux courants de recherche présentée ci-avant.

Si l’on s’en tient au courant prônant la représentation du prix de référence sous forme d’une image ponctuelle, le prix évalué est comparé au consentement à payer qui correspond alors à

59 un prix de référence. Comme illustré par la Figure 12, le consentement à payer correspond, dans ce cas, à un point précis sur l’échelle de prix de l’individu. Si le prix évalué se situe en deçà de ce point, il est alors évalué comme acceptable. S’il se situe au delà, il est alors évalué comme cher.

Figure 12. Le consentement à payer sous forme d'une image prix ponctuelle

Si l’on s’en tient au courant prônant la représentation du prix de référence sous forme d’une marge, l’évaluation du prix se fait par rapport à la marge d’acceptabilité. Sur l’échelle de prix de l’individu, le prix est perçu comme acceptable s’il est situé au sein de la marge d’acceptabilité de l’individu comme illustré par la Figure 13. Dans le cadre de cette marge d’acceptabilité, le prix est jugé comme acceptable jusqu’à un point qui correspond au consentement à payer. Au-delà de ce point, le prix est perçu comme élevé.

Figure 13. Le consentement à payer sous forme d'une marge

Le consentement à payer constitue ainsi un prix (de référence) déterminant dans le cadre de l’évaluation des prix que ce soit dans le cadre du courant de recherche prônant une représentation du prix de référence sous forme d'une image ponctuelle ou celle prônant une représentation du prix de référence sous forme de marge.

2.2.3.1. Consentement à payer vs prix de référence

Certes tous deux reliés au concept d’utilité par la théorie de l’utilité transactionnelle (Thaler, 1985b), le prix de référence et le consentement à payer s’avèrent être des concepts distincts (Bearden et al., 1992). C’est en se basant sur la théorie de l’utilité transactionnelle que Le Gall-Ely (2009) distingue les deux concepts. Cette théorie stipule que lors de l’évaluation de la valeur d’un produit et de son prix, le consommateur confronte deux types d’utilité au prix du produit : l’utilité de transaction et l’utilité d’acquisition. La premiére mesure la différence entre le prix réel de l’article sur le marché et le prix de référence du consommateur pour le produit. La

60 seconde confronte le sacrifice nécessaire en termes de prix à payer à la valeur attendue du produit. Alors que l’une nécessite le recours au prix de référence, l’autre se réfère au consentement à payer.

a. Utilité de transaction et le prix de référence

L’utilité de transaction mesure le fait que le consommateur ait le sentiment de faire une bonne affaire ou non. Elle mesure l’écart entre le prix de référence que le consommateur a mémorisé et le prix réel du produit.

b. Utilité d’acquisition et le consentement à payer

L’utilité d’acquisition confronte le sacrifice à payer en termes de prix à la valeur attendue du produit. Il s’agit donc d’un échange cognitif entre les bénéfices perçus du produit et le sacrifice perçu dû au paiement du produit (Lambey, 2000). L’utilité d’acquisition est intimement liée à la notion de consentement à payer c’est-à-dire au sacrifice monétaire maximum que le consommateur accepte de faire au regard de la somme des bénéfices reçus ou à recevoir (Le Gall-Ely, 2009). Si le consentement à payer s’avère être supérieur au prix proposé, le consommateur bénéficie alors d’un « surplus ». Le tableau 8 distingue clairement l’utilité de transaction de l’utilité d’acquisition.

Tableau 8. Utilité de transaction vs utilité d'acquisition (Slonim and Garbarino, 1999; Le Gall-Ely, 2009)

Utilité de transaction Utilité d’acquisition Jugement relatif à une situation d’achat, à une offre

proposée à un prix donné (bonne affaire ou non)

Jugement sur la valeur perçue du produit Perception de l’offre comme une bonne affaire ou

non : elle dépend des avantages de l’échange en lui-même perçus par l’acheteur

Plaisir attendu par l’acheteur suite à l’achat du produit ; elle dépend de l’utilité du bien reçu comparée à la dépense envisagée

Prix de référence – prix proposé CAP – prix proposé

Selon Bearden et al. (1992), en moyenne, le CAP est plus élevé que le PR. Garbarino and Slonim (2003) se sont atelés à la vérification de cette affirmation via une étude empirique.

2.2.3.2. Consentement à payer, prix juste et prix attendu

Une étude empirique comparant trois prix de référence interne (prix juste, prix de réserve et prix attendu) permet à Garbarino and Slonim (2003) de valider l’hypothèse de Bearden et al.

