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D´eveloppement spatiotemporel des explosions

5.3 Analyse dans l’approximation du champ moyen mol´eculaire

5.4.3 D´eveloppement spatiotemporel des explosions

Dans cette section, nous porterons notre attention sur l’influence des fluc-tuations inhomog`enes et spontan´ees de la composition sur le d´eveloppement des ph´enom`enes explosifs identifi´es dans l’approximation du champ moyen. Pour rap-pel, ceux-ci peuvent ˆetre associ´es `a la transition irr´eversible d’une surface initia-lement inactive vers un ´etat de haute r´eactivit´e.

Evolution temporelle des transitions

Si les param`etres sont choisis de telle mani`ere que le syst`eme se trouve initia-lement dans l’´etat inactif, mais en-dehors de la zone d’existence de celui-ci, des ph´enom`enes explosifs comparables `a ceux pr´edits dans la section 5.3 sont observ´es dans le cadre des simulations (Figure 5.17). Les fluctuations induisent toutefois par rapport aux pr´edictions du champ moyen, d’une r´ealisation `a une autre, une dispersion importante du temps d’ignition tign de ces transitions explosives (voir Figure 5.17). En cons´equence, le syst`eme est caract´eris´e par une distribution de probabilit´e des recouvrements bimodale transitoire : pour un temps donn´e, cer-taines r´ealisations correspondent au r´egime de haute r´eactivit´e, tandis que d’autres se situent toujours dans l’´etat inactif. Un tel ph´enom`ene est en fait attendu dans

le cas de perturbations par des fluctuations homog`enes d’explosions thermiques ou d’origine chimique [9, 122]. En accord avec ces ´etudes, nous observons un im-portant ´elargissement de la distribution de probabilit´e de tign lorsque le syst`eme ´evolue dans le voisinage imm´ediat de la pression critique p(2)NO, o`u les fluctuations deviennent importantes (Figure 5.18). Nous noterons aussi que, plus le syst`eme consid´er´e est petit, plus la dispersion du temps d’ignition est large. Cette disper-sion pourrait expliquer pourquoi les ph´enom`enes explosifs, qui prennent naissance dans le cadre des exp´eriences sur des facettes contenant au mieux quelques dizaines de sites actifs, se reproduisent de fa¸con irr´eguli`ere.

0 500 1000 1500 temps 0 0,2 0,4 0,6 0,8 Recouvrement en NO

Fig. 5.17. Dans cette figure, plusieurs r´ealisations de transitions explosives son port´ees pour un syst`eme initialement proche de l’´etat empoisonn´e (θ0

NO= 0,9,θ0

H= 0,005). Les param`etres choisis sont : k1pNO = 0,19 (la valeur critique ´etant de 0,2), k1 = 0,001,

k2pH2 = 0,1, k2 = 0,1 et k3 = 300, ΓNO = 1, ΓH = 1000 pour ce syst`eme de taille

N0 = 1000.

Un autre ph´enom`ene induit par les fluctuations peut aussi ˆetre observ´e : l’exis-tence de transitions explosives dans les alentours de p(2)NO, mais `a l’int´erieur du domaine de bistabilit´e. Dans l’approche traditionnelle de la cin´etique, un syst`eme plac´e initialement dans un des ´etats stationnaires d’une bistabilit´e est cens´e y res-ter ind´efiniment. Les simulations nous apprennent n´eanmoins que, partant d’un ´etat inactif pour une valeur depNO tr`es l´eg`erement sup´erieure `a la valeur critique, les fluctuations peuvent devenir suffisamment importantes pour induire des tran-sitions vers l’autre ´etat attracteur (l’´etat r´eactif). L’existence de telles trantran-sitions

0 200 400 600 800 1000 t ign 0 0,001 0,002 0,003 0,004 0,005 0,006

Fig. 5.18. La distribution du temps d’ignition des ph´enom`enes explosifs est port´ee ici pour des valeurs des param`etres identiques `a celles de la figure pr´ec´edente, exception faite de k1pNO, valant respectivement 0,17 (cercles), 0,18 (carr´es) et 0,19 (losanges).

