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« Si vous restez au niveau phénoménal vous ne pourrez rien démontrer parce qu'effectivement tout se trouve partout ; […] autrement dit, la seule chose qu'il faut vérifier, c'est, non pas la localisation, mais le conditionnement cortical (puisque ce n'est accessible qu'à l'homme), et ces fonctions dites supérieures ne doivent pas être décrites d'une manière phénoménale, elles doivent être toujours réduites aux processus, dont l'interférence les permet. Et c'est précisément ces processus qu'il faut ramener à la plus grande simplicité pour essayer ensuite d'en observer biologiquement le conditionnement. Il est certain que si nous n'avions pas le corps que nous avons nous ne serions capable ni de langage, ni d'art, ni de société, ni de droit. Ce qui convient de faire, en ce qui concerne les sciences humaines telles que je vous les propose, c'est, pour ne pas sombrer dans le positivisme (qui consistera, quoique vous ayez posé comme concept, à essayer de situer ponctuellement à chaque fois dans le cortex), de ne pas concevoir la “chose” comme “substance”, comme réifiée, comme positive, mais de l'envisager comme ce référent permettant la vérification d'un type de réalité qui n'est pas positivable, qui n'est pas substantifiable parce qu'il s'agit de processus et non pas de matérialité. »

Jean Gagnepain.

1)- Le diable s’habille en Hermès et pas en Prada.

Des chemins de traverse de la dialectique.

Bien sûr cette formule, le diable s’habille en Hermès et pas en Prada, n’a de sens que dans le contexte contemporain. Qui ne saurait que conjointement à l’écriture de cette thèse, un film américain évoque les coulisses de la mode féminine se perdrait en conjecture. Cette formule me permet cependant de condenser le sujet sur lequel porte la thèse : le féminin (dans le contexte de l’agi criminel), et l’analyse épistémologique. Prada pour le préconçu « éternel féminin », Hermès pour la transmission. Le contenu et la forme autrement dit ; Le signifié et le signifiant dans l’acception lacanienne.

D’autre part l’hermétisme signifie simultanément :

a)- Le partage et la transmission du savoir, particulièrement chez les alchimistes, accompagné d’un secret sacré.

Nous avons là réunis les ingrédients de l’investigation et de l’intervention ; de la théorisation et de la pratique, l’arché de la Praxéologie en sciences humaines. S’y retrouve la Transmission de l’intrigue constituant le corps de l’histoire ainsi que le désir du Secret, tant

dans l’exercice professionnel que dans l’énigme de l’acte criminel ; sans compter l’énigme du

féminin scruté par de nombreux contemplateurs épicènes du Phallus.

Le Diable : parce que grand consommateur de Logos et Polis de l’antique Hellas, je reprends à mon compte le démon, et la diabole, comme vecteur et facteur de l’humanité. Le demon « génie protecteur, demi dieu » accompagnait le demos – peuple humain, Hermès était son référent divin, son guide-hégémon, son démagogue – bien différent de nombre de nos actuels propriétaires du potentat législatif et exécutif. La diabole se conçoit en référence à la disposition (diathésis – diathèse) et non comme la diachronie linguistique conventionelle en terme d’évolution. Diabole et Diathèse sont révolution et non évolution. L’évolution est de l’ordre de l’animalité, la révolution est inhérente à l’humanité ; que celle-ci se matérialise par le langage, l’histoire, la liberté ou le travail. Le (ou la) diabole est en référence au symbole, ce qui traverse et porte les bouleversements de la pensée humaine. La diabole nous incite à une analyse en perspective ; à concevoir à travers le polymorphisme phénoménal, le principe du symbole. Nous verrons plus loin que la théorie de la médiation redéfinit et redistribue l’acception actuelle de symbolique. Cependant par le plaisir mythique, mais heuristique, du jeu de mots nous trouvons que le diable hermétique – la diabole – est la condition de transformer l’alchimie actuelle des sciences humaines, dont la théorie de la médiation fait tendre vers la chimie. C’est par la diabole de l’analyse en perspective que nous allons interroger le contenu « symbole féminin criminel » et sa métabole historique et contextuelle, pour tenter de circonscrire un ou des processus qui en permet la déclinaison, la sériation. C’est par la parabole du chemin faisant que nous allons visiter, sans prétention à l’exhaustivité, la question de la criminalité féminine. Criminalité féminine qui se moque dans son principe, que la variabilité de sa réalisation, sa conation, incube ou succube, voire concube.

