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LA DEUXIEME ZONE DE TENSION : L’EMANCIPATION, ENTRE OBJECTIF ET REALITE

Dans le document SECURITE SOCIALE SECURITE SOCIALE (Page 46-51)

UNE REVENDICATION DEVENUE RESISTANCE

3. LA DEUXIEME ZONE DE TENSION : L’EMANCIPATION, ENTRE OBJECTIF ET REALITE

3.1. INDIVIDUALISATION

Les systèmes des ‘droits dérivés’ et de la ‘modulation familiale’ sont mis sous pres-sion par l’individualisation factuelle résultant de l’autonomie économique d’un nom-bre croissant de femmes ainsi que de la réduction de la taille des familles et de la déstabilisation de la famille. En 1961, seulement un peu plus de 25 % des ménages se composaient d’un seul adulte, avec ou sans enfants. En 2007, cette proportion atteignait presque 50 % de l’ensemble des ménages (voir tableau 1). Au sein des groupes des familles monoparentales et des isolés, les femmes sont surreprésentées, avec respectivement 10 et presque 18 % des ménages.

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TABLEAU 1 : EVOLUTION DE LA COMPOSITION DES MENAGES, EXPRIMEE EN POURCENTAGE DU NOMBRE DE FAMILLES

Année Couples avec et Familles Isolés

sans enfants monoparentales

1961 65 5 17

1970 64 5 19

1991 58 9 28

2004 48 13 33

2007 46 14 34

Source : Direction générale Statistique et Information économique (l’ancien INS).

Ce changement dans les formes de vie familiale s’accompagne d’une hausse du niveau de scolarisation et d’activité des femmes. Cette hausse s’est réalisée en très peu de temps, comme le montre le tableau 2. La baisse de la proportion de femmes peu qualifiées et la hausse de la part de femmes hautement qualifiées sont significati-ves. En outre, le tableau 3 montre qu’en plus ou moins un demi-siècle, le niveau d’activité des femmes a doublé.

TABLEAU 2 : NIVEAU DE SCOLARITE DE DIFFERENTES GENERATIONS DE FEMMES BELGES

Age Peu qualifiées Moyennement Hautement

qualifiées qualifiées

Jeunes déscolarisés (2006) 12 40 49

25-49 ans (2007) 20 39 41

50-64 ans (2007) 50 30 20

Source : Steunpunt WSE + VDAB (VDAB, 2008).

TABLEAU 3 : EVOLUTION DU NIVEAU D’ACTIVITE (= PART DES PERSONNES ACTIVES ET DES CHERCHEURS D’EMPLOI DANS LA POPULATION TOTALE) HOMMES ET FEMMES (15-64 ANS)

Année Niveau d’activité hommes Niveau d’activité femmes

1960 76 30

1970 72 32

1990 62 41

2004 73 58

2007 74 60

Source : Direction générale Statistique et Information économique + site du CSB.

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Ces glissements, remettent en question la modalisation familiale de la protection sociale. Cela s’accompagne d’une accentuation de valeurs qui attachent une grande importance aux progrès en matière d’égalité entre hommes et femmes au niveau de la scolarité et la participation au travail, ainsi qu’en matière de traitement égal des couples mariés, cohabitants et isolés.

3.2. INEGALITES PERSISTANTES ENTRE HOMMES ET FEMMES

La hausse des niveaux de scolarité et d’activité des femmes a réduit leur dépendance vis-à-vis de leur époux ou partenaire. Elle leur permet de constituer des droits pers-onnels. Toutefois, il subsistent des différences substantielle entre hommes et fem-mes, par exemple sur le plan de l’emploi et du salaire. En 2006, la différence de salaire mensuel brut moyen pour un emploi à temps plein entre hommes (2846 EUR) et femmes (2491 EUR) s’élevait à 345 EUR (Bevers, De Spiegeleire, Gilbert, Van Hove, 2009). Au tableau 4, nous avons effectué une comparaison par tranche d’âge sur la base de la banque de données EUSilc. Dans chaque tranche d’âge, les hommes gagnent davantage que les femmes. En outre, le tableau 5 nous montre qu’au sein des couples, c’est l’homme qui contribue en moyenne le plus au revenu du ménage. Les différences entre tranches d’âge observées dans les tableaux 4 et 5 sont sans doute dues principalement à des effets de cohorte.

