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INTRODUCTION DE LA PARTIE

3.3 METHODES ET STRATEGIES DE RECUEIL DE DONNEES

3.3.1 DES DONNEES HETEROGENES

3.3.1.1 La méthode mixte

On l’a vu, l’approche qualitative permet l’exploration d’un contexte social et organisationnel à la fois spécifique et complexe. Recueillies avec rigueur les données qualitatives sont porteuses d’une validité interne souvent reconnue comme supérieure à celle

de données quantitatives. Inversement, les données quantitatives sont généralement considérées comme porteuse d’une plus grande validité externe dans la mesure où elles rendent possible l’apport d’explicitation(s) rivale(s) du phénomène étudié. Dans le champ des sciences de gestion, les méthodes quantitatives et qualitatives peuvent être utilisées conjointement pour construire et raffiner de la théorie notamment dans le cadre d’approche de type « grounded theory » (Shah et Corley, 2006). Même si elles ne sont pas nouvelles (voir par exemple Eisenhardt, 1989), les démarches dites mixtes — qui combinent approche qualitative et quantitative — sont de plus en plus courantes dans le champ de la recherche en sciences humaines et, selon certains en constitueraient même un « troisième axe » (Tashakkori et al., 2003) notamment dans le champ de la recherche académique en management (Shah et Corley, 2006).

L’utilisation de méthodes mixtes est particulièrement recommandée dans le cadre d’études longitudinales en ce que la combinaison des méthodes permet de dépasser les biais de chacune individuellement. L’approche qualitative est généralement reconnue pour offrir une plus grande garantie sur la validité interne des données et permet — davantage qu’une approche quantitative — la description d’un système social complexe en ce qu’elle s’inscrit dans l’étude d’un contexte particulier l’approche qualitative présente des limites en termes de généralisation (Marshall et Rossman, 1989). « Le recours à l’analyse de plusieurs contextes permet

d’accroître la validité externe d’une recherche qualitative selon une logique de réplication »

(Thietart, 2014 ; 122) nous nous sommes attaché, à chacun des niveaux, à combiner approche qualitative (dominante) et quantitative pour garantir au mieux la validité des résultats.

Le choix d’une méthode mixte suppose de définir au préalable ce que l’on entend par méthodes quantitatives et qualitatives ainsi que ce qui relève des données quantitatives et qualitatives. La question de la distinction entre ce qui relève du qualitatif ou du quantitatif se pose, et est plus ambiguë qu’il n’y paraît (Thietart, 2014 ; 119). Pour certains, la distinction porte sur la nature même des données : des données textuelles ou numériques en d’autres termes les données qualitatives sont des mots et celles quantitatives des chiffres (Miles et Huberman, 2013). Par ailleurs, il existe plusieurs manières de concevoir et mobiliser une méthode mixte selon la manière dont les données et analyses sont articulées. Il convient alors de spécifier la définition que nous retenons pour la méthode mixte. Certains auteurs définissent la méthode mixte de façon générale comme l’utilisation combinée — quel qu’en soit la manière — de méthodes quantitatives et qualitatives, comme l’expliquent Molina-Azorin et Fetters :

« Hart et al. (2009) indicated that they define mixed methods broadly as the use of both

chosen to be inclusive and not constrained by an operational definition such as a balance between qualitative and quantitative methods or integration in data collection, analysis, results, or conclusions. »

(Molina-Azorin et Fetters, 2016 ; 125). En revanche, Creswell et al. (2003) proposent une typologie des méthodes mixtes selon le type de démarche et la relation que tisse le chercheur entre les données qualitatives et celles quantitatives Thietart (2014 ; 181).

Dans le cadre de nos études de cas, nous avons conduit des études exploratoires avec des méthodes de récolte de données majoritairement qualitatives (données textuelles) auxquelles nous avons articulé des données quantitatives (données chiffrées) (Miles et Huberman, 2003). A chacun des deux niveaux d’étude (local (Artilect) et international (réseau mondial des FabLabs)).