Evidemment le diable n’est pas sans faire penser à la figure chrétienne du tentateur et de son épigone Eve qui résonne du diabolos – le calomniateur. Ce qui fait dire à quelque esprit malin que la femme est le suppôt du diable parce que Satan l’habite. Autre manière de dire que la femme est diabolique, entendu au sens chrétien péjoratif. Nous pouvons nous en amuser, par jeu de mots interposé, il n’en pas moins qu’au Moyen Âge, comme plus tard pour le sauvage,

la chrétienté refusera à la femme la possession d’une âme. Si fait, contradictoirement cette même chrétienté, à travers la figure de Marie, posera en exergue le féminin.

Diable, démon, diabole –diabolos, les grecs, au moins présocratiques, comme la pensée orientale au demeurant, n’avaient pas omis dans leur génie et leur génésis sémantique qu’Aléthéia- la vérité n’existait pas sans son collosos - son double pour paraphraser Jean Pierre Vernant, le mensonge ; précédant la dualité de Bachelard du songe et de la science. Platon transformera cette bi polarité, cette terre de contraste, en opposition du sensible et de l’intelligible. La chrétienté avant que de reprendre Aristote, par Avicenne et Averroès interposés, va progressivement établir dans la pensée occidentale la dichotomie au dépend de la bipolarité, la linéarité du récit au lieu de la récursivité, de la circularité du principe et du renversement possible des ses réalisations. Ce faisant elle permettra la naissance de la modélisation que les sciences de la nature, après Bacon et Descartes, développeront ; ainsi que la naissance de la clinique dont l’actuelle thérapeutique est issue (le sujet de la naissance de la clinique sera développé dans le chapitre « Crise conjugale entre le thérapeutique et le juridique », et dont nous sommes les héritiers. L’épistémologie garde la modélisation mais retrouve la diabole de la circularité dans la dialectique qui processuellement montre que le principe est éminemment contradictoire. Ce contradictoire fait qu’un même principe peut se réaliser de façons qui nous apparaîssent (dirait Platon dans son mythe de la caverne) opposées, ce qu’illustre avec brio littérairement Jean Paul Sartre dans le Diable et le bon Dieu. On a les qualités de ses défauts dit l’adage populaire.

Ce principe éminemment contradictoire que Jean Gagnepain nomme dialectique de la rationalité, que d’une manière proche Marcel Gauchet énonce « la raison humanitaire telle que les pathologies de la mécanique cérébrale la mettent en lumière » est la pierre angulaire de l’édifice clinique. Cette clinique nous induit et conduit, à l’encontre de nombreuses productions oratoires et livresques, à déconstruire le phénoménal pour déduire le processus. Autrement dit nous allons, « chemin faisant »27 dans l’analyse en perspective des

phénomènes, chercher à déduire une focale des processus inhérents à cet objet surdéterminé

idéologiquement et indéterminé épistémologiquement, qu’est la criminalité féminine. Ceci de manière polémique mais non dédaigneuse, hormis envers quelques sachants prétentieux (nobody’s perfect), à rebours de la plupart des études sur ce sujet – objet qui privilégient la

focale phénoménale et le raisonnement inductiviste. Focale phénoménale qui substantifie, positivise de manière Comtienne, le phénomène criminel, et qui plutôt que de chercher des analogies manifestes, dans la matérialisation, permettant de trouver la récurrence d’un principe, comptabilise – dénombre les phénomènes en autant d’occurrences répertoriées. Nous le verrons, il en est ainsi du catalogue de crimes affirmés féminins, tel que l’infanticide en ses différentes versions : infanticide, filicide, meurtre d’enfants etc.… ce qui est aussi intelligent que de ramener l’agression sexuelle au masculin, parce que ce dernier possède l’engin phénoménal (il faut pas exagérer non plus, pas tout le masculin, soyons vigilants aux effets de la polysémie). L’agression sexuelle est masculine parce que l’homme est pourvu d’un pénis, l’infanticide est féminin parce que la femme est apte à enfanter. L’on me dira que j’exagère et que je caricature, sans doute, mais que le lecteur de la présente thèse aille lire les écrits sur le féminin et la criminalité féminine, et je ferai œuvre de pénitence (avec la corde et les cloches, si besoin est), si je suis mis en défaut par rapport à la généralité des productions. La clinique anthropobiologique de la théorie de la Médiation, étudie donc cette dialectique du processuel et du phénoménal, du principe et de sa manifestation. Nous avons évoqué plus avant l’importance de l’érection théorique du modèle sans lequel il n’est pas d’objet. L’objet ne préexiste pas à l’observateur. « Le point de vue crée l’objet » pour reprendre l’expression de Gaston Bachelard concernant l’épistémologie des sciences physiques. Ce propos a été développé plus avant dans les paragraphes question de point de vue et questions sur le point de vue dans le chapitre La criminalité féminine : une criminalité épicène et insolite.

