• Aucun résultat trouvé

La dynamique de communication entre Hydro-Québec et les Innus dans le cadre du projet de la Romaine

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La dynamique de communication entre Hydro-Québec et les Innus dans le cadre du projet de la Romaine"

Copied!
146
0
0

Texte intégral

(1)

La dynamique de communication entre Hydro-Québec et

les Innus dans le cadre du projet de la Romaine

Mémoire

Julie Fortin

Maîtrise en communication publique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)
(3)

iii

Résumé

Le mémoire porte sur la dynamique de communication entre Hydro-Québec et les communautés innues dans le cadre du projet de barrage hydroélectrique sur la rivière Romaine. Il y est question de la participation des Innus aux études d‟impact, aux consultations gouvernementales, aux négociations menant à la signature des ententes sur les répercussions et avantages et à la gestion des fonds obtenus en guise de dédommagement. La participation des Innus est mesurée à l‟aide de l‟échelle de participation citoyenne de Sherry Arnstein (1969). Les résultats montrent que la participation des Innus est plus limitée au moment des consultations et plus importante à l‟intérieur des sociétés conjointes, composées d‟Innus et de représentants d‟Hydro-Québec, et dont le rôle est de gérer les fonds. De plus, le financement de projets communautaires et les emplois au chantier contribuent à l‟empowerment des Innus, mais de façon limitée et inégale pour chacune des communautés.

(4)
(5)

v

Abstract

This thesis focuses on the dynamics of the communication between Hydro-Québec and Innu communities within the hydroelectric dam project on the Romaine River. It deals with Innu participation during the impact assessments, public hearings, negotiations leading to the signature of Impacts on Benefits and Agreements, and funds management within joint societies composed of Innu and Hydro-Québec representatives. At every step of the project, some power resources enhance Innu participation while others prevent it. These resources are material, informational and relational ones (Lemieux, 2001). Innu participation within La Romaine project is measured on Sherry Arnstein‟s Ladder of Citizen Participation (1969). The results show that Innu participation is less important during the consultation activities and more important within the joint societies. Moreover, funding of community projects and jobs creation contribute to Innu empowerment, but in a limited and unfair way for each community.

(6)
(7)

vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1 : État de la question et cadre théorique ... 3

1.1 Habermas et la théorie de l’agir communicationnel ... 4

1.2 La communication pour le développement ... 5

1.2.1 Paradigme de la modernisation ... 6

1.2.2 Le rôle de la communication dans le paradigme de la modernisation ... 7

1.2.3 L’approche diffusionniste ... 9

1.2.4 Théorie de la dépendance ... 10

1.2.5 La théorie de la communication participative pour le développement ... 11

1.2.6 Définition du concept d’empowerment ... 12

1.2.7 Définition du concept de participation ... 13

1.2.8 Conditions et limites de la communication participative... 14

1.2.9 La notion de pouvoir en communication participative pour le développement ... 15

1.3 Les rapports de pouvoir entre les Autochtones et l’État dans le cadre du développement hydroélectrique québécois ... 17

1.4 Objectif de recherche ... 19

Chapitre 2 : Méthodologie ... 21

2.1 Démarche ethnographique ... 21

2.2 Population ... 22

2.3 Limites associées au choix des informateurs... 23

2.4 Collecte de données à l’aide d’entretiens semi-dirigés ... 24

2.5 Limites de cette méthode de collecte de données ... 26

2.6 Méthode d’analyse des données ... 26

2.6.1 Contexte d’échanges entre Hydro-Québec et les Innus dans le cadre du projet de la Romaine ... 26

2.6.2 Ressources de pouvoir ... 28

(8)

viii

2.6.4 Limites de l’échelle de participation citoyenne de Sherry Arnstein ... 31

Chapitre 3 : Communication entre le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et les Innus en avant-projet ... 33

3.1 Ressources normatives qui ont facilité la participation des Innus au projet de la Romaine : l’obligation de consulter ... 33

3.2 Participation des Innus aux études d’impact ... 35

3.2.1 Occupation du territoire ... 36

3.2.2 Évaluation continue des outils d’enquête ... 37

3.2.3 Utilisation du savoir-faire traditionnel ... 38

3.2.4 Coût des études d’impact ... 38

3.2.5 Études d’impacts séparées et effets cumulatifs ... 39

3.3 Communication institutionnelle : activités de communication et d’information mises en place par Hydro-Québec en avant-projet ... 40

3.3.1 Souci de vulgariser l’information et barrière de la langue ... 41

3.3.2 Aspects informels de la communication ... 42

3.3.3 Désintérêt chez les Innus à cause du trop grand nombre de consultations ... 42

3.4 Communication gouvernementale : audiences publiques du BAPE et Commission d’examen conjointe fédérale et provinciale ... 43

3.4.1 Impact limité du processus d’évaluation environnemental pour l’approbation du projet ... 44

3.4.2 Critique du processus de consultation gouvernementale ... 45

3.4.3 Avantage d’Hydro-Québec par rapport au gouvernement dans ses relations avec les communautés autochtones ... 46

Chapitre 4 : Contexte de la signature des ententes sur les répercussions et avantages entre Hydro-Québec et les Innus ... 49

4.1 Ressources matérielles : Dépendance économique et sous-financement des communautés innues .... 49

4.2 Ressources relationnelles : influence potentielle d’acteurs externes à la communauté ... 50

4.3 Ressource « Pouvoir du consensus » : division et rivalité entre les communautés ... 51

4.4 Division au sein des communautés ... 55

4.4.1 Fossé générationnel ... 55

4.4.2 Ressources informationnelles : opacité des conseils de bande lors des négociations ... 56

4.4.3 Communication au sein de la communauté de Nutashkuan lors des négociations – perceptions des informateurs ... 56

4.5 Ressources qui ont facilité la participation des Innus aux négociations ... 58

4.5.1 Ressource relationnelle : équipe de négociation efficace ... 58

(9)

ix 4.6 Signature des ententes sur les répercussions et avantages (ERA) avec les quatre communautés innues

de l’est ... 60

4.7 Les Innus de Uashat mak Mani-Utenam : mobilisation citoyenne, barrages routiers et poursuites judiciaires menant à la signature d’une entente avec Hydro-Québec ... 62

Chapitre 5 : Projet en cours : communication entre Hydro-Québec et les Innus au sein des sociétés conjointes ... 65

5.1 Relation entre Hydro-Québec et les différentes communautés innues ... 65

5.2 Ce qui facilite les échanges – Aspects positifs ... 67

5.2.1 Représentation majoritaire innue au sein des sociétés ... 67

5.2.2 Ressources humaines et informationnelles: stabilité, expertise et compétences techniques ... 67

5.2.3 Communication en face à face : politesse, respect et ouverture ... 68

5.2.4 Importance de créer des liens, d’avoir une relation amicale ... 69

5.2.5 Résolution rapide des conflits ... 70

5.2.6 Climat particulier des rencontres avec les Innus : franchise et humour ... 71

5.3 Ce qui freine les échanges – Aspects négatifs ... 71

5.3.1 Méfiance à l’égard d’Hydro-Québec ... 71

5.3.2 Aspect clérical et démarches administratives ... 72

5.3.3 Barrière de la langue dans certains comités ... 73

5.3.4 La confiance requiert du temps et des gestes concrets ... 73

5.4 Contraintes et défis en lien avec l’application des ententes ... 74

5.4.1 Cadre strict des ententes ... 74

5.4.2 Omniprésence des liens familiaux dans les communautés ... 77

5.4.3 Perceptions de la communauté à l’égard des « amis d’Hydro » ... 78

5.4.4 Périodes précises de versements des fonds ... 78

5.4.5 Rôle prépondérant du conseil de bande dans l’attribution du financement ... 79

5.5 Diffusion de l’information au sein des communautés ... 81

Chapitre 6 : Création d’emplois et accès à de la formation ... 85

6.1 Prévisions relatives à l’emploi innu dans l’étude d’impact ... 85

6.2 Mesures prises pour faciliter l’embauche et l’intégration de travailleurs innus ... 86

6.3 Satisfaction à l’égard des emplois dans les communautés innues ... 88

6.4 Contexte particulier de l’emploi pour les Innus ... 90

6.4.1 Réticence à quitter leur communauté ... 90

6.4.2 Manque d’expérience et de qualifications ... 91

(10)

x

6.5 Difficultés rencontrées – Travail sur le chantier ... 93

6.5.1 Horaire et conditions difficiles ... 93

6.5.2 Taux de roulement élevé ... 94

6.5.3 Solution : sous-traitance avec des entreprises innues ... 94

6.6 Employabilité des travailleurs innus à long terme ... 95

Chapitre 7 : Impacts de la signature d’ententes pour les communautés innues ... 97

