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Chapitre 3 : Histoire et organisation de la protection de la jeunesse au Québec.

3.1 Des origines religieuses jusqu’à la Révolution tranquille.

Le Québec est une province rattachée à la fédération du Canada. Ce pays est une monarchie constitutionnelle à régime parlementaire. Le souverain du Canada est la reine d’Angleterre, bien qu’elle ne détienne dans les faits aucun pouvoir autre que représentatif. Celle-ci nomme le gouverneur général du Canada, dont le rôle est tout aussi symbolique, sur avis du Premier ministre démocratiquement élu par le peuple. Le rôle de ce dernier est par contre de diriger la province. Le premier ministre québécois prête serment sur la Bible, et jure allégeance à la reine de Grande-Bretagne et du Canada, ainsi qu’au peuple québécois. Particularité importante au sein d’un continent nord-américain majoritairement anglophone et protestant, la population du Québec est principalement francophone (95%) et catholique (75%). Rappel historique : le territoire du Québec fut englobé au sein de la « Nouvelle-France », entre 1534 et 1763. Il constituait alors une colonie-comptoir du gouvernement royal français. Il ne s’agissait alors pas d’une entreprise de colonisation de populations cherchant refuge des persécutions en Europe, comme cela put être le cas dans ce qui deviendra les États-Unis, mais avant tout d’un point d’échanges commerciaux avec les populations autochtones, et d’exploitation de ressources au bénéfice de la métropole. Le climat et la rudesse du territoire déconcertaient de toutes façons les quelques velléités d’installation. Ceci explique, entre autres, pourquoi à la suite de la guerre de Sept Ans (1756-1763), le Québec bascula dans le giron britannique sans trop de résistance et d’insistance de la part de Paris, qui préfèrera conserver les îles antillaises. Les colons eux-

44 mêmes ne furent pas traumatisés, sur le coup, de ce basculement d’une monarchie de droit divin à une autre. En effet :

Mais, aux lendemains immédiats de la Conquête, des membres de l’aristocratie cléricale et seigneuriale affichèrent leur loyauté à la nouvelle couronne et leur proximité culturelle avec

l’aristocratie anglaise.

(Bédard, 2016 : 56)

Afin de prévenir l’intervention de Québécois auprès des indépendantistes américains pendant la guerre d’Indépendance de 1776 à 1783, le Royaume-Uni a l’intelligence politique d’accorder une certaine tolérance aux Canadiens-français envers traditions politiques et religieuses héritées du catholicisme et du système féodal. Mais la domination politique et socio-économique de la part du Canada anglais reste écrasante. Le Québec, et en particulier ses classes moyennes et inférieures, se confie à la seule autorité morale et institutionnelle qu’il reconnaît légitime : l’église catholique. Celle-ci jouera pendant plusieurs siècles un rôle très central dans l’organisation des institutions sociales et culturelles québécoises. Ceci crée une proximité institutionnelle et spirituelle qui va durer deux siècles. En 1843, Monseigneur Bourget, évêque de Montréal, écrivait à ce propos :

Notre religion, c’est notre première distinction nationale, en même temps qu’elle est la base de nos institutions. C’est parce que nous sommes catholiques que nous sommes une nation

en ce coin d’Amérique.

(Roy, 2001 : 17) De même :

Depuis le régime français, l’organisation et la planification des institutions de bienfaisance ont toujours été la responsabilité du clergé. Aussi le laïcat ne s’est-il jamais senti profondément engagé dans ces œuvres, contrairement à ce que l’on peut constater dans une société laïque ou protestante. […] Le dévouement, imbu de charité religieuse, avait toujours été le seul motif dynamique de bien-être social et l'on ne pouvait concevoir qu’il puisse en être autrement dans une communauté catholique. (Rocher, 1960 : 62)

Cette proximité inspirera bien des sarcasmes aux Anglo-canadiens, qui désignaient crûment le Québec comme une « priest-ridden province ». Jusque dans les années 1960, la société québécoise sera en effet organisée et animée par l’Église catholique, défendant les valeurs de la société traditionnelle, de la vie rurale et de la famille, dans un contexte de colonisation et d’exploitation d’un territoire considéré comme vierge. L’éthique catholique, empreinte de charité et de « lien chaud », et la situation géopolitique du Québec, influencent grandement le développement des solidarités et de l’hospitalité :

45 [...] à chacun incombait, par suite des liens du sang, des alliances, ou encore des relations de voisinage, le devoir de venir en aide à ses proches ou à ses amis sans qu'aucune autorité civile ne soit obligée de l'y contraindre. Le climat de solidarité et d'hospitalité qui a caractérisé pendant longtemps l'histoire sociale du Québec a donné lieu à des initiatives qui ont influencé les structures et les modes ultérieurs d'assistance.

