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2.3 Troisième chapitre : L’aide, le soutien et la reconnaissance contre le Burn-out

2.3.6 Donner son salaire a son mari

Le besoin de reconnaissance semble être une composante essentielle de la vie professionnelle. Ce besoin touche toutes les catégories professionnelles même si certaines sont plus en demande que d’autres. Elle prend la forme de revendications salariales en même temps qu’une revalorisation des statuts. Cependant, on observe une autre forme de demande. Elle renferme un aspect individuel et personnel (Jean-Pierre Brun, 2008). La reconnaissance comporte une part de respect  et la manifestation de la gratitude témoignée par l’autre.

Pour de nombreux chercheurs, la reconnaissance au travail revêt une part importante dans la compréhension de plusieurs thèmes telle que la fatigue professionnelle (Loriol, 2004). La reconnaissance au travail apparaît également à la fois comme source et moteur de motivation et de satisfaction

(Bourcier & Palobart, 1997). En outre, chez (M.O.W, 1987; Morin E. M., 1996), elle produit le sens du travail. « En effet, elle opère comme agent de développement des personnes et comme liant et facteur dynamique dans les relations professionnelles. Elle se révèle également un pivot de la santé mentale au travail.» (Brun, J. & Dugas, N. 2005, p 79). Selon Christophe Dejours (1998), La reconnaissance donne sens à la souffrance dans le travail et la transforme en plaisir.

Par le biais de la rémunération, l’entreprise estime le niveau de compétence et de qualification ainsi que le travail fourni par ses salariés. De ce fait, si la rémunération est adéquate, elle crée un sentiment de reconnaissance.

D’un autre côté, le manque de reconnaissance est l’une des origines de la souffrance au travail. Il apparaît comme l’une des principales causes de stress exprimées par les salariés. Ainsi, lorsque l’individu souffre du manque de reconnaissance de ses collègues de travail ou de son entourage beaucoup d’émotions et de sentiments négatifs prennent place. Ces derniers

aboutissent, vraisemblablement, à des comportements également

négatifs comme du dégoût, de l’agressivité, du ressentiment, de l’irritabilité, de la susceptibilité et autres. Ces éléments conduisent au manque de motivation dans le travail. Bien souvent, cela conduit au burn-out.

Ainsi, le salaire est un aspect visible de reconnaissance dans le milieu professionnel. Or, le binôme travail-récompense n’est pas exclusivement en lien avec l’univers de travail salarié. Autrement dit la récompense d’une activité professionnelle peut être usurpée par une autre personne, par exemple dans l’entourage familial. Dans ce cas, le manque de reconnaissance prend progressivement un aspect d’injustice.

Les propos de certaines infirmières (mariées) expriment cette souffrance d’être non reconnues voire un sentiment très fort d’injustice.

« Pour les femmes aujourd’hui la vie est dure. Je travaille deux fois à la maison et ici. Je ne m’arrête jamais. Mais personne n’est reconnaissant. Mon mari et ma belle-mère pensent tous les deux que je suis à leurs dispositions. Ici, je suis à la disposition du patient et des médecins (silence). Je ne sais même pas pourquoi je travaille. Mon salaire ? (rire cynique) je ne le touche pas. Je ne plaisante pas. Je n’ai pas d’argent à moi. Le jour de la paye, je vais à la poste, je remplis le chèque. L’Agent de la poste me tend l’argent, mais mon mari le prend. Il le compte, le met dans sa poche et on sort de la poste. Je ne touche pas l’argent que je gagne avec ma sueur. Je dois lui demander de me donner un peu pour m’acheter des vêtements et des choses pour moi. Je suis une esclave dans ma maison et dans le travail. Personne ne me comprend ou ne m’écoute plus (pleurs).C’est pour mes enfants, que je supporte. Mais ce n’est pas une vie ». (Noria, 29 ans, 8 ans)

Ce discours est teinté d'un violent sentiment d’injustice subie dans deux domaines différents (travail et familial). L’appropriation du salaire par le mari a un effet négatif sur les motivations professionnelles. Elle représente une violence symbolique dans le cadre d’une relation asymétrique qui s’exprime dans les rapports de domination au sein du couple au quotidien. Il s’agit aussi d’un jugement posé par le mari sur la contribution de la femme dans la famille. Ainsi, on trouverait, l’origine du sentiment d’injustice en lien avec le domaine professionnel, dans une explication familiale. Dans une société patriarcale, certains maris disposent du salaire de leurs femmes. Cela traduit la thèse de D. Gherid (1955) selon laquelle le travail des femmes relève moins d'une décision individuelle de la femme que d'un projet de groupe. Dans ce cas, il existe une condition au travail de certaines femmes : « Le Deuxième commandement : Tu aideras financièrement ta famille ». (D. Gherid, 1995, p 38).

Certaines soignantes, par le statut de paramédical et celui de femme mariée, subissent une double domination par le médecin et par l’époux. Le manque de reconnaissance du mari a pour conséquence la dévalorisation de la femme qui produit un sentiment d’injustice et une remise en question du statut de salarié. La balance entre efforts au travail et récompense est en déséquilibre. Cet état n’est pas imputé à l’institution professionnelle mais à l’institution familiale. M. Loriol, (2014 ) écrit : « Le modèle de Siegrist met en balance les efforts au travail (rythme, charge, interruption, heures supplémentaires, efforts physiques) et les retours que le salarié en retire (respect et soutien des collègues et des supérieurs, justice, perspective de carrière, sécurité de l’emploi, salaire, etc.). Le sentiment d’injustice conduit à épuiser l’envie de s’investir » (M. Loriol, 2014, para 14). Selon Johannes Siegrist (1996), le travail assure des récompenses comme un accomplissement de l’estime de soi, sentiment d’auto-efficacité et de la reconnaissance aux travailleurs. Seulement quand, les efforts sont élevés et la reconnaissance est faible, cela conduit à une série de conséquences négatives sur les plans émotionnel et physiologique.

2.3.7 Conclusion

Les infirmières sont en forte demande d’écoute, de soutien et de reconnaissance sociale. L’expertise de ces éléments met en exergue les obstacles les empêchant de faire front à l’épuisement. Les soignantes élaborent des stratégies qui commencent par une sollicitation du soutien des supérieurs. Le manque de réceptivité, de ces derniers, obligent les infirmières à se diriger vers leurs collègues ou une aide professionnelle dans les cas extrêmes. L’importance du soutien et du regard de famille joue un rôle nécessaire dans la prévention contre la fatigue. Quand la famille n’est pas favorable envers l’infirmière, il s’ensuit une amplification de la souffrance et des conséquences négatives sur la santé mentale et physique.

La deuxième partie : L’influence du

travail sur la vie privée

3.1 Premier chapitre : Les