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La dynamique de l'intrigue

Dans le document LE DIEU DU JEUNE HOMME NU (Page 148-168)

Il - POUR UN TRAITEMENT DES QUESTIONS

2. La dynamique de l'intrigue

A - Configuration et référence

Pour P. Ricoeur, la question déborde l'analyse du fonctionnement de l'intrigue, elle comprend aussi: comment le "monde de !'oeuvre" peut être reversé au champ dont il procède, à l'univers de l'action et de la souffrance des hommes? C'est pourquoi il préfère à structure le terme de configuration pour désigner de façon plus dynamique l'opération même de la mise en intrigue. Par résonance, configuration lui ouvrira aussi la voie à une analyse du personnage narratif envisagé comme "figure de soi"24.

Je note simplement ici, non pour une concordance facile mais parce que la réitération de résonances finit par imposer sa voix, que lorsque A. J. Greimas étudiera les effets de sens passionnels dans le discours, il remarquera que leur mode d'organisation paraît plus "configurationnel" que "structural". Il entendra par là que les figures de passions, lorsqu'elles sont produites par l'énonciation, ne relèvent pas seulement de l'intervention de la rationalité qui catégorise, articule en unités discontinues, mais d'une modulation, d'une tension continue, comme si elles gardaient mémoire de leur existence au niveau le plus profond, celui du sentir, avant même toute structuration2s. L'énonciation, qui convoque, a sa dynamique propre mais les figures qui en naissent y impriment une mémoire.

Chez P. Ricoeur, configuration fait sens avec préfiguration et refiguration (ou même transfiguration) pour désigner trois phases d'un unique parcours, de l'arc herméneutique auquel il donne le nom de mimèsis, signant ainsi sa dette à Aristote et au passage à E. Auerbach, et indiquant pour chaque étape un rapport au réel mais dans une distance interprétative. Il cherchera à discerner aussi les aspects de la configuration qui tiennent à sa position médiane entre un stade de précompréhension du monde et un stade de resymbolisation de celui-ci par le détour de la fiction. Il la conçoit comme une poétique, c'est-à-dire une imitation créatrice du vécu qu'elle structure symboliquement, sémiotiquement, par une invention d'intrigue - par une "innovation sémantique", peut-on dire pour faire écho à son travail antérieur sur la métaphore, dans un ouvrage qu'il considère d'ailleurs comme le jumeau de celui-ci26. La réalité est donc à la fois reconnue et construite, découverte et inventée, maintenue et dépassée par la composition de l'intrigue.

Déjà le système des temps verbaux qui ne dérive pas de la distinction dans l'expérience entre passé, présent et futur, signale cette part d'autonomie du récit qui n'est pourtant pas rupture21. P. Ricoeur parle d'un double rapport de filiation et de coupure entre le 25 "Tout se passe comme si le parcours génératif de la signification obéissait à des

règles cumulatives et mnésiques à la fois [ ... ]. A. J. GREIMAS et J. FONTANILLE, Sémiotique des passions, p. 52.

26 Dans les deux cas de l'inédit surgit dans le langage: "Avec la métaphore, l'innovation

consiste dans la production d'une nouvelle pertinence sémantique par le moyen d'une attribution impertinente [ ... ]. Avec le récit, l'innovation sémantique consiste dans l'invention d'une intrigue qui, elle aussi, est une oeuvre de synthèse: par la vertu de l'intrigue, des buts, des causes, des hasards sont rassemblés sous l'unité temporelle d'une action totale et complète. C'est cette synthèse de l'hétérogène qui rapproche le récit de la métaphore." P. RICOEUR, Temps et récit, 1, p. 11; cf. aussi son article "La Bible et l'imagination", RHPR, 1982/4, p. 339-360, où il exploite pour la lecture de l'évangile de Marc, à partir des paraboles, les jeux d'intertextualité, le travail de métaphorisation du texte comme produit de l'imagination réglée.

temps du passé vécu et le temps du récit, comme illustration exemplaire des rapports entre la mimesis de préfiguration et celle de configuration: "les temps du passé disent d'abord le passé, puis, par une transposition métaphorique qui conserve ce qu'elle dépasse, ils disent l'entrée en fiction sans référence directe, sinon oblique, au passé en tant que teJ."2a

