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Les effets sensibles notés précédemment sur la diffusion suggèrent que la présence des forces de frottement joue sur l’écoulement même de la suspension. Pour tenter de mieux quantifier ce rôle, une première étape consiste à étudier les fluctuations de vitesse des particules et l’on notera σ l’écart- type de celles-ci, par exemple σV = 〈V

V′〉1/2. Pour la vitesse axiale U , seule la partie non-affine est considérée, soit

U= U − 〈 ¯U (y)〉 (9.15)

où ¯U (y) est la vitesse moyennée dans les directions homogènes (en x et z) et 〈.〉 dénote la moyenne

temporelle. De même pour la rotation selonezoù la moyenne sera retranchée Ω

z= Ωz−〈 ¯Ωz〉. Toutes

les fluctuations présentées sont estimées dans le cœur homogène Dcor ede la suspension.

Le tableau suivant Tab. 9.1 recense les écarts-types obtenus sur les six vitesses dans le cas non- frottant (µd=0) et frottant (µd=0,5). Ces écarts-types sur les vitesses de translation sont adimension-

nés par ˙γcor ea et par ˙γcor epour les vitesses de rotation. Le cas traité est une suspension à la fraction

φbul k=0,4 avec des particules rugueuses (ξr ug=5.10−3) et un domaine Ly=20a.

σ µd=0 µd=0,5 U 0,53 0,90 V 0,51 0,70 W 0,39 0,57 Ωx 0,17 0,50 Ωy 0,16 0,56 Ωz 0,24 0,79

Tab. 9.1 – Effet du coefficient de frottement sur l’écart-type des vitesses des particules (dans

Dcor e) pourφbul k=0,4. Les écarts-types sur les vitesses de translation et rotation sont respectivement

adimensionés par ˙γcor ea et ˙γcor e. Les fluctuations sont calculées par X

L’effet du frottement est marqué en particulier pour les vitesses de rotation avec un triplement des fluctuations dans ce cas. Ce dernier résultat n’est pas surprenant outre mesure puisque la force tangentielle de contact induit désormais un moment sur les particules. Les fluctuations de vitesse de translation sont également plus importantes d’environ 70 % pour U , 40 % pour V et 50 % pour W , ce qui est compatible avec une augmentation du coefficient de diffusion. Au final, le frottement conduit à une modification du déplacement individuel des particules et donc de l’écoulement global de la suspension.

Une analyse plus détaillée met en lumière un aspect instationnaire important : celui de la variation temporelle du champ moyen ¯U (y). Il est en effet courant pour estimer les fluctuations de

retrancher la valeur moyenne temporelle 〈 ¯U (y)〉 comme dans Eq. (9.15). En cisaillement simple, on

retrouve alors bien la loi linéaire 〈 ¯U (y)〉 = ˙γcor ey. Cependant, le profil ¯U (y) s’avère fluctuer au cours

du temps et la variance 〈 ¯U (y) ¯U (y)〉 n’est pas nulle. Les écarts-types sur U′ présentés en Tab. 9.1 sont

donc majorés car ils incluent la fluctuation du champ moyen ¯U (y). Il est alors plus légitime de définir Upar U − ¯U (y) et non plus par U − 〈 ¯U (y)〉. Les nouveaux écarts-types adimensionnés calculés pour Upassent alors de 0,53 à 0,43 dans le cas non-frottant et de 0,90 à 0,62 dans le cas frottant (µd=0,5).

La fluctuation de ¯U (y) participe donc notablement à la fluctuation totale.

D’un point de vue formel, cet effet doit aussi exister sur les autres vitesses, même celles de moyenne temporelle nulle. L’exercice a été fait et ne conduit qu’à des variations très faibles, sauf sur la vitesse Wavec une diminution d’environ 10 % (voir les résultats en Tab. 9.2) : la vitesse axiale U est donc celle qui est majoritairement affectée. Il est à noter qu’avec ces nouvelles valeurs, l’effet du frottement devient isotrope et affecte désormais les trois composantes de vitesse de translation de la même façon avec une augmentation de 40 %. L’importance de cette fluctuation de ¯U (y) ne semble pas

avoir reçu d’attention spécifique dans les travaux antérieurs et il est possible que ce comportement soit lié à la présence des parois et au confinement. Ce point reste toutefois à approfondir.

