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COLLABORATIONS INTER-FABLABS ET PARTICIPATION AU RÉSEAU : DES INTENTIONS ET PEU D’INTÉRACTIONS

INTRODUCTION DE LA PARTIE

1.5 LA COLLABORATION COMME FIL ROUGE : PRATIQUES, ENJEUX ET LIMITES

1.5.2 COLLABORATIONS INTER-FABLABS ET PARTICIPATION AU RÉSEAU : DES INTENTIONS ET PEU D’INTÉRACTIONS

1.5.2.1 La gouvernance du réseau global : entre horizontalité et centralisation

En 2015, Manzo et Ramella observaient que l’architecture des relations au sein du réseau global des FabLabs peut s’apparenter à celle de « small world » telle que définie par Watts et Strogatz (1998). Ils pointaient spécifiquement la coexistence de relations entre de petits groupes d’individus ayant des contacts fréquents entre eux et de relations plus faibles entre des groupes plus large d’individus se connaissant peu. Ils ajoutaient que :

« the governance structure of the global network shows a particular profile:

decentralization and horizontal relations of collaboration between and within the Fab Labs are coupled with a centralized coordination – albeit weak – exercised by the Fab Foundation. »

(Manzo et Ramella, 2015, p. 387-388) Cette étude apporte des éléments de compréhension de la structure des interactions en un point de l’histoire du réseau des FabLabs. L’enjeu principal semble être celui de l’équilibre entre un pouvoir latéral et un mode de gouvernance décentralisé.

Par ailleurs, en 2014, Stacey mettait en évidence des formes d’évolution concernant les modes de coordination du réseau international des FabLabs à mesure que le nombre de ces membres a crû.

« The Fab Foundation grew out of the MIT CBA – the site of the original Fab Lab, and

is closely tied to the people who helped the first Fab Lab branch out from MIT. As the number of grassroots Fab Labs grows, centrally coordinating their efforts becomes more difficult but

may occasionally be necessary. There does not yet seem to be a consensus about how to strike the balance between top-down uniformity and anarchic diversity. »

(Stacey, 2014, p. 224). Pour mettre en action le potentiel du réseau des FabLabs, Stacey rappelle que Troxler invitait à développer des formes de prises de décisions démocratiques sans toutefois identifier des modalités simples de mise en œuvre ; il suggère en revanche que la FabFoundation devrait davantage exercer une influence centralisée par le biais d’incitations sans pour autant compromettre la participation des FabLabs.

Ces éléments soulèvent des questionnements sur les modes de coordination mis en œuvre pour favoriser la constitution de relations fortes entre les FabLabs alors même que leur nombre augmente de façon rapide et continue.

1.5.2.2 Participation au réseau des organisations et interactions entre FabLabs

La participation active d’un FabLab à la vie du réseau peut prendre des formes diverses. Trois sont particulièrement mises en avant, autant par la FabFoundation que par la littérature académique : la présence lors des rassemblements annuels (FabLab-conférence), la participation aux programmes de formation (FabAcademy en particulier), et la collaboration inter-FabLabs dans le cadre de projets37. La littérature existante nous renseigne sur ces formes de collaboration et sur les limites actuelles.

De façon générale, les travaux effectués sur la question des collaborations inter-FabLabs dressent le constat suivant : dans leur grande majorité, les managers de FabLabs souhaitent collaborer et reconnaissent la forte valeur des collaborations inter-organisationnelles. Toutefois, le nombre d’interactions mises en œuvre est très faible (Berrebi-Hoffmann et al., 2018 ; Bosqué et al., 2019 ; Garnier, 2014 ; Osunyomi et al., 2016). Pour illustrer la faible densité des interactions et projets communs, en 2016, 30 % des 90 gérants de FabLabs internationaux interrogés déclaraient n’avoir jamais collaboré avec d’autres FabLabs (Osunyomi et al., 2016). Près de la moitié de la majorité restante déclarait une fréquence moyenne d’une collaboration

37 Plusieurs auteurs évoquent également la participation à la vidéoconférence publique (Manzo et Ramella, 2015 ; Santos et al, 2018) cela fait référence à un dispositif spécifique : au milieu des années 2000, les premiers FabLabs, à l’initiative de l’équipe du MIT, ont mis en place un système de vidéoconférence permanent. Chaque FabLab devait disposer d’une caméra filmant l’espace de travail et d’un écran retransmettant en simultané l’activité des autres FabLabs situés en divers endroits du globe. Ce dispositif a peu à peu disparu des usages courants à mesure que le réseau a crû et que de multiples difficultés se sont posées (techniques, mais aussi en matière de protection de la vie privée, etc.).

par trimestre. En ce qui concerne le nombre important de gestionnaires de FabLabs qui, dans les diverses études, déclarent qu’aucune collaboration réelle n’a eu lieu entre son FabLab et un autre du réseau, les auteurs suggèrent plusieurs explications : les emplois du temps contraints, la jeunesse des FabLabs concernés, le manque de capacités technologiques (e.g. connexion internet permettant une communication via des outils de visioconférence) et l’absence d’une approche normalisée de la collaboration. Interrogés sur les pistes pour renforcer la collaboration dans le réseau, les répondants de cette l’enquête conduite pas Osunyomi et al. (2016) plébiscitent fortement une unification de la communication interne et la multiplication des évènements et rassemblements physiques.

Il apparaît également que les interactions inter-FabLabs s’exercent principalement entre des FabLabs ayant une forme de proximité géographique (Büching, 2014) ou entre des FabLabs dont les managers se sont rencontrés au moins une fois physiquement, généralement lors d’un de ces évènements du réseau (Garnier, 2014). Par ailleurs, une étude du réseau français des FabLabs indique qu’une part importante des gérants de FabLabs privilégie des formes d’engagements dans des interactions avec les acteurs situés dans leur l’écosystème local (donc des structures variées, mais pas nécessairement d’autres FabLabs) au détriment d’une participation au réseau national et international des FabLabs (Bosqué et al., 2019).

Toutefois, les collaborations inter-FabLabs semblent se multiplier à mesure que le réseau vieillit et que divers groupes de FabLabs se constituent. Nous pouvons par exemple noter l’exemple du programme FabKids sur l’accueil d’enfants dans les FabLabs et du dispositif Scope qui permet des interactions centrées sur l’enseignement en école primaire ou encore les initiatives FabCity qui conduisent les FabLabs engagés dans cette démarche à interagir avec des acteurs locaux ainsi qu’avec les autres FabLabs internationaux qui empruntent des trajectoires analogues. Ces dynamiques sont soutenues et pour certaines encadrées par la

FabFoundation. Enfin, des groupements nationaux ou continentaux de FabLabs se constituent

à l’instar du réseau français des FabLabs, une association crée en 2015.

La principale interrogation associée à cet enjeu de collaboration entre les FabLabs est celle de la gouvernance du réseau. Il existe de multiples façons de participer au réseau dont certaines (souvent locales) sont privilégiées par les acteurs tandis que la FabFoundation encourage des pratiques communes au niveau global. Nous pouvons nous interroger sur le rôle joué dans la constitution de normes communes par des programmes globaux tels que l’Academany. Par ailleurs, on s’interroge sur la capacité des évènements FabX à agir comme des Field

1.6 LA PROBLÉMATIQUE : LA GOUVERNANCE DE LA COLLABORATION COMME