Cette heuristique occidentale a permis les avancées en sciences naturelles et particulièrement en physique. Il est certain que la biologie, dont Sigmund Freud a toujours maintenu qu’en dehors de l’état où elle se trouvait à son époque, elle serait la science à venir, et les sciences humaines ne peuvent pas se départir de la modélisation. Pour autant la clinique épistémologique en sciences humaines telle que l’érige Jean Gagnepain en mettant à jour la dialectique processus/phénomène et la bipolarité inhérente au contradictoire, retrouve, nous l’avons dit, la dialectique présocratique et particulièrement la pensée orientale. Dans la pensée orientale à côté du Jinisme la pensée chinoise est fondamentale. Un auteur contemporain, François Jullien, est d’une didactique précise et concise, et je permettrai de dire incontournable, à ce sujet. François Jullien28 propose une analyse en contraste des pensées

occidentale et orientale. Paradoxalement alors qu’il démontre que la pensée orientale est

diabolique (en notre définition) tandis que nous pourrions dire que la pensée occidentale est symbolique, sa mise en contraste est intelligible par la mise en opposition. En fait la Théorie de la Médiation, notamment dans la clinique de la glossologie à partir de la patho-analyse des aphasies (ce que remarque Marcel Gauchet) démontre qu’opposition et contraste se projettent l’un sur l’autre. Modélisation occidentale et corrélation orientale (bipolarité) se complètent. Cette complémentarité va orienter notre propos tout au long de cette thèse. Pour plus de clarté dans le paragraphe suivant sera proposé un tableau récapitulatif de la mise en contraste des pensées occidentale et orientale.

Ce faisant, il vaut mieux semble t’il malgré l’actualité politique et pénale réactionnaire française, être châtié en France qu’en Chine.

2)- Chemin faisant, passant par la Chine.

De l’orientation de la thèse.

« Dans son dernier livre, au sens du plus récent, nous espérons qu’il s’agit du last but not least, « La violence de vivre », Claude Balier29 évoque le mot d’esprit de son médecin concernant un symptôme psychosomatique : « C’est l’air de la mer ! ». Pour nous qui sommes bretons, l’air de la mer ne saurait que susciter notre acquiescement, de la polysémie dans l’homophonie du vocable ; puisque d’une part nous sommes cernés, avec notre consentement, par Neptune Poséidon, et que d’autre part il n’est pas si loin le temps où d’aucun ethnologue parlait du matriarcat breton. Ces faîtes de mers nous désorientent ils ? Toujours est il qu’il est justifié que désorientés nous paraissons souvent à l’ouest. Mais comme Christophe Colomb en se trompant de direction, et de ce fait se désorientant, découvrit l’extrême occident, pour paraphraser François Jullien, la psychocriminologie bretonne découvre synchroniquement avec Claude Balier de nouveaux continents épistémologiques. Si l’air de la mer créa pour Claude Balier un manque physiologique de souffle, il nous a prouvé depuis lors qu’anthropologiquement l’inspiration ne lui a pas fait défaut, bien au contraire. Ce souffle que les hellènes antiques appelaient Thumos et qui s’est transformé mystiquement en Pneuma en ce qui concerne la Psuké, Claude Balier l’exprime dans un esprit sain. » 30

S’orienter en se désorientant, se désorienter en s’orientant voilà un paradoxe auquel nous confronte l’épistémologie. Il n’en est pas seulement de la théorie et de l’explication dans ce

29 Balier C., La violence de vivre, éd. Erès, Paris, 2007, p.23.

paradoxe, il en va des incidences de la rationalité diffractée. Et nonobstant leur caractère occidental, des cliniciens occidentaux comme Franck Chaumon et Bruno Gravier ont une analyse sur l’éthique, que d’aucun nommerait propos chinois, au rebours de la doxa morale ambiante prônant le risque et la tolérance zéro. Au demeurant la définition de tolérance zéro, c’est l’intolérance, dont acte.

