LADOCTRINEDE LAPERFECTIBILITÉ
Leroux a établi une loi de l’énergie vitale applicable à la nutri- Leroux a établi une loi de l’énergie vitale applicable à la nutri- tion, à la reproduction sexuée, à l’évolution des espèces, à la cogni- tion, à la reproduction sexuée, à l’évolution des espèces, à la cogni- tion comme au progrès de la civilisation humaine : A absorbe B et tion comme au progrès de la civilisation humaine : A absorbe B et produit C. C absorbe AB et produit D. D absorbe ABC et produit produit C. C absorbe AB et produit D. D absorbe ABC et produit E.
E. Et caeteraEt caetera. Cette loi de la vie inscrit l’évolution humaine au sein . Cette loi de la vie inscrit l’évolution humaine au sein de l’évolution naturelle et réfute aussi bien l’imitation figée de la de l’évolution naturelle et réfute aussi bien l’imitation figée de la vie passée que la construction de modèles arbitraires.
vie passée que la construction de modèles arbitraires.
Le carnivore mange l’herbivore, lequel mange l’herbe, laquelle Le carnivore mange l’herbivore, lequel mange l’herbe, laquelle « mange » la terre, laquelle est constituée pour partie des déjec- « mange » la terre, laquelle est constituée pour partie des déjec- tions et des dépouilles de tous les êtres vivants depuis le commen- tions et des dépouilles de tous les êtres vivants depuis le commen- cement du monde. Chacun donne et reçoit donc tour à tour. Le cement du monde. Chacun donne et reçoit donc tour à tour. Le végétal et l’animal se nourrissent mutuellement (p.402). Voilà une végétal et l’animal se nourrissent mutuellement (p.402). Voilà une application inattendue de l’
application inattendue de l’Essai sur le donEssai sur le don de Marcel de Marcel Mauss. La Mauss. La nature a donc établi un cercle dont la moitié s’appelle
nature a donc établi un cercle dont la moitié s’appelle productionproduction
et l’autre moitié
et l’autre moitié consommationconsommation. Leroux nomme ce cercle . Leroux nomme ce cercle circuluscirculus. . La vie se nourrit de ses produits antérieurs. « La nature, sans la La vie se nourrit de ses produits antérieurs. « La nature, sans la connaissance de cette loi, paraît un labyrinthe obscur où la vie et connaissance de cette loi, paraît un labyrinthe obscur où la vie et la mort se combattent » (p.403).
la mort se combattent » (p.403).
C’est la même chose au plan moral et culturel. On comprendra C’est la même chose au plan moral et culturel. On comprendra donc que quand Leroux parle de
donc que quand Leroux parle de renaissancerenaissance (p.247), il désigne la (p.247), il désigne la métempsychose par laquelle les morts revivent à travers leurs des- métempsychose par laquelle les morts revivent à travers leurs des- cendants. « La simplicité de la loi que nous avons observée dans la cendants. « La simplicité de la loi que nous avons observée dans la nature physique se continue jusque dans la vie la plus immatérielle. nature physique se continue jusque dans la vie la plus immatérielle. Connaître, c’est réellement, en un certain sens, se nourrir de la Connaître, c’est réellement, en un certain sens, se nourrir de la vie d’un homme antérieur. De même que la vie animale s’entretient vie d’un homme antérieur. De même que la vie animale s’entretient en s’assimilant des produits déjà animalisés, de même, la vie hu- en s’assimilant des produits déjà animalisés, de même, la vie hu- maine, la vie du moi, la vie spirituelle ou immatérielle, s’entretient maine, la vie du moi, la vie spirituelle ou immatérielle, s’entretient parce que les hommes s’assimilent les produits déjà spiritualisés parce que les hommes s’assimilent les produits déjà spiritualisés par d’autres hommes, par d’autres générations » (p.182).
L’assimilation n’est jamais une répétition. On ne voit jamais L’assimilation n’est jamais une répétition. On ne voit jamais du tout nouveau sous le soleil. Ni du tout pareil. Quel que soit le du tout nouveau sous le soleil. Ni du tout pareil. Quel que soit le domaine envisagé (politique par exemple) la révolution absolue est domaine envisagé (politique par exemple) la révolution absolue est aussi absurde que la conservation absolue. « Nous procédons de aussi absurde que la conservation absolue. « Nous procédons de l’humanité, et pourtant, nous sommes en même temps l’humanité l’humanité, et pourtant, nous sommes en même temps l’humanité qui, sous une forme nouvelle, vient continuer son œuvre et non la qui, sous une forme nouvelle, vient continuer son œuvre et non la répéter. La répéter, ce ne serait pas vivre. La vie s’arrêterait s’il ne répéter. La répéter, ce ne serait pas vivre. La vie s’arrêterait s’il ne s’agissait que de répéter ce qu’elle a déjà accompli. […] Le vivant s’agissait que de répéter ce qu’elle a déjà accompli. […] Le vivant se nourrit du mort » (p.187). Le
se nourrit du mort » (p.187). Le circuluscirculus est en réalité un cercle est en réalité un cercle ouvert, une spirale.
ouvert, une spirale.
