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Contexte de la signature des ententes sur les répercussions et avantages entre Hydro-Québec et les

Chapitre 8 : Interprétation des résultats

8.2 Contexte de la signature des ententes sur les répercussions et avantages entre Hydro-Québec et les

Le manque de ressources matérielles, relationnelles et informationnelles a parfois limité la participation des Innus aux négociations entourant les ententes sur les répercussions et avantages. En effet, la dépendance économique aux transferts gouvernementaux et le sous-financement des communautés innues créent une pression sur les décideurs qui doivent trouver une façon de toucher des fonds rapidement. Dans ce contexte, la ratification d‟une entente avec un promoteur peut s‟avérer une solution attrayante. Ensuite, certains acteurs qui gravitent autour des communautés peuvent bénéficier du fait qu‟elles signent une entente avec des promoteurs. C‟est le cas notamment des firmes comptables, des avocats des conseils de bande et des entreprises non autochtones. À noter toutefois que ces acteurs peuvent aussi s‟avérer des atouts précieux pour les communautés lors des négociations. De plus, la rivalité entre les communautés innues au moment des négociations a créé des disparités dans les compensations, en plus de miner la crédibilité des Innus.

Political unity is one of the most significant factors that predicts the strength of a negotiation effort and the resulting agreement. When there is no unity among or between Aboriginal nations, agreements are often weak, and communities and nations become further divided (Gibson et O’Faircheallaigh, 2010 : 16).

La division entre les communautés est souvent causée parce que l‟une d‟entre elles – souvent la plus touchée – remet en question la légitimité des autres à recevoir des indemnités en lien avec un projet (Gibson et O‟Faircheallaigh, 2010 : 53). Selon Gibson et O‟Faircheallaigh (2010 : 51), lorsqu‟elles se battent entre elles, les communautés autochtones perdent un temps précieux, de l‟énergie et des ressources qui auraient pu être mis à profit pour la négociation de meilleurs avantages. Certains promoteurs peuvent utiliser ces divisions contre les communautés, en encourageant le conflit et en l‟utilisant pour obtenir des concessions. Par ailleurs, les divisions à l‟intérieur des communautés, bien que normales, ont elles aussi nui aux négociations. Particulièrement à Nutashkuan, l‟opacité du conseil de bande et la difficulté pour la population d‟avoir accès à l‟information peuvent expliquer le taux de satisfaction moins élevé qu‟à Ekuanitshit.

109 Les ressources relationnelles et informationnelles qui ont facilité la participation des Innus aux négociations concernent davantage la communauté d‟Ekuanitshit. D‟abord, cette communauté était désignée comme la plus impactée par le projet de la Romaine dans les études d‟impact. Ce point a sans doute facilité la conduite de négociations plus serrées, car il assurait une certaine légitimité aux Innus d‟Ekuanitshit. De plus, une expérience en matière de négociations, jumelée à une bonne équipe de négociateurs ont certainement facilité le processus de négociations. Rappelons qu‟Ekuanitshit a été la dernière communauté à signer une entente avec Hydro-Québec et contrairement aux autres, elle l‟a fait une fois les audiences publiques du BAPE terminées. La communication entre l‟équipe de négociation et le reste de la communauté semblait meilleure qu‟à Nutashkuan. En effet, des activités pour consulter et informer les membres de la communauté au sujet du déroulement des négociations ont été organisées. Finalement, en plus des deux comités de suivi environnemental dans lesquels elle est impliquée, Ekuanitshit a également créé son propre comité technique et environnemental. Il est très important qu‟une communauté organise des séances de consultation et de concertation en dehors de celles mises en place par la compagnie avec qui elle transige afin que la population se sente à l‟aise d‟exprimer leurs préoccupations et d‟analyser les informations fournies par le promoteur d‟un projet (Gibson et O‟Faircheallaigh, 2010).

Par ailleurs, certaines communautés ont bénéficié d‟un canal de communication privilégié avec Hydro-Québec. C‟est le cas de celles qui, dans les études d‟impact, sont considérées comme touchées par le barrage, soit les quatre communautés avec lesquelles Hydro-Québec a signé une entente : Ekuanitshit, Nutashkuan, Unamen Shipu et Pakua Shipi. Toutefois ce canal de communication tend à s‟amincir au fur et à mesure qu‟on s‟éloigne de la zone du barrage, les communications se faisant de plus en plus rares entre Hydro-Québec et les communautés innues plus on va vers l‟est. En revanche, les Innus de Uashat mak Mani- Utenam, dans la région de Sept-Îles, ont d‟abord été écartés des études d‟impact parce qu‟ils n‟étaient pas considérés comme impactés par le projet, bien que les lignes de transport électriques passent sur leur territoire. Ils ont donc utilisé d‟autres stratégies pour « faire entendre leur voix » et pour manifester leur opposition au projet. Ainsi, ils ont érigé des blocus sur la route 138 à trois reprises. Une interprétation possible de ces évènements

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serait qu‟ils ont été provoqués à l‟intention des médias, sous la forme d‟un pseudo- évènement, soit « des actions qui présentent un écart par rapport au déroulement habituel ou "normal" des choses et qui sont littéralement construites et mises en scène à l‟intention des médias d‟information » (Charron, 1991 : 101). Le recours au pseudo-évènement témoigne du manque de ressources des Innus en termes de communication. En effet :

Le pseudo-évènement de contestation permet à son promoteur d’accéder à l’« actualité » telle qu’elle est définie par les médias, et cela, en l’absence des qualités généralement exigées pour figurer parmi les sources « autorisées » : crédibilité, notoriété, autorité, expertise, fiabilité, etc. (Charron, 1991 : 132).