7.1 Gestion des fonds octroyés par le biais des ententes ... 97

7.2 Incidences sociales des versements directs aux individus ... 98

7.3 Financement de projets communautaires ... 99

7.3.1 Rôle des sociétés : encadrer les promoteurs de projets ... 99

7.3.2 Promotion de la culture innue ... 100

7.3.3 Accès à l’éducation et persévérance scolaire ... 100

7.3.4 Développement économique et hausse des revenus ... 101

7.3.5 Exclusivité sur le territoire grâce aux hélicoptères ... 101

7.3.6 Création d’entreprises innues ... 102

7.3.7 Assurer la pérennité des entreprises après la fin du projet ... 103

7.4 Limites du projet de la Romaine ... 103

Chapitre 8 : Interprétation des résultats... 105

8.1 Communication entre le gouvernement du Québec, Hydro-Québec et les Innus en avant-projet ... 105

8.2 Contexte de la signature des ententes sur les répercussions et avantages entre Hydro-Québec et les Innus ... 108

8.2.1 Confidentialité des ERA ... 111

8.3 Projet en cours : communication entre Hydro-Québec et les Innus au sein des sociétés conjointes .... 112

8.4 Création d’emplois, accès à de la formation et impacts de la signature d’ententes ... 115

Conclusion ... 117 Bibliographie... 119 Références théoriques ... 119 Références documentaires ... 123 Références juridiques ... 128 Annexes ... 129 Approbation de l’éthique ... 129

Guide d’entrevue – Hydro-Québec ... 131

(11)

xi

Remerciements

D‟abord, je tiens à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture pour leur appui financier tout au long de ce projet de recherche. Ce privilège permet aux étudiants de se concentrer sur leur projet sans casse-tête. Il s‟agit d‟une aide précieuse et fort appréciée.

J‟aimerais dire un immense merci à tous les participants à ce projet : les Innus de la société Ishpitenitamun à Ekuanitshit, de la société Ishkuteu à Nutashkuan et les employés d‟Hydro-Québec, pour leur ouverture, leur générosité et leur temps. Plus que de simplement décrire la communication entre une organisation et les populations locales, j‟espère avoir su rendre toutes les nuances qui caractérisent les relations entre les individus, quel qu‟en soit le groupe, lorsqu‟il est question d‟un projet de l‟envergure de celui de la Romaine.

Merci à mon directeur de recherche, Charles Moumouni, pour la liberté qu‟il m‟a octroyée tout au long de ce projet de recherche. Vos commentaires pertinents et justes ont guidé ma progression en me laissant faire mes propres découvertes, tant sur le plan scientifique qu‟humain.

Je veux aussi remercier Thierry Rodon pour son soutien et ses conseils. Votre Chaire de recherche sur le développement durable du Nord m‟a fait prendre conscience des importants enjeux sociaux associés au développement nordique. Je suis très heureuse de faire partie de votre équipe.

Je remercie également Guylaine Martel et Jean Charron qui, tout au long de ma formation, m‟ont aidé à préciser ma pensée et à développer ce projet. Vos critiques constructives et vos conseils judicieux ont été très appréciés. Un merci tout spécial à Monsieur Paul Charest, qui m‟a ouvert bien des portes au Festival du conte et de la légende de l'Innucadie à Natashquan. Grâce à vous, mon projet a enfin pu se concrétiser.

Merci à Stella Picard et à sa famille de m‟avoir hébergée durant mon séjour à Havre-Saint-Pierre. Votre accueil des plus chaleureux m‟a permis de me sentir chez moi au pays des Cayens.

Un tel projet n‟aurait pu se réaliser sans l‟appui de mes proches. Je veux donc remercier ma mère, Christine, d‟avoir toujours cru en moi. Maman, ton écoute, tes encouragements et tes petits plats réconfortants sont très précieux pour moi, merci d‟être là.

Finalement je tiens à remercier Frank, mon conjoint. Ta présence à mes côtés ensoleille mes journées depuis bientôt huit ans. Merci de ton soutien et de l‟intérêt que tu as démontré pour ce projet au quotidien. C‟est un bonheur de partager ta vie

(12)
(13)

1

Introduction

La responsabilité sociale des entreprises peut être entendue comme une « responsabilité d‟entendre et d‟écouter » les préoccupations du public, et de tenir compte de ces préoccupations au moment de prendre ses décisions (Nickel, 1990, cité dans Burkart, 2009 : 145). Ainsi, le concept de responsabilité sociale sous-tend que « les organisations ont le devoir de considérer les intérêts de tous les groupes avec qui elles sont en relation, que ce soit leurs clients, leurs employés ou tout autre groupe affecté par leurs activités » (Carroll et Buchholtz, 2003, cités dans Burkart 2009 : 145). Or, la relation entre une organisation, privée ou publique, et les différents acteurs de la société civile est souvent caractérisée par un déséquilibre des ressources en matière de communication, aussi bien en ce qui concerne les moyens que l‟expertise et les réseaux. En revanche, certains mécanismes permettent aux citoyens d‟exprimer leur point de vue et d‟accéder à la sphère publique pour débattre des enjeux les concernant. On compte parmi ces mécanismes tant les consultations publiques que les tribunes médiatiques. Dans certains cas, les citoyens sont amenés à dialoguer directement avec une entreprise ou une organisation, un peu en retrait de la sphère publique, pour négocier ou signer une entente. C‟est notamment le cas des projets visant l‟exploitation des ressources naturelles.

Notre recherche consiste en l‟analyse de la communication entre Hydro-Québec et les différentes communautés innues dans le cadre du projet de la Romaine. Notre choix s‟est porté sur ce projet pour plusieurs raisons. D‟abord, c‟est un projet d‟envergure – la construction s‟étendra jusqu‟en 2020 et le projet dispose d‟un budget de 6,5 milliards de dollars. Le projet de la Romaine serait même « le plus important projet de construction actif du Canada » (Hydro-Québec, 2014, en ligne). Au temps fort des travaux, on prévoit la création de 2000 emplois par année. Par-dessus tout, ce projet s‟inscrit dans la lignée du Plan Nord et du Nord Pour Tous, programmes de développement des régions situées au nord du 49e parallèle, lancé par le gouvernement Charest et adapté par le gouvernement Marois. Ensuite, le projet de la Romaine concerne différents groupes de citoyens. Nous pensons notamment aux résidents de la Côte-Nord, et plus particulièrement à ceux de la Minganie, le barrage étant construit au nord de la municipalité de Havre-Saint-Pierre. Le projet concerne également les travailleurs de la construction, intéressés par les emplois au

(14)

2

chantier, les écologistes préoccupés par les impacts environnementaux du projet et tous les individus qui, de près ou de loin, sont intéressés par les politiques et les projets énergétiques du Québec. Or, comme il aurait été impossible d‟analyser efficacement la relation entre Hydro-Québec et tous ces groupes dans le cadre de ce projet, compte tenu de l‟ampleur de la tâche et du temps dont nous disposions, nous avons décidé de nous concentrer sur les communautés innues de la région. Loin d‟être un groupe homogène, les membres des communautés innues ont différentes préoccupations reliées à l‟environnement, à la création d‟emploi, mais aussi au respect de leurs droits territoriaux. De plus, dans l‟histoire du Québec, les Autochtones ont longtemps été mis à l‟écart des projets de développement et ont, souvent, subi les projets plutôt que d‟en bénéficier.

