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Pour poursuivre sur le thème de l’opinion publique, pour en analyser les mécanismes et le dynamisme interne, je voudrais introduire ici les travaux de Marc Angenot. J’exposerai d’abord les concepts de discours social et d’hégémonie sur lesquels s’appuient les grandes analyses qu’a fait M. Angenot au cours des années 1980 et 1990. Afin de mettre en lumière quelques-uns des aspects fondamentaux de la parole publique telle qu’elle se développe dans les régimes proto-républicains de la première moitié du XIXe

siècle, je consacrerai ensuite quelques pages à l’analyse que fait M. Angenot de la prose pamphlétaire. Enfin, je m’attarderai, dans les dernières pages de ce chapitre, aux réflexions qu’a consacrées M. Angenot à la littérature, en analysant, entre autres, le concept de gnoséologie romanesque.

Au fil d’analyses ponctuelles, toutes guidées par l’ambition d’arriver à saisir à bras le corps la totalité du discours social d’une époque, M. Angenot arrive à construire une théorie de la production discursive et, conséquemment, une méthode d’analyse à la fois ample et subtile, qui permet d’atteindre à une compréhension supérieure des grands genres du discours, en eux-mêmes, dans leur rapport les uns avec les autres, ainsi que dans leur relation aux changements historiques – politiques et sociaux.

Première section – Discours social et hégémonie

Discours social

Au tout début de son grand ouvrage sur l’année 1889, M. Angenot donne une définition claire du concept de discours social :

Le discours social [ c’est ] tout ce qui se dit et s’écrit dans un état de société ; tout ce qui s’imprime, tout ce qui se parle publiquement ou se représente aujourd’hui dans les médias électroniques. Tout ce qui narre et argumente, si l’on pose que narrer et argumenter

sont les deux grands modes de mise en discours.

Ou plutôt, appelons « discours social » non pas ce tout empirique, cacophonique à la fois et redondant, mais les systèmes génériques, les répertoires topiques, les règles d’enchaînement d’énoncés qui, dans une société donnée, organisent le dicible – le narrable et l’opinable – et assurent la division du travail discursif. Il s’agit alors de faire apparaître un système régulateur global dont la nature n’est pas donnée d’emblée à l’observateur, des règles de production et de circulation, autant qu’un tableau des produits.117

Je voudrais insister ici sur le fait que le discours social est la part matérielle, la part visible, sensible et surtout stabilisée d’un processus plus vaste et incessamment changeant, que l’on pourrait nommer l’Histoire, le Progrès, la Société. Un autre aspect que met en lumière M. Angenot est le caractère systématique de la mise en discours : tout discours est en quelque sorte un élément produit par – et tout de suite jeté dans – le grand mouvement social – et historique –, élément commandé, conditionné par une volonté, ponctuelle, de signifier – quelque chose, pour quelqu’un – et d’agir.

À la toute fin de son livre, M. Angenot revient, après un long parcours analytique, sur les fonctions du discours social : « Les discours sociaux, par-delà la multiplicité de leurs fonctions, construisent le monde social, ils l’objectivent et, en permettant de communiquer ces représentations, déterminent cette convivialité langagière

qui est le facteur essentiel de la cohésion sociale.118 » C’est ce double processus

d’objectivation et de constitution puis de communication et d’action que je tenterai de mettre en évidence en analysant les grands romans du milieu du XIXe

siècle.

C’est là une des hypothèses que je tente de défendre : pour les classes populaires alors en voie de construction identitaire, les grands romans, auxquels ils ont accès par la presse, concentrent et matérialisent leurs sentiments d’insécurité et d’insatisfaction, mais aussi leurs aspirations sociales et politiques. Et cela se fait, je l’ai expliqué plus haut, au moment où se développe un espace public où se jouent désormais les grandes

