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Titre Adhérer au réseau international des FabLabs : quelles implications organisationnelles ?

5.3 DESIGN DE RECHERCHE

5.3.1 MÉTHODE

Nous avons pour notre étude adopté une méthode mixte (Molina-Azorin, 2012). Les approches qualitative et quantitative y ont un statut égal et font l’objet d’une implémentation simultanée. Leur combinaison repose sur un objectif de triangulation et d’expansion.

Cette méthode nous a paru adaptée dans la mesure où l’on cherche à la fois à comprendre la façon dont les principes sont saisis par les managers et traduits en choix managériaux, et à identifier comment ces choix se combinent et s’il existe des variables déterminantes (Johnson and Turner, 2003). Dans cette perspective d’analyse, l’approche qualitative permet d’éclairer le premier point, l’approche quantitative le second.

Par ailleurs, dans la mesure où notre étude adresse des questions de choix organisationnels, nous avons privilégié le point de vue des FabManagers et de « têtes » du réseau international.

5.3.2 PROTOCOLE

En cohérence avec la méthode retenue, les outils de récolte de données quantitatives et qualitatives ont été construits autour de thèmes communs d’enquête : (1) volet descriptif, (2) principes et pratiques de la documentation (3) public(s) et ouverture (4) incubation de projets commerciaux (5) participation au réseau. (les grilles de questionnaire et d’entretien sont disponibles en annexe 8 et 10 de la thèse).

Une étude exploratoire a été menée pour la définition du protocole de recherche : pour l’identification d’individus pertinents comme relais dans la passation du questionnaire ; pour la constitution de l’échantillon d’acteurs interviewés selon leurs profils. Cette étude exploratoire s’est fondée sur l’observation participante lors d’évènements du réseau : 10e rassemblement international du réseau des FabLabs (2014, Barcelone), European FabLab Festival (2017, Toulouse). Nous avons également récolté un ensemble de données secondaires relatives aux thèmes retenus sur des sites internet46. Nous avons enfin réalisé une veille thématique sur les canaux de discussion informels.

La question de l’équipement des FabLabs est bien documentée dans les bases de données secondaires : nous ne l’avons donc pas traitée dans le cadre de notre enquête.

5.3.2.1 Volet quantitatif : récolte et analyse

Nous avons diffusé un questionnaire en ligne aux managers des FabLabs du réseau international. Les FabLabs faisant l’objet de nombreuses sollicitations de ce type, nous sommes passés par des personnes relais. Pour les zones géographiques non couvertes par ces relais, nous avons procédé à des envois directs à des FabManagers dont les contacts ont été obtenus via le site de référencement officiel des FabLabs. La diffusion s’est faite en trois phases de plus en plus ciblées afin que notre échantillon gagne en significativité géographique. Nous avons ciblé un tiers des FabLabs existants en janvier 2019 (1200). Sur 405 envois, nous avons eu en retour, 70 réponses exploitables soit un taux de 17,3 %. Les réponses récoltées lors des deux premières phases ont été actualisées47 par interactions directes ou via des données secondaires disponibles. Deux critères ont étés retenus pour garantir la significativité de l’échantillon : la dispersion géographique ainsi que la nature du FabLab situé ou pas dans une structure préexistante (SSP) (institution éducative, publique ou structure privée). Ce deuxième critère est construit en référence aux distinctions proposées dans la littérature ; dans l’idée aussi selon laquelle les FabLabs portés par une entreprise ou une institution seraient moins enclins à respecter les principes de la charte.

Le tableau 19 infra présente la structure de l’échantillon selon sa ventilation par continent (une présentation du corpus par pays est proposée dans le tableau en Annexe 9).

Tableau 19 : Présentation par continent de l’échantillon

Afrique Asie Amérique

du Nord

Amérique du

Sud EUROPE TOTAL

Effectifs 5 9 7 5 44 70

Pourcentage 7 % 13 % 10 % 7 % 63 % 100 %

Le questionnaire est construit autour des thèmes présentés précédemment. Il comporte deux variables de contrôle (Inscription sur la liste des FabLabs / statut du répondant ; voir grille du questionnaire en annexe 8). La grille a fait l’objet d’une validation par un échantillon test (5 FabManagers), qui a conduit à de menus ajustements de celle-ci avant sa diffusion.

