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PARTIE III. APPRENDRE AUTREMENT

Vignette 10 : Dimension spatio-temporelle

Les élèves sont en cercle. Le musicien leur propose de changer de place et distribue des balles.

Pendant qu’il explique l’exercice, certains élèves commencent à jouer avec celles-ci.

L’enseignant intervient. L’exercice consiste à coordonner le moment auquel le groupe lance la balle afin d’obtenir un rebond identique, marquant ainsi un rythme. L’exercice est difficile.

Le chef de projet introduit une chanson dans l’exercice et le rythme du son des balles devient de plus en plus homogène. Puis il suggère un exercice de coordination consistant à faire passer la balle de la main gauche à la main droite en comptant. Au chiffre quatre, les élèves doivent passer la balle à leur voisin. Les élèves doivent donc coordonner les deux gestes du donner et du recevoir (d’une main, chacun donne la balle à son voisin et de l’autre, il en reçoit une). Ils sont en interaction, connectés par le mouvement à leurs voisins directs et impliqués dans le groupe par la spatialisation et l’objet qui circule dans le cercle.

Pour terminer cette partie sur le travail du sensible et de l’espace, nous avons choisi un long extrait d’entretien présentant une réalisation dans le cadre du projet CAMI. Ce dernier, tout en s’inscrivant comme les orchestres dans un partenariat entre école du REP et le Conservatoire de musique, se distingue des orchestres notamment par la forme de la pratique instrumentale. Les élèves sont amenés à jouer dans différents groupes, de deux à sept élèves et ne partagent pas un répertoire comme dans le cas de la formation d’orchestre. L’accent pédagogique du dispositif est mis sur les apprentissages dans les interactions. Cette approche, décrite dans le long extrait d’entretien qui suit, nous permet de saisir comment les élèves sont amenés à expérimenter des manières d’apprendre, à chercher par eux-mêmes des éléments hors de l’école, tout en étant nourris par des connaissances du dedans. Dans le projet CAMI (voir la présentation, p. 72), les libertés offertes aux élèves sont d’autant plus grandes qu’elles ne s’inscrivent pas dans le cadre contraignant d’un groupe d’orchestre et des objectifs de représentations publiques.

Fabriquer un quartier idéal (Projet CAMI)

C’était un concours au niveau des écoles à Genève où les élèves étaient appelés à fabriquer leur maquette d’un quartier idéal et donc en classe, ils ont fabriqué un quartier idéal. Et nous, on a travaillé aussi sur le quartier dans des parties inter-instrumentales.

On a fait trois groupes de six élèves. On était en binôme d’enseignants pour cette partie et on a travaillé sur trois thématiques. Il y a un groupe qui a travaillé sur les escaliers, puisque dans le quartier il y a beaucoup d’escaliers et puis, il y a une pièce du compositeur Ligeti qui s’appelle les escaliers du diable, pour piano, avec l’idée de traverser l’instrument avec différentes manières, plus ou moins folles, plus ou moins sages, etc. Alors l’idée n’est pas de reprendre cette pièce mais de chercher, face à des escaliers, élément architectural, comment on peut imaginer des actions sonores différentes autour de l’idée d’escaliers.

Un autre groupe a travaillé sur une sorte de damier, un peu comme une marelle ; entre des sons et des mots, comment il peut y avoir un déplacement des élèves sur un espace de jeu ? Comment on peut trouver des espaces de jeu dans un quartier, des jeux inscrits sur le sol, par exemple.

Et le troisième groupe, dont je me suis aussi occupé, c’est comment on peut imaginer le quartier en son. Si les élèves devaient jouer leur quartier, qu’est-ce qu’ils feraient ? Alors nous, on a travaillé sur ce qu’on pouvait imaginer, sur ce qu’il y avait dans leur quartier.

Une fois il y a un élève qui a dit : « il y a une balance vers chez moi ». Elle fait comment ? Elle grince. Alors on peut peut-être chercher quels sont les sons qui font ces grincements, balancement, grincements.