σ µd=0 µd=0,5 U 0,43 0,62 V 0,51 0,71 W 0,34 0,49 Ωx 0,16 0,49 Ωy 0,15 0,55 Ωz 0,24 0,77

Tab. 9.2 – Effet du coefficient de frottement sur l’écart-type des vitesses des particules (dans

Dcor e) pourφbul k=0,4. Les écarts-types sur les vitesses de translation et rotation sont respectivement

adimensionés par ˙γcor ea et ˙γcor e. Les fluctuations sont calculées par X

=X-X (y)¯ .

Cette fluctuation du champ moyen traduit probablement des mouvements de translation en bloc de certaines zones de la suspension. Instationnairement (i.e., à un instant t donné), le profil ¯U (y)

peut ne pas être tout à fait linéaire avec des vitesses moyennesR ¯U (y)d y non-nulles. En moyenne

temporelle, on a bien 〈 ¯U (y)〉 linéaire de moyenne nulle.

La Fig. 9.26 présente la densité de probabilité (calculée dans Dcor e) des fluctuations de vitesse

U, adimensionées par ˙γcor ea, pour le cas frottant et non-frottant, et selon la manière de calculer la

fluctuation U′. La distribution est plus étalée dans le cas frottant, en cohérence avec une variance plus élevée, et les fluctuations peuvent alors atteindre environ trois fois la vitesse relative ˙γcor ea. Le

choix d’une fluctuation U= U − ¯U (y) (Fig. 9.26(b)) réduit la variance, conformément aux remarques

relativement gaussiennes : une régression fournit une loi de type f (U) ∝ exp(−Uβ) avec β ≈ 1,8

indépendamment de la présence ou non de frottement ou du choix de la fluctuation. Une distribution quasi-gaussienne est également retrouvée dans d’autres travaux dès lors que la suspension est suffisamment concentrée (Abbas, 2008; Drazer et al., 2004). Dans ce cas, les interactions entre particules sont fréquentes ce qui conduit à une décorrélation temporelle rapide des fluctuations de vitesse et donc à une loi gaussienne. Les distributions obtenues pour les autres vitesses sont similaires et ne sont pas représentées ici.

Fig. 9.26 – Distribution des fluctuations de vitesse de translation non-affine U/ ˙γcor ea calculées

dans Dcor e pour des particules non-frottantes (µd=0) et frottantes (µd=0,5) à φbul k=0,4. Les

fluctuations sont calculées parU= U − 〈 ¯U (y)〉 (a) etU= U − ¯U (y)(b).

La corrélation spatiale des vitesses est également source d’informations pertinentes sur le mouvement global des particules. Elle est ici définie pour les vitesses U

et V′ par GU(δx,δy) =〈U(x, y)U(x + δx, y + δy)〉 σ2U (9.16) GV(δx,δy) =〈V(x, y)V(x + δx, y + δy)〉 σ2V (9.17)

Ces corrélations sont calculées dans la zone de cœur et dans le plan de cisaillement x-y ou, plus précisément, dans un volume d’épaisseur faible ∆z=a pour bénéficier d’un nombre de particules plus important et de meilleures statistiques. La Fig. 9.27 propose une distribution de la corrélation pour ces deux vitesses dans le cas non-frottant (µd=0) et frottant (µd=0,5). Les fluctuations sont ici

dans un premier temps calculées usuellement par U= U − 〈 ¯U (y)〉 et V= V .

Il existe une différence assez nette selon la présence de frottement, principalement pour la vitesse axiale U′. Dans le cas non-frottant, les vitesses ne sont fortement corrélées qu’au très proche contact (et dans l’axe de la vitesse) et se décorrèlent assez rapidement. Au contraire, la suspension frottante montre une corrélation très marquée sur une distance beaucoup plus importante et principalement dans la zone de compression.

La corrélation GV est par contre assez peu différente selon la présence ou non de frottement et

les vitesses V

se décorrèlent assez vite dans la direction de la vitesse. Pour les deux composantes de vitesse Uet V′, il n’y a quasiment pas trace de corrélations négatives, ce qui montre une absence de mouvement de rotation en bloc au sein de la suspension. Au premier abord, ces résultats suggèrent qu’avec frottement, la vitesse axiale des particules reste corrélée sur une distance beaucoup plus grande avec donc une possible propension des particules frottantes à se déplacer « en bloc », peut- être à travers de plus larges amas. Nous verrons ultérieurement en Chap. 11 que le frottement conduit

effectivement à la création d’amas de particules statistiquement plus gros.