117. Angenot, Marc, 1889, Un état du discours social, Montréal, Le Préambule, 1989, p. 13, c’est moi qui souligne.

luttes politiques qui mèneront à l’avènement du régime républicain dans la deuxième moitié du XIXe

siècle. En ce sens, il est important de souligner que : « Le discours social peut s’aborder de cette manière comme étant vectoriellement : ontique (représenter et identifier), axiologique (valoriser et légitimer) et pragmatique (suggérer, faire agir). Marx est ici d’accord avec Aristote ; l’idéologie ne fournit pas seulement des représentations mais aussi des modèles de pratiques et de comportements.119 » Cette triple fonction de représentation, de valorisation et de performance du discours social, si elle reste passablement difficile à pénétrer dans ses causes, n’en reste pas moins manifeste dans ses effets : « La manière dont les dominances discursives, les idéologies opèrent comme “self-fulfilling prophecies”, de sorte que le fantasme discursif finit par s’incarner dans le

réel, a fasciné les historiens.120 » C’est ici un des aspects de ce que j’ai décrits plus haut

comme le pari de celui qui prend la parole dans l’espace public. C’est donc dans cette voie, encore en friche, qui tente de comprendre les rapports complexes entre « chaînes d’énoncés » et « chaînes d’actions121 » que je m’engagerai.

Hégémonie

Parallèlement au concept de discours social, M. Angenot développe le concept d’hégémonie. L’hégémonie, c’est en quelque sorte l’âme des discours, l’anima au sens aristotélicien. C’est l’hégémonie qui permet d’expliquer la vivacité des discours, leur volonté, leur violence aussi. Traditionnellement, l’hégémonie est perçue comme un pouvoir conquérant, comme une force centripète qui tente d’imposer ses conditions et qui « complète dans l’ordre de “l’idéologie”, les systèmes de domination politique et d’exploitation économique qui caractérisent une formation sociale122 ». Dans 1889, Un

état du discours social, tout en reconnaissant cet aspect de l’hégémonie, M. Angenot

insiste plutôt sur le caractère régulateur, formateur de l’hégémonie, expliquant son caractère conquérant par son caractère formateur :

Nous entendons donc par hégémonie l’ensemble complexe des normes et impositions diverses qui opèrent contre l’aléatoire, le centrifuge et le déviant, qui indiquent les thèmes acceptables et, indissociablement, les manières tolérables d’en traiter, et qui instituent la hiérarchie des légitimités (de valeur, de distinction, de prestige) sur un fond

119. Op. cit., p. 1094, c’est moi qui souligne. 120. Op. cit., p. 1095, c’est moi qui souligne. 121. Op. cit., p. 1095.

d’homogénéité relative. L’hégémonie est à décrire formellement comme « un canon de règles » et d’impositions légitimantes et, socialement, comme un instrument de contrôle social, comme une vaste synergie de pouvoirs, de contraintes, de moyens d’exclusion, liés à des arbitraires formels et thématiques.123

Cette façon de voir nous permet de bien comprendre que l’apparente stabilité, l’apparente unité que produit l’hégémonie n’est, bien souvent, qu’un moment d’équilibre dans un immense chaos un instant apaisé. Ce que l’on identifie comme force hégémonique est un souverain à la fois puissant et fragile, constamment assailli par des nuées de sujets insatisfaits, irrespectueux ; il ne faut jamais oublier que dans le discours social, le stable cohabite avec l’instable, l’unique avec le multiple – l’homme avec l’expérience – :

Ensemble de règles et d’incitations, canon de légitimité et instrument de contrôle, l’hégémonie qui « vise » certes à l’homogénéité, à l’homéostase, se présente non seulement comme un assemblage de contradictions partielles, de tensions entre forces centrifuges et centripètes, mais encore, elle ne parvient à s’imposer que comme résultante de toutes ces tensions et vecteurs d’interactions. L’hégémonie ne correspond pas à une « idéologie dominante » monolithique, mais (ce vocable est inadéquat) à une dominance dans le jeu des idéologies. […] Et puis l’hégémonie engendre l’hégémonie : de routines en convergences, elle se renforce par le seul effet de masse. Mais en disant ceci, il faut répéter : cela marche parce que cela n’a pas besoin d’être homogène ni « totalitaire » ; le système accommode toutes sortes de forces centrifuges, vecteurs de distinctions, d’ésotérisme, de spéculations, de dissidences, de paradoxisme.124