S’appuyant sur une érudition considérable, que la tâche de cette S’appuyant sur une érudition considérable, que la tâche de cette Anthologie était précisément de réduire, mais que le lecteur sentira Anthologie était précisément de réduire, mais que le lecteur sentira à l’œuvre, Leroux est véritablement inspiré quand il contemple à l’œuvre, Leroux est véritablement inspiré quand il contemple quatre millénaires d’histoire humaine à l’échelle du globe, quand quatre millénaires d’histoire humaine à l’échelle du globe, quand il montre que la source judéo-chrétienne et la source grecque pui- il montre que la source judéo-chrétienne et la source grecque pui- saient dans l’immense réservoir de l’Orient, quand il décrit les saient dans l’immense réservoir de l’Orient, quand il décrit les conquérants romains nivelant le terrain sans le savoir pour ac- conquérants romains nivelant le terrain sans le savoir pour ac- cueillir la révélation évangélique, quand il suit le cheminement cueillir la révélation évangélique, quand il suit le cheminement de la théologie zoroastrienne jusqu’à l’époque moderne
de la théologie zoroastrienne jusqu’à l’époque moderne viavia saint saint Augustin, ou rapproche l’œuvre de
Augustin, ou rapproche l’œuvre de Luther et celle des philosophes Luther et celle des philosophes des Lumières. Plusieurs de ses hypothèses savantes et ingénieu- des Lumières. Plusieurs de ses hypothèses savantes et ingénieu- ses attendent d’être confrontées à l’avis des spécialistes modernes, ses attendent d’être confrontées à l’avis des spécialistes modernes, comme sa traduction et sa remise en ordre du
comme sa traduction et sa remise en ordre du Livre de Job, Livre de Job, ou ou son rapprochement des hiéroglyphes vocaux grecs, hébreux, hin- son rapprochement des hiéroglyphes vocaux grecs, hébreux, hin- dous et chinois. L’une de ses intuitions les plus chères, la position dous et chinois. L’une de ses intuitions les plus chères, la position de l’essénianisme comme maillon d’une chaîne reliant le christia- de l’essénianisme comme maillon d’une chaîne reliant le christia- nisme au mosaïsme et à la pensée de l’Inde a été consolidée par la nisme au mosaïsme et à la pensée de l’Inde a été consolidée par la découverte des rouleaux de manuscrits de la mer Morte et par les découverte des rouleaux de manuscrits de la mer Morte et par les travaux initiés par André Dupont-Sommer (voir p.235)
travaux initiés par André Dupont-Sommer (voir p.235). .
L’unité et le mouvement sont les principaux caractères de la L’unité et le mouvement sont les principaux caractères de la philosophie de la vie chez Leroux. Trois métaphores lui servent philosophie de la vie chez Leroux. Trois métaphores lui servent tour à tour à exprimer cette double idée : celle de la chaîne dont tour à tour à exprimer cette double idée : celle de la chaîne dont les générations constituent les anneaux successifs et solidaires, celle les générations constituent les anneaux successifs et solidaires, celle de l’arbre que la vie traverse depuis les racines jusqu’aux fruits, et de l’arbre que la vie traverse depuis les racines jusqu’aux fruits, et celle du fleuve avec ses affluents, depuis la source jusqu’à l’océan. celle du fleuve avec ses affluents, depuis la source jusqu’à l’océan. Le mouvement ne s’arrête jamais, et Leroux met inlassablement en Le mouvement ne s’arrête jamais, et Leroux met inlassablement en garde contre le sophisme de l’éphémère, ou pire, de la nostalgie, garde contre le sophisme de l’éphémère, ou pire, de la nostalgie, de la sclérose. Vivre, c’est évoluer, c’est donc sans cesse oublier de la sclérose. Vivre, c’est évoluer, c’est donc sans cesse oublier et mourir, et renaître sous des formes nouvelles. Or cette poussée et mourir, et renaître sous des formes nouvelles. Or cette poussée continue se produit grâce à une synergie de tous les êtres vivants. continue se produit grâce à une synergie de tous les êtres vivants. L’isolement c’est la mort. Mieux vaut encore la guerre que l’iso- L’isolement c’est la mort. Mieux vaut encore la guerre que l’iso- lement ! Intellectuellement, aucun anneau, aucun rameau, aucun lement ! Intellectuellement, aucun anneau, aucun rameau, aucun
affluent de la vie de l’humanité ne saurait être compris isolément.