(Boucher, 1963 : 27)

Cette influence entretient l’affirmation d’une identité québécoise, face au protestantisme des États-Unis et du Canada et à un contexte de domination socioéconomique écrasant. L’empreinte religieuse est telle qu’en 1868, l’Église parvient par exemple à annuler la mise en place d’une instance de pilotage gouvernementale de l’éducation :

Quant aux villes et aux villages, ils sont structurés par l’intermédiaire de la paroisse, soit de l’Église, qui prend en charge les orphelins. On remarque par ailleurs la puissance de cette institution en matière d’éducation lors de la création d’un ministère de l’Instruction publique, en 1868 qui, face aux pressions de l’Église catholique, est aboli quelques années

plus tard.

(Marion, 2014 : 20)

Particulièrement depuis l’instauration du culte de la Sainte Famille par l’Église catholique en 1893, et jusque dans les années 1960, l’État n’intervient que peu au Québec dans les secteurs de l’enfance et de l’éducation.

En matière d'assistance, nous retrouverons les mêmes orientations que celles qui ont vu le jour sous le Régime français : la famille et les institutions privées continuent à assister orphelins, malades mentaux, enfants, vieillards et invalides ; l'État maintient sa politique de subvention ; les enfants trouvés (souvent illégitimes) seront assumés par des institutions telles l'Hôtel-Dieu de Québec, l'Hôpital-Général de Montréal et les Ursulines de Trois Rivières. À compter de 1801, l'État subventionne les institutions.

(D’Amours, 1986 : 390)

En 1944, la commission Garneau propose une loi de protection de la jeunesse.

Cette loi devait s'appliquer à tout enfant négligé, garçon ou fille, apparemment ou effectivement âgé de moins de seize ans. Elle prévoyait, à l'article 26, les situations où les enfants pouvaient être considérés comme étant en besoin de protection. De plus, on créait un Conseil supérieur de la protection de l'enfance composé de douze membres nommés par le Gouverneur en conseil dont dix de religion catholique romaine et deux de religion

protestante.

(D’Amours, 1986 : 397)

Néanmoins, les autorités catholiques s’opposent farouchement à l’organisation d’un tel conseil, qui ne peut ainsi voir le jour. La loi est votée, mais non appliquée.

À cette époque, les différentes agences de services sociaux avaient comme objectifs la protection de l'enfance et la solution de problèmes familiaux. Il est possible d'affirmer que, vers les années 1952, une grande partie du territoire du Québec était desservie par des

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agences diocésaines de services sociaux.

(D’Amours, 1986 : 399)

Entre 1944 et 1959, le gouvernement de Maurice Duplessis ouvre l’économie et l’exploitation des ressources naturelles aux investisseurs étrangers, en particulier américains, et assoit le rôle prédominant de l’Église dans la gestion des affaires sociales. Cette période est désignée sous l’appellation évocatrice de « grande noirceur ». Dans ce contexte est tout de même votée la première Loi sur la protection de la jeunesse en 1951, instaurant un système judiciaire de protection des mineurs. Le travail social est alors toujours animé par l’Église, de la formation à la pratique :

Même si les programmes de formation et les milieux de stages ne se déclaraient pas d’affiliation religieuse particulière, il n’était pas rare de constater la présence d’organismes comme le Protestant Family Agency, Jewish Family Services ou le Service catholique familial. Plusieurs de ces organismes prônaient certaines politiques vis-à-vis le divorce, l’avortement, le contrôle des naissances, qui influençaient énormément nos interventions en tant que travailleuses et travailleurs sociaux. (Dubois, Garceau, 2000 : 19)