Et il y a le lac. Qu’est-ce qu’on peut trouver au lac ? Qu’est-ce qu’il y a, etc. Donc il y avait finalement trois zones. On a exploré différents sons en mettant après les élèves en deux sous-groupes. Ils ont chacun dû imaginer leur quartier, enfin comment ils feraient le quartier sonore et on est tombé un peu ensemble sur l’idée de la place de jeu ou de la cour où il y a plutôt des petits bruits ou des sons différents de la place de jeu. Il y avait une partie de la rue, le carrefour, tout ce qui est bruyant, etc. et une troisième zone qui était le lac. Tous les sons du lac, que ce soient les oiseaux, que ce soient les bateaux, les vagues, le vent, etc. et ensemble ils ont fait une sorte de fresque sonore autour de ces trois éléments et ils jouaient les six finalement, chacun indépendamment mais pour fabriquer quelque chose à six. Un moment, on leur a demandé d’être en duo. On a quelque chose de différent quand ils sont en duo ou à six. Donc il y a eu trois duos, il y avait des moments à six et on est allé avec eux une matinée enregistrer des sons du quartier, qu’on a de temps en temps réinjectés dans ce qu’ils faisaient. Donc c’était mêler des sons réels du quartier, etc. Chaque élève était investi dans ce qu’il faisait et puis, ça donnait en même temps un sens à la visite du quartier, à ce qu’ils faisaient à l’école aussi. Donc là, c’était un module sur huit semaines comme ça où chaque élève a pu travailler avec son instrument à la fois pour lui et à la fois dans le groupe pour restituer trois visions du quartier. Voilà, c’était un peu le centre du travail qui s’est fait.

(MUSIC 5, p. 4)

Le récit de la participation du dispositif CAMI au projet inter école « fabriquer son quartier idéal » met en lumière la diversité des dimensions pédagogiques qui peuvent être exploitées dans le cadre d’un projet et enrichir les apprentissages d’une forme différenciée par rapport à la forme scolaire. Tout en s’insérant dans un projet entre les écoles du canton, les enseignants de musique s’associent pour travailler avec les élèves sur différentes thématiques. Ils créent un parallèle avec un projet réalisé au sein de la classe en proposant une autre dimension, la représentation sonore du quartier. En invitant les élèves à explorer les sons de leur quartier, les musiciens tissent des liens entre l’espace du dedans, de l’école, de la classe et celle du dehors, du lieu de vie des élèves. L’expression est encouragée à travers l’exploitation des sons, des espaces de vie et des mots. Les élèves sont amenés à observer, ressentir, imaginer, dans le cadre de l’école, avec leurs instruments de musique, la dimension de l’espace du dehors et de l’interpréter dans le cadre scolaire. Les musiciens enrichissent l’expérience par leurs connaissances musicales et dans la mise en œuvre des idées des élèves.

Tel que nous l’avons présenté (p. 72), le projet CAMI se distingue en particulier des OEC du fait que le travail de la pratique instrumentale ne s’effectue pas autour d’une formation de type orchestre. Le principe de réunir un groupe-classe autour d’un projet musical proposé par le Conservatoire est identique mais la dimension de la création est d’autant plus présente dans le projet CAMI par la variation des formations des groupes de musique et du répertoire qui n’est pas défini comme dans le contexte d’un projet d’orchestre.

L’ÉVALUATION DU TRAVAIL D’ORCHESTRE-EN-CLASSE

Les classes de la 8ème primaire observées ont déjà eu des évaluations l’année précédente. Pour les plus petits, ce sera la première fois qu’ils jouent seuls devant les professeurs de musique.

Les évaluations sont prévues par groupe de deux élèves, dans la salle de rythmique pour les violoncellistes et dans la bibliothèque de l’école pour les violonistes. Les élèves sont évalués tout d’abord sur la gamme exercée quasiment à chaque début de répétition d’orchestre. Il s’agit de la gamme de ré majeur, à jouer legato, en liant dans l’articulation les notes les unes aux autres. Chacun la joue seul durant cette matinée d’évaluation individuelle.

Les élèves sont également évalués sur leur posture et tenue de l’instrument. Lors de l’apprentissage du violon, pour la production du son, ces deux facteurs sont déterminants et font partie des apprentissages de base nécessaire pour le jeu instrumental. Enfin, les musiciennes ont demandé l’apprentissage par cœur d’un des morceaux travaillés en classe.

Les objectifs de l’évaluation sont résumés comme suit sur un document papier : - Tenue de l’instrument (main gauche)

- Tenue de l’archet - Lecture

- Morceau travaillé

- Respect des règles de vie de l’orchestre