Hydro-Québec soutient que le projet s‟inscrit dans une démarche de développement durable, qu‟il est soutenu par les populations locales, qui profiteront « à long terme de la réalisation du projet ». Ainsi, selon la société d‟État, « [l]es ententes vont favoriser le développement économique, culturel et social des communautés d‟accueil » et permettront aux communautés de participer « à la construction et au suivi environnemental du projet » (Hydro-Québec, 2014, en ligne).

Notre recherche visera donc à analyser la participation des Innus à toutes les phases du projet, soit durant les études d‟impact en avant-projet, lors de la négociation des ententes sur les répercussions et avantages et, finalement, à l‟intérieur des sociétés conjointes, formées d‟Innus et de représentants d‟Hydro-Québec, et dont le mandat est de gérer les fonds octroyés par Hydro-Québec. Nous tenterons également de voir si le projet de la

Romaine favorise l‟empowerment1 des communautés innues, notamment par

l‟intermédiaire des emplois au chantier ou du financement de projets communautaires. Pour chacune des phases du projet, nous déterminerons les ressources de pouvoir qui ont facilité la participation des Innus et celles qui l‟ont freinée ou limitée. Ces ressources sont de nature matérielle, informationnelle et relationnelle (Lemieux, 2001) et seront expliquées en détail à la page 28. La participation des Innus sera ensuite évaluée à l‟aide de l‟échelle de participation citoyenne de Sherry Arnstein (1969).

(15)

3

Chapitre 1 : État de la question et cadre théorique

Des études sur la manière d‟impliquer les populations locales dans leur propre développement ont été réalisées un peu partout dans le monde, bien qu‟elles se concentrent davantage sur les pays en développement. La majorité d‟entre elles s‟inscrivent dans le cadre de la communication participative pour le développement et s‟intéressent à la manière dont la communication peut contribuer à résoudre des problèmes de développement économique ou social. À noter que ces études font souvent référence à des projets initiés par les gouvernements dans l‟optique que les populations locales se les approprient ou encore, à des projets qui sont le fruit d‟une initiative locale ou d‟une organisation non gouvernementale.

Il va de soi que les postulats de la communication participative pour le développement ne

peuvent être transposés tels quels dans un contexte où, le projet de développement, en l‟occurrence la construction d‟un barrage hydroélectrique, ne découle pas de la volonté locale, bien qu‟il puisse être désiré ou non selon les individus. La pertinence d‟avoir recours à cette théorie normative réside dans le fait que celle-ci traite de l‟intérêt d‟impliquer les populations à toutes les étapes d‟un projet de développement, soit la planification, la réalisation et l‟évaluation (Servaes 1996, 2002; Bessette 2004, 2007; Tufte et Mefalopulos 2009). Dans cette optique, le projet doit tenir compte du savoir-faire local. Ces postulats sur la dynamique de la communication participative se retrouvent dans les rapports officiels d‟Hydro-Québec, notamment en ce qui concerne son engagement à l‟égard des communautés innues de la région, dont le territoire sera touché par la construction du barrage de la Romaine. Par ailleurs, comme la construction du barrage n‟est pas une initiative locale, cette analyse ne serait pas complète si elle ne s‟intéressait pas aux ressources qu‟ont les communautés innues au moment de leurs négociations et de leurs échanges avec la société d‟État.

Avant d‟aborder le cadre théorique de la communication participative pour le développement, nous nous intéresserons à la théorie de l‟agir communicationnel d‟Habermas (1984, 1987). En effet, nous verrons que ces deux théories sont étroitement liées, tel qu‟avancé par Jacobson (2004).

(16)

4

1.1 Habermas et la théorie de l’agir communicationnel

Dans sa théorie de l‟agir communicationnel, Habermas (1987) définit la situation de communication idéale en fonction de deux groupes de facteurs. Le premier groupe concerne la « validité » du discours, qui est évaluée en fonction de l‟intelligibilité du message, de sa véracité, de la sincérité du communicateur et de la légitimité du discours. L‟intelligibilité du message consiste par exemple à utiliser les règles grammaticales appropriées de manière à ce que l‟interlocuteur comprenne bien le sens du message. La véracité quant à elle, découle du caractère vérifiable et exact des faits mentionnés, tandis que la sincérité fait référence à l‟honnêteté du communicateur, qui ne peut pas toujours se vérifier dans son discours, mais plutôt dans les gestes concrets qui suivent ses paroles. Finalement, la légitimité consiste, pour les interlocuteurs, à agir en accord avec des valeurs et des normes mutuellement acceptées (Burkart, 2009 : 146-147).

Le second groupe de facteurs nécessaires à une situation de communication idéale nous intéresse plus particulièrement. D‟abord, il implique une distribution égale du temps de parole à tous les individus impliqués dans un dialogue. Ensuite, chaque individu doit être libre d‟exposer son point de vue et ses besoins, et ceux-ci doivent recevoir la même considération, peu importe par qui ils sont émis (Jacobson, 2004 : 10). L‟agir communicationnel fait référence, pour un individu, au fait de se sentir libre de participer à une discussion ou à un débat et d‟avoir l‟impression d‟être écouté (Jacobson, 2004 : 17-18). Le lien entre la théorie de l‟agir communicationnel d‟Habermas et la communication participative pour le développement a été avancé, notamment par Jacobson (2004). Ainsi, la communication participative place les individus ou les citoyens, en opposition aux décideurs, au centre des échanges, ceux-ci étant encouragés à exprimer leurs besoins, leurs solutions, etc. La théorie de l‟agir communicationnel, de la même façon, postule que tous les acteurs devraient avoir un droit de parole et que leurs propos devraient être traités avec la même considération, peu importe leur statut social. Habermas reconnaît que des intérêts différents peuvent mener à des conflits et soutient que ceux-ci doivent être résolus à travers la négociation et la recherche de compromis. Toutefois, il admet qu‟aucun compromis juste

(17)

5 ne peut être atteint lorsque tous les partis impliqués ne bénéficient pas de la même position de pouvoir (Traduction libre, Habermas, 1985 : 243, cité dans Burkart, 2009 : 149).

Comme notre recherche porte sur un projet de développement économique, analysé d‟un point de vue communicationnel, la section suivante abordera l‟historique de la communication pour le développement. Nous verrons donc de quelle façon les décideurs présentent les projets de développement aux populations locales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu‟à nos jours.

1.2 La communication pour le développement

La communication pour le développement puise à différentes disciplines des sciences sociales. Elle s‟inspire notamment de repères théoriques provenant des sciences politiques, de la sociologie, des sciences de l‟éducation, du travail social, de la psychologie, etc. (Melkote et Steeves, 2001 : 41) De ce fait, et comme la plupart des disciplines des sciences sociales, la communication pour le développement est constituée de différents paradigmes, qui se côtoient sans toutefois s‟annuler les uns les autres (Servaes, 2002 : 7). Ainsi, pour chaque période, on remarque une conception dominante et une conception alternative du développement, qui à leur tour, sont subdivisées en différents courants de pensées (Servaes, 2002 : 7). Si de nos jours la communication participative pour le développement semble faire l‟unanimité parmi les chercheurs, les ONG et les acteurs gouvernementaux, il n‟en demeure pas moins que certains projets mis en place encore aujourd‟hui s‟inspirent davantage du paradigme de la modernisation, c‟est-à-dire qu‟ils sont le fruit d‟une démarche paternaliste qui fait fi de la volonté et des aspirations des communautés locales. Nous verrons dans la prochaine section l‟évolution historique de la communication pour le développement, qui, contrairement à la communication au sens large, ne se définit pas seulement comme un échange de messages, mais plutôt comme une communication qui permet aux gens de s‟émanciper, de déterminer leur propre futur (traduction libre, Melkote et Steeves, 2001 : 39).

