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Chapitre 4 : Contexte de la signature des ententes sur les répercussions et avantages entre Hydro-

4.4 Division au sein des communautés

Un projet comme le barrage de la Romaine ne fait pas l‟unanimité au sein des communautés. Ainsi, une informatrice d‟Ekuanitshit souligne que les jeunes aspirent davantage au développement économique et à la consommation, alors que les aînés veulent conserver leurs pratiques traditionnelles et leur territoire :

[M]oi un moment donné je parlais avec quelqu’un j’ai dit, oui préserver la nature, oui c’est vrai. Faire attention, ok. Mais j’ai dit d’une autre façon, parle aux jeunes, c’est quoi qu’ils veulent? Ok, ils veulent aller faire un tour dans le bois de temps en temps. Oui, mais ils veulent pas passer une vie de trappeur, sont rares. Ce qui veulent là, c’est pouvoir s’acheter des affaires, ils veulent un char, ils veulent un quatre-roues, ils veulent un ski-doo, ils veulent des I-Pods, ils veulent des I-Phones… Ils l’ont vécu la vie moderne là. Ils veulent pas retourner dans l’ancien là. Tsé t’en prend là, je veux dire, j’en connais là qui sont passés de la tente, aux cabanes aux maisons, pis au maintenant. Sont sur Internet eux autres aussi. Pis y’ont leurs I-Phones, leurs mobiles… Pis essayes de leur enlever! Y’en a d’autres, à chaque fois qu’ils peuvent aller à la chasse, à chaque fois qui peuvent aller dans le bois, ils y vont. Mais enlève-leur leur tv, enlève-leur leur Internet, pis enlève-leur leur petit mobile, enlève-leur leur Facebook tsé. Rires. – Informatrice no 1, Innue d’Ekuanitshit

Cette informatrice renchérit en soulignant l‟importance de consulter les jeunes d‟une communauté et pas seulement les aînés :

Tsé, pis y’en a gros qui disait demandez pas l’avis juste des aînés, demandez l’avis des jeunes aussi, qu’est-ce qui veulent? Les aînés, ils veulent pas se faire déranger pis c’est correct, c’est respectable, c’est leur mode de vie, c’est leur façon, pis eux autres… Pis tu prends les aînés pis là c’est plate, mais y’en n’a plus beaucoup qui peuvent aller longtemps sur le territoire, comprends-tu? Pour des questions de santé, des questions d’agilité, donc tout ça. Par contre, quand il y’en a qui y vont pis qui leur ramène du gibier, de la viande de bois, des affaires de même, ils sont ben contents, tsé… Pis je les comprends parce que c’est leur vie. Mais les jeunes, ce qui veulent bin c’est ça, des biens de consommation, voyager, tsé là ils demandent leur passeport, ils vont à Cuba, tsé ils vont… – Informatrice no 1, Innue d’Ekuanitshit

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4.4.2 Ressources informationnelles : opacité des conseils de bande lors des négociations

Les ententes sur les répercussions et avantages se négocient entre les représentants d‟Hydro-Québec et le conseil de bande des communautés, par l‟intermédiaire de leur équipe de négociation. Or, il arrive que des individus dans les communautés se plaignent du manque de transparence de leurs dirigeants et insistent auprès des représentants d‟Hydro- Québec pour avoir accès à certaines informations concernant les négociations.

L‟informateur no 7, cadre chez Hydro-Québec, évoque une situation désagréable lors d‟une

assemblée d‟information, alors qu‟il s‟est retrouvé au centre d‟un conflit entre les membres du conseil de bande et le reste de la communauté :

Ça amène des situations aussi tsé, surtout quand on avait la négociation qui était en cours en plus, ça mettait de la… Là t’arrive dans une communauté pour parler de poissons ou des opportunités de job pis là : « Ouin, mais là tsé… » Là ça sort des affaires, des petites pointes envers le conseil, pis tsé telle affaire, pis là on se retrouve… Tu dis bin : « Va voir ton conseil de bande » tsé… « Bin là ton entente que tu négocies, on va tu avoir ci pis ça? Garde, va voir ton conseil ». Fac là, on était pognés dans des petites disputes politiques, mais ça ça fait partie… Tsé parce que les ententes, c’est pas, comment je dirais, c’est… On fait des ententes, ça prend des ententes, c’est ça la norme dans l’industrie pis ça marche, pis on en ferait pareil pis c’est c’est bénéfique pour les communautés, mais c’est des sources de tension dans les communautés qui peuvent être assez grandes là. C’est des référendums, c’est des déchirures, c’est des… Tsé c’est du monde, des opposants fermes, c’est des… Fac quand t’arrives pis là tu négocies l’entente, pis là y’a pleins de rumeurs sur l’entente, pis là le conseil ou les gens qui négocient l’entente veulent pas trop couler l’information non plus. Fac là : « Le conseil nous dit rien, pis c’est ci pis c’est ça…» Encore là, bin là moi je m’en viens parler des oiseaux moi tsé… Rires. – Informateur no 7, Cadre chez Hydro-Québec

4.4.3 Communication au sein de la communauté de Nutashkuan lors des négociations – perceptions des informateurs

Un informateur de Nutashkuan déplore le manque de communication au sein de sa communauté :