Pour illustrer son propos, M. Angenot donne cette image : l’hégémonie apparaît comme « une sorte de “palais” de la culture, où une multitude d’artisans et d’ouvriers se chargeraient du réaménagement permanent avec une coordination toujours problématique qui en ferait un monument grandiose, mais à jamais inachevé ». C’est ce qui l’amène à penser que : « L’équilibre relatif des thèmes imposés, des normes et divisions de tâches ne résulte pas d’une absence de contradictions : il est la résultante

123. Op. cit., p. 22, c’est moi qui souligne. 124. Op. cit., p. 24.

des rapports de force et d’intérêt de tous les entreparleurs sociaux.125 » M. Angenot montre bien ici, comme le fait Habermas, ce qui lie l’état discours sociaux et pratiques sociales.

Les concepts de discours social et d’hégémonie se complètent l’un l’autre : le discours social est le fruit du travail de l’hégémonie. Aussi ne faut-il pas oublier que le discours social est à l’opposé de l’idéologie ; même s’il y a de l’idéologie à l’intérieur du discours social, le caractère dynamique et multiple du discours social est à l’exact opposé du monologisme et de la prétention totalitaire de l’idéologie.

Les concepts de discours social et d’hégémonie tels que définis par M. Angenot complètent bien ceux d’espace public et d’opinion publique tels que définis par Habermas : l’hégémonie nous permet de bien voir ce qui anime, ce qui dynamise l’espace public ; le discours social – dans la mesure où il est puissamment travaillé par l’hégémonie – nous permet de mieux comprendre l’apparente irrationalité de l’opinion publique.

Deuxième section – Discours social, discours public : typologie et particularités rhétoriques du discours public

Parallèlement à l’avènement de l’espace public et au changement de statut de l’opinion publique se développe un discours public126. M. Angenot, tout en soulignant que la langue française, contrairement à la langue allemande, a beaucoup de difficulté à saisir le caractère essentiel du discours public, définit celui-ci comme : « un espace- carrefour où certaines notions, certaines idées, certaines valeurs sont “vulgarisées” par emprunt aux champs discursifs ésotériques127 ». Le discours public – on pourrait aussi dire l’opinion « au sens restreint » – est la partie centrale du discours social :

Dans le polysystème sociodiscursif, la publicistique est le carrefour, « abreuvé » par de la politique, de la science, de la littérature, de la philosophie, où tout le doxique passe, se

125. Ibid., pour les deux citations.

126. Dans son livre, M. Angenot écrit : « “le public” n’est pas une réalité démographique qui préexisterait à la production des discours mais cela même qu’un système moderne de discours engendre et institue » – p. 505. J’aurais tendance à m’inscrire en faux contre cette idée, sans insister toutefois : cette question, qui relève des problématiques d’origine et de causalité, reste en quelque sorte, insoluble. Simplement, j’ai tendance à penser « en rhéteur » et à croire que les arguments – ou l’argumentation – sont commandés, sont conditionnés par leur fonction ; donc que c’est parce qu’il y a un public qu’il y a un discours public ; bien que, évidemment, ce discours soit fortement hégémonique et qu’à son tour il « produise du public » . 127. Op. cit., p. 505.

recycle et remigre vers les champs spécialisés. Ce n’est pas un secteur institutionnel délimité, mais un « espace » plus amorphe où il y a du fait-divers, de l’article de revue, de l’affiche commerciale, de la chanson de caf’conc’, de la propagande politique, des ouvrages au goût du jour, des recueils de chroniques et de la vulgarisation philosophique et scientifique. C’est tout autour de cet espace public, que les différents systèmes génériques spécialisés sont établis.128

Le discours public, que M. Angenot rapproche ici de l’espace public, est une sorte de république des discours. Dans la mesure où le développement parallèle de l’espace public et de l’opinion publique progresse continûment, il s’organise autour de pôles de stabilité :