(18)

6

1.2.1 Paradigme de la modernisation

Le paradigme de la modernisation a pris naissance peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, alors sous la présidence de Harry Truman, lancent un plan de reconstruction de l‟Europe, connu sous le nom de Marshall Plan. L‟ouvrage de Melkote et Steeves (2001 : 51-52) nous apprend qu‟il s‟agit du premier et du plus important programme gouvernemental d‟assistance étrangère. En plus de l‟aide humanitaire, cette campagne a pour objectif de rebâtir les marchés européens pour lesquels les biens américains étaient destinés et d‟aider l‟Europe de l‟Est à résister aux pressions soviétiques. Cette approche donne naissance plus tard au Four Point Program qui, s‟inspirant du Marshall Plan, est un programme destiné aux pays en voie de développement. À travers ce programme, les États-Unis, alors principaux bailleurs de fonds des Nations unies, cherchent à étendre leur influence et leur modèle politique au reste du monde. Pour le président Truman, la prospérité est attribuable à une plus grande production, laquelle est possible grâce à une plus grande application du savoir scientifique (traduction libre, Melkote et Steeves, 2001 : 51-52).

Ainsi, selon le paradigme de la modernisation, le développement désigne la croissance économique, le nombre d‟infrastructures et la consommation de masse. Les individus des pays en développement sont vus comme des bénéficiaires qui n‟ont pas les ressources nécessaires pour se développer par eux-mêmes, car leurs croyances et leurs attitudes traditionnalistes les empêchent d‟accéder à la modernité : « Traditional personalities, characterized by authoritarianism, low self-esteem, and resistance to innovation, were diametrically different from modern personalities and, consequently, anti-development » (Waisbord, 2001 : 3). On considère que les populations sont responsables de leur condition et qu‟elles doivent imiter les pays occidentaux pour accéder au développement. Celui-ci est perçu de façon quantitative et représente l‟écart entre les pays pauvres et les pays riches en termes de revenus, d‟épargnes et d‟investissements, par exemple (Servaes, 2002 : 19). Les tenants du paradigme de la modernisation perçoivent le développement comme un processus spontané, inévitable, qui touche chaque société, à différentes périodes (Servaes, 2002 : 19). Ainsi, dans son ouvrage intitulé The Stages of Economic Growth: A Non-Communist Manifesto (1960), Walter Rostow identifie et caractérise les cinq étapes par

(19)

7 lesquelles les sociétés passent d‟une économie traditionnelle à une économie industrielle et moderne : la société traditionnelle, les conditions préalables au décollage (preconditions for take-off), le décollage (take-off), la phase de maturité (drive to maturity) et l‟ère de la consommation de masse, qui est l‟aboutissement ultime du développement (Melkote et Steeves, 2001 : 84; Servaes, 2002 : 21).

1.2.2 Le rôle de la communication dans le paradigme de la modernisation

Puisque le développement est considéré comme un problème d‟information, de connaissances et d‟attitudes, la communication est envisagée comme un outil privilégié pour y accéder (Waisbord, 2001 : 3). Ainsi, les médias de masse deviennent non seulement des outils pour « moderniser » les communautés en leur présentant de nouvelles idées et attitudes (Melkote et Steeves, 2001: 115), mais aussi des indicateurs de modernité; c'est-à-dire que plus un pays possède de médias, plus il est considéré comme développé (Mefalopulos, 2003 : 23). Deux auteurs se sont particulièrement démarqués dans ce courant de pensée : Daniel Lerner (1958) et Wilbur Schramm (1964).

Dans son ouvrage The Passing of Traditional Society (1958), Lerner élabore sa conception de la modernité autour du concept d‟empathie, qui est défini par la capacité des gens de se mettre à la place d‟autrui ou de s‟imaginer exercer un autre rôle dans la société. Selon lui, les gens empathiques sont à la fois le produit et la condition d‟une société moderne, société qu‟il définit comme étant urbaine, lettrée et participante (Lerner, 1958 : 50, cité dans Servaes, 2002 : 25). Lerner soutient que les personnes empathiques sont plus mobiles, ont une meilleure capacité à s‟adapter au changement, sont plus orientées vers l‟avenir et plus rationnelles que les personnes issues des sociétés traditionnelles (Lerner, 1958 : 50, cité dans Servaes, 2002 : 25). De plus, selon lui, la mobilité et l‟urbanisation ont pour effet d‟augmenter le taux d‟alphabétisation qui, à son tour, stimule la participation économique et politique (Lerner, 1958 : 50, cité dans Servaes, 2002 : 25). Finalement, il souligne le lien étroit qui unit l‟alphabétisation et les médias de masse : les gens qui savent lire et écrire produisent les médias de masse, et ces derniers encouragent l‟alphabétisation des individus analphabètes (Lerner, 1958 cité dans Melkote et Steeves, 2001: 115).

(20)

8

Dans son ouvrage intitulé Mass Media and National Development (1964), Wilbur Schramm réaffirme l‟hypothèse de Lerner selon laquelle les médias de masse contribuent à « moderniser » les individus issus des sociétés traditionnelles, en amplifiant les canaux institutionnels tels que les écoles et les industries. Il ajoute toutefois que, dans les pays en voie de développement, les médias de masse devraient être jumelés à des activités de communication interpersonnelle pour être plus efficaces. Selon lui, les médias de masse jouent le rôle de chiens de garde, influencent les politiques publiques et enseignent le changement et la modernité (Schramm, 1964: 263, cité dans Servaes, 2002 : 25). Cette conception de la communication s‟inspire du modèle de l‟émetteur-récepteur de Shannon et Weaver. Il s‟agit d‟une communication unidirectionnelle et top-down, axée sur la persuasion et la transmission d‟information du Nord vers le Sud (Bessette, 1996 : 12). On tient pour acquis que les médias ont des effets directs et puissants sur les individus, comme le soutiennent les modèles de la seringue hypodermique et des « bullet theories » (Mefalopulos, 2003 : 23). Le récepteur est considéré comme passif et influençable. Même si les effets puissants et directs des médias de masse ont été remis en question en Amérique du Nord, cette approche continue d‟être adoptée dans les pays en voie de développement où on les utilise pour leur fort potentiel de dissémination, de transformation sociale et de mobilisation (Melkote et Steeves, 2001 : 118).

Outre les médias de masse, le marketing social et l‟entertainment-education sont deux autres moyens de communication compatibles avec le paradigme de la modernisation : les deux approches sont top-down et linéaires et visent un changement de comportement (Waisbord, 2001 : 12). Ainsi, le marketing social vise à faciliter l‟acceptabilité sociale d‟idées, de valeurs ou de comportements dans le but d‟améliorer la vie des récepteurs. Par exemple, on utilise le marketing social dans des campagnes de prévention du sida et pour encourager le planning familial. Ce mode de communication, apparu dans les années 1970, fait appel aux mêmes concepts employés en marketing commercial, soit l‟étude de marché, la segmentation de l‟audience et le développement de produit (Melkote et Steeves, 2001 : 127-128).

(21)

9 De son côté, l‟entertainment-education (ou edutainment) a pris naissance avec le courant de pensée des uses and gratifications. Selon cette théorie de la communication, les récepteurs ne sont pas des êtres passifs qui subissent les messages envoyés par les médias, mais plutôt des agents actifs, qui sélectionnent les messages en fonction de leurs intérêts et de leurs besoins, par exemple un besoin d‟information, de divertissement, ou de détente (Melkote et Steeves, 2001 : 139). L‟entertainment-education consiste à intégrer du contenu éducatif dans des émissions de divertissement à la télévision ou à la radio (Melkote et Steeves, 2001 : 139). Ce moyen de communication est susceptible de changer les comportements indésirables en éveillant les consciences des spectateurs et en mettant à l‟ordre du jour des sujets d‟intérêt public (agenda-setting). Finalement, l‟entertainment-education met en scène des personnages qui font office de modèles positifs auxquels le public peut s‟identifier (Melkote et Steeves, 2001 : 141), ce qui rejoint la théorie de l‟apprentissage social du psychologue canadien Albert Bandura, dans son ouvrage Social Learning and Personality (1963). Nous ne nous attarderons pas plus longuement sur le marketing social et sur l‟entertainment-education, car il n‟en n‟est pas question dans ce projet de recherche.