Ce monopole total de la protection de la jeunesse va donner lieu à d’heureuses initiatives, mais également à d’innommables abus, comme l’affaire des orphelins de Duplessis11. Pour obtenir des subventions fédérales, l’Église et le gouvernement québécois organisent la reclassification de plusieurs milliers d’enfants abandonnés en « déficients intellectuels ». Ces derniers sont alors hébergés en institution asilaire et soumis à des traitements alors destinés aux malades mentaux (électrochocs, cachots, injections…). Il est question d’orphelins soumis à des expériences médicales et enterrés à la va-vite dans des charniers, comme celui trouvé dans un terrain appartenant à la Société des Alcools du Québec et situé à proximité de l’ancien hôpital St-Jean-de-Dieu (Journal de Montréal, édition du 11 mai 1999).

Face à un pouvoir fédéral qui développe une économie de type keynésienne, et appuie le développement universitaire, le gouvernement Duplessis et son alliance avec le clergé apparaissent de plus en plus rétrogrades et anachroniques. Le mécontentement gronde et prend petit à petit de l’ampleur. La domination crispée des élites traditionnelles, et une aspiration à plus de liberté, vont amener au pouvoir le Parti Libéral du Québec en 1960. En parallèle, le

11 Il s’agit de milliers d'enfants orphelins, déclarés abusivement « malades mentaux » par le

gouvernement du Québec, et confinés contre toute logique et éthique au sein d’institutions psychiatriques entre les années 1940 et 1960. Cette affaire est considérée comme la plus marquante en termes de maltraitance d'enfants dans l'histoire du Canada. Notons de plus qu’en 1942, l'Assemblée législative du Québec avait voté une loi permettant à l'Église catholique de vendre la dépouille de tout orphelin à une école médicale. Cette pratique a perduré jusque dans les années 1960.

47 développement d’une forme de capitalisme libéral promue notamment par les États-Unis en contexte de Guerre froide appelle la prise en main de la direction des affaires sociales par l’État. Le Québec va ainsi progressivement mais radicalement bouleverser ses structures politiques, sociales et éducatives : c’est la Révolution Tranquille. La participation de l’Église dans les affaires publiques va être progressivement évacuée, et le nationalisme canadien-français va se muter en identité nationale québécoise. Comme l’Histoire est bien ingrate, et malgré les nombreuses initiatives sociales de l’Église catholiques, la Révolution Tranquille va concentrer nombre de griefs sur ses institutions (Perron, 1986). La dimension historique charitable de l’action sociale, influencée par l’éthique religieuse et catholique, ne peut néanmoins être niée en termes d’influences sur les pratiques et organisations institutionnelles.

Il importe de rappeler que la profession du service social a des racines religieuses et judéo- chrétiennes fort profondes que l’on ne doit pas ou que l’on ne peut pas oublier. (Dubois, Garceau, 2000 : 20)

Nombre d’éducateurs québécois ont été influencés par les approches françaises à partir des années 1940, mais la Révolution Tranquille va lancer un chantier très important concernant le travail social. La commission fondatrice Nepveu-Castonguay, en 1966, marque le lancement de la professionnalisation de l’action sociale et sanitaire. Elle pose les fondations de la réglementation des professions, via la création du régime universel d'assurance maladie et du Code des professions en 1974. Pour mieux mesurer la portée des recommandations de cette commission, le juge René Dussault écrit :

Reformuler autant de champs de pratique au même moment était une grosse entreprise. Mais avec le recul, je crois que ce fut l'une des réformes les plus importantes de l'histoire

du Québec.

(Levesque, 2004. Entretien consultable sur ledevoir.com12)

Et selon Castonguay :

Il fallait clarifier la mission des corporations et établir des critères qu'ils devraient respecter. Avec une loi, cela pouvait repartir dans tous les sens, d'où l'idée de faire un code. (Levesque, 2004. Entretien consultable sur ledevoir.com)

Son idée était que toute réforme de santé devait se préoccuper, pragmatiquement et en parallèle, des problèmes sociaux. Le rapport va aboutir à un rapprochement des secteurs sanitaire et social, organisés par la Loi sur les services de santé et services sociaux. De même, les

12 https://www.ledevoir.com/societe/66187/il-y-a-30-ans-la-naissance-du-systeme-professionnel-

48 professions socio-éducatives sont réorganisées. L’Office des professions du Québec est créé, chargé de veiller à ce que chaque ordre professionnel s’acquitte de son mandat de protection du public. Toujours selon Castonguay :

La création de l’Office permettait d’éviter la prise en charge du dossier par un ministre et d’éloigner les ingérences politiques qui auraient pu en résulter.

