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Comme nous l’avons vu auparavant, les mol´ecules en surface sont soumises `a des transferts d’´energie avec le substrat ou les autres particules adsorb´ees. Ceux-ci peuvent permettre `a une mol´ecule donn´ee de quitter le site actif qu’elle occupe pour rejoindre une autre position correspondant `a un minimum de l’´energie po-tentielle de surface (en d’autres termes, un autre site actif). Il existe donc une possibilit´e de mobilit´e des adsorbats, que nous allons `a pr´esent mod´eliser. Pour des raisons de clart´e, nous aborderons tout d’abord la diffusion en surface d’une esp`ece unique.

Nous consid´ererons que le d´eplacement des particules en surface est li´e au saut d’adsorbats vers des sites actifs vides premiers voisins :

A(ads) +­+A(ads). (3.30)

3Il faut noter que, pour ces deux cas particuliers, une d´erivation est possible donnant acc`es

aux ´etats transitoires et stationnaires, pour lesquels l’approximation de Kirkwood est en fait une solution exacte [1, 8].

Formellement, des sauts vers des sites actifs plus lointains pourraient aussi ˆetre inclus ; le processus consid´er´e ici reste toutefois dominant ´etant donn´e la grande proximit´e des positions impliqu´ees. La probabilit´e de transition associ´ee `a ce pro-cessus de marche al´eatoire peut s’´ecrire comme la superposition de transferts entre un site R et ses premiers voisins R0 :

wdiffR (nn0, t) = 1 c X R0 h kdiffR0RnA(R0, t)n(R, t) +kRR0 diff nA(R, t)n(R0, t)i.

Le choix effectu´e pour la partie configurationnelle permet d’imposer que le site actif r´ecepteur est bien vide. Nous consid´erons de plus en toute g´en´eralit´e que la probabilit´e de saut peut ˆetre anisotrope, i.e. que kR0→R

diff 6=kRR0

diff . Ceci engendre pour la moyenne d’ensemble hnA(R, t)ila loi d’´evolution

d dt hnA(R, t)i = 1 c X R0 hD kR0→R diff nA(R0, t)n(R, t) E D kRR0 diff nA(R, t)n(R0, t) Ei (3.31) qui, comme nous allons le voir, correspond `a un comportement du type diffusif.

Le respect du bilan d´etaill´e nous permet d’imposer d´ej`a une contrainte fonda-mentale sur les facteurs cin´etiques kdiff. Il vient effet que

wR diff(nn0) wR diff(n0 n) = kRR0 diff kR0→R diff = exp−β[U(R0)−U(R)] (3.32) avec les configurations n = nA(1)...nA(R) = 1nA(R0) = 0...nA(N0) et n0 =

nA(1)...nA(R) = 0nA(R0) = 1...nA(N0) et o`u U(R) = uA + PR0 uAA(R0 R)nA(R). Les probabilit´es associ´ees `a la diffusion doivent donc refl´eter la diff´erence d’´energie d’interaction d’une particule situ´ee dans le site r´ecepteur et le site d’ori-gine impliqu´es. Une d´etermination plus pouss´ee de ces grandeurs n´ecessite une fois de plus le recours `a une loi ph´enom´enologique av´er´ee. Dans le cas de la diffu-sion, celle-ci n’est autre que la loi de Fick, d´ej`a rencontr´ee au chapitre pr´ec´edent (section 2.2) Jdiff A (r, t) = −LAAµAµ T = −DA(θA, T) · ∇θA+θA(1−θA) U kBT ¸ (3.33) le plus souvent ´ecrite sous la seconde forme, mettant en ´evidence la notion de coefficient (ph´enom´enologique) de diffusion

DA(θA, T) = kBLAA

θAθ∗

Pour des raisons de clart´e de la notation, nous ne noterons pas explicitement la d´ependance en l’espace et le temps pour le recouvrement et le potentiel d’inter-action macroscopique U(r) dans les membres de droite des ´equations. L’´evolution temporelle du recouvrement local suit donc la dynamique