peut donc ˆetre attribu´ee `a l’apparition, avec une probabilit´e non-n´egligeable, de fluctuations importantes de la composition dans cette zone param´etrique. Il est int´eressant aussi de noter que l’´etat atteint apr`es la transition est g´en´eralement soumis `a des fluctuations trop faibles que pour pouvoir observer une transition inverse durant la dur´ee des simulations. Ce n’est en effet que pour des tailles rela-tivement petites (habituellement,N0 50) que des«flip-flops» peuvent ˆetre vus entre les deux ´etats de la bistabilit´e. Plusieurs ´etudes exp´erimentales effectu´ees par microscopie `a effet de champ pour la r´eaction CO+O2 (sur le mˆeme m´etal) ont permis de mettre en ´evidence des ph´enom`enes comparables sur de petites fa-cettes de l’´echantillon (voir par exemple [151, 152]). Ceux-ci n’ont toutefois pas ´et´e sond´es en profondeur pour la r´eaction ´etudi´ee ici. De plus, puisqu’il s’agit l`a de propri´et´es bien connues des syst`emes bistables soumis `a fluctuations, nous n’illustrerons pas ces effets et nous concentrerons plutˆot sur certaines sp´ecificit´es du mod`ele ´etudi´e.

Les r´esultats que nous avons pr´esent´es jusqu’`a pr´esent correspondaient `a des syst`emes o`u la mobilit´e du NO(ads) est relativement importante. Comme nous le r´ev`elent les simulations, ΓNO s’av`ere jouer un rˆole primordial non seulement au niveau des ´etats stationnaires, comme d´ecrit dans la section pr´ec´edente, mais aussi sur les propri´et´es des transitions. Pour illustrer ceci, nous avons port´e dans la Figure 5.19 des transitions explosives moyennes (extraites d’un grand nombre

de r´ealisations de l’algorithme) pour diff´erentes valeurs de ΓNO. Nous pouvons remarquer une tendance nette apparaissant pour de faibles valeurs de la mobilit´e du monom`ere : le temps moyen d’ignition du ph´enom`ene explosif diminue pour une mˆeme condition initiale. Une ´etude plus d´etaill´ee de la distribution detignnous apprend aussi que, pour une mˆeme valeur des diff´erents param`etres, la dispersion du temps d’ignition s’ammoindrit lorsque ΓNO diminue. Ces deux tendances sont en fait en accord avec le d´eplacement observ´e de p(2)NO dans le cadre de l’analyse des propri´et´es stationnaires : si la valeur critique de la pression augmente, la distance par rapport au point de rebroussement augmente aussi pour toute valeur de param`etrepNO < p(2)NO. En cons´equence, nous basant sur la pr´ediction classique

tign ∼ |pNO −p(2)NO|−1/2, le temps n´ecessaire `a l’enclenchement des ph´enom`enes explosifs est effectivement cens´e diminuer. De mˆeme, plus un syst`eme ´evolue loin du point de rebroussement, plus les fluctuations qu’il subit sont faibles et, en cons´equence, la dispersion du temps d’ignition est peu importante.

0 200 400 600 800 1000 temps 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 Recouvrement en NO a b c d

Fig. 5.19. Cette figure porte les transitions explosives moyennes (sur 500 r´ealisations) pour une condition initiale et des valeurs param´etriques identiques `a celles de la Figure 5.17, `a l’exception de ΓNO valant respectivement b) 10, c) 0,1 et d) 0,001. La courbe a) correspond `a la pr´evision de l’approximation du champ moyen.

Au vu de ce r´esultat, il est particuli`erement int´eressant de comparer, pour diff´erentes valeurs de ΓNO, les propri´et´es de ph´enom`enes explosifs se situant `a distance ´egale par rapport au point de bifurcation. Ceci nous permettrait de d´eterminer si les propri´et´es intrins`eques des ph´enom`enes explosifs, tels le temps d’ignition ou l’explosivit´e, sont modifi´ees par la pr´esence de fluctuations inho-mog`enes. Deux tendances principales peuvent ainsi ˆetre mises en ´evidence par le

biais des simulations, apparaissant toutes deux lorsque la mobilit´e de NO(ads) est relativement faible. Un premier effet marquant (que nous n’illustrerons pas ici) est une augmentation importante du temps d’ignition moyen pour une mˆeme valeur de |pNO −p(2)NO| : typiquement, le temps d’attente moyen avant explosion est bien plus grand selon les simulations que ne le pr´edit le champ moyen mol´eculaire. Ceci est d’autant plus ´etonnant qu’il a ´et´e montr´e que des fluctuations homog`enes de composition ont plutˆot tendance `a avancer les ph´enom`enes explosifs [9] et non `a les retarder comme nous l’observons ici. Cette diff´erence s’amoindrit n´eanmoins lorsque ΓNO et la taille du syst`eme deviennent grands (ΓNO 100, N0 104).