57 À mon avis, c’est ça le manque, le manque de communication, le manque de consultation au niveau de la base. Quand je dis la base c’est la population. Alors ça a été, à mon avis là, un très flagrant manque de communication. Entre la population et l’équipe de négociation. Et le conseil de bande.14 – Informateur no 3, Innu de Nutashkuan

Selon cet informateur, la radio communautaire aurait pu être mieux exploitée pour informer la population :

La radio aurait pu jouer un rôle de première instance. […] La radio a été fondée justement pour avoir, pour avoir l’information, pour aussi donner l’information à la population, ça a été fondé pour ça, la radio communautaire, je m’en souviens de ça, pis la radio a été fondée justement pour les négociations territoriales alors, la radio aurait pu jouer un rôle plus important. Alors je pense, c’est pas de leur faute, c’est de la faute aux personnes qui étaient dans l’équipe de négociation.– Informateur no 3, Innu de Nutashkuan

Une communauté n‟est pas un groupe homogène et les individus qui la composent peuvent avoir des perceptions différentes. Ainsi, alors qu‟un informateur de Nutashkuan nous indique que la grande majorité des membres de sa communauté sont contre le projet de la Romaine et qu‟ils n‟ont pas été suffisamment consultés, une autre informatrice de cette communauté nous mentionne que l‟entente a été acceptée à 74%, que les gens ont été consultés et connaissaient le contenu de l‟entente.

C’est sûr pour ce projet-là, pour ces dossiers-là, y’a plus de conservateurs. Par exemple, y’a beaucoup la population, les aînés, même nous autres, sont contre le projet. Ils sont contre le projet. Y’a plus de gens, tant au niveau des aînés, tant au niveau des femmes. Les femmes, sont quasiment à 100% contre le projet, alors que tsé les jeunes ils cherchent l’emploi pis ils cherchent [...] Maintenant on voit aujourd’hui les problèmes qu’on a. Effectivement je veux dire si la population au moins, est consultée, les informer et communiquer les projets, y’a des bons projets-là, je dis pas que c’est des mauvais proj…, c’est des bons projets. Mais au moins, minimalement consulter ou informer la population, ça aurait été fantastique. – Informateur no 3, Innu de Nutashkuan

14Dans le reportage d‟Anne Panasuk (Enquête, Radio-Canada, 18 octobre 2012), on apprend que durant l‟administration du chef Bellefleur, les membres de la communauté de Nutashkuan se plaignaient de l‟absence d‟assemblée générale pour les consulter au sujet des projets financés par leur conseil de bande. En effet, les réunions du conseil se tenaient à Québec, soit à plus de 1000 km de la communauté : « Comme si au Saguenay on tenait les réunions du conseil municipal à New York », indique la journaliste.

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Les négociations, quand ils ont commencé, on a eu comme un vote pour voir si la population voulait signer l’entente, au départ, on a fait comme des votes là, pis je pense, si je me souviens bien, si ma mémoire est bonne y’a eu 74% des gens qui ont accepté. Pour signer l’entente. […] Les gens ont été consultés, avant de commencer, y’a eu consultation générale, ça s’était passé à l’école au gymnase. Y’a eu une assemblée générale concernant l’entente à venir, on s’est même déplacés à Sept-Îles parce qu’il y a du monde de Nutashkuan qui restent à Sept- Îles, hein. Pis on s’était déplacés pour consulter ceux qui restent à Sept-Îles. Après ça y’a eu un vote pour voir si la population voulait signer l’entente. Ça a passé. Pis les grandes lignes, je dis les grandes lignes, mais finalement c’est vraiment l’entente au complet, tout ce qui est écrit dans l’entente, on l’a lu lors de l’assemblée générale. – Informatrice no 4, Innue de Nutashkuan

Notre informatrice admet toutefois que certaines personnes de sa communauté ont peu d‟intérêt à participer à ce genre d‟activités et sont réticents à se déplacer pour y assister :

Je te dirais qu’il y a eu une bonne préparation, mais des fois les gens ils participent pas beaucoup, tu les appelles pis ils viennent pas. […] Y’a eu beaucoup d’assemblées générales lorsqu’ils ont présenté l’entente de principe, y’en a eu beaucoup, mais après les gens se sont comme désintéressés. Je trouve ça, je parle en général, pas juste pour la société, mais pour autre chose, comme la semaine passée y’a des gars qui sont venus pour le saumon pis je pense qu’ils ont eu juste huit participants. Juste pour dire là les gens ils veulent pas se déplacer. Des fois il faut les dédommager pour les faire participer. Pis quand ils disent qu’ils ne sont pas informés, y’en a qui ne veulent pas être informés, qui ne veulent pas se déplacer. […] Pis l’entente de principe, c’est la même entente, tsé l’entente de principe, tout le monde en a eu des copies lors de l’assemblée générale. Fac quand ils disent qu’ils ne sont pas informés, c’est qu’ils veulent vraiment pas être informés. C’est ce que je pense. – Informatrice no 4, Innue de Nutashkuan

4.5 Ressources qui ont facilité la participation des Innus aux