1.2.3 L’approche diffusionniste

La théorie de la diffusion des innovations élaborée par Everett Rogers est l‟une des théories les plus influentes du paradigme de la modernisation (Waisbord, 2001 : 4). Dans ses premiers ouvrages, Rogers définit la communication pour le développement comme un : « process by which an idea is transferred from a source to a receiver with the intent to change his behavior » (Rogers, 1962, cité dans Waisbord, 2001 : 4). Dans leur ouvrage r z t s ts : the Impact of Communication, Rogers et Svenning (1969) soutiennent que les valeurs paysannes sont un obstacle à l‟adoption des innovations et identifient dix éléments qui caractérisent la sous-culture paysanne et qui, selon eux, l‟empêchent de se moderniser : le manque de confiance dans les relations interpersonnelles, la perception que les biens et les ressources sont limitées, la dépendance et l‟hostilité envers le gouvernement, le fait de faire passer les objectifs de sa famille avant les siens, le manque d‟innovation et la peur du changement, le fatalisme, les aspirations limitées, le désir de satisfaction immédiate, une vision du monde limitée géographiquement et un faible taux

(22)

10

d‟empathie, qui empêche de s‟imaginer dans des situations nouvelles (Rogers et Svenning, 1969, cité dans Melkote et Steeves, 2001 : 90).

Le modèle diffusionniste s‟inscrit dans le paradigme de la modernisation au sens où il implique une communication « top-down » et unidirectionnelle. De plus, il entretient une logique paternaliste en assumant que les innovations doivent provenir des spécialistes et ensuite être implantés dans les communautés (Inagaki, 2007 : 6). Rogers distingue cinq phases à l‟adoption des innovations : « awarness, interest, evaluation, trial, and adoption » (Rogers, 1962 : 99, cité dans Servaes, 2002 : 24). Le rôle des médias de masse est concentré durant le premier stade du processus, car ils servent à faire connaître l‟innovation auprès des paysans et à susciter leur intérêt. Après avoir été critiqué, Rogers adapte la théorie de la diffusion pour qu‟elle tienne davantage compte de l‟importance de la communication interpersonnelle dans l‟adoption des innovations. Cette adaptation s‟inspire de la théorie du two-step flow communication (Katz and Lazarsfeld, 1955) qui souligne l‟importance des interactions sociales pour transformer les opinions et les comportements (Waisbord, 2001 : 4-5). Ainsi, on reconnaît maintenant l‟importance des leaders d‟opinion, soit des individus qui, plus que les médias de masse, ont le pouvoir d‟influencer directement les décisions et l‟opinion des gens de leur entourage. On commence ainsi à reconnaître l‟importance du contexte culturel de la communication pour le développement, même si celle-ci demeure verticale, c‟est-à-dire des spécialistes et des décideurs vers les communautés locales.

1.2.4 Théorie de la dépendance

La théorie de la dépendance est l‟une des plus grandes critiques du paradigme de la modernisation et des approches diffusionnistes. Selon cette conception, les problèmes de développement ne proviendraient pas de facteurs internes, mais bien de facteurs externes. Ainsi, les problèmes de développement seraient la conséquence de la distribution inégale des ressources, causée par le capitalisme occidental. Pour la première fois, on postule que les problèmes de développement sont attribuables non pas à un manque d‟information, mais bien à des facteurs politiques et structurels (Hornik, 1998, cité dans Waisbord, 2001: 16). Selon cette théorie, les pays en développement seraient culturellement et politiquement

(23)

11 dépendants des pays occidentaux, et plus particulièrement des États-Unis (Waisbord, 2001 : 16). À la suite de critiques formulées à leur égard, les tenants de la théorie de la dépendance ont adopté une approche plus holistique et ont admis que les pays en développement souffraient aussi de problèmes internes qui les empêchaient de se développer (Mefalopulos, 2003 : 29).

1.2.5 La théorie de la communication participative pour le développement

Les critiques du paradigme de la modernisation ont reproché aux gouvernements et aux organismes d‟implanter des programmes de développement sans tenir compte du contexte culturel des communautés et sans impliquer les populations à la définition et à la résolution de leurs problèmes. Le savoir des experts internationaux était beaucoup plus valorisé que le savoir local et indigène. Toutefois, peu à peu, la conception du développement commence à se transformer : « Experts learnt that development was not restricted to just building roads, piping water, and distributing electricity » (Waisbord, 2001 : 18). On considère alors que le développement est multidimensionnel et que chaque société doit le définir selon ses valeurs, sa culture, ses forces et ses ressources. Le caractère endogène du développement prend alors beaucoup d‟importance (Servaes, 2002; Bessette, 1996) et amène les experts et les agents de développement à davantage inclure les populations locales dans la prise de décisions les concernant. Cette prise de conscience favorise l‟émergence de la communication participative pour le développement, qui diffère de l‟approche propagandiste et béhavioriste adoptée dans le paradigme de la modernisation.

Paolo Freire, un pédagogue brésilien, est l‟un des auteurs les plus influents de la théorie de la communication participative. Freire fait office de précurseur en considérant la communication, non plus comme une simple transmission d‟information, mais bien comme un dialogue, en mettant l‟accent sur la participation (Waisbord, 2001 : 18). Selon lui, l‟objectif principal de la communication devrait être la conscientisation, qu‟il définit comme le dialogue ouvert axé sur l‟identité culturelle, la confiance et l‟engagement (Waisbord, 2001 : 18). Au lieu des médias de masse, on privilégie certains types de médias pour favoriser le dialogue, notamment le théâtre, la radio et la vidéo. Les nouvelles technologies, incluant les médias sociaux, s‟inscrivent également dans cette lignée. Dans

(24)

12

cette optique, le rôle du chercheur ou de l‟agent de développement est de faciliter le dialogue et non plus de transmettre des connaissances. Il peut notamment aider les communautés à définir et à opérationnaliser leurs besoins, à identifier leurs ressources, à définir des solutions, à développer leurs habiletés communicationnelles et à renforcer leur capacité d‟organisation et de leadership (Melkote, dans Wilkins, 1999 : 49).

1.2.6 Définition du concept d’empowerment

La théorie de la communication participative pour le développement met l‟accent sur l‟empowerment des communautés locales, celles-ci devant être impliquées à toutes les étapes d‟un projet :

Communities should be encouraged to participate in decision-making, implementation, and evaluation of projects. This would give a sense of involvement in their lives and communities, and provide them with a sense of ownership and skills that they can use beyond the timetable of development projects (Kavinya, Alam & Decock 1994, cité dans Waisbord 2001 : 21).

L‟empowerment est le fait que les gens exercent un plus grand contrôle sur les décisions qui affectent leur vie (Freire 1996, Chambers 1997, Melkote, 2000 : 45, cités dans Mefalopulos, 2003 : 45). Ce contrôle peut s‟exercer sur le plan économique, social ou politique (UNDP Annual Report, 1993 : 21, cité dans Mefalopulos, 2003 : 43). L‟empowerment implique aussi un renforcement des capacités, par la formation et l‟éducation (Narayan, 2005, cité dans Tufte et Mefalopulos, 2009 : 4). Il permet aux gens de se définir, de construire leur identité (Melkote, 2000 : 45, cité dans Mefalopulos, 2003 : 45-46). L‟empowerment se retrouve sur le plan individuel, interpersonnel et communautaire (Parsons et al. 1998, cités dans Mefalopulos, 2003 : 48). Au plan individuel, il implique une bonne estime de soi et la confiance en ses capacités. Au plan interpersonnel, l‟empowerment suppose de savoir fixer ses limites, de s‟affirmer et d‟avoir un esprit critique. Finalement, une communauté qui fait preuve d‟empowerment se caractérise par la participation active de ses membres aux décisions politiques et sociales qui les concernent. Pour les auteurs, cette dimension est la plus importante, toutefois, ce niveau est impossible à atteindre sans avoir préalablement atteint les deux niveaux précédents, soit

(25)

13 l‟empowerment individuel et interpersonnel (Parsons et al. 1998, cités dans Mefalopulos, 2003 : 48-49). L‟empowerment est aussi le fait de réaliser son potentiel et d‟aider les autres à découvrir le leur (Mefalopulos, 2003 : 50-51).