L’opinion publique est le lieu où se heurtent et s’antagonisent les « idéologies » au sens banal de ce mot : les doctrines politiques, polarisées entre les discours extrêmes de la réaction légitimiste « ultra » et du « socialisme révolutionnaire », mais, au-delà, toutes les allégeances, tous les systèmes, toutes les « idéologies » de la société civile qui débattent et dogmatisent sur le rôle des Églises, le développement de l’enseignement – public –, la santé – publique –, la « question sociale », le statut juridique ou morale des femmes, le rôle de l’État, l’évolution souhaitée de toutes les institutions de la société.129

Cette polarisation entre la droite réactionnaire et le socialisme révolutionnaire, que M. Angenot aperçoit comme les deux pôles extrêmes du discours social de 1889 et qui reste valable pour tout le XIXe

siècle, n’est pas systématique : elle relève plutôt de la pratique et semble délimiter l’horizon du possible historique. Entre ces deux pôles – le premier tendu vers le passé, le second vers l’avenir – s’en créera un troisième attaché à maintenir la société dans son état actuel – c’est, grosso modo, la position de la bourgeoisie conservatrice, qui privilégie l’état présent – et la stabilité politique – au dépend d’un retour vers le passé ou d’une marche vers l’avenir.

M. Angenot explique aussi que le discours public est constitué de deux entités, soit l’Actualité et l’Opinion130. Cette division du discours publique semble recouper – ou reproduire – celle de deux grands modes de mise en discours du discours social – soit la narration et l’argumentation. L’actualité désigne les sujets du discours public, mais il

128. Op. cit., p. 508.

129. Op. cit., p. 505, c’est moi qui souligne.

faut bien préciser que l’actualité n’est pas homogène, que les sujets qui intéressent les lecteurs d’un journal légitimiste ne sont pas du tout les mêmes que ceux qui intéressent les lecteurs d’un journal populaire. L’opinion, quant à elle, est un jugement sur les sujets de l’actualité : elle est un lieu où les idées, où les idéologies, où tous les discours d’intérêt public s’opposent, se mesurent – Angenot insiste beaucoup là-dessus – mais aussi, – là c’est moi qui insiste – s’allient, s’amalgament – par toutes sortes de nécessités stratégiques131.

Si le discours public reste segmenté, divisé en diverses chapelles, il y a tout de même des sujets, des questions qui unissent, qui réunissent un grand nombre de personnes.

Le discours public est ainsi constitué par un certain nombre de grandes questions qui réunissent un grand nombre de personnes mais, en même temps, de grandes divisions qui – à propos de la valeur, des jugements où des solutions de ces questions – déchirent cette communauté. Si l’actualité rassemble, l’opinion divise. C’est par ces deux grandes forces antagonistes qu’est dynamisé le discours public : « La publicistique est le secteur central du système discursif où se polarisent tous les degrés de distinction, de compétences culturelles et où s’antagonisent les visions du monde concurrentes qui s’offrent au public, y compris les grandes doctrines “totales”, libéralisme, idéologies républicaine anticléricales […] socialisme…132 »

J’ai fait allusion, dans la deuxième partie de cette thèse, à l’avènement de la presse populaire en 1836133. Ce que tenteront Dutacq et Girardin avec leur journal respectif – et rivaux ! –, c’est justement d’unifier l’actualité et l’opinion. Cette double tentative éclaire bien, par un exemple concret, non seulement la tendance hégémonique du discours public, mais aussi les difficultés que rencontre toute tentative d’unifier le discours – comme l’espace – public.

Publicistique, publiciste

Dans l’espace public, tel qu’il apparaît à la chute de l’Ancien Régime, les décisions concernant la marche de l’État doivent désormais s’exposer publiquement,

131. Il y aurait une étude intéressante à faire sur la composition du pouvoir et sur le jeu des alliances et des conflits des partis pour la période qui va de la Révolution de 1789 à la stabilisation politique que réussit la IIIe République quelques cent années plus tard.

