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Chapitre 5 : Projet en cours : communication entre Hydro-Québec et les Innus au sein des sociétés

5.3 Ce qui freine les échanges – Aspects négatifs

Les entrevues réalisées avec certains informateurs innus témoignent d‟une certaine méfiance à l‟égard d‟Hydro-Québec. En effet, une informatrice de Nutashkuan affirme : « Ils peuvent être tes amis, mais va pas plus loin, dans le sens que, ils vont faire ce qu‟ils ont à faire. Pis ça c‟est leur but, ils viennent pour ça. Ils viennent pas pour copiner. » Cette méfiance semble généralisée, notamment dans la communauté de Nutashkuan :

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– Je trouve ici à Natashquan, le monde en général, ils ont une méfiance. – Ok, mettons envers les non-autochtones?

– Envers Hydro-Québec. J’ai remarqué beaucoup les gens disent : « Pourquoi on paie l’électricité? Pourquoi on leur paierait? » C’est la question qui revient : « Pourquoi on paierait notre compte d’hydro? » – Informatrice no 4, Innue de Nutashkuan

Cette informatrice a aussi évoqué le côté « secret » de la société d‟État : « Pis Hydro- Québec c‟est pas quelqu‟un qui se confie facilement. C‟est très confidentiel. Si tu regardes pas, ils te diront rien du tout. »

5.3.2 Aspect clérical et démarches administratives

Une informatrice d‟Hydro-Québec déplore le manque de préparation et les lourdeurs administratives qui ont précédé la création des sociétés. Selon elle, il aurait été préférable que des rencontres soient mises en place afin que chacun connaisse bien le rôle et les responsabilités des différents membres d‟une société.

Moi y’a une chose, […] je pense que si on avait eu tout le monde avait eu un cours sur c’est quoi un conseil d’administration, rôle et responsabilités d’un conseil, un président c’est quoi, un secrétaire c’est quoi, etc. Pis aussi, un petit peu, ne serait-ce que le fonctionnement de base. Nous autres, on a toujours été bien accompagnées chez Hydro, on a toujours eu des gens qui étaient assez ferrés dans les résolutions, les assemblées générales, mais veut veut pas, pour les premières réunions, en tout cas moi j’étais là pour la mise en place des sociétés autant à Mingan qu’à Natashquan. On a perdu un temps fou et on les perdait tout court là, moi j’avais le sentiment de revenir pis de dire, ces gens-là ont trouvé le temps long parce qu’on était dans le clérical. Faut le faire, mais moi je le maîtrisais pas bien, eux autres pas du tout, fac tsé, si on avait eu des rencontres pour s’assurer, pis quand on a des nouveaux administrateurs tsé, le refaire, pis le faire périodiquement pis, quitte même, ça je le sais même pas si c’était possible, mais de dire, toutes nos sociétés ensemble là, tsé d’avoir, de faire venir quelqu’un, peut-être à Sept-Îles, un peu comme on a fait pour l’atelier scientifique, de dire sur un conseil d’administration […] pis ça c’est un élément, moi je me dis une autre fois c’est quelque chose qu’on devrait… – Informatrice no 6, Cadre, Hydro-Québec

Une informatrice d‟Ekuanitshit souligne quant à elle que les membres des sociétés ont tendance à s‟adresser aux personnes de leur groupe, surtout en ce qui a trait aux démarches administratives, souvent compliquées du côté d‟Hydro-Québec :

73 Pis la façon que la Société fonctionne aussi, c’est beaucoup, les gens d’Hydro, tsé sur le conseil d’administration, les gens d’Hydro vont s’adresser aux gens d’Hydro. Les gens, les Innus vont s’adresser aux Innus, comme si mettons justement ça prend quelque chose de la part de la… je sais pas une autorisation de la directrice générale, bon bin garde c’est les gens innus qui vont le demander. Ok, souvent la coordonnatrice va s’organiser avec tout ça. Pis si ça prend des informations provenant d’Hydro, ou un document particulier qui pourrait être à Hydro, bin là ça va être les gens d’Hydro parce que y’a toujours une procédure, qu’eux autres connaissent que nous autres on connaît pas. – Informatrice no 1, Innue d’Ekuanitshit