TABLEAU 4 : REVENU ANNUEL BRUT EN EUROS DES HOMMES ET FEMMES TRAVAILLANT A TEMPS PLEIN EN 2006, EN FONCTION DE L’AGE

Age Hommes Femmes Différence

25-34 ans 239.276.332 182.644.278 56.632.054

35-44 ans 280.722.442 178.017.412 102.705.030

45-54 ans 278.294.125 155.934.982 122.359.143

55-64 ans 145.816.223 54.157.144 91.659.079

65-74 ans 1.724.973 1.162.756 562.217

75-80 ans 1.659.758 1.152.658 507.100

Source : EUSilc Belgique 2006 + calculs propres.

TABLEAU 5 : REVENU DE LA FEMME BELGE EXPRIME EN POURCENTAGE DU REVENU DE SON EPOUX EN 2006, EN FONCTION DE L’AGE

Age %

25-34 ans 80

35-44 ans 75

45-54 ans 84

55-64 ans 68

65-74 ans 61

75-80 ans 40 (N=72)

Source : EUSilc Belgique 2006 + calculs propres.

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En 2008, le chômage concernait 6 % des hommes et 8 % des femmes. Fin 2007, 72 % des hommes avaient un emploi, pour seulement 60 % des femmes (VDAB, 2008). En outre, les femmes de 18 à 59 ans vivent plus souvent que les hommes au sein d’un ménage sans revenu professionnel (plus précisément 15 % des femmes pour 11 % des hommes). Dans les tranches d’âge supérieur (75+), 40 % des femmes vivent seules, tandis que cette proportion n’est que de 15 % chez les hommes. En 2005, le risque de pauvreté encouru par les femmes de plus de 65 ans se situait juste au-des-sus des 20 %, alors qu’il était inférieur à 20 % chez les hommes (Eurostat, 2008).

Il est illusoire de partir de l’idée que l’individualisation de la sécurité sociale puisse en soi compléter l’émancipation de la femme. Les pensions sont liées à la participa-tion au marché du travail et au niveau des salaires. Etant donné que ces deux fac-teurs sont fonction du genre (voir tableaux 3 et 4), les pensions le resteront égale-ment, ce qui signifie que la pension moyenne des femmes restera inférieure à la pension moyenne des hommes (voir tableau 4). Autrement dit : tant que la participa-tion au travail est utilisée comme principale condiparticipa-tion de l’obtenparticipa-tion des droits d’al-location sociale, le système de sécurité sociale restera basé sur la carrière des hom-mes et non pas sur celle de l’ensemble des individus, dont font également partie les mères (Frericks, 2007).

3.3. UNE EMANCIPATION A DEUX VITESSES

Nous avont par ailleurs démontré que les différences persistantes entre hommes et femmes présentent une structure sociale fortement stratifiée (Cantillon, Ghysels, Thirion, Mussche et Van Dam, 2000). Au vu des résultats de la Luxembourg Income Study, nous avons démontré que les femmes peu qualifiées participaient significati-vement moins à la vie professionnelle que les femmes hautement qualifiées. En d’autres termes, elles dépendent plus que leurs congénères hautement qualifiées soit du revenu de leur mari, soit d’une allocation de chômage ou d’une allocation sociale. En 1992, 29 % des femmes peu qualifiées âgées entre 20 et 59 ans avaient un emploi rénuméré. Pour les femmes moyennement et hautement qualifiées, ces pourcentages étaient respectivement de 59 % et 82 %. Chez les femmes hautement qualifiées, le rapport femme/homme était relativement proche de 1, à savoir 0,92.

En ce qui concerne les femmes peu qualifiées, ce rapport n’était que de 0,45 (Cantil-lon et.al., 2000). Les femmes hautement qualifiées travaillent en outre beaucoup plus souvent à temps plein que les femmes peu et moyennement qualifiées (Ghysels

& Debacker, 2007 – voir tableau 6).

