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Contexte particulier de l’emploi pour les Innus

Chapitre 6 : Création d’emplois et accès à de la formation

6.4 Contexte particulier de l’emploi pour les Innus

Une informatrice de Nutashkuan déplore le faible taux de mobilité des jeunes de sa communauté, et ce, malgré le fait que plusieurs aient les qualifications requises pour travailler au chantier. Elle attribue notamment cette situation à une réticence à s‟éloigner de leurs proches, et pour certains, aux avantages fiscaux dont ils bénéficient au sein de la communauté.

– Informatrice no 4 : Je te dirais qu’à Nutashkuan y’a beaucoup d’étudiants qui ont fini les formations, beaucoup sont diplômés ici à Nutashkuan, soit en formation professionnelle, tant au cégep pis toute ça. Mais y’en a pas beaucoup qui vont sur le marché du travail.

– Intervieweure : Ok, parce que y’a pas beaucoup d’emplois disponibles?

– Informatrice no 4 : Y’a de l’emploi disponible, mais pas ici à Nutashkuan en tant que tel. Dans le sens que, j’ai l’impression que y’a des gens qui sont formés, mais qui n’ont pas d’emplois ici à Nutashkuan, pis qui déménageront pas. Y’a beaucoup de jeunes qui sont formés, qui ont fini leurs études pis ils restent ici, ils s’en vont pas. Pis même Natashquan en tant que tel, les gens de Natashquan, ils vont pas nécessairement au chantier. Y’en a quelques-uns, mais pas

91 beaucoup. Je te dirais on peut les compter sur les doigts de la main ceux qui travaillent [au chantier de la Romaine].

– Intervieweure : Ok. Fac la main d’œuvre vient plutôt d’ailleurs, d’autres régions?

– Informatrice no 4 : Oui. Bin la différence avec Nutashkuan, c’est parce que nous avons des contrats avec le ministère du Transport pour le pont ici, la route23 fac nous avons beaucoup de jeunes qui ont des formations dans la construction. Beaucoup sont dans la FTQ. Oui, dans le sens qui sont dans la construction pis ils sont bien payés ici puisque la compagnie ATIK, qui appartient au conseil, eux autres ils payent pas d’impôts. Ils payent pas d’impôts pis ils vont préférer rester ici plutôt que d’aller au chantier pis ils vont payer de l’impôt là-bas. D’autant plus que c’est des papas fac ils préfèrent rester près de leur famille. Fac beaucoup ont préféré ne pas aller au chantier. Ils préfèrent rester ici. – Informatrice no 4, Innue de Nutashkuan

Certains de nos informateurs ont mentionné que les réserves constituaient une sorte de paradis fiscal, et que cette situation décourageait certains individus de travailler à l‟extérieur de leur communauté : « [L]e fait que la taxation pis le régime foncier propre, le régime d‟imposition sur les réserves indiennes étant ce qu‟il est, c‟est un safe heaven, c‟est un paradis fiscal. […] Y‟a des astuces, y‟a des moyens de contourner » (Avocat ayant une bonne connaissance du dossier).

6.4.2 Manque d’expérience et de qualifications

Le manque d‟expérience des Innus par rapport à d‟autres communautés autochtones dans les projets industriels a aussi été évoqué par un informateur d‟Hydro-Québec :

Mais tsé par rapport à la question d’emploi, c’est sûr qu’on essaie d’optimiser pis de maximiser les emplois, mais dans les communautés à l’est, faut dire que pour des emplois de ce type-là,

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La communauté de Nutashkuan avait une entente avec le ministère des Transport pour le prolongement de la route 138, qui stipulait notamment la création d‟un chantier-école pour les jeunes Innus. L‟entente a été résiliée en avril 2013, après que le ministère des Transports et l‟UPAC aient reconnu la société innue Pakatan coupable de mauvaise gestion des fonds. Pour plus d‟information, voir :

Morin, Annie. « Chantiers du Nord du Québec: des entreprises dans l'embarras », Le Soleil, 6 juillet 2013. [E n ligne]http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201307/05/01-4668233-chantiers-du-nord-du- quebec-des-entreprises-dans-lembarras.php

Caty-Vermette, Anne-Michèle. « La société Pakatan dissolue, le MTQ prend les commandes », Basse-Côte-

Nord : Vague Locale, 10 octobre 2013. [En ligne] http://vaguelocalebcn.com/actualites/la-societe-pakatan-

dissolue-le-mtq-prends-les-commandes/

Radio-Canada. 2013. « Prolongement de la 138: les Hurons-Wendats veulent obtenir le contrat sans appel d'offres », 9 octobre 2013. [En ligne] http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2013/10/09/005-hurons-wendats-basse- cote-nord.shtml

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quand même, c’est un gros chantier, c’est des travailleurs spécialisés de l’industrie de la construction pis un peu via les services au campement qu’il y a des possibilités d’embauche, mais pour les gens là-bas, c’est pas comme si tu compares par exemple avec les communautés comme Betsiamites ou Uashat ou encore Mashteuiatsh, qui vivent dans un milieu industriel depuis tsé 50-60 ans. Tsé là… – Informateur no 8, Conseiller, Hydro-Québec

Toujours selon cet informateur, instituer une « culture industrielle » dans une région ou une communauté requiert du temps. Il donne l‟exemple des Cris de la Baie-James, qui sont en contact avec des projets hydroélectriques depuis près de 40 ans.

