• Aucun résultat trouvé

Désengagement envers les responsabilités domestiques

3.1 Premier chapitre : Les Responsabilités hors travail et leur impact sur la fatigue du soignant

3.1.6 Désengagement envers les responsabilités domestiques

Les responsabilités domestiques sont pensées différemment d’une femme à une autre. En effet, elles entretiennent des rapports distincts à la deuxième journée de travail. Cela s’applique d’autant plus pour les femmes en couple, chacune a des représentations en fonction de leur idéal conjugal et de la conception qu’elles construisent de leur rôle (De Singly, 1987 cité par P.Moisset, 2001).

Dans le cas des infirmières du service des urgences, on constate une forme de désengagement de la part de certaines infirmières célibataires envers le travail domestique. La nature pénible de leur métier justifierait une dispense de la double journée de travail. Notons que ce désengagement est approuvé par la famille des infirmières. Récupérer du domaine professionnel et de la pratique soignante au service des urgences est encouragé par les proches. Dans le témoignage suivant, la mère d’une des infirmières évoque la dispense du travail domestique :

« Moi, je laisse ma fille travailler le moins possible à la maison. Quand, elle revient d’une journée de travail, elle ne peut même pas parler à cause de la fatigue. Elle est aussi très nerveuse. Je la laisse tranquille. Le travail à la maison, c’est sa sœur ou moi qui le faisons. Parfois, quand elle se sent bien, elle nous aide mais je ne veux pas qu’elle se fatigue aussi à la maison. La pauvre, parfois en revenant du travail, elle va faire ses prières et s’endort aussitôt. Je lui dis tant que tu es dans la maison de ton père, tu peux te permettre de ne pas participer au ménage et faire la cuisine. Mais, une fois mariée, tu n’auras plus le choix. Alors, on l’a déchargé des tâches ménagères un peu. »

Ainsi, on observe chez les femmes célibataires salariées un dégagement des charges domestiques et une occasion pour pouvoir se reposer. Pour

Christine Delphy (2003), le temps du travail domestique se modifie en fonction de différents éléments dont le sexe et le statut matrimonial. Deux variations sont observables :

« La première est une différence due au sexe : les femmes célibataires font plus de travail ménager que les hommes célibataires. La deuxième est due au mariage ; pas au mariage seul, cependant, mais au croisement du statut matrimonial avec le sexe. Dès que deux personnes de sexes différents se mettent en couple, la quantité de travail ménager fait par l’homme diminue tandis que la quantité de travail ménager fait par la femme augmente…Quand une femme se met en couple, elle fait en moyenne une heure de travail ménager de plus que lorsqu’elle était célibataire. La femme perd à peu près exactement ce que l’homme gagne, dès la mise en ménage et avant l’arrivée d’enfants. » (Christine Delphy, 2003, p51).

La solidarité envers la jeune fille est souvent à l’initiative de la mère. Cette dernière dans le souci du bien-être de sa fille, prendra la décision de la soustraire aux tâches ménagères. Cette initiative se déploie comme un frein dans la préservation face aux risques de fatigue (Laurie kirouak, 2012). En effet, elle facilite la récupération. Elle rend également la conciliation des deux domaines professionnels et familiaux moins conflictuelle, les activités domestiques n’influencent pas ou peu le temps libre. Elle parvient à restreindre l’ampleur de l’emprise de la vie familiale sur la jeune fille salariée.

La solidarité de la belle-mère envers la belle-fille semble moins présente. Les tâches domestiques sont reléguées à la belle-fille par la belle-mère dans le souci de toujours réserver sa propre fille.

Dans le discours suivant, il est possible de constater comment la division des tâches au sein de la famille, loin d’être avantageuse pour les femmes salariées, agit comme amplificateur de stress et du burn out.

« Je gère toute la maison : le ménage et la cuisine. Mes belles sœurs travaillent également dans diverses branches, mais tout le travail de la maison est sur mon dos sans oublier l’éducation de mes enfants. Elles pensent que je suis ici pour les servir. Pour éviter les problèmes, je ne dis rien. Parfois, j’ai hâte de revenir travailler. Mon travail est mon échappatoire. Entre le stress d’ici et celui de ma vie familiale, je préfère mille fois plus celui les urgences et crois-moi ici, ce n’est pas le paradis. » (Khadija, 32 ans, 10 ans).

La solidarité au sein de la famille semble être différenciée entre ses membres. La belle-mère prend le parti de ses filles. Les tâches domestiques sont, de ce fait, sous la responsabilité d’une personne. Ce phénomène témoigne du souhait d'imposer une domination (Lahouari Addi,2004).

Dans notre contexte d’analyse, cette domination subie par la belle-fille augmente le sentiment de désarroi. Pour certaines infirmières, leurs maux sont moins d’ordre professionnel que familial. En effet, le malaise vécu au sein de la famille tend à minimiser l’aspect pénible du travail soignant au service des urgences. Loin d’être un frein au stress et au surmenage professionnel, l’inverse tend à se produire. L’individu s’oriente vers l’extérieur notamment vers la sphère professionnelle pour se préserver. D’ailleurs, il est possible d’affirmer que les femmes ressentent davantage de stress que les hommes en tentant de conjuguer, voire d’intégrer, leurs

responsabilités professionnelles et personnelles (Elmustapha Najem &Diane-Gabrielle Tremblay, 2010).47

47Dans l’article, il est fait mention d’une enquête à ce sujet. La Conférence Board du Canada 1999a mené une enquête sur le travail et la vie personnelle..Selon cette enquête, « Près du quart des femmes interrogées (24 %)

signalent « beaucoup » de stress dû aux problèmes professionnels et personnels, comparativement à un dixième des hommes (10 %). Cependant, les hommes sont aussi nombreux que les femmes à indiquer des niveaux de stress modérés : 30 % des hommes sont modérément stressés par les problèmes professionnels et personnels, comparativement à 28 % des femmes interrogées. » (MacBride-King, &Bachmann, 1999 cité

3.1.7 Conclusion :

La thématique du temps aide à comprendre les chevauchements des deux sphères. Il existe un flou concernant le temps professionnel et le temps personnel. Les soignantes ont du mal à récupérer durant les temps de repos. Les responsabilités familiales accaparent les soignantes durant ce temps libre. Cela crée a un alourdissement des tâches qui loin de freiner ou faire office de contrepoids la sphère hors travail amplifie et renforce le burn-out. En parallèle, la sphère professionnelle, de part ces exigences, perturbe l’organisation de la vie sociale des infirmières. Il s’ensuit des efforts de la part de celles-ci pour limiter l’immixtion du travail.