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TABLEAU 6 : NIVEAU D’ACTIVITE 2004-2005 FEMMES FLAMANDES AVEC ENFANTS DE MOINS DE 11 ANS, EN FONCTION DE LA FORMATION

Niveau d’activité/ Peu qualifiées Moyennement Hautement Formation (N=145) qualifiées (N=334) qualifiées (N=453)

Temps plein 13 25 41

Temps partiel 25 34 39

Inactives 62 41 20

Source : banque de données GEZO (= sondage auprès de 3000 familles flamandes) – Ghysels & Debacker, p.

126, tableau 5.5, 2007.

Cette stratification sociale se manifeste également en ce qui concerne les pensions.

Les femmes peu qualifiées dépendent plus tôt du régime de pension que les femmes hautement qualifiées. En Belgique, la proportion de femmes peu qualifiées âgées entre 55 et 59 ans et actives sur le marché du travail dépassait à peine 25 % en 2005.

Cette proportion est de 50 % chez les femmes hautement qualifiées. En ce qui con-cerne les femmes de 60 à 64 ans, ces pourcentages chutent respectivement à 5 et 20

% (voir tableau 7, Eurostat, 2008). Autrement dit, les femmes peu qualifiées dépen-dent d’une allocation de pension plus tôt que leurs congénères hautement qualifiées et prestent ainsi moins d’années de carrière que les femmes hautement qualifiées.

TABLEAU 7 : TAUX D’EMPLOI DES FEMMES BELGES DE 54 A 59 ANS ET DE 60 A 64 ANS EN 2005

Age Peu qualifiées Moyennement Hautement

qualifiées qualifiées

54-59 ans 25 34 50

60-64 ans 5 15 20

Source : Eurostat, LFS (Eurostat, 2008).

Les changements sociodémographiques survenus récemment requièrent une adapta-tion de la sécurité sociale. Cette adaptaadapta-tion ne peut cependant pas être basée sur la supposition ou l’espoir de voir apparaître – maintenant ou dans un proche futur – l’égalité économique entre hommes et femmes. L’inégalité persistera principale-ment chez les femmes peu qualifiées, dont la dépendance vis-à-vis de la sécurité sociale est plus importante que chez les femmes hautement qualifiées.

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Dans la pratique: conséquences non désirées de ‘l’individualisation’ de l’assistan-ce sociale.

L’évolution observée récemment chez les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale, démontre que l’individualisation de la sécurité sociale n’est pas toujours synonyme de garantie d’une plus forte, bien au contraire activation. A la suite des réformes du système du revenu d’intégration sociale en 2003, le droit au revenu d’intégration sociale a été individualisé. Cela signifie qu’il n’existe plus de reve-nus d’intégration sociale pour les ménages mais que chaque partenaire a droit à la moitié du montant considéré autrefois comme un revenu d’intégration pour ménage. Cette individualisation a des conséquences non négligeables sur les couples. En effet, contrairement aux isolés et aux familles monoparentales, lors-que ces couples travaillent à temps partiel au salaire minimum, ils n’ont pas droit à l’exonération pour intégration socioprofessionnelle (ISP). Cette exonération implique que le CPAS adapte la différence entre le nouveau salaire et l’ancien revenu d’intégration sociale (= non imposable). En raison du faible revenu d’inté-gration sociale personnel (455,96 EUR par partenaire au 1e janvier 2008), les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale qui vivent en couple et qui accep-tent de travailler à temps partiel en échange d’un faible revenu n’ont pas droit à ce complément, ce qui explique pourquoi le rendement supplémentaire du tra-vail à temps partiel moyennant un salaire minimum est passé à 2 % en 2008, alors que ce pourcentage était encore de 30 % en 2002 (Bogaerts, 2008). Nous pou-vons affirmer que l’individualisation des revenus d’intégration sociale, sans les adaptations complémentaires requises, a entraîné un piège à chômage.

4. LA TROISIEME ZONE DE TENSION : RISQUES SOCIAUX INDIVIDUELS ET

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