Autonomie et médiation: le récit enrichit notre présavoir, contribue à augmenter le réel. Les modes de référentialité varient selon les récits; même les récits historiques, ont une référentialité indirecte au passé, bien qu'appuyée sur une conformité aux documents, puisque celui-ci est l'absent de l'histoire au moment où elle est racontée29. Pour les fictions narratives, dont le mode de référentialité est encore plus compliqué, P. Ricoeur renvoie à La métaphore vive3o, où il a emprunté à R. Jakobson la notion de "référence dédoublée" (split reference): le langage poétique paraît suspendre le rapport à la réalité et à la valeur descriptive des énoncés et permet ainsi à une référentialité beaucoup plus subtile, plus cachée d'émerger, grâce à laquelle des aspects du monde qui ne peuvent se dire que métaphoriquement accèdent au langage. Plus vraie que l'anecdote, la poétique permet de dire l'essentiel du réel. La clôture même du récit, postulée au niveau de sa configuration narrative, peut être ouverture, par sa percée dans le monde du lecteur: "une fiction bien fermée ouvre un abîme dans notre monde, c'est-à-dire dans notre appréhension symbolique du monde."31

P. Ricoeur reconnaît le droit de traiter un texte comme une entité sémiotique qui se suffit à elle-même; il affirme son autonomie sémantique: - par rapport à l'intention de l'auteur, absent de son texte; - par rapport à l'auditoire primitif, qui a disparu, ouvrant ainsi le face à face à toute lecture; - par rapport à la situation, comme référence qui ne peut plus être montrée. "Le propre d'un texte, c'est justement de transposer une expérience de son Sitz im Leben dans un Sitz im Wort, si j'ose dire. C'est là que se tient, en quelque sorte, le sens."32 Mais s'intéressant aussi au lieu qui suscite un texte et où il aura un impact, il voit celui-ci à la fois dans la chaîne des oeuvres littéraires, où joue un rapport d'intertextualité, et dans un savoir préstructuré du monde de

Ibid., Il, p. 112.

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29 P. Ricoeur fait référence ici à M. de CERTEAU, L'absent de l'histoire. Pour tout ce

paragraphe, cf. P. RICOEUR, "Herméneutique et sémiotique", art. cil., p. VII.

30 P. RICOEUR, La métaphore vive (L'ordre

particulier, la VII• étude, p. 273-321. 31 P. RICOEUR, Temps et récit, Il, p. 36.

philosophique), Paris, Seuil, 1975. Cf. en

l'action, que partagent auteur et lecteur, monde lui-même présymbolisé par des signes, des normes, des règles. De la même façon, au niveau de la méthode, il reconnaît à la fois la légitimité de la démarche sémiotique dans sa pratique analytique mais s'attache quant à lui à réfléchir sur ses présupposés tenus pour allant de soi, à mettre au jour le caractère dérivé de son épistémologie.

Il restitue alors le rôle de l'intelligence narrative comme condition d'intelligibilité du modèle sémiotique, le rôle de la sémantique de l'action comme présupposé de la grammaire narrative centrée sur le faire et ses modalités.

B - L'intelligence narrative

La thèse de P. Ricoeur est que, par son caractère configuré, le récit offre une intelligibilité de base sur laquelle peuvent venir se greffer ensuite l'explication sémiotique et sa grammaire narrative. Une familiarité ininterrompue, dit-il, avec les oeuvres qui se sont succédé dans l'histoire et à travers la diversité des cultures a instruit une intelligence narrative qui est première par rapport au simulacre intemporel que construit la narratologie. "En ce sens, l'intelligence narrative retient, intègre et récapitule sa propre histoire."33 Il emprunte à Kant le terme de schématisme pour désigner les règles sans lesquelles l'imagination productrice d'intrigues n'aurait pas d'intelligibilité34. L'intrigue est une schématisation de l'agir et du souffrir de l'homme qui saisit et compose dans un geste singulier des éléments hétérogènes (buts, causes, hasards, selon P. Veyne auquel P. Ricoeur fait référence, HS, X). L'histoire de la pratique narrative, faite d'alternance entre innovation et sédimentation, a produit des paradigmes, des types de mise en intrigue, c'est-à-dire une tradition. C'est elle qui fait de la succession des oeuvres dans leur singularité un "héritage significatif"; elle indique une dimension temporelle irréductible de l'imagination créatrice. P. Ricoeur parle d'un style transhistorique de la tradition, produit par une expérience cumulative, et il l'oppose à une structure logique achronique. C'est d'ailleurs à ce style de traditionalité, selon lui, que la fonction narrative doit d'avoir supporté les métamorphoses d'intrigue depuis le drame, l'épopée ou le conte, et la chance, peut-être, de survivre à la crise contemporaine du récit, dont il prend la mesure surtout à la