« L’éthique est au-delà de la vérité. Toute Décision suppose une prise de risque(s). »31 Ceci nous amène à dire que le contraste occident – orient est heuristique, mais qu’en orient certains sont plus proches de la pensée occidentale et inversement. Comme le dit Gilbert Durand : « on peut caricaturer en disant que dans les penseurs et philosophes, il y a ce qui coupent (modélisation- opposition) et ceux qui lient (corrélation – contraste) […]. »

Les philosophes occidentaux peuvent se classer en deux groupes, ceux qui coupent la vision des choses en deux et ceux qui recollent. Mais on peut ajouter que le philosophe occidental (à la temporo spatialité linéaire par ailleurs) ne recolle que pour couper par ailleurs. Aristote dément bien un certain dualisme platonicien. Celui entre sensible et intelligible, la sensation et l’intellection mais recoupe (matière et forme, entre puissance et acte (impétus - conatus), entre vrai et faux.) Ainsi Galilée en sa pensée physique de l’inclinaison, et Albert Einstein en sa pensée physique de la relativité, modélisent occidentalement le processus et le déploiement inhérent à la pensée orientale.

Par rapport à la connaissance grecque modélisée et objective, centrée sur l’objet, induisant la composition, la connaissance processive chinoise propose la schématisation, la transformation, la corrélation. Corrélation et schématisation, que nous retrouvons dans la pratique heuristique de l’analogie de fonctionnement dans les différents plans de la rationalité. Ainsi en ce qui concerne la question sexuelle, la clinique nous démontre que le lien sexualité – génitalité dans l’incorporation est analogue au lien indice – sens dans la perception ; autrement dit le fonctionnement du sujet est analogue, bien que différent, à celui de l’objet. A l’hypokeimenon, la substance, que l’occident met en exergue, l’orient répond par le d’où procède les choses dans la bipolarité du Yin er Yang. Er qui signifie : et, mais, d’où, de lorsque, dans l’enchaînement et le renversement. Autrement dit la diabolique et la dialectique. Il est plausible de se demander quel peut être l’intérêt heuristique d’une telle démarche. Que peut bien apporter une telle analyse contrastée. Je propose au lecteur de se rendre plus bas,

dans le tableau, à la case Volonté, il pourra questionner, ce qui a fait couler beaucoup d’encre, et ce n’est pas fini, en ce qui concerne la crédibilité. La pensée chinoise ne se préoccupe pas

de la sincérité de la personne et de la crédibilité du discours, à l’instar du grec antique qui ne pouvait concevoir Aléthéia – la vérité sans le mensonge, ou de la bible Omnis homo mendax – tout homme est menteur. Pour la pensée chinoise tout discours est menteur, ce qui compte est la fiabilité de l’acteur, sachant que du même principe se manifeste le pire ou le meilleur. Ce ne sont pas, autrement dit, les termes d’un contrat qui en font sa fiabilité, c’est la viabilité des effectuations de celui-ci. L’efficience ne se jauge pas à l’empan d’une efficacité, tant celle-ci souvent est une justification des actions menées : la peine de mort pour le meurtrier d’enfants, la dite castration chimique (n’ayons pas peur des mots pérore un certain) et autre hôpital fermé pour agresseurs sexuels montre cet accrochage occidental aux notions de crédibilité et d’efficacité. Pense t’on pour autant le contrat de mariage, consenti ou obligé, dans l’efficacité ? Un peu de chinoiseries amènerait peut-être une réflexion salutaire à ces tenants du discours vrai. Car s’il y avait efficience de leur principe quelque soit la forme, tout principe se réalise dans le polymorphisme des manifestations, il n’existerait pas de divorce légiféré ou non.

Ce rapport entre les pensées occidentales et orientales n’étant pas le sujet de la thèse, nous n’irons pas au-delà de cette réflexion. Le tableau ci-dessous résume et illustre la pensée en contraste.

Tableau n°2: Mise en perspective des pensées occidentales (grecque) et orientales (chinoise).