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Pour une approche diachronique en langue de spécialité : éléments théoriques et

2.1 Interne/externe : une distinction théorique fondamentale en terminologie

2.1.2.2 Dimension externe : définir les « connaissances »

Nous l’avons vu, les langues de spécialités sont définies à la fois comme des langues et comme des vecteurs de connaissances. Cette notion de connaissances, que nous considérons

comme relevant de la dimension externe, fait cependant rarement l’objet d’une définition, bien qu’elle renvoie à des éléments hétérogènes.

Généralement, la notion de connaissances renvoie avant tout au concept, « représentation

mentale qui retient les caractéristiques communes à un ensemble d’objets » (L’Homme, 2004 : 11) ou « unité structurée de pensée par laquelle nous nous formons une connaissance du réel » (Depecker, 2002 : 43). Dans le cadre de la construction de ressources terminologiques, le concept est souvent complété par la notion de relations conceptuelles. En effet, ce qui intéresse

le terminologue ce sont non seulement les concepts, mais également les relations qu’ils entretiennent entre eux, permettant de les structurer en réseaux de connaissances36. Cet aspect illustre une fois encore le fait que d’un point de vue externe, le domaine est un élément central à prendre en compte.

De manière générale, la dimension extralinguistique renvoie à des réalités diverses qu’il n’est pas toujours facile de délimiter. Ceci est accentué par le fait que depuis quelques années, l’émergence d’une terminologie textuelle s’accompagne de nombreux changements dans les

36 Rappelons qu’un domaine est défini comme étant « une structuration de connaissances » (Bessé (De), 2000 : 183), ce qui implique bien des concepts et les relations qui les lient et les organisent.

pratiques et applications concernées par les analyses terminologiques37 (Bourigault & Aussenac-Gilles, 2003). À chacune de ces applications correspondent des types de ressources terminologiques différents construits à partir de textes38. Ainsi, Bourigault et Aussenac-Gilles (ibidem : 2) recensent entre autres des ressources telles que :

- des thesaurus pour les systèmes d’indexation automatique ou assistée, - des index hypertextuels pour les documentations techniques,

- des terminologies de référence pour les systèmes d’aide à la rédaction,

- des référentiels terminologiques pour les systèmes de gestion de données techniques, - des ontologies pour les mémoires d’entreprise, pour les systèmes d’aide à la décision

ou pour les systèmes d’extraction d’information,

- des glossaires de référence et listes de termes pour les outils de communication interne et externe.

Ces différentes ressources n’ont pas la même nature, ne visent pas la même application et relèvent de différents degrés de formalisation (Aussenac-Gilles, 2004). Et si l’on admet qu’elles visent toutes à représenter des connaissances du domaine, force est de constater que le type de connaissances en jeu varie. Ainsi, un article tel que celui de L’Homme (2008), qui compare trois types de ressources, montre que ces dernières ne contiennent ni la même masse ni le même type d’information.

Par exemple, si les index contiennent essentiellement des listes de termes/concepts, les glossaires leur accolent en plus une courte définition. Les ontologies formalisent quant à elles des termes/concepts, les relations entre ces concepts, des informations sur les propriétés des objets qu’elles contiennent, des instances de concepts, des axiomes pour permettre de raisonner automatiquement sur ces connaissances. Les types de relations conceptuelles enregistrées dans les ressources peuvent également différer : si les relations classiques sont la

37 « Suite à l’utilisation généralisée des outils de bureautique, à l’internationalisation des échanges et au développement d’Internet, la production de documents sous forme électronique s’accélère sans cesse. Or pour produire, diffuser, rechercher, exploiter et traduire ces documents, les outils de gestion de l’information ont besoin de ressources terminologiques. La gamme des produits à base terminologique nécessaires pour répondre à ces besoins s’élargit considérablement » (Bourigault & Jacquemin, 2000 cité par (Bourigault & Aussenac-Gilles, 2003 : 2)).

relation générique/spécifique et la relation « voir-aussi », certaines ressources prennent en compte les liens de synonymie, de méronymie, etc.

Ces quelques éléments montrent que si l’on considère les langues de spécialité comme des vecteurs de connaissances, on doit prendre conscience de l’hétérogénéité que cette notion implique, ce qu’illustrent Haton et al. (1991 : 22) en ingénierie des connaissances :

« le terme de connaissances recouvre les différentes formes du savoir : objet du

monde, faits concernant ces objets (la neige est blanche), classifications (par exemple, taxinomies en zoologie ou en géologie), événements (la température du four s’est mise à osciller), règles heuristiques de savoir-faire (si le moteur cale à froid, le gicleur est peut-être bouché), etc. »

Dans la pratique, la délimitation des connaissances en jeu dépend fortement de l’application, de la ressource envisagée, des corpus et d’un ensemble de paramètres externes qui permettent de circonscrire ce que l’on recherche dans les textes. Cette prise en compte vient confirmer le fait que l’extraction de connaissances à partir de textes relève bien d’une construction et d’une interprétation.

Dans notre travail, nous avons choisi de ne pas poser d’a priori sur les types de connaissances

susceptibles d’évoluer dans le temps. Ce point de vue est justifié par le fait que nous ne disposons que de très peu d’informations sur l’évolution des connaissances en diachronie. Cet aspect est d’autant plus marqué que nous travaillons en diachronie courte, perspective rarement envisagée dans la mesure où elle laisse généralement présumer que peu de changements sont observables. Pour cette raison, nous essayons plutôt de faire « émerger » des textes les connaissances en jeu afin de caractériser ce qu’est l’évolution en diachronie courte et d’en montrer l’hétérogénéité. Notre perspective est donc d’observer comment on accède aux connaissances à partir d’une analyse linguistique et comment on peut les interpréter.