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difficulté des oeuvres à se clore.

Il met en évidence la coupure épistémologique que suppose la démarche sémiotique, avec sa procédure qui tente d'être déductive, ses modèles hypothétiques de description, sa référence à la phonologie et à sa rationalité pour adapter au discours sa conception du système (un ensemble clos d'unités différentielles et de relations internes, une hiérarchie d'instances impliquée par la priorité du tout sur ses parties). Avec ses deux procès fondamentaux d'articulation et d'intégration, la sémiotique a ainsi permis un progrès dans la description de l'intrigue; mais peut-elle vraiment mettre entre parenthèses l'histoire au nom de la structure quand son objet, le texte, à la différence du phonème, a déjà une histoire, est déjà un objet culturel pris dans les réseaux d'une élaboration symbolisante? La question que pose P. Ricoeur est celle du "degré d'autonomie qu'il convient d'accorder au procès de logicisation et de déchronologisation par rapport à l'intelligence de l'intrigue et au temps de l'intrigue."35

De sa revue critique du travail de V. Propp36, il conclut à un rapport de filiation indirecte. Les opérations mêmes de découpage et de mise en série purement linéaire des fonctions constitutives du conte n'ont cessé, dit-il, d'emprunter à l'intelligence narrative. Attentif aux références de la Morphologie du conte, non seulement à Linné (pour la taxinomie) mais aussi à Goethe (pour la pensée organique), il voit, dans la résistance de la conception organique et téléologique de l'ordre des fonctions à une taxinomie et à un enchaînement mécanique, un symptôme de référence indirecte à l'intrigue.

Avec l'inventaire systématique de C. Bremond37 , qui substitue à la suite contraignante des fonctions une table de choix possibles, une logique des rôles, P. Ricoeur se demande si l'on peut encore parler de narrativité. Sans une référence même tacite à la place d'un rôle dans un parcours, c'est-à-dire dans l'intrigue, une logique de l'action peut-elle déboucher sur du racontable? Les rôles sont des positions, il faut une dynamique: un rôle n'est narratif que dans une intrigue. "L'intrigue relève d'une praxis du raconter, donc d'une pragmatique de la parole, non d'une grammaire de la langue." (Il,

70).

Elle n'est pas "le résultat des propriétés combinatoires du système, mais le principe sélectif qui fait la différence entre théorie de l'action et théorie du récit. "3a

35 Ibid., 11, p. 53.

36 Ibid., p. 55-63.

37 Ibid., p. 63-71.

Sélection et organisation sont bien les deux fonctions de base que suppose tout discours énoncé et qui obligeront la sémiotique à envisager l'instance de l'énonciation. C'est en effet en articulant sa grammaire narrative avec le procès de la mise en discours que la sémiotique relèvera à sa façon le défi lancé ici de rendre compte de la dynamique de l'intrigue.

C - Les seuils de narrativité

Pour le travail d'A. J. Greimas39 dont P. Ricoeur suit le développement, des premières propositions de modèles dans Sémantique structurale jusqu'à la veille de la parution de Du sens //40, l'herméneute reformule son doute sur l'autonomie de la démarche et sa question sur ce qui est facteur de narrativité. On peut sans doute étendre au parcours qui suivra ce qu'il note pour le schéma actantiel: le modèle n'a cessé de s'enrichir, comme mouvement de déploiement vers le complexe, et de se radicaliser, comme mouvement de réduction à l'élémentaire. Ainsi !'oeuvre postérieure d'A. J. Greimas répond à des manques discernés mais aussi redonne pour une part matière au même type de critique.