La communication, et le dialogue sont des outils pour créer un effet d‟empowerment. Ce concept est fortement lié à celui de pouvoir, en ce sens qu‟il implique de se libérer de certaines structures et relations de domination (Freire 1996, cité dans Mefalopulos 2003 : 46). Par ailleurs, l‟empowerment d‟une communauté implique en quelque sorte le « desempowerment » de ceux qui exercent un pouvoir à son égard, que ce soit une organisation ou l‟État. Selon Mefalopulos (2003 : 48), le fait de concéder une partie de son pouvoir serait une opération encore plus difficile que celle de le conquérir.

1.2.7 Définition du concept de participation

La participation, quant à elle, peut être de plusieurs natures et ne se limiterait pas à l‟information, ni même à la consultation (Bessette, 2004; Arnstein, 1969; 2006; Tufte et Mefalopulos, 2009). En effet, l‟information juste et vraie constitue un premier pas vers l‟implication des populations locales dans un projet de développement, de même que la consultation. Toutefois, si on se limite à cette seule étape, rien ne garantit que les recommandations des citoyens seront prises en compte. (Arnstein, 1969; 2006) Mefalopulos utilise le terme d‟empowerment participation pour désigner la participation à son plus haut degré, la véritable participation (Mefalopulos, 2003 : 98-99). Cette forme de participation privilégie le dialogue entre partenaires égaux, l‟échange d‟expériences et de connaissances pour résoudre les conflits. La participation est directement liée aux ressources de pouvoir que possèdent les acteurs. Ainsi, la véritable participation requiert des ressources humaines, financières et techniques, et le pouvoir d‟en disposer de façon indépendante :

Le partenariat a plus de chances de fonctionner lorsqu’il existe une base puissante et organisée dans la communauté, à laquelle les leaders des citoyens doivent rendre des comptes ; lorsque le groupe de citoyens bénéficie des ressources financières suffisantes pour rémunérer correctement les leaders pour leurs efforts et le temps consacré ; et lorsque le groupe possède suffisamment de ressources pour embaucher (et congédier) ses techniciens, ses avocats et organisateurs pour la communauté. Lorsque ces conditions sont réunies, les citoyens peuvent

(26)

14

exercer une réelle influence sur l’issue du projet lors des négociations (dans la mesure il est dans l’intérêt des deux parties de maintenir le partenariat). (Arnstein, 2006 : 14)

Nous aborderons plus en détails la définition de la participation citoyenne selon Sherry Arnstein dans le chapitre 2, qui traite de la méthodologie (p. 14).

1.2.8 Conditions et limites de la communication participative

Plusieurs auteurs ont défini les conditions nécessaires à la communication participative. D‟abord, ce type de communication doit s‟inscrire dans un projet flexible, notamment en termes de temps. En effet, instaurer le réflexe et la volonté de participer chez des gens qui n‟en ont pas l‟habitude requiert temps et patience, de même qu‟un budget et un plan de travail souples (Tufte et Mefalopulos, 2009; Yoon, 1996 dans Bessette, 1996). De plus, le projet doit s‟inscrire dans un cadre politique qui permet une communication ouverte et transparente. Il va de soi qu‟un régime autoritaire rend difficile la participation des communautés au processus décisionnel (Tufte et Mefalopulos, 2009; Yoon, 1996 dans Bessette, 1996). L‟intégration des populations locales au sein d‟un projet implique aussi que celles-ci ou leurs représentants possèdent des compétences de base, notamment en organisation et en gestion de projet. C‟est pourquoi un grand pan de la communication participative est axé sur l‟éducation des adultes, une éducation parfois informelle, qui vise l‟acquisition de certaines compétences élémentaires. Comme ce modèle de développement repose en grande partie sur le dialogue, il est nécessaire qu‟il y ait une confiance mutuelle entre les diverses parties prenantes. De la même façon, un haut degré d‟empathie est requis, plus particulièrement de la part des intervenants possédant un plus grand pouvoir, qu‟il soit financier, politique ou moral. De plus, ce type de communication nécessite une bonne familiarité avec la culture locale. Les auteurs évoquent aussi les difficultés techniques et politiques associées à un processus décisionnel incluant un grand nombre de personnes, de même que les problèmes résultant d‟une participation « tardive » des membres d‟une communauté et d‟une apparence de participation. Finalement, ils reconnaissent le risque de considérer une communauté comme un groupe homogène de personnes et de ne pas tenir compte des relations de pouvoir, des divergences d‟opinion entre les membres (Tufte et Mefalopulos, 2009; Yoon, 1996 dans Bessette 1996). Ils mentionnent également le coût qu‟implique « la participation » pour les individus d‟une communauté :

(27)

15 On néglige bien souvent le prix que les gens doivent payer pour prendre part aux mécanismes participatifs. On présume que le villageois n’a rien de mieux à faire. Il y a un coût de renonciation pour chaque heure consacrée à la « participation », c’est-à-dire que le villageois peut avoir renoncé à une activité qui aurait été plus productive, dans l’éventualité où le mécanisme de participation ne donne pas lieu à des retombées positives, à court ou à long terme. (Yoon, 1996 dans Bessette 1996 : 44-45).

L‟auteur soutient que l‟efficacité des mécanismes de communication participative dépend aussi des qualités personnelles des individus impliqués, par exemple le charisme, de même que des caractéristiques de la communauté en question (Chin Saik Yoon, dans Bessette 1996 : 57). Finalement, Chin Saik Yoon (1996) souligne que le secteur privé, en offrant des emplois bien rémunérés et des avantages financiers, exercent souvent beaucoup d‟influence sur les mécanismes de participation dans une communauté. En effet :

Il arrive souvent, par exemple, que des sociétés forestières offrent des emplois très bien rémunérés à des dirigeants communautaires dans des endroits devant être exploités, pour s’assurer de la collaboration des collectivités qui y vivent. Les personnes qui voudraient s’opposer à ces sociétés devraient tout d’abord affronter les conséquences d’un conflit avec leurs propres dirigeants (Chin Saik Yoon, dans Bessette 1996 : 58).

1.2.9 La notion de pouvoir en communication participative pour le développement De nombreux auteurs se sont intéressés à la notion de pouvoir dans le contexte de la communication participative pour le développement. L‟ouvrage collectif Redeveloping Communication for social change: Theory, practice and power (1999), édité par Karin Gwinn Wilkins, en fait même son principal thème. Certains auteurs (Servaes 2002; Melkote, Waters, Wilkins, dans Wilkins 1999) utilisent la définition du pouvoir de Foucault (1980) selon laquelle le pouvoir réside dans le discours qui permet de définir la réalité, pour illustrer les relations de pouvoir dans la communication participative pour le développement. Ainsi, le discours institutionnel sur le développement définit le contexte dans lequel les problèmes et les solutions sont discutés (Wilkins 1999 : 198). À travers leur discours, soit les rapports, les études ou les documents promotionnels, les institutions perpétuent certaines idéologies, justifient leurs actions: « The categories constructed through development discourse not only shape problems and those perceived to suffer from those problems, but also legitimize appropriate solutions (Rakow, 1989; Schön,

(28)

16

1979) » (Wilkins 1999 : 199). Ainsi, la communication pour le développement serait donc une intervention créée et justifiée par le discours institutionnel (Wilkins 1999 : 207). Bien que les institutions disposent de la plus grande partie du pouvoir, les communautés, incluant les Autochtones, disposent toutefois d‟une certaine capacité de résistance. Dans son ouvrage En part r t v c l’Ét t : L s xpér c s c st s Aut cht s u Canada, Rodon (2003) s‟est intéressé aux relations de pouvoir entre les Autochtones et l‟État canadien. L‟auteur en vient à la conclusion que les institutions de cogestion des ressources renouvelables au Canada ne peuvent pas donner de pouvoir aux Autochtones, « car elles ne remettent pas en cause la structuration du pouvoir qui établit la domination de l‟État dans les sociétés occidentales » (p. 53). Pour l‟auteur, les Autochtones disposent uniquement d‟un pouvoir de résistance et de remise en question. Cette capacité de résistance peut prendre la forme de conflits ouverts, comme la crise d‟Oka en 1990 au Québec, ou les barrages routiers pour s‟opposer à l‟exploitation des ressources naturelles sur leur territoire (p. 45). De plus, Rodon utilise la conception de la vérité selon Foucault (1980) pour illustrer la prédominance des connaissances scientifiques sur le savoir traditionnel, ce qui fait pencher la balance du pouvoir du côté des institutions, car ce sont elles qui définissent la réalité, les problèmes et les solutions en fonction de données scientifiques Ainsi, « [d]ans ce cadre, le pouvoir se traduit par la capacité d‟imposer sa définition de la société et de la nature aux autres acteurs » (p. 41).