Cette enquête a été construite et analysée sur le logiciel Sphinx. Les données ont fait l’objet d’analyses croisées. Dans un premier temps, nous avons croisé les données des variables descriptives (type de structure, date de création, localisation géographique, nombre de salariés

47 Les données actualisées concernent : la participation à la FabAcademy, l’inscription dans des sous-réseaux de FabLabs (thématiques ou géographiques) ainsi que l’existence d’une plateforme de documentation propre au FabLab

et de membres) avec les données portant sur chacun des principes d’organisation. Ces résultats ont été comparés afin de voir si des facteurs déterminants de modes d’opérationnalisation des principes d’organisation se dégageaient. Dans un second temps, nous avons isolé et croisé les variables liées à la mise en œuvre des différents principes de la charte entre eux afin de voir si des corrélations existaient. A chaque étape nous avons eu une lecture systématique de l’ensemble des répondants concernés.

5.3.2.2 Volet qualitatif : récolte et analyse

13 entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de personnes ciblées (9 FabManagers de différents pays + 4 « têtes » du réseau de la FabFoundation), au cours d’un évènement : le treizième rassemblement international des FabLab tenu à Santiago du Chili du 31 juillet au 7 aout 2017. L’échantillon de ces personnes interrogées couvre différentes zones géographiques et la diversité des configurations de FabLabs (voir annexe 11). Les entretiens ont été intégralement retranscrits et ont fait l’objet d’un codage manuel multithématique (Ayache et Dumez, 2011).

5.4 RÉSULTATS

La présentation de nos résultats est structurée autour des quatre principes d’organisation retenus dans l’analyse. Pour chacun d’entre eux, on identifie les principaux choix managériaux opérés par les FabManagers. Une dernière section met en perspective la diversité des configurations organisationnelles auxquels ils aboutissent.

5.4.1 PRINCIPE D’ACCESSIBILITE

Ce principe d’accessibilité suppose d’être ouvert à tous, soit au grand public au moins une demi-journée par semaine. Interrogés sur leur accessibilité, 83 %48 (58) des FabLabs de notre échantillon sont ouverts à tous. Parmi les autres, une majorité n’est fermée qu’aux mineurs (pour des raisons de sécurité et d’agréments). Par ailleurs, pour plusieurs FabLabs situés dans une structure préexistante (que nous nommons « SSP »), (universitaires ou privé) l’ouverture à tous s’est construite dans le temps et l’appartenance au réseau global est souvent un levier pour développer de nouvelles pratiques en interne comme en externe. Le témoignage suivant en est une illustration :

« We are a nonprofit association that helps new companies, universities to set up a lab

and to run a community for the public access of the lab which is a big issue. If a company wants to create a lab and keep it open to the public to be a real FabLab but don’t want to be in charge of this part, we take this role out of the lab. We did it for example in a University: they opened a FabLab but it wasn’t a real one until they had an open access to the public which is done in the name of FabLab Toscana. I call it a distributed lab as the associates can work in any of the labs. » ITW N° 13

Notre enquête témoigne d’une acceptation généralisée du principe d’accessibilité, y compris dans des configurations présumées plus fermées, comme l’illustre cette observation de la Présidente de la FabFoundation :

« Barclays bank is a large institution in the UK that is turning. 20 or 21 of their branches in London have now like mini FabLabs in them. What they do is they are inviting the children in to learn to code and make things. They also invite entrepreneurs to make projects and bringing in older senior citizens to learn just general basics computing skills. » ITW N° 13

Ce principe d’accessibilité est souvent mis œuvre selon des arrangements suggérés dans la charte : soit un découpage de l’activité en plages horaires par public et/ou par activité. 41 %49 (29) des répondants au questionnaire déclarent avoir des créneaux réservés à certains publics. Ces créneaux concernent majoritairement50 : les étudiants (que la structure soit ou non située dans une institution éducationnelle), les entrepreneurs et entreprises (là encore indépendamment de la forme juridique de la structure) et le grand public. Par ailleurs, les données quantitatives51 et qualitatives montrent que dans les FabLabs où ces créneaux ne sont pas affichés de manière formelle, les pratiques du lieu par les usagers les créent.