5.3.3 Barrière de la langue dans certains comités

Des informatrices d‟Hydro-Québec mentionnent les barrières de la langue qui peuvent nuire aux échanges. Cette barrière complique à la fois la compréhension de termes techniques et peut entraîner de la méfiance, d‟un côté comme de l‟autre. Ainsi, comme mentionné plus haut, la difficulté de traduire des termes techniques en langue innue a représenté un défi lors des assemblées publiques en avant-projet, mais cette barrière de la langue se retrouve également chez les administrateurs d‟Hydro-Québec lorsque leurs collègues innus discutent entre eux en réunion.

– Bin moi je pense, une partie du succès que la société a, c’est que y’a des gens qui comprennent bien la portion business pis les techni, les mots plus techniques, fac, ça prend, ça prend un minimum en compréhension du français ou tsé si tu veux devenir un administrateur, faut que t’améliore à tout le moins cet aspect-là. Pour ce qui est de moi, je pense, de mieux, si moi j’étais capable d’améliorer ma compréhension de la langue innue, ça c’est sûr et certain que ça… Parce que, y’a des bouts de réunion qui se passent en innu. Et parce qu’ils veulent discuter entre eux. Ce que nous on peut pas faire parce qu’ils comprennent le français.

– Mais à ce moment-là les traducteurs innus qui sont sur place…

– Non, non. Pis entre autres Ishpitenitamun y’a pas de traducteurs innus qui sont là parce que les gens ont un niveau de français suffisant. C’est plus dans les CTER18 où y’a des traducteurs. […] Mais oui, ils vont traduire, mais tsé… Quand la personne parle cinq minutes pis que c’est traduit en deux minutes là… – Informatrice no 6, Cadre chez Hydro-Québec

5.3.4 La confiance requiert du temps et des gestes concrets

Une informatrice d‟Hydro-Québec mentionne que la confiance requiert du temps et des gestes concrets :

18 Comités techniques et environnementaux composés de représentants d‟Hydro-Québec, d‟Innu et de

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– Informatrice no 5 : [T]sé pour qu’ils soient à l’aise, sont à l’aise là, c’est pas une question de barrière fac déjà, mais c’est autre chose pis souvent, c’est rendu des questions individuelles, de confiance, y’en a avec qui ça va super bien aller, y’en a d’autres la confiance est pas toujours facile. Tsé, t’as l’impression d’être, t’as l’impression d’avoir atteint un certain niveau de… mais c’est pas toujours évident, hein? C’est des gens très de bonne humeur, ricaneux et tout ça, mais ça veut pas dire que…

– Intervieweure : Que la confiance est là?

– Informatrice no 5 : C’est ça. Mais de façon générale, avant de te connaître, ils vont être sur leurs gardes, pis ça va prendre, pas nécessairement des années, mais il faut que tu poses des gestes, il faut que tu poses des gestes qui vont leur prouver que t’as leur intérêt à cœur. Pis que t’es pas là uniquement pour représenter, oui on a une tâche nous en tant que représentant d’Hydro-Québec, on doit s’assurer que ce qui est marqué dans l’entente, les obligations que l’on a… c’est ça, on doit respecter ça. Mais en même temps, il faut également leur prouver que, malgré tout ça, on est capable de travailler avec eux pis d’arriver à l’objectif qu’ils ont, qui est le même que le nôtre dans le fond, c’est de développer la communauté dans toutes les sphères de ses activités. Fac ça prend un bout de temps pis ça se fait pas en une réunion. Pis ça c’est tout le monde qui arrive, parce qu’on travaille avec des conseillers aux affaires autochtones qui ont une grande expérience pis eux, c’est ça, y’a des gens qui sont connus depuis longtemps dans la communauté, pis ça ça fait une grande différence. – Informatrice no 5, Conseillère, Hydro- Québec

5.4 Contraintes et défis en lien avec l’application des ententes