Nous irons plus loin en ajoutant qu‟en plus des connaissances scientifiques provenant de différents experts, les institutions bénéficient également de budgets et de ressources pharamineuses à investir dans leurs activités de communication, que ce soit la production de rapports, de bilans ou de documents promotionnels et informatifs, qui permettent à ces acteurs d‟imposer leur discours, leur définition de la réalité. L‟intérêt d‟étudier la relation entre une institution et les communautés locales d‟un point de vue communicationnel découle du déséquilibre des ressources lorsque vient le temps d‟imposer sa conception de la réalité (Foucault, 1980). Ainsi, si Hydro-Québec dispose de conseillers en communication qui veillent à orienter le discours de la société d‟État pour qu‟il soit cohérent, tant lors de sorties médiatiques, d‟activités de relations publiques que de la

(29)

17 promotion de ses projets, ce n‟est pas le cas des Innus, dont la capacité d‟imposer leur discours sur la réalité nous apparaît beaucoup moins importante. Cela est attribuable notamment à une absence de consensus entre les différentes communautés et à une absence de plan ou de stratégie de communication globale. Seules quelques manifestations et évènements ont attiré l‟attention médiatique, le reste des échanges se faisant en vase clos au moment des négociations.

1.3 Les rapports de pouvoir entre les Autochtones et l’État dans le

cadre du développement hydroélectrique québécois

Selon Savard (2009), nous assistons à une « stabilisation » des rapports de force entre les Autochtones, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec. Ainsi, les Autochtones « savent tirer profit de leur position géographique avantageuse – proximité, territoire ancestral directement touché – pour influencer et intégrer la planification et la réalisation de la plupart des projets hydroélectriques de cette période » (p. 55). Pour Charest (2008), après avoir passé par les stades d‟ignorance et de silence, d‟opposition, de confrontation et de réconciliation, la relation entre Hydro-Québec et les Innus est maintenant dans une phase d‟accords et de partenariats. Toutefois, ces partenariats seraient davantage économiques, car négociés avec Hydro-Québec seulement. Pour les Innus, un réel partenariat impliquerait également les gouvernements du Québec et du Canada, pour un accord « de nation à nation », qui tiendrait compte des droits territoriaux, une question encore non résolue (p. 276-277). Savard (2009) abonde dans le même sens et déplore la mise en place de partenariats strictement économiques qui font fi de la question des droits territoriaux :

Le traité qui tarde à venir avec l’ensemble du peuple innu illustre, selon nous, la nouvelle dynamique au sein du rapport de force État/Autochtones : si les communautés locales peuvent désormais aspirer à la coopération « économique » d’égal à égal avec l’État et les autres communautés pour entreprendre le développement hydroélectrique « durable » de leurs territoires, il semble toutefois qu’il soit toujours difficile d’entretenir un rapport de force équitable avec l’État lorsque les négociations touchent l’ensemble des revendications territoriales dans une entente globale et politique. Comme le souligne Charest, la division interne de ces communautés, qui en 1994 ont vu vécu [sic] l’éclatement du CAM2, donne un avantage à

2

« Le Conseil attikamek-montagnais, fondé à Grandes Bergeronnes, constitue le premier regroupement permanent de bandes amérindiennes du Québec », selon Pierre Frenette, « Création du Conseil attikamek montagnais ». In Bilan du siècle [En ligne] http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/2 0745.html (page consultée le 23 avril 2014)

(30)

18

Québec et aux responsables politiques, ce qui favorise la signature de partenariats « économiques » et non politiques (Charest 2008 : 261-262 et 276), contrairement à la nation crie, par exemple. Gageons aussi que certains projets hydroélectriques, comme celui de La Romaine aujourd’hui en chantier, augmentent à leur tour le degré de complexification des négociations et peuvent ainsi devenir un facteur de division entre les communautés autochtones directement touchées par le projet et les autres qui en sont exclues. L’État québécois et ses dirigeants politiques semblent pour l’instant tirer profit de ces divisions, comme si l’adage « diviser pour mieux régner » devenait plutôt « diviser pour mieux développer » l’hydroélectricité (Savard, 2009 : 57).

Charest soutient qu‟Hydro-Québec a profité de la division des communautés innues, de leur manque de cohésion politique et de l‟absence de traité régissant leurs droits territoriaux pour adopter un style de négociations « projet par projet », sans démontrer de vision à long terme (p. 277-278). Selon lui, les Innus ne participent pas à la prise de décisions politiques et économiques concernant le développement de leur territoire et de leurs ressources en fonction de leurs besoins et de leurs priorités (p. 278). L‟auteur déplore qu‟Hydro-Québec choisisse ses projets selon ses propres critères et objectifs. Selon lui, le gouvernement a son mot à dire, mais celui-ci est plus intéressé par les redevances qu‟il touchera grâce au développement et à l‟exportation de l‟hydroélectricité, si bien qu‟il n‟est pas nécessairement l‟allié des Autochtones. Ceux-ci, bien qu‟ils puissent parfois modifier quelques paramètres d‟un projet ou le retarder, ont très rarement le pouvoir de l‟arrêter (p. 278). En conséquence, une des stratégies qui s‟offre aux Innus est de maximiser leurs compensations financières et leur part d‟emplois et de contrats lors des négociations, de façon à accumuler du capital financier, à créer leurs propres entreprises et à pouvoir investir dans des projets profitables (traduction libre, Picard 2004, cité dans Charest, 2008 : 277). Les négociations entre les Innus et Hydro-Québec se sont poursuivies après la publication de l‟article de Charest. Les évènements nous ont montré qu‟en plus de se dérouler sur une base « projet par projet », celles-ci ont été faites « communauté par communauté », c‟est-à-dire que chaque communauté innue a négocié une Entente sur les Répercussions et Avantages (ERA) séparément avec Hydro-Québec. Hydro-Québec affirme qu‟après de nombreuses tentatives de dialogue avec les différents regroupements politiques innus, le gouvernement a tranché en faveur d‟une négociation séparée avec chacune des communautés considérées comme impactées par le barrage de la Romaine. La section portant sur l‟analyse des données nous permettra de constater les divisions politiques entre

(31)

19 les communautés innues, qui ont mené à plusieurs fusions et éclatements de leurs regroupements au moment des négociations avec Hydro-Québec. Dans son étude, Savard (2009 : 58) « suggère […] la présence de plusieurs rapports de force » entre les Autochtones et l‟État québécois et invite ses collègues chercheurs à en « analyser la composition de plus près », notamment pour le projet hydroélectrique de la Romaine. Notre travail de recherche se veut donc une réponse à cette invitation.

1.4 Objectif de recherche

Cette recherche vise d‟abord à évaluer dans quelle mesure la communication entre Hydro-Québec et les communautés innues dans le cadre du projet de la Romaine satisfait les critères de la communication participative pour le développement. Pour y arriver, nous analyserons la dynamique de communication entre les Innus, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec lors des différentes phases du projet, à savoir lors des études d‟impact en avant-projet, lors des négociations pour la signature des Ententes sur les répercussions et avantages (ERA) et, finalement, lors des échanges à l‟intérieur des sociétés conjointes qui gèrent les fonds attribués par Hydro-Québec. Pour chacune de ces étapes, nous identifierons les ressources de pouvoir et les autres facteurs qui facilitent la participation des Innus ou qui freinent ou limitent cette participation. Ainsi, nous chercherons à savoir de quelles ressources et de quelles compétences les Innus disposent lors de leurs interactions avec les acteurs gouvernementaux. Enfin, nous tenterons de savoir si leur participation au projet est freinée par des problèmes de communication. La participation des Innus à chacune des phases sera analysée en fonction de l'échelle de participation citoyenne de Sherry Arnstein. Finalement, nous tenterons de déterminer si le projet de la Romaine a un effet d‟empowerment chez les Innus, et, si oui, dans quelle mesure.