(Levesque, 2004)

Ces mises en place ne se font pas sans heurt et friction. Venant bousculer des traditions paradigmatiques héritées de la psychanalyse et du casework, la professionnalisation et l’approche scientifique de l’action sociale nécessitent réflexions et âpres débats.

Un des aspects les plus frappants était la nature dogmatique de la formation, surtout technique, qui n’invitait presque aucune analyse critique et qui tenait peu compte du contexte socio-politique de la pratique du service social.

(Dubois, Garceau, 2000 : 20)

Plus globalement, les professionnels redoutent une mise sous tutelle et une homogénéisation de leurs pratiques. Le juge René Dussault, qui alors avocat et conseiller juridique pour la Commission, relate :

La crainte de la perte d'une certaine autonomie était redoutée. L'équilibre était fragile entre la conciliation des intérêts du public et la préservation de l'autonomie des corps professionnels.

(Levesque, 2004)

Rocher (1960) explique que lors de la Révolution Tranquille, le travail social ne relève pas encore de la conscience collective québécoise. Il est cantonné aux institutions religieuses depuis des temps immémoriaux, et il n’existe globalement pas de tradition paradigmatique autre que celle des œuvres de l’Église.

A partir des années 1950 se construit progressivement une approche inspirée tant par l’héritage éthique catholique que par l’approche pragmatique américaine, dont l’étendard se trouve à l’université de Chicago (Platt, 1997) : il s’agit de la psychoéducation. Cette influence se trouvera au centre de nos préoccupations, tant à cause de la présence au sud d’un voisin au rayonnement culturel et économique majeur, mais également via l’américanité du Québec en tant que colonie de peuplement établie pendant l’ère moderne. Il se trouve en effet que les villes québécoises et américaines sont confrontées à des problématiques similaires (exode rural, industrialisation, découpage des villes en territoires communautaires, interactions parfois

49 problématiques entre ces communautés…). C’est naturellement que des ponts se créent entre les deux nations à propos des techniques et paradigmes sociaux.

A propos de la psychoéducation, Gilles Gendreau et Jeanine Guindon développent à partir des années 1950 ce qu’ils désignent comme « psychologie pratique ». Comme en France, le lieu d’exercice d’historique sera au commencement l’internat. Pour construire ce projet, ils voyagent en Europe, côtoient Piaget, et étudient Montessori avec d’autres grands pédagogues. Néanmoins, ils constatent en particulier en France que les éducateurs n’ont pas de cadre théorique ni de modèle de référence solide (Bienvenue, 2009). Guindon et Gendreau cherchent plutôt à construire une approche dynamique du quotidien en tant que support de rééducation, et comptent sur le milieu de vie pour être le socle de l’évolution des comportements des individus. Ils souhaitent théoriser ces questions pour en élaborer un outil utilisable par les professionnels en situation.

A Chicago, les pionniers de la psychoéducation vont trouver en Bettelheim une influence importante. Celui-ci est convaincu que le partage du quotidien peut amener l’émergence d’informations cruciales, au même titre que les entretiens psychologiques. Il considère ainsi que L’amour ne suffit pas (Bettelheim, 1950), et soutient l’idée que l’activité et le vivre- ensemble peuvent être utilisés en tant que supports de médiation efficaces. Le vécu partagé permet aux jeunes de transformer la compréhension qu’ils se font des réalités avec leur environnement, eux-mêmes et les autres. Le milieu de vie est considéré comme un ensemble structural dynamique (Gendreau, 1978). La structure d’ensemble de la psychoéducation13 (Gendreau, 2001), rassemble ce qui est considéré comme dix composantes indispensable de l’accompagnement, à savoir : les objectifs, les sujets, le système d’évaluation et de reconnaissance, le programme, les moyens de mise en interaction, les agents d’éducation, l’espace, les procédures, le système de responsabilité et le temps.