Le temps d’ignition n’est pas la seule caract´eristique affect´ee par les fluctua-tions inhomog`enes. Une autre tendance inattendue, que nous pourrions qualifier d’«effet de taille», est observ´ee et illustr´ee dans la Figure 5.20. Nous pouvons y apercevoir que, pour une distance ´egale par rapport au point de bifurcation, les transitions explosives dans les syst`emes macroscopiques de faible mobilit´e sont caract´eris´es par une dur´ee de transition vers l’´etat r´eactif bien plus grande que ne le pr´evoit la cin´etique traditionnelle : la transition entre l’´etat initial et l’´etat stationnaire final devient«douce» par rapport `a celle d’un syst`eme bien m´elang´e. Toutefois, si des syst`emes plus petits sont consid´er´es, l’explosivit´e de la transition

-150 -100 -50 0 50 100 150 200 temps - t ign 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 Recouvrement en NO

Fig. 5.20. Cette figure porte l’´evolution temporelle du recouvrement en NO(ads), obte-nue par une r´ealisation unique des simulations, pour une gamme de param`etres identique `a celle de la Figure 5.19d, `a l’exception depNO = 0,35 (la valeur critique ´etant de 0,36 pour ΓNO = 0,001). Pour faciliter la comparaison des profils, les transitions sont centr´ees autour de leur temps d’ignition. Les tailles des syst`emes sont respectivement N0 = 105 (courbe pleine), N0 = 104 (courbe discontinue) etN0 = 103 (courbe pointill´ee).

est retrouv´ee graduellement, comme illustr´e dans cette mˆeme figure. Il semble donc qu’une connexion particuli`ere existe entre la dynamique aux diff´erentes ´echelles, qui peut r´esulter en la perte du caract`ere explosif des transitions. Afin de com-prendre l’origine de ce ph´enom`ene, nous allons devoir nous pencher `a pr´esent sur le d´eveloppement spatial des transitions explosives.

Propagation spatiale des ph´enom`enes explosifs

L’analyse d´etaill´ee de la dynamique spatiotemporelle des transitions explosives discut´ees plus haut r´ev`ele des diff´erences qualitatives importantes entre les situa-tions o`u ΓNO est faible et celles o`u la mobilit´e du monom`ere est ´elev´ee. Pour illustrer ces diff´erences, nous avons port´e dans la Figure 5.21 des instantan´es de la composition superficielle durant des transitions explosives typiques (obtenues par simulations) o`u les NO(ads) sont repr´esent´es en noir, les H(ads) en gris et les sites actifs inoccup´es en blanc. Lorsque ΓNO est grand (Figures 5.21a-d), les ex-plosions impliquent une modification quasi-simultan´ee de la composition chimique de l’enti`eret´e de la surface et peuvent en cons´equence ˆetre qualifi´ees d’homog`enes. Dans le cas d’une mobilit´e faible de NO(ads), le syst`eme subit des fluctuations

a b d

g h

f

c

e

Fig. 5.21. Cette figure reprend des instantan´es pris durant une transition explosive pour des valeurs des param`etres identiques `a celles de la courbe b) de la Figure 5.19 (pour les Figures 5.21a-d) et `a celles de la courbe d) de cette derni`ere figure, avecpNO = 0,35 (pour les Figures 5.21e-h). La taille du syst`eme est de 100×100.

locales de sa composition jusqu’`a l’apparition d’un agglom´erat de l’´etat r´eactif suffisamment grand. Les diff´erents«noyaux» pro-r´eactifs ainsi form´es s’´etendent

alors `a l’ensemble du syst`eme par le biais de fronts de propagation (Figures 5.21e-h).