(32)
(33)

21

Chapitre 2 : Méthodologie

Ce chapitre traitera de la méthodologie utilisée pour faire la collecte des données nécessaires à l‟atteinte des objectifs de la recherche, lesquels sont mentionnés précédemment. Il sera question de la démarche utilisée, du choix des informateurs et des limites associées à ce choix, de même que du recours aux entrevues semi-dirigées et des limites de ce mode de collecte de données. Nous verrons ensuite comment sera effectuée l‟analyse des données.

2.1 Démarche ethnographique

Notre projet se veut d‟abord une tribune permettant aux Innus de revenir sur leur expérience de consultations, de négociations et de discussions dans le cadre du projet de la Romaine. Nous voulions également donner la parole aux employés d‟Hydro-Québec qui, dans le cadre de leurs fonctions, ont été amenés à échanger avec les Innus. À noter que nous cherchions leur point de vue en tant qu‟individu et non pas un point de vue institutionnel, lequel est facilement accessible via les nombreux rapports et bilans officiels de la société d‟État. Nous avons collecté nos données et les avons analysées en adoptant une démarche ethnographique. Selon Beaud et Weber (2003 : 8), « [l‟] ethnographie a pour vocation originaire de rendre la parole aux humbles, à ceux qui par définition n‟ont jamais la parole ».

Dans une enquête ethnographique, les informateurs sont choisis parce qu‟ils se connaissent, ont déjà interagi :

« La condition fondamentale pour qu‟il s‟agisse d‟une enquête ethnographique : il faut enquêter sur un milieu d‟interconnaissance, il faut que vos enquêtés soient en relation les uns avec les autres et non pas choisis sur des critères abstraits. Dans le cas contraire, vous faites des entretiens ou des observations « qualitatives », vous ne faites pas une enquête ethnographique. » (Beaud et Weber, 2003 : 15)

Dans ce contexte, « [l]‟enquêteur doit prendre au sérieux les ragots, les commérages, les « anecdotes », les petites histoires : ils lui livrent la structure du milieu

(34)

22

d‟interconnaissance et des univers de référence qui constituent son terrain » (Beaud et Weber, 2003 : 39). Bien que les informateurs soient choisis en fonction de critères pertinents, « l‟enquête de terrain est nécessairement limitée, étroitement circonscrite, locale, spécifique, et n‟a pas vocation à fournir des résultats généraux » (Beaud et Weber 2003 : 24). Aussi, nous sommes consciente des limites importantes de notre travail de recherche et n‟avons pas la prétention de vouloir appliquer nos résultats à d‟autres situations qui présenteraient des caractéristiques similaires à celle qui nous intéresse ici.

2.2 Population

Nos informateurs proviennent des deux communautés innues situées le plus près du barrage de la Romaine. La communauté de Nutashkuan (Natashquan) est située à environ 150 kilomètres de la rivière Romaine et a été la première à signer une Entente sur les répercussions et avantages avec Hydro-Québec, le 4 juillet 2008. La communauté d‟Ekuanitshit est, selon les études d‟impact, celle dont le territoire est le plus impacté par le barrage. Elle a été la dernière communauté à signer une entente avec Hydro-Québec, le 17 mars 2009. Notre population est donc constituée de deux informateurs d‟Ekuanitshit et de deux informateurs de Nutashkuan qui siègent au conseil d‟administration des sociétés conjointes, composées de membres innus et de représentants d‟Hydro-Québec. Ces sociétés gèrent les fonds octroyés par Hydro-Québec et assurent le financement de projets communautaires, culturels et économiques.

De plus, nous nous sommes entretenus avec quatre informateurs d‟Hydro-Québec provenant des directions « Relations avec le milieu et projets spéciaux » et « Relations avec les communautés autochtones ». Finalement, des entrevues ont été réalisées avec un avocat ayant une bonne connaissance du dossier, de même qu‟avec un Innu de la communauté de Uashat, à Sept-Îles. Cette communauté n‟a pas signé d‟entente avec Hydro-Québec, mais elle est à l‟origine de nombreux mouvements de contestation contre le projet de la Romaine, notamment plusieurs blocus sur la route 138, dont un qui a nécessité l‟intervention de l‟escouade anti-émeute. Nous ne donnerons pas plus de détails sur ces informateurs afin de préserver leur anonymat. Tout au long du projet, ils seront donc identifiés comme suit :

(35)

23

Informatrice no 1 Innue d‟Ekuanitshit (membre de la société Ishpitenitamun) Informateur no 2 Innu d‟Ekuanitshit (membre de la société Ishpitenitamun) Informateur no 3 Innu de Nutashkuan (membre de la société Ishkuteu) Informatrice no 4 Innue de Nutashkuan (membre de la société Ishkuteu) Informatrice no 5 Conseillère, Hydro-Québec

Informatrice no 6 Cadre, Hydro-Québec Informateur no 7 Cadre Hydro-Québec Informateur no 8 Conseiller, Hydro-Québec

Informateur no 9 Avocat ayant une bonne connaissance du dossier Informateur no 10 Innu de Uashat

2.3 Limites associées au choix des informateurs

Même si quatre communautés ont signé des ententes avec Hydro-Québec dans le cadre du projet de la Romaine, nous ne nous sommes pas entretenue avec des membres des communautés d‟Unamen Shipu et de Pakua Shipi. Nous n‟avons pas réussi à obtenir une autorisation pour effectuer des entretiens dans ces communautés. De plus, en raison de leur éloignement géographique, les interactions entre les membres d‟Hydro-Québec et ces communautés sont moins fréquentes et c‟est principalement ce à quoi nous nous intéressons dans ce projet de recherche. Nous sommes toutefois consciente des limites importantes que cette situation amène pour l‟analyse de nos données. Aussi nous contenterons nous d‟observer les résultats obtenus pour les deux communautés avec qui nous avons échangé. La taille de notre population ne nous permet pas de généraliser nos résultats. En effet, nous n‟oserions prétendre que l‟avis de deux informateurs puisse représenter l‟opinion de toute une communauté. Il s‟agit toutefois d‟un aperçu valable puisque les informateurs ont souvent joué un rôle clé dans le déroulement des évènements liés au projet. À noter toutefois que la position occupée par certains informateurs, notamment le fait qu‟ils aient participé ou non aux négociations avec Hydro-Québec, influence et teinte leurs perceptions. Ainsi, quelqu‟un qui faisait partie de l‟équipe de négociation sera moins enclin à critiquer l‟approche de cette équipe par rapport au reste de la communauté. Finalement, nous devons mentionner qu‟aucun entretien n‟a été réalisé avec les membres des communautés qui ne siégeaient pas aux sociétés conjointes composées d‟Innus et de représentants

Références

Documents relatifs

COLLECTION DESSINS

p.j. Rapport, Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, Chapitre 5, Le régime juridique, Me Lome Giroux, 1997, pp. Concernant certains conditions

L'eau est un élément essentiel à la vie et primordial pour le développement social et économique du Québec de même que pour le maintien des écosystèmes. Cette

Dans le domaine du transport de l’électricité, en 1999, l’entreprise a fait des investissements de quelque 454 millions de dollars pour la réalisation de divers projets visant

9En fonction de la qualité de votre projet et de votre demande, nous pouvons intervenir pour un montant global de 6.000€ maximum à répartir en fonction des frais à

Dans le domaine du transport de l’électricité, en 1999, l’entreprise a fait des investissements de quelque 454 millions de dollars pour la réalisation de divers projets visant

Le Ville de Sept-Îles, la Chambre de commerce de Sept-Îles ainsi que la Corporation de promotion industrielle et commerciale de Sept-Îles souhaite la réalisation du

Dans l’affirmative, veuillez fournir les valeurs retenues en énergie (GWh) et la valeur résultante en puissance (MW) dans la prévision des besoins pour chaque année du Plan,