Dans l’étude du réseau international avec comme niveau d’analyse les organisations membre (article 2, chapitre 5) nous avons construit une enquête qui a elle-même une forte dimension qualitative. Les approches qualitatives et quantitative y ont un statut égal et font l’objet d’une implémentation simultanée. Leur combinaison repose sur un objectif de triangulation et d’expansion ce qui correspond à une démarche de triangulation selon Creswell

et al. (2003). Certaines données de cette étude ont également été utiles dans l’étude du réseau

international avec le réseau dans son ensemble comme niveau d’analyse (Article 3, chapitre 6) dans le but d’enrichir et d’éclairer les données qualitatives, mais aussi d’augmenter le nombre d’individus ou de structures interrogées. Dans l’étude d’Artilect (Article 1, chapitre 4) l’enquête par questionnaire a été conduite lors de l’étude exploratoire et à la suite d’une première série d’entretiens semi-directifs. En cela, si l’on s’en réfère aux travaux de Creswell et al. (2003), les travaux des articles 1 (chapitre 4) et 3 (chapitre 6) se seraient inscrits dans une démarche séquentielle exploratoire. Toutefois, dans l’ensemble des cas, les données quantitatives ont à leur tour donné lieu à une récolte de données qualitatives (secondaires ou primaires) afin de compléter le corpus et d’affiner l’analyse. Le tableau 10 apporte une représentation de ces processus.

Bien qu’il y a des similitudes dans les stratégies de recueil de données choisies pour ces différentes études, elles comportent chacune des particularités, notamment en ce qui concerne les périodes de recueil de données qualitatives et quantitatives (successives dans le cas de l’étude d’Artilect [chapitre 4] et entrelacées dans le cas de l’étude des organisations du réseau

généralisation, car elles se situent dans le même domaine et couvrent à chaque fois un nombre limité de cas (moins de 100). En revanche, elles permettent de soulever des éléments étonnants auxquels les données qualitatives peuvent apporter des éléments d’explication.

L’usage de méthode mixte nous a semblé particulièrement utile dans le cadre d’études longitudinales. Les entretiens permettant par exemple de préciser la dimension dynamique de certaines données numériques (eg : le nombre de projets documentés : par quels types d’usagers ? y a-t-il des effets de groupes ? de nouvelles règles ? ). Nonobstant les variations propre à la récolte et le traitement des données, dans les trois étude de cas les deux volets qualitatifs et quantitatifs ont étés traitées de façon complémentaire et directement liées. Chacun a ainsi permis d’apporter des éclairages sur l’autre dans une forme de triangulation des données.

Le tableau 11 présente une synthèse des allers-retours dans le recueil et l’analyse de données qualitatives et quantitatives pour chacun des articles.

Tableau 11: synthèses des 4 volets du processus de la recherche mixte inscrit dans une démarche abductive pour les 3 études de cas

3.3.1.2 Des données primaires et secondaires

Dans chacun de nos travaux doctoraux, nous avons construit des données primaires (entretiens, carnets d’observations, enquêtes). Ce corpus a été enrichi de données secondaires — éléments préexistants qui sont collectés et analysés en l’état — et ce pour plusieurs raisons. Le tableau 12 décrit les types de données et le(s) articles(s) dans le cadre desquels elles ont été utiles. Les données secondaires sont venues consolider et enrichir la base d’information palliant parfois l’incomplétude des données primaires sur certains aspects précis. C’est notamment le cas pour certains des éléments historiques (liés au passé du cas), essentiels dans notre approche longitudinale. La dimension rétrospective, présente dans le premier et le troisième article (chapitre 4 et 6), implique de s’en remettre à la mémoire individuelle — parfois collective — des acteurs sociaux. Les données secondaires permettent alors de valider, corriger ou enrichir une information en apportant un éclairage complémentaire lorsque les données divergent. Elles permettent également de limiter la rationalisation a posteriori. Dans certains cas, les données secondaires permettent de constater l’évolution des discours, mythologies et la modification des documents écrits au fil du temps. Par ailleurs, dans nos travaux, les données secondaires se sont avérées utiles dans le suivi « post enquête » de l’évolution de certaines structures. Nous avons pu et actualiser certaines données (ex : participation ou non à la FabAcademy, modèle économique, déménagement, fermeture,…), et observer l’évolution des groupements de FabLabs (ex : apparition de réseaux).

Au cours de nos enquêtes, nous avons procédé à plusieurs allers-retours entre données primaires et secondaires (Thietart, 2014 ; 9). Leur confrontation nous a aidé à éviter de leur attribuer a priori et respectivement des vertus liées à leur statut, limitant le risque de l’établissement de facto de formes de validité externes ou internes. C’est par exemple la confrontation de contenus des entretiens rétrospectifs avec des comptes-rendus de réunions passées. Cette démarche nous a aussi conduit, parfois, à pallier une insuffisance par la récolte de nouvelles données primaires.

Tableau 12 : synthèse des données secondaires par type de document

Type de données secondaires Nbr Article concerné

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