Tsé y’a des choses qui, en même temps, moi je pense qui réussissent pis d’autres qui vont moins bien tsé là. Mais tu vois, avec les Cris, on a eu beau instituer des programmes dernièrement depuis les 10 dernières années, pis les ententes sur la Paix des Braves pis sous ce giron-là. Tsé ça a porté fruit, mais tsé tu vois que c’est long, pis eux autres y’ont 20 ans d’histoire de plus, 20-25 ans, y’a un historique de 30 ans là je veux dire, c’est quasiment, pis dans les communautés autochtones, c’est quasiment l’équivalent de deux générations, tsé de travail. Comme je te dis même, par contre, dans des communautés comme Sept-Îles, tout ça, y’a des gens qui ont eu de l’expérience […] bon tout ça. Mais sur la Basse-Côte-Nord là, y’a pas d’industries là, à part, y’a Rio Tinto au lac Allard, mais à ce que je sache, y’a jamais eu d’Innus qui ont travaillé là. Y’a, c’est sûr que y’a différentes raisons pour expliquer ça pis que peut-être y’existe une forme de, y’a une barrière culturelle qui existe, qui fait que, c’est difficile de les intégrer. Mais tsé je pense aussi, mais toujours pour des raisons d’ordre culturel, c’est pas nécessairement quelque chose qu’ils valorisent. – Informateur no 8, Conseiller, Hydro-Québec

6.4.3 Formations admissibles à un financement

Le fonds « Insertion » tel que stipulé dans les ententes doit servir à financer des Innus qui désirent acquérir une formation en lien avec les activités d‟Hydro-Québec. Même si les critères de sélection sont assez larges, un informateur d‟Ekuanitshit nous explique la difficulté qu‟il a eu à refuser de financer une jeune femme de sa communauté :

[O]n donne l’argent à ceux qui présentent des projets, à ceux en formation, à ceux qui demandent la formation, mais un des critères de la formation, c’est qu’il faut que ce soit relié au projet Romaine. On a souvent, on a même, on sait dans notre cœur qu’on a déçu une personne, parce qu’elle voulait poursuivre sa formation de coiffure. Mais là on cherchait le moyen de relier… Pis nous, la partie innue, on a souvent contesté ça. Pis y’a un article, y’a un article dans l’entente qui dit, s’il peut y avoir un amendement ok, c’est entre le chef pis le président d’Hydro-Québec. Pis, il faut qu’ils puissent, il faut que les deux parties puissent consentir à ouvrir le, l’entente pis à aller… – Informateur no 2, Innu d’Ekuanitshit

93 [P]our nous, à Hydro, le fonds de formation doit servir à former des gens pour les rendre compétents pour ensuite, on l’espère, puissent travailler pour Hydro dans des métiers que nous on va offrir. Améliorer notre pool de candidats potentiels. Donc si quelqu’un de la communauté veut devenir vétérinaire, bin le fonds de formation peut pas soutenir cette activité-là. Et je te dirais qu’un jeune, pis là je me lance, mais je me rappelle à l’époque, quelqu’un qui voudrait étudier en administration mettons, on l’aurait accepté en se disant, bin on aurait peut-être besoin d’un gestionnaire de contrats, mais la coiffure, plus difficile… – Informatrice no 6, Cadre chez Hydro-Québec

Pour cette informatrice d‟Ekuanitshit, toutefois, ce critère ne semble pas poser problème : Le fonds de formation, il faut que ça soit un métier qui mène à un emploi à Hydro, bin en lien avec le chantier. Bon bin là, t’en a gros, garde ça peut être secrétariat, ça peut être en lien avec le chantier, beaucoup d’emplois de bureau, pas rien que des métiers de la construction pis tracteurs pis toute là. Tsé, c’est comme ici tsé bin garde c’est comme je te dis, mettons la SEIE24 ou Sodexo bin y’ont besoin d’employés de bureau parce que ça prend des secrétaires,

ça prend des personnes à la comptabilité pour faire les paies, pour payer les factures. – Informatrice no 1, Innue d’Ekuanitshit

6.5 Difficultés rencontrées – Travail sur le chantier