Deux tendances se dégagent de ces pratiques de management temporel : des FabLabs majoritairement ouverts à tous qui réservent des créneaux pour certains publics ou activités (entrepreneurs, groupes scolaires, FabAcademy, etc.) ; des FabLabs privilégiant un ou plusieurs publics spécifiques et qui réservent des créneaux d’ouverture au grand public.

Il n’y a pas de stricte correspondance entre le type de FabLab et sa pratique d’ouverture. La situation géographique n’est pas discriminante non plus.

49En référence à la question N° 6 50 En référence à la question N° 7 51 En référence aux questions N° 4 à N° 7

5.4.2 PARTAGE

Le principe du partage de la connaissance peut se décliner en deux volets : le partage au sein du lieu et la production de documentation. Sur 70 répondants au questionnaire, 32 %52 (22) ont une plateforme de documentation, 30 % (21) n’en ont pas et pour 38 % (27) c’est un projet en cours.

Interrogés sur leur pratique de documentation des projets, indépendamment de l’existence ou non d’une plateforme, les réponses des FabManagers donnent un pourcentage moyen de projets documentés de 27%, %53, mais avec un fort écart-type. Le taux moyen élevé masque en effet une hétérogénéité puisqu’une majorité des FabLabs interrogés ne documentent qu’entre 0 et 20 % de leurs projets (41 soit 59%). Ceux qui n’ont pas de plateforme en propre passent par des plateformes généralistes (e.g. Instructable et thingiverse) ou thématiques. Au-delà de la production de documentation, il ressort également que les membres des FabLabs consultent fréquemment ces plateformes généralistes, plus que celles des autres FabLabs54. La réponse infra d’un FabManager illustre la tendance générale qui se dégage quant au volume de projets documentés dans les FabLabs.

« Je pense qu’il y a beaucoup de connaissances qui sont créées (dans les FabLabs), mais il y a peu de connaissances qui sont diffusées. Donc à l’heure actuelle, c’est comme si tout le monde était en train de produire de la connaissance, mais que le partage ne se fait pas nécessairement en grande partie à cause du manque de ressources dans chacun de nos labs. »

ITW N°9

Le verbatim d’un fondateur d’un FabLab en Norvège illustre le fait que la documentation est une pratique qui dépasse le seul réseau des FabLabs.

« Most of the knowledge comes from documentation of open source projects but from outside of the FabLab community. Open source projects like gerbil to control milling machines is a big thing and also instructables, thingiverse. It is not necessarily specific from the FabLab community that the knowledge is coming although that is not obvious when it is the case that the documentation is coming from another FabLab as it doesn’t necessarily have that branding. » ITW N°1

52 En référence à la question N°18 53En référence à la question N°22

La responsable d’un FabLab communautaire en Égypte pointe différentes difficultés, par ailleurs évoquées par l’ensemble des FabManagers interrogés :

« Documentation, we share pretty much issues about that because.. makers wanna make (rire) they don’t want to document. We have tried several things as google drive, people have worked on templates so people have everything they don’t need to make it from scratch, the fill things up. We try to systemize the way a little bit so that people have organized things in their heads and staff to work on and also we try to document by pictures and videos and all of that … we are still trying! » ITW N°2

Ces difficultés sont identifiées dans la littérature, regroupées dans des catégories : difficultés motivationnelles, sociales et technologiques (Santos et al., 2018). Pour autant, les FabManagers ne partagent pas tous la même vision de ce que la documentation doit ou devrait être dans un FabLab. En effet, la pratique de documentation se structure autour de trois choix managériaux : documenter quoi ? Documenter par qui ? Et sur quelle plateforme ?

De l’étude quantitative55, éclairée par les entretiens ainsi que les données secondaires (des fils de discussions consacrés à ce sujet dans les réseaux sociaux de la communauté des FabManagers), se dégagent trois visions archétypales qui sous-tendent les pratiques de documentation encouragées par les FabManagers :

Tableau 20 : Trois visions des enjeux de la documentation par les Fabmanager

55 En référence aux questions N°8 à N°26

Trois visions des enjeux de la documentation par les Fabmanager

1/ outil de formation