P. Ricoeur exprime et met à l'épreuve d'une discussion serrée son doute, à savoir que la construction du modèle qui représente la structure élémentaire de la signification est guidée par l'anticipation du stade final, celui de la narration conçue comme "processus créateur de valeurs"41. Si A. J. Greimas élabore le parcours du sens à partir de contraintes logiques qu'il enrichit par paliers, c'est qu'il sait ce qu'il veut rejoindre, "il y a une action téléologique, en quelque sorte, du résultat sur la recherche, qui permet de mettre en mouvement le modèle statique initial"42. Et pour lui, qu'A. J. Greimas appelle narrativisation la seule reformulation de la taxinomie de base en opérations de transformation ne peut venir que d'une longue fréquentation des récits traditionnels, d'une familiarité avec ce que notre culture nous fait comprendre comme intrigue. Il conçoit alors la sémiotique comme le métalangage de cette intelligence narrative, comme une rationalité de second ordre qui ne pourrait pas fonctionner si elle n'était greffée sur cette compréhension première43.

39 40 41 42 43 Ibid., Il, p. 71 ss.

Cette observation recouvre les travaux qui vont de 1966 à 1983.

A. J. GREIMAS, Du sens, p. 178, cité in: P. RICOEUR, Temps et récit, Il, p. 86. P. RICOEUR, " Herméneutique et sémiotique", p. X.

P. Ricoeur reconnaît le "coup de génie" que représente le modèle du carré sémiotique pour penser une organisation de la narrativité antérieure à sa manifestation, à ses investissements particuliers: élégance de la simplicité alliée à des articulations suffisantes pour générer une syntaxe. Il relève alors les étapes de la mise en mouvemen_t du modèle, repère des seuils de narrativité44: le traitement des relations comme des opérations orientées en est la toute première condition; celle-ci s'enrichit par la représentation anthropomorphe que les transformations reçoivent à la surface avec la grammaire du faire, l'adjonction des modalités qui · actualisent ce faire et le déploient syntagmatiquement en une suite d'énonces constitutifs d'un progra mme; mais c'est la complexification qu'introduit la relation polémique qui permet vraiment d'accéder à la narrativité - un énoncé de faire, note P. Ricoeur, n'a en effet rien de spécifiquement narratif. A travers l'affrontement d'un sujet avec un anti-sujet la performance se réalise. Pourtant le vrai ressort de la narrativité ne vient qu'avec l'adjonction d'une syntaxe topologique qui régit les énoncés en suites de performances et permet de rendre compte de l'enjeu des confrontations, polémiques ou contractuelles, sous la forme de transferts d'objets, d'échanges de valeurs. Le récit apparaît alors comme un parcours et P. Ricoeur note la correspondance entre objet et théorie: "En somme, la sémiotique, au terme de son propre parcours allant du plan d'immanence au plan de surface, fait apparaître le récit lui-même comme parcours."4s Dans sa Sémiotique des passions, A. J. Greimas assumera et exploitera pour sa réflexion cette ressemblance entre le parcours du sujet épistémologique et celui du sujet narratif; il la désigne comme peu surprenante: "la contamination de la description par l'objet décrit est un phénomène bien connu, du moins dans les sciences humaines."46 Reconnaître la proximité est déjà instaurer une distance - la meilleure façon sans doute de ne pas craindre les contaminations insidieuses!

D - Les sources d'enrichissement sémantique Dans l'analyse que A. J. Greimas propose du conte Maupassant, P. Ricoeur pressent l'anticipation