(1992) selon laquelle le CAP est plus élevé que le prix de référence. L’étude empirique permet ainsi d’affirmer que, du fait d’un encadrement par les préférences de l’individu, le niveau du

61 prix de réserve (bas ou élevé) dépend de la désirabilité du produit. Le niveau du prix de réserve serait ainsi plus ou moins élevé par rapport à celui du prix juste et du prix attendu en fonction du niveau de désirabilité du produit. Dans le cas d’une désirabilité du produit positive, le prix de réserve, proche ou au-dessus des prix passés les plus élevés, sera alors supérieur au niveau du prix attendu et de celui du prix juste. Tandis que lorsque la désirabilité du produit s’avère être négative, le prix de réserve sera inférieur au niveau du prix attendu et de celui du prix juste.

Afin d’illustrer la distinction entre les différents prix de référence internes et la marge de prix acceptables, Lichtenstein and Bearden (1989) ont proposé une représentation graphique où marge d'acceptabilité, PR et CAP sont distinctivement représentés. Cette représentation graphique est reproduite par la Figure 14.

Figure 14. Consentement à payer, prix acceptables et cherté perçue adapté de Lichtenstein and Bearden (1989)

Composée de l’ensemble des prix acceptables par le consommateur concernant une catégorie de produit, la marge d’acceptabilité inclue le prix de référence et est délimitée vers le haut par le consentement à payer. L’illustration permet de constater que le jugement d’acceptabilité est représenté par une marge de prix plus étendue que celle du prix de référence interne. Le Tableau 9 pose les définitions des différents concepts composant la représentation graphique de Lichtenstein and Bearden (1989).

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Tableau 9. Prix de référence, prix acceptables, consentement à payer et cherté perçue Prix de référence Prix acceptables Consentement à

payer Cherté perçue

2.3. La cherté perçue, une connaissance sémantique et relative des prix

De nombreux travaux ont traité des prix mémorisés par les consommateurs et en identifient une grande variété. Plus d’une dizaine ont été identifiés par Zollinger (2004) (prix attendu, prix juste, prix de réserve, etc.). Une large partie de la littérature sur l'évaluation des prix est basée sur le postulat implicite que le prix de référence interne, issu d'un rappel des prix, existe dans la mémoire du consommateur (Bernard, 2007). Paradoxalement, de nombreux travaux sur la mémorisation et sur la connaissance des prix démontrent les faibles capacités de rappel des prix par les consommateurs (Gabor and Granger, 1961; Walser-Luchesi, 1998). La méta-analyse d’Estelami et Lehmann (2001) estime qu’en moyenne l’écart entre les prix cités et les prix corrects est de l’ordre de 15%.

Malgré de faibles niveaux de mémorisation, de récents travaux sur l’image prix attestent de la capacité des consommateurs à mémoriser les ordres de grandeurs des prix (Ladwein, 1995) ainsi que leur capacité à classer les points de vente en termes de cherté (Coutelle, 2000). Les travaux de Vanhuele and Drèze (2002) permettent de confirmer que malgré une connaissance peu précise des prix, les consommateurs possèdent tout de même une connaissance utile des prix qui leur permet de reconnaître certains prix et d’en avoir une idée approximative. Face à ce constat, des chercheurs se sont alors intéressés à la capacité de mémorisation des variations de prix en pourcentage (augmentations ou baisses de prix) (Coutelle and Labbé-Pinlon, 2001).

Il en ressort que, considérée comme le simple rappel des prix, la mémorisation des prix s’avère

63 être faible mais en tant que connaissances relatives, c’est-à-dire dans le cadre de classements des prix en termes de cherté, le taux d’erreur s’avère être moindre (Coutelle and Labbé-Pinlon, 2001; Estelami et al., 2001).

Fort de constat et en se basant sur les travaux de psychologues cogniticiens, Bernard (2013;

2007) s’est alors intéressé aux différentes formes d’encodage des prix ainsi qu’aux différents mécanismes de construction des prix de référence internes chez le consommateur. En 2007, il démontre que la mémorisation des prix ne concerne pas uniquement la mémorisation de prix objectifs. En effet, les connaissances de prix ne sont pas nécessairement et exclusivement de nature nominale et monadique, elles peuvent prendre la forme de connaissances sémantiques.

Emerge ainsi une nouvelle approche au sein de la littérature, selon laquelle le PRI serait une connaissance relative des prix (Bernard, 2013; Bernard, 2007; Herr, 1989). Cette nouvelle approche du prix de référence interne permet de replacer la cherté perçue au coeur de l’évaluation des prix par les consommateurs. Malgré le peu d’intérêt accordé à ce concept, ce nouveau courant de recherche laisse penser que la cherté perçue occupe une place déterminante dans le cadre du jugement des prix par les consommateurs. La cherté perçue serait ainsi une connaissance sémantique des prix (2.3.1) tout particulièrement une connaissance relative (2.3.2). Les consommateurs seraient capables, à partir de ce type de connaissances et d’un processus d’ancrage-ajustement, de disposer d’un prix de référence interne sous forme d’une image ponctuelle (2.3.3).

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