132. Op. cit., p. 506, c’est moi qui souligne.

dans les limites de l’espace public, et se justifier rationnellement, entendu qu’en principe la publicité garantit la rationalité des décisions prises en public. C’est cette responsabilité nouvelle du discours public qui appelle des spécialistes des questions d’intérêt public :

Le publiciste est l’écrivain qui s’adresse au « public » (lequel n’est pas, malgré la naïveté des dictionnaires, la « masse de la population » mais cette minorité alphabétisée et cultivée qui est censée posséder une opinion, un intérêt pour l’actualité et pour la « chose publique » […]). Le publiciste contribue à produire la « publicité ».

La publicité [ diffuse ] dans le public des discours qui façonnent l’opinion publique, telle est l’affaire du publiciste.134

Le changement de régime d’autorité, en remplaçant l’hégémonie conservatrice de petites communautés chargées de tout le pouvoir politique par un processus démocratique, animé des idéaux progressistes et où les décisions politiques sont déterminées par l’argumentation en public, conditionne l’avènement d’un nouveau type de discours.

Ce changement politique qui se double d’un changement historiographique – le passé n’étant plus garant de l’avenir, je dirai même au contraire – appelle un tout autre type de discours, plus ouvert, plus libre, mais en même temps moins assuré, plus versatile et dont la légitimité est d’un tout autre ordre : il ne s’agit plus de ramener le monde à ce qu’il a – toujours – été, mais de le guider vers ce qu’il doit être. Un tel discours – le discours sur l’avenir de la société – n’a plus pour appui que les lois de la raison, car son modèle reste à venir, à réaliser.

Il y a là un important changement de genre rhétorique : du genre épidictique on passe au genre délibératif. Mais l’avenir étant inconnaissable – Kant l’a bien expliqué dans sa monumentale Critique de la raison pure en 1781 –, tout publiciste, si convaincu soit-il, qui disserte sur l’avenir, parie sur la réalisation future de ses projections et tout auditeur qui souscrit à ce type de discours fait de même. C’est là l’essence du pari du discours public.

* * *

Je voudrais ici, avant de passer à l’analyse de la littérature, faire deux remarques, qui pourraient servir de conclusion ponctuelle.

D’abord, il semble y avoir deux niveaux de lutte politique, car on voit bien, à suivre l’histoire politique post-révolutionnaire, que les luttes les plus violentes n’ont pas eu lieu à propos de la domination du jeu politique, mais à propos de la « mise en place » des règles du jeu. C’est essentiellement sur ce plan que s’opposent les aristocrates de l’Ancien Régime et les bourgeois, lors des révolutions de 1789 et 1830, puis les bourgeois et le peuple, durant et surtout après la Révolution de 1848. Par contre, entre la monarchie de Juillet et la IIIe République, les bourgeois conservateurs, les bourgeois progressistes et les différentes factions du peuple luttent plutôt pour dominer un jeu dont les règles font à peu près consensus. Il s’agit là de deux types bien différents de lutte politique.

C’est ce qui m’amène à une deuxième remarque. Pour qu’il y ait un véritable débat public, les interlocuteurs doivent s’entendre sur les règles du débat : avant de se disputer les interlocuteurs doivent s’entendre. C’est en s’appuyant sur ce point que l’on peut distinguer les rapports de force et les rapports de droit : dans les rapports de force les opposants cherchent à imposer leurs règles, dans les rapports de droit les opposants cherchent à dominer un jeu sur lequel ils s’entendent.

Ainsi, la domination n’est pas seulement le résultat de la possession d’une valeur propre, essentielle, comme le prétendent – avec bien souvent une conviction à la fois grandiloquente et inquiète – les discours ésotériques, mais aussi le résultat d’une certaine affinité – pour ne pas dire une affinité certaine – avec les règles du jeu. En ce sens, ce ne sont pas, nécessairement, les plus « valeureux » qui dominent le jeu mais,