affluent de la vie de l’humanité ne saurait être compris isolément. « Il existe une communication entre tous les Temples », affirme « Il existe une communication entre tous les Temples », affirme par exemple Leroux (p.449). C’est une « affreuse impiété » d’isoler par exemple Leroux (p.449). C’est une « affreuse impiété » d’isoler comme le font les sectaires de tant de religions, une tradition au comme le font les sectaires de tant de religions, une tradition au détriment des autres. Leroux use souvent des mots
détriment des autres. Leroux use souvent des mots impiété impiété et et héré-héré- sie,
sie, mais on appréciera le retournement et certainement l’humour mais on appréciera le retournement et certainement l’humour avec lequel il applique ces termes à tous ceux qui proclament : avec lequel il applique ces termes à tous ceux qui proclament : Hors de mon Église, point de salut ! Le seul point de vue auquel il Hors de mon Église, point de salut ! Le seul point de vue auquel il soit permis de parler d’hérésie et d’impiété, c’est celui de la cité-hu- soit permis de parler d’hérésie et d’impiété, c’est celui de la cité-hu- manité contre ceux qui veulent en limiter l’accès au profit d’une manité contre ceux qui veulent en limiter l’accès au profit d’une tradition particulière. En un autre sens, mais dans le même esprit, tradition particulière. En un autre sens, mais dans le même esprit, Leroux nomme
Leroux nomme impiété impiété le dualisme qui coupe non plus les hommes le dualisme qui coupe non plus les hommes les uns des autres, mais la terre du ciel (p.300), qui mutile les moi- les uns des autres, mais la terre du ciel (p.300), qui mutile les moi- nes (p.313) ; qui place le paradis et l’enfer en dehors de la nature nes (p.313) ; qui place le paradis et l’enfer en dehors de la nature et de la vie (p.246). La vie est une. « Tout conspire, tout concourt et de la vie (p.246). La vie est une. « Tout conspire, tout concourt et tout consent », comme disait si bien Hippocrate (p.327).
et tout consent », comme disait si bien Hippocrate (p.327).
L’unité de l’humanité a été proclamée pour la première fois par L’unité de l’humanité a été proclamée pour la première fois par Moïse avec le mythe d’Adam. Le message de Jésus se résume dans Moïse avec le mythe d’Adam. Le message de Jésus se résume dans l’inlassable proclamation de l’unité humaine si inouïe aux oreilles l’inlassable proclamation de l’unité humaine si inouïe aux oreilles grecques et romaines. Désormais, il n’y a plus ni Grecs ni Juifs, grecques et romaines. Désormais, il n’y a plus ni Grecs ni Juifs, ni hommes ni femmes, ni libres ni esclaves, mais l’humanité. Jésus ni hommes ni femmes, ni libres ni esclaves, mais l’humanité. Jésus qui a tant proclamé l’unité ne doit pas être lui-même séparé de la qui a tant proclamé l’unité ne doit pas être lui-même séparé de la tradition humaine comme s’accordent à le faire le plus souvent tradition humaine comme s’accordent à le faire le plus souvent chrétiens et antichrétiens. Continuateur des Védas, de l’Égypte, de chrétiens et antichrétiens. Continuateur des Védas, de l’Égypte, de Moïse, de
Moïse, de Platon, il est lui-même continué par Platon, il est lui-même continué par Rousseau, par Rousseau, par Vol-Vol- taire même, par la Révolution. Complétant la liberté des Anciens, taire même, par la Révolution. Complétant la liberté des Anciens, limitée à l’échelle d’une caste, la fraternité chrétienne est restée limitée à l’échelle d’une caste, la fraternité chrétienne est restée un peu trop platonique et reste à compléter par l’égalité républi- un peu trop platonique et reste à compléter par l’égalité républi- caine et socialiste. Il convient donc de rendre Jésus à l’humanité caine et socialiste. Il convient donc de rendre Jésus à l’humanité et de lui faire la meilleure place parmi les philosophes et même et de lui faire la meilleure place parmi les philosophes et même au premier rang des économistes (bien avant
au premier rang des économistes (bien avant Smith et Smith et Malthus). Il Malthus). Il existe donc un point de vue supérieur à partir duquel l’Évangile existe donc un point de vue supérieur à partir duquel l’Évangile et les Lumières cessent de se contredire. Peut-être le résumé le et les Lumières cessent de se contredire. Peut-être le résumé le plus économique de la pensée de Leroux consisterait-il à dire : les plus économique de la pensée de Leroux consisterait-il à dire : les Grecs ont apporté la liberté à l’humanité, l’Evangile a apporté la Grecs ont apporté la liberté à l’humanité, l’Evangile a apporté la fraternité, et Rousseau est le docteur de l’égalité : à la République fraternité, et Rousseau est le docteur de l’égalité : à la République de faire la synthèse.
de faire la synthèse.