50 La structure d’ensemble de la psychoéducation. Gendreau (2001).

Sans définir précisément chacun de ces éléments, il faut retenir que la structure d’ensemble est constituée de deux éléments : l’axe central et les composantes satellites. L’axe central est constitué des trois éléments suivants : le sujet accompagné, l’éducateur accompagnant, et le ou les objectifs qu’il va s’agir d’atteindre en termes de comportements et de construction cognitive. Ces composantes principales vont ensuite, à partir des informations concernant le jeune notamment, déterminer les autres composantes appelées « composantes satellites ». Ces dernières sont : le programme, le système de responsabilité, les moyens de mise en interaction, les codes et procédures, le temps et l’espace, et le système d’évaluation et de reconnaissance. Chacun de ces éléments a pour vocation d’être pensé et formalisé à propos de chaque intervention mise en place. La structure d’ensemble intègre bien entendu des données environnementales, dans une conception dynamique et interactive du sujet. De même, la question des responsabilités (de l’éducateur et de l’enfant), replace l’accompagnement dans la perspective d’un engagement pris entre les acteurs pour faire évoluer une situation problématique grâce aux diverses interventions mises en place.

L’approche psychoéducative évolue avec son temps. En 1990, le Ministère de la Santé et des services sociaux modifie la commande envers les psychoéducateurs. Leur objectif principal devient moins d’intervenir sur la personnalité du jeune, que de le réadapter à son milieu naturel. La prévention et l’implication des ressources de ce milieu deviennent des priorités. En parallèle

51 se sont développées les théories systémiques (école de Palo Alto, aux États-Unis), et la psychanalyse traditionnelle va petit à petit être évacuée des pratiques éducatives. L’influence américaine écarte les traditions d’héritage européen.

Les percées de la recherche scientifique, particulièrement dans le domaine de la psychologie, ont généré un nombre considérable de connaissances expliquant le comportement humain. Par conséquent, on assiste à l’émergence de plusieurs courants théoriques qui s’ajoutent à ceux déjà préconisés en psychoéducation. Progressivement, l’approche psychodynamique cède sa place aux approches comportementales (béhaviorisme) qui étaient jusqu’alors peu ou pas considérées. On dénote aussi l’ajout d’approches globalisantes plus contemporaines telles que l’approche écologique, systémique, biopsychosociale et psychodéveloppementale. Ainsi, le psychoéducateur est donc désormais formé à plusieurs approches, dont l’approche cognitivo-comportementale (Alain et al., 2017 : 38)

Nous noterons que cette évolution rapide ne fut pas imposée par le pouvoir politique, mais bien complétement intégrée par les professionnels et chercheurs de l’éducation sur quelques décennies via la mise en place de réseaux de recherches et d’échanges, en particulier avec les voisins américains. Cet événement historique d’évacuation de l’héritage français, et de la construction d’un paradigme dont les racines sont identifiables plutôt en Amérique du Nord, nous amène à formuler l’hypothèse d’un terreau favorable préexistant au Québec, en termes de représentations sociales, au sens de Weill-Fassina, Rabardel et Dubois (1993 : 17) :

Réseaux de propriété, de concepts, de savoirs, de savoir-faire, de croyances, de sensations éprouvées, construites, sélectionnées au cours de l’histoire du sujet, à partir de sa formation, de son expérience, et des besoins de l’action.

Nous en explorerons les modalités dans le chapitre dédié, mais retenons-ici que la légitimité des méthodes et paradigmes psychoéducatifs est validée par une reconnaissance des psychoéducateurs en tant qu’ordre professionnel (validée en 2000, puis 2010), et par la création du premier département universitaire consacré à l’enseignement et à la recherche autour de la dynamique psychoéducative, dès 1959, à l’Université de Montréal. Cette implantation n’aura de cesse de se développer, particulièrement dans les grandes agglomérations. Des chercheurs se rendent régulièrement sur le terrain, et les professionnels assistent à des formations pour appréhender des nouveaux outils d’accompagnement. Les psychoéducateurs occupent des postes d’accompagnement au quotidien, puis petit à petit évoluent vers des rôles de consultants cliniques, certains optant pour la pratique privée.

Reprenant l’évolution légale et historique, en 1977 est créé un Comité pour la protection de la