∂tθA(r, t) = . ½ DA(θA, T) · ∇θA+θA(1−θA) U kBT ¸¾ . (3.34) Afin de clarifier la connection entre le coefficient de diffusionDAet la fr´equence de saut kdiff, nous devrons effectuer une approximation importante : celle de l’ind´ependance statistique des sites. Cette approche n’est pas enti`erement satis-faisante bien entendu, mais est r´ecurrente dans le probl`eme de la diffusion4. Nous nous limiterons aussi, par simplicit´e, au cas d’un syst`eme unidimensionnel. Dans ces conditions, l’´eq. (3.31) devient

d dt hnA(R, t)i = 1 2 X R0 hD kdiffR0R E hnA(R0, t)i hn∗(R, t)i D kRR0 diff E hnA(R, t)i hn(R0, t)i i (3.35) avec R0 = R±a (a est la distance entre premiers voisins) et d’o`u nous pouvons extraire la limite hydrodynamique. En effet, nous pouvons associer `a la moyenne de la variable de composition hnA(R, t)i, en suivant les proc´edures standard, une concentration locale θA(R, t). Consid´erant que cette grandeur et la probabilit´e de saut ne varient consid´erablement que sur des distances grandes par rapport `a a, il vient que θA(R0, t) θA(R, t)±a∇θA(R, t) + a2 2 2θA(R, t) +O(a3) D kRdiff0R E D kdiffRR0 E ±a∇ D kRdiffR0 E + a 2 2 2D kdiffRR0 E +O(a3).

De plus, nous pouvons esp´erer que, dans ces conditions, l’anisotropie de la diffusion n’est pas trop marqu´ee, de sorte que

­ kRR+a diff ® ­kRR−a diff ® ΓR diff

que nous pouvons assimiler `a une probabilit´e de saut moyenne effective. Tenant en compte ceci, il vient apr`es un d´eveloppement simple (quoique fastidieux) que dans le r´ef´erentiel macroscopique r=Ra, l’occupation locale ´evolue selon

∂tθA(r, t) = . ½ a2 2 Γ r diff∇θA+θA(1−θA)a2 2 Γ r diff ¾ (3.36)

4L’´equation de Darken, par exemple, se base elle aussi sur l’absence de corr´elation entre les

Une comparaison entre (3.34) et (3.36) sugg`ere le lien suivant entre coefficient de diffusion et probabilit´e de saut effective :

DA(θA, T) = a2 2 Γ r diff, avec Γr diff = Γ0 diffeβ U(r).

Tout choix que nous ferons pour les kdiff microscopiques devra ˆetre tel que ces relations soient respect´ees. Remarquons qu’une connaissance approfondie de la d´ependance deDA en la composition de surface et la temp´erature est n´ecessaire `a notre d´emarche ; celle-ci sugg`ere en tout cas que le coefficient de diffusion d´epend de mani`ere exponentielle de la temp´erature et du potentiel d’interaction.

La d´etermination exp´erimentale d’un coefficient de diffusion et, a fortiori, de sa d´ependance en la composition de surface ne sont pas une mince affaire. Il n’existe par exemple que quelques rares techniques exp´erimentales permettant de suivre la position d’atomes isol´es en fonction du temps, qui permettrait la d´etermination des facteurs ind´ependants des interactions (voir [11] et r´ef´erences incluses). La mesure du coefficient de diffusion implique, d’une mani`ere ou d’une autre, l’observation de la variation des recouvrements (compar´e `a la loi de Fick) ou la mesure de fluctuations et fonctions de corr´elation spatiale (par le biais de la formule de Kubo pour le coefficient de diffusion). Malgr´e l’implication de la communaut´e scientifique dans ce probl`eme, peu de r´esultats reproductibles et de connaissances sˆures ont ´et´e acquises. Les valeurs propos´ees dans la litt´erature pour un mˆeme syst`eme varient d’ailleurs souvent de plusieurs ordres de grandeur en fonction de la technique exp´erimentale utilis´ee : une tendance semble toutefois se dessiner selon laquelle la mobilit´e d’adsorbats `a temp´erature ambiante (D≈1013105 cm2s1) est plus faible que celle de particules en solution (D 105 cm2s1) ou en phase gazeuse (D≈1 cm2s1).

Notre choix du m´ecanisme microscopique se basera donc plutˆot sur les ´evalua-tions th´eoriques disponibles pour le coefficient de diffusion ou la probabilit´e de saut. Les particules adsorb´ees se situent dans un potentiel qui, ´etant donn´e la structure du substrat, est le plus souvent p´eriodique (voir Figure 3.4 pour une illustration de ceci). Les sites actifs correspondent aux positions d’´equilibre des adsorbats et donc aux minima de ce potentiel d’interaction. Le passage d’une mol´ecule entre un site et son voisin direct n´ecessite donc le franchissement d’une barri`ere d’activation, appel´ee g´en´eralement dans la litt´erature ´energie de migration

Em. Celle-ci est g´en´eralement bien inf´erieure `a l’´energie associ´ee `a la d´esorption introduite pr´ec´edemment (de l’ordre de 20% de cette derni`ere). En admettant que les adsorbats thermalisent avec le bain de phonons que repr´esente le cristal sous-jacent, la fr´equence de tels sauts d´epend principalement du rapport de force entre la temp´erature du substrat et l’´energie n´ecessaire `a la migration Em. Nous pouvons consid´erer d`es lors deux cas extrˆemes.