Pour ces derniers résultats, les corrélations de vitesse (en particulier sur U′) ne reviennent pas à zéro même assez loin. Ceci est lié à la variation temporelle du champ moyen ¯U (y). La Fig. 9.28 reprend

ces champs de corrélation de vitesse mais en considérant les fluctuations U= U − ¯U (y) et V= V − ¯V .

Cette fois, les corrélations pour U et V retombent bien à zéro loin de la particule. Il ne subsiste alors que peu de différences entre les cas frottant et non-frottant, sauf peut-être au contact au niveau de l’axe de compression. Il semble ainsi que le frottement affecte modérément les corrélations de vitesse et joue principalement sur les fluctuations du mouvement moyen de la suspension.

Ces premières études sont clairement à caractère exploratoire et devront être poursuivies plus en détail pour éclaircir le mécanisme physique à la source de ces effets.

Fig. 9.27 – Autocorrélation spatiale GU(δx,δy) et GV(δx,δy) pour des particules non-frottantes

(µd=0) et frottantes (µd=0,5) à φbul k=0,4 (Ly/a=20 ; ξr ug=5.10−3). Les fluctuations sont

calculées parU= U − 〈 ¯U (y)〉 etV= V.

Fig. 9.28 – Autocorrélation spatiale GU(δx,δy) et GV(δx,δy) pour des particules non-frottantes

(µd=0) et frottantes (µd=0,5) à φbul k=0,4 (Ly/a=20 ; ξr ug=5.10−3). Les fluctuations sont

C

H A P I

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RÔLE DU CONFINEMENT DANS LES SUSPENSIONS

Sommaire 10.1 Objectifs . . . 173 10.2 Structuration . . . 174 10.3 Fraction volumique . . . 175 10.4 Vitesse . . . 178 10.5 Viscosité . . . 180 10.6 Différences de contraintes normales . . . 183 10.7 Lien avec les mesures . . . 187

10.1 Objectifs

Les suspensions non-confinées (i.e., en milieu infini) commencent à être un peu mieux comprises en particulier grâce aux nombreuses simulations numériques, par dynamique stokésienne notam- ment. La connaissance des suspensions confinées est au contraire bien moins avancée du fait d’un nombre de travaux plus réduit.

Ces suspensions confinées sont pourtant foncièrement différentes du fait des parois qui modi- fient fortement l’écoulement à leur voisinage. Ces parois conduisent localement à une structuration des particules attestée par simulations (Komnik et al., 2004; Kromkamp et al., 2006; Nguyen et Ladd, 2002; Singh et Nott, 2000; Yeo et Maxey, 2010b). La formation de ces couches de particules à la paroi est également clairement visible expérimentalement (Blanc, 2011; Metzger et al., 2013). Une cristallisation en structures hexagonales s’effectue près des parois dès φ=0,48 (Yeo et Maxey, 2010d). Cet ordre peut persister sur des distances relativement importantes de l’ordre de 10a en régime concentré. Ces modifications locales conduisent également à des effets sensibles sur les grandeurs rhéologiques (Yeo et Maxey, 2010b,d) ou la diffusion (Yeo et Maxey, 2010a).

Cette partie du travail se consacre à l’étude du confinement sur la rhéologie d’une suspension concentrée. On évaluera particulièrement le rôle de la structuration pariétale sur les grandeurs rhéologiques comme la viscosité ou les différences de contraintes normales. En effet, la majeure par- tie des mesures disponibles est classiquement réalisée dans des rhéomètres où le confinement peut être important. Il s’agit donc ici aussi de contribuer à la compréhension des résultats expérimentaux en tentant d’estimer le rôle que peuvent avoir les parois.

Tous les calculs présentés dans cette partie considèrent des particules rugueuses de rugosité réduite ξr ug=5.10−3. Les simulations sont réalisées sur des déformations totales d’environ 200. Le

confinement de la suspension sera estimé par le paramètre Ly/a où Lyest la hauteur de la suspension

(distance entre les deux parois imposant le cisaillement) et a le rayon des particules. D’un point de vue expérimental, la hauteur Lycorrespond à l’entrefer d’un rhéomètre.