À noter que ces évènements médiatiques ont été utilisés en compléments des poursuites judiciaires contre Hydro-Québec qui n‟ont pas donné les résultats escomptés, soit d‟interrompre la construction des lignes hydroélectriques et du barrage lui-même. Toutefois, les Innus de Uashat mak Mani-Utenam ont réussi à obtenir la « légitimité » de négocier avec Hydro-Québec pour obtenir des compensations pour le passage des lignes sur leur territoire. En échange de l‟abandon des poursuites judiciaires, les Innus de Uashat mak Mani-Utenam ont obtenu un montant de 75 millions de dollars, équivalent à celui de la communauté d‟Ekuanitshit, considérée comme la plus impactée par le projet. On constate donc que les communautés qui bénéficient le plus du projet sont celles qui s‟y sont d‟abord opposées. En effet, les deux communautés à avoir manifesté leur désaccord au projet, que ce soit par des barrages routiers, des poursuites ou par la conduite de négociations serrées, sont aussi celles qui ont été les mieux dédommagées par Hydro-Québec. De son côté, Nutashkuan, première communauté à donner son accord au projet et à signer une entente, ne semble pas bénéficier autant des retombées du projet qu‟Ekuanitshit. Selon Charest (2008 : 78), les Autochtones, bien qu‟ils puissent parfois modifier quelques paramètres d‟un projet ou le retarder, ont très rarement le pouvoir de l‟arrêter. En conséquence, une des stratégies qui s‟offraient aux Innus était de maximiser leurs compensations financières et leur part d‟emplois et de contrats lors des négociations, de façon à accumuler du capital financier, à créer leurs propres entreprises et à pouvoir investir dans des projets profitables (traduction libre, Picard 2004, cité dans Charest, 2008 : 277). Cette stratégie semble davantage s‟appliquer à Ekuanitshit qu‟à Nutashkuan.

111 8.2.1 Confidentialité des ERA

La confidentialité des ententes sur les répercussions et avantages que les communautés autochtones signent avec un promoteur peut créer des disparités entre les communautés autochtones, en termes de compensations financières et sociales. Toutefois, les avis diffèrent sur la nécessité de préserver ou non cette confidentialité. Parmi les arguments évoqués en faveur de rendre les ententes ERA publiques, on retrouve le souci de transparence concernant l‟utilisation des fonds, de l‟argent public dans le cas d‟Hydro- Québec ou l‟argent des investisseurs dans le cas des compagnies privées. L‟accessibilité des ententes permettrait également aux communautés autochtones de s‟y référer lors de négociations futures et d‟apprendre des erreurs et des succès de leurs prédécesseurs. Par ailleurs, certaines compagnies sont en faveur du maintien de la confidentialité des ententes parce qu‟elles craignent un effet de surenchère si les montants sont rendus publics (Dansereau, 2013 en ligne). De plus, le dévoilement des montants obtenus par les Autochtones pourrait inciter les groupes non Autochtones à « réclamer leur part du gâteau », comme cela se voit actuellement chez certains élus de la Baie-James, selon Christian Lebeau, avocat chez Norton Rose (entrevue avec Christian Lebeau, dans Dansereau, 2013 en ligne). Finalement, les communautés autochtones, et particulièrement celles n‟ayant pas signé de traité, risquent de voir leurs transferts gouvernements diminuer si les montants reçus par le biais des ERA étaient dévoilés (Dansereau, 2013 en ligne). À noter que les versements faits directement aux membres de la communauté d‟Ekuanitshit dans le cadre de l‟ERA signée avec Hydro-Québec – deux versements de 3000$ pour les adultes et deux versements de 1500$ pour les jeunes – ont fait l‟objet d‟une enquête de Service Canada pour déterminer si les bénéficiaires seraient amputés de leurs prestations d‟aide sociale et d‟assurance emploi (Boivin, 2011).

Rappelons que le Projet de loi n°43 proposé par Martine Ouellet en mai 2013 obligeait les compagnies minières et les communautés autochtones à dévoiler les montants obtenus dans le cadre des ententes sur les répercussions et avantages (ERA). Or, cette disposition avait suscité beaucoup d‟opposition de la part des communautés autochtones et a été retirée du Projet de loi n°70 : Loi modifiant la Loi sur les mines, en vigueur depuis le 10 décembre 2013. La confidentialité des ententes est donc préservée.

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8.3 Projet en cours : communication entre Hydro-Québec et les