Em(2)

U(R)

U#(R,R’)

U(R’) Em(1)

Fig. 3.4. Repr´esentation sch´ematique du potentiel de corrugation subi par un adsorbat isol´e (courbe pleine) ou en interaction (courbe discontinue). L’´energie de migration d’une particule situ´ee enRvers la positionR0, d´efinie commeU](R,R0)−U(R), est diff´erente dans les deux cas (Em(1) etEm(2) respectivement).

3.3.1 Diffusion activ´ee : kB T ¿ Em

Dans le cas o`u l’´energie thermique acquise par les adsorbats est faible par rap-port `a l’´energie de migration, les particules passent le plus clair de leur temps `a vi-brer autour du minimum local que repr´esente leur site d’adsorption. Il peut arriver cependant que, par fluctuation, l’´energie thermique transmise par le r´eseau soit suf-fisante pour franchir la barri`ere de migration et l’adsorbat se d´eplace alors vers un des sites adjacents. Dans une telle situation, l’approximation que nous consid´erons pour la probabilit´e de transition (la diffusion vers des sites plus ´eloign´es que les premiers voisins est n´egligeable) est particuli`erement justifi´ee. Nous avons alors affaire `a un processus thermiquement activ´e et, en accord avec la th´eorie de ces processus, nous pouvons estimer que

kRdiffR0 =ν0 exp£−β(U](R,R0)−U(R))¤ (3.37) o`u U](R,R0) est le maximum (local) du potentiel d’interaction surface-particule situ´e entre les positions R et R0 (voir par exemple la Figure 3.4). Il est ais´e de v´erifier que cette approche du type «Arrh´enius» respecte en effet la condition de bilan d´etaill´e. Notons que la connaissance du m´ecanisme microscopique permet de donner une forme explicite `a la probabilit´e de saut moyenne

ΓR

diff ≈ν0 exp [−β(Em(R))]

o`u nous avons utilis´e le fait que ­U](R,R+a)® ­U](R,R−a)® ­U](R)® et o`u Em(R) ­U](R)® − hU(R)i est une ´energie de migration moyenne. Notons

que cette forme est en accord avec la tendance g´en´erale que nous avons obtenue auparavant. De mˆeme, nous obtenons dans la limite continue pour le coefficient de diffusion (voir aussi [72, 164] pour une autre d´erivation de ce r´esultat)

DA(θA, T) = ν0a2 2 e

−β Em(r)

o`u Em(r) = ­U](r)®− hU(r)i. En l’absence de donn´ees exp´erimentales sˆures, la d´etermination des param`etres microscopique tels que ν0 ou Em se repose le plus souvent sur des approches th´eoriques telles que la th´eorie de l’´etat de transition, ou d’autres approches plus sophistiqu´ees. Ainsi, mˆeme si de mani`ere g´en´erale, U(R),

U](R,R0) et ν0 peuvent d´ependre des interactions lat´erales, il est la plupart du temps admis que le facteur pr´eexponentiel (de l’ordre de 10121013s1) et l’´energie du complexe activ´e sont constants [173].

3.3.2 Diffusion non-activ´ee : kB T Em

Si l’´energie thermique des particules adsorb´ees est comparable `a la barri`ere de diffusion, ces derni`eres ressentiront tr`es peu le potentiel p´eriodique associ´e aux atomes du substrat, et la diffusion sera donc non-activ´ee. Dans la limite o`u

kBT ÀEm, on peut mˆeme consid´erer que l’adsorbat diffuse tellement rapidement que sa distribution est homog`ene au niveau des sites libres de la surface. Dans les cas moins extrˆemes, il nous faut cependant recourir `a un m´ecanisme microscopique capable de tenir compte d’une ´eventuelle asym´etrie dans le potentiel d’interaction et de respecter le bilan d´etaill´e `a l’´equilibre. Deux algorithmes souvent utilis´es remplissent ces crit`eres. Le premier est le m´ecanisme de Metropolis

kRdiffR0 =νo {1 + [exp (−β(U(R0)−U(R))1] H(U(R0)−U(R))} (3.38) dans lequel H est la fonction de Heaviside, d´efinie comme