Ce m´ecanisme particulier de la transition, lorsque la mobilit´e de NO(ads) est faible, permet d’expliquer intuitivement les d´eviations observ´ees par rapport au champ moyen (temps d’ignition plus grand et explosivit´e moindre). La transi-tion implique en effet dans ces circonstances l’apparitransi-tion de clusters pr´esentant une configuration pro-r´eactive dans une surface initialement quasi-inactive et den-s´ement recouverte par le monom`ere. La n´ecessit´e d’apparition d’un noyau suffi-samment grand pour envahir l’ensemble du syst`eme peut se concevoir comme la principale cause de l’effet de retardement des transitions explosives, tel qu’observ´e dans les simulations. La perte d’explosivit´e peut elle aussi ais´ement s’interpr´eter, en particulier sur base des r´esultats pr´esent´es dans la Figure 5.21. L’´evolution temporelle locale semble en effet explosive : ceci peut ˆetre confirm´e en suivant le recouvrement des diff´erentes esp`eces dans un sous-ensemble de la surface suf-fisamment petit. On peut toutefois remarquer que, lorsque le NO(ads) diffuse lentement, toutes les parties de la surface ne sont pas activ´ees simultan´ement par le processus de nucl´eation et de croissance. La perte de l’explosivit´e macrosco-pique peut en cons´equence s’interpr´eter comme ´etant due `a une d´esynchronisation spatiale des ph´enom`enes explosifs dans les diff´erentes r´egions de la surface. La dif-fusion des diff´erentes esp`eces, et en particulier celle du NO(ads), semble d`es lors n´ecessaire `a la coh´erence spatiale des transitions explosives. Pour des syst`emes de taille plus petite que ceux consid´er´es dans cette figure, seul un nombre restreint de noyaux apparaˆıt de sorte que la quasi enti`eret´e de la surface transite simultan´ement vers l’´etat final et l’explosivit´e globale est conserv´ee. Remarquons que lorsque le syst`eme correspond `a une situation ´eloign´ee du point de bifurcation, un nombre ´elev´e de noyaux se forment et envahissent rapidement le syst`eme, r´eduisant donc le temps n´ecessaire `a l’enclenchement d’une transition explosive. Il faut remarquer aussi que, dans le cas extr`eme o`u les particules de NO(ads) sont immobiles, la propagation des noyaux s’effectue toujours. Au vu des r´esultats du Chapitre 4, ceci n’est pas ´etonnant. Dans cette situation, toutefois peu r´ealiste, c’est l’aspect non-local des r´eactions non-lin´eaires qui offre la communication spatiale n´ecessaire au ph´enom`ene de propagation.

La description du m´ecanisme de transition propos´ee ci-dessus est illustrative, mais n’en reste pas moins fort qualitative. Le m´ecanisme sp´ecifique de la transition suppose par exemple l’apparition de corr´elations spatiales importantes entre les diff´erentes mol´ecules du syst`eme, annonciatrices d’une perte de validit´e de l’hy-poth`ese de champ moyen. Afin de quantifier l’importance de ces corr´elations, nous pouvons par exemple suivre l’´evolution temporelle des covariances globales CXY(2)

durant une transition explosive. Cette fonction permet, pour rappel, de d´eterminer la tendance qu’ont les particules X et Y `a former des aggr´egats. Comme illustr´e dans la Figure 5.22, durant une transition explosive CNO NO(2) et C∗ ∗(2) prennent des

valeurs particuli`erement importantes. Nous noterons en particulier que CNO NO(2)

augmente fortement tandis que le recouvrement de cette mˆeme esp`ece diminue. En parall`ele, la fonction CNO(2) prend, elle, des valeurs fortement n´egatives, indiquant une tendance pour ces deux esp`eces `a se s´eparer. Ceci nous m`ene directement `a la confirmation que, dans les circonstances choisies, la transition implique la cr´eation et la nucl´eation de«trous» dans une couche initialement dense de NO(ads), qui a alors tendance `a s’organiser sous forme d’agglom´erats de taille finie. Cette mˆeme figure apporte d’ailleurs la confirmation que ce ph´enom`ene correspond `a la cr´eation et l’amplification de zones relativement vides de la surface, puisque la fraction de sites vides et les corr´elations entre ces derniers augmentent rapidement.

50 100 150 200 temps -0,2 -0,1 0 0,1 0,2 a b c

Fig. 5.22. Nous pouvons observer dans cette figure l’´evolution temporelle de la cova-riance spatiale CXY(2), telle que d´efinie dans le texte, pour respectivement a) des paires de NO(ads), b) des paires de sites actifs vides et c) des paires NO -. Ces corr´elations sont celles correspondant `a la courbe d) de la Figure 5.19.

A cause de l’existence de corr´elations spatiales non-n´egligeables et d’un m´eca-nisme microscopique particulier pour les transitions explosives, le champ moyen s’av`ere inappropri´e pour la description de la dynamique du syst`eme consid´er´e. Il serait int´eressant d’amender ce dernier de corrections li´ees aux corr´elations spa-tiales mentionn´ees : ceci nous permettrait de mieux comprendre la limite de vali-dit´e de cette approximation et nous permettrait de plus d’analyser th´eoriquement les situations qui d´epassent cette limite. C’est dans ce but que nous pr´esentons `a

pr´esent une ´etude dynamique bas´ee sur la dynamique stochastique engendr´ee par les simulations.