44 45 46

P. RICOEUR, Temps et récit, Il, p. 77-80 et 89. Ibid., Il, p. 80.

A. J. GREIMAS et J. FONTA.NILLE, Sémiotique des passions, p. 10.

Deux amis de d'importants

remaniements qui contribuent eux aussi à dynamiser le modèle47. Les adjonctions mises en évidence là ont pour particularité de poser la question du lieu de leur intégration dans le parcours génératif: au niveau profond pour une part mais sans qu'il soit facilement possible de les distinguer de leurs investissements discursifs. A. J. Greimas introduit l'aspectualité, dont je reparlerai à propos de la temporalité dans la mesure où elle nuance le logique par du chronologique. Il porte attention à l'axiologie, avec les connotations d'euphorie/dysphorie qui surdéterminent les contenus sémantiques et peuvent s'investir dans des figures du monde: elles favorisent la narrativisation des structures fondamentales en adjoignant au logique l'axiologique. Il insiste aussi sur le rôle du

destinateur qui, par sa fonction d'envoi, permet la projection de l'axiologie dans une syntagmatique opératoire4s, d'un système de valeurs dans un procès narratif. Mais l'apport majeur est l'espace reconnu au jeux du savoir dans les textes. A. J. Greimas dédouble le faire en pragmatique et cognitif, il articule en deux postes, de destinateur et de destinataire, les procès de connaissances: information et observation, persuasion et interprétation; il introduit une structure de véridiction qui permet de rendre compte en particulier des stratégies du secret et du mensonge. Une même grammaire que pour les actions règle ces transformations cognitives.

Pour P. Ricoeur, ces enrichissements distendent le modèle mais sans le faire éclater, c'est la véridiction, avec sa catégorie de l'être et du paraître, qui présente la plus grande menace de rupture49. Cet inventaire des complexifications de la structure de base l'amène alors à formuler une fois encore sa question fondamentale: la grammaire de surface n'est-elle pas plus riche en potentialités narratives que la grammaire profonde? Et cet enrichissement n'a-t-il pas sa source dans notre intelligence de la tradition narrative?

Pour étayer son sentiment du caractère dérivé et non intrinsèque de la dynamique du modèle, dans une discussion "plus serrée que jamais"so, il montre que celui-ci a dû s'infléchir pour continuer à être pertinent aux différents paliers du parcours; s'il était resté le modèle fort du niveau profond, il aurait manqué la narrativité, qui est événement, surprise, et pas seulement 47 P. RICOEUR, Temps et récit, li, p. 81-85. Cf. aussi "Figuration et configuration. A propos du Maupassant de A. J. Greimas", Lectures 2, p. 420-430 (art. de 1976).

48 A. J. GREIMAS, Du sens, p. 62, cité par P. RICOEUR, Temps et récit, li, p. 83.

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contraintes "prévisibles et calculables"s1 et qui met en jeu des relations complexes, moins tranchées que la pure contrariété ou contradiction logiques. Les infléchissements semblent alors s'expliquer par la visée de l'effort théorique, qui est de rendre compte de la narrativité telle qu'elle se déploie, dans sa dynamique, à la surface. "Cette question se pose à tous les niveaux: la finalité d'une opération paraît bien être dans l'opération suivante, et finalement dans l'idée achevée de narrativité"s2.

D'autre part il explicite les présupposés de cette construction sémiotique. Le développement de la dimension cognitive et son importance en particulier dans l'épreuve glorifiante ou sanction renvoient à la fonction dramatique de la "reconnaissance" chez Aristote ainsi qu'aux analyses anthropologiques consacrées au décepteur (trickster)53_ Le rapport du faire à ses modalisations lui paraît appeler de façon évidente la phénoménologie implicite à une sémantique de l'action et à sa logique intentionnelle telle que l'a élaborée avec grande finesse la philosophie analytique avec et après L. Wittgenstein. Ainsi la sémantique de l'action apporte les significations majeures du faire et le carré sémiotique son réseau de termes et de relations. La grammaire de surface lui paraît donc un modèle mixte, à la fois sémiotique et praxique. Ou mieux encore, car la privation d'un objet affecte le sujet comme patient, un modèle sémiotique et praxique-pathiques4.

Une sémiotique des passions viendra donc bien compléter et nuancer une sémiotique de l'action.

Dans un article de 1990, en hommage à A. J. Greimas, P. Ricoeur définit la sémiotique structurale comme une articulation qui renverse la position méthodologique de l'herméneutique: qui donne le primat à l'explication et cantonne l'explication sur le plan des effets de surfacess. Il revient sur son regret antérieur de voir dans la sémiotique narrative la priorité de la rationalité narratologique se substituer à l'intelligence narrative. Dans sa

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