H(x) = ½

1 six≥0

0 six <0 . (3.39)

Une autre possibilit´e est l’approche de Kawasaki

kRR0

diff =νo exp [−β (U(R

0)−U(R))/2]

exp [−β (U(R0)−U(R))/2] + exp [β (U(R0)−U(R))/2]. (3.40) Remarquons que ces m´ecanismes, qui respectent tous deux la condition de bilan d´etaill´e, ne font intervenir que la diff´erence d’´energie entre l’´etat final et l’´etat initial de la transition. Dans l’un ou l’autre cas, il a ´et´e montr´e [52] que ce genre de m´ecanisme engendre dans la limite macroscopique un coefficient

DA(T) = ν0a 2 2

ind´ependant des recouvrements.

L’absence de donn´ees exp´erimentales convaincantes ne facilite pas le choix entre un m´ecanisme de diffusion activ´ee ou non. Il existe toutefois une limite o`u le probl`eme ne se pose plus : celle o`u les interactions peuvent ˆetre n´eglig´ees.

3.3.3 Diffusion en milieu id´eal

Dans plusieurs chapitres de cette th`ese, nous aborderons le probl`eme de la diffusion dans le cas, relativement simple, de sph`eres dures sur un r´eseau r´egulier. En l’absence d’interactions, on pourrait s’attendre `a ce que la seconde loi de Fick

∂tθα=Dα 2θα

soit vraie pour toute esp`ece α adsorb´ee. Puisque les probabilit´es de transition prennent dans ce cas une forme simple (kdiff est une constante), nous pouvons rapidement v´erifier que la diffusion d’un adsorbatA seul est effectivement donn´ee (en une dimension `a nouveau) par

∂t hnA(R, t)i = kA diff 2 X R0 [hnA(R0, t)n(R, t)i − hnA(R, t)n(R0, t)i] = k A diff 2 X R0 [hnA(R0, t)i − hnA(R, t)i]. (3.41) Cette ´equation, dans un r´ef´erentiel macroscopique, donne

∂tθA(r, t) = kA diffa2 2 2θA

quelque soit, bien entendu, le m´ecanisme de diffusion choisi. Nous pouvons re-connaˆıtre l`a une dynamique diffusive caract´eris´ee par un coefficient de diffusion

D=kA

diffa2/2.

Lorsque deux esp`eces ou plus entrent en jeu, la situation s’av`ere toutefois bien diff´erente. Nous pouvons illustrer ceci en consid´erant par exemple la diffusion de deux esp`eces `a une dimension. En effet, l’´evolution des moyennes se lit

d dt hnA(R, t)i = kA diff 2 X R0 [h(nA(R0, t)n(R, t)i − hnA(R, t)n(R0, t)i] d dt hnB(R, t)i = kB diff 2 X R0 [h(nB(R0, t)n(R, t)i − hnB(R, t)n(R0, t)i]

o`u n∗ = 1−nA− nB. Contrairement au cas pr´ec´edent, nous observons que la diffusion des deux adsorbats fait intervenir des termes de corr´elation (comme

hnA(R, t)nB(R0, t)i) qui ne se simplifient pas. En cons´equence, mˆeme dans la limite de sites d´ecorr´el´es, les lois de diffusion engendr´ees sont non-lin´eaires :

∂tθA(r, t) = DA(1θB) 2θA+DAθA2θB ∂tθB(r, t) =DBθB 2θA+DA(1−θB)∇2θB avec DA = kA diffa2/2 et DB = kB

diffa2/2. Notons qu’un r´esultat similaire peut ˆetre obtenu directement de l’´equation pour le flux de diffusion dans l’approxima-tion du champ moyen. Cette diffusion non-lin´eaire est souvent ignor´ee dans la litt´erature pour la mod´elisation des r´eactions de surface 5. Ceci est d’autant plus dommageable que l’utilisation na¨ıve de termes simplement Fickiens engendre une non-conservation locale du nombre total de particules (la relationPα θα = 1 n’est pas respect´ee). Un recours `a la loi de Fick n’est en fait alors justifi´e que dans la limite d’un milieu dilu´e.

Apr`es avoir abord´e l’adsorption-d´esorption et la diffusion des particules, nous nous pencherons sur le processus central de la catalyse h´et´erog`ene : la r´eaction de surface.