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Chapitre 1 : De la culture au paradigme de la forme.

2.1 De l’institution catholique à la loi de 2002.

On ne peut comprendre le travail social qu’en le situant dans les contextes économique, politique et idéologique où il a pris forme, et en tenant compte des rapports et des enjeux sociaux qui se sont développés dans la société. (Dubois, Garceau, 2000 : 33)

L’éducation spécialisée est un secteur d’activités s’étant développé à partir de préoccupations humaines, sociales et politiques. Elle a, comme toute autre modalité de production humaine, été tributaire des circonstances l’ayant vue se développer, comme elle a elle-même participé à les produire. En France, son Histoire est indissociable de la tradition institutionnelle catholique. En effet, les prémices de l’organisation de la protection de l’enfance en France sont le fait du clergé et ce, dès le Vème siècle. L’institution catholique se place en première ligne dans la prise en charge des enfants abandonnés. Ses modalités d’accueil trouvent leur source dans l’éthique de lien chaud promu par la religion chrétienne, et le modèle institutionnel rituel (Clavero, 1991 ; Dubet, 2002). Par exemple, le travail manuel est foncièrement perçu comme facteur d’adaptation, pour ne pas dire de rédemption. Peu de temps avant la Révolution, les enfants abandonnés ou orphelins sont placés chez un paysan ou un artisan, dans l’optique de se mettre rapidement à leur service.

Le destin de l’enfant abandonné est théoriquement le suivant : de 0 à 6 ans, période de maternage par une nourrice rémunérée ; 6 à 12 ans, placement chez une famille nourricière rémunérée ; 12 ans et plus, mise en apprentissage : le maître n’est plus rémunéré et se paie

21 sur les services gratuits que l’enfant doit fournir jusqu’à 25 ans environ. (Bianco et Lamy, 1980 : 12).

L’assistance publique est créée en 1793 après la Révolution. La loi du 27 juin explique que :

La Nation se charge désormais de l’éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d’enfants abandonnés et qui seront désormais indistinctement appelés orphelins.

L’assistance et la prise en charge des enfants deviennent alors obligatoires. Les accueils se font principalement au sein d’hôpitaux et hospices, et l’encadrement est assuré par des religieux. Napoléon prend le pouvoir dans la foulée et réforme profondément, et durablement, l’édifice socio-politique français. Son œuvre est sous-estimée en ce qui concerne le secteur d’activités qui nous intéresse (Calland-Jackson, 2015), car il s’agit du premier monarque qui prendra l’habitude de s’adresser, par décrets, aux départements en ce qui concerne les bureaux de mendicité et de bienfaisance, devançant de deux siècles la loi de décentralisation de 2007 en matière de protection de l’enfance.

Le contrôle de l’autorité civile, « l’omnipotence de l’État » dans le domaine du secours et de l’assistance, c’est-à-dire l’indépendance de l’ordre civil, porte aussi l’empreinte des idées napoléoniennes, la « toute-puissance » de l’Etat ne signifiant pas pour autant la suppression de la charité organisée par des religieux. Au contraire, bien qu’une séparation certaine entre le temporel et le spirituel soit assurée par l’Empereur, lorsqu’il s’agit d’organiser l’assistance publique avec le concours des religieux, l’autorité civile légifère sur les religieux selon le Code Napoléon – car les lois obligent tout le monde – et selon les dispositions qui régissent les autres serviteurs de l’Etat, notamment les militaires et les

autres fonctionnaires.

(Calland-Jackson, 2015 : 180)

Les religieux sont alors considérés comme des serviteurs de l’État, illustrant la proximité et la confiance entre l’Église et ce dernier. L’institution catholique répond du financement de leurs œuvres en termes de moyens mis à disposition, mais pas de leurs pratiques et de leur pertinence. En parallèle, Napoléon met en place les masses de granit, à savoir des institutions assurant la pérennité de l’Empire et d’un État fort. Il s’agit de structures tels le Code Civil, le Code de commerce, la Légion d’Honneur, et de réseaux de constructions englobant des hôpitaux, l’instruction publique, les préfectures (Calland-Jackson, 2015). Une certaine homogénéisation est alors encouragée à travers le territoire national, prenant racine dans plusieurs siècles de tradition monarchiste centralisatrice, et de lutte de Paris contre les provinces pour créer un « État-Nation » rassemblé sous la bannière catholique et royale.

En 1889, et dans un contexte réformateur intensif, la Loi sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés n’autorise qu’une seule procédure en cas de maltraitances avérées :

22 la séparation de l’enfant de sa famille nourricière, accompagnée de la déchéance de la puissance paternelle. Dans les faits, cette loi n’est que très peu appliquée. Les juges rechignent, même dans les cas de maltraitances particulièrement graves, à s’attaquer à la famille et à la puissance paternelle. Dans une France majoritairement catholique et rurale, la figure du père est toute- puissante, dans les lois comme dans la vie quotidienne. On rappelle ici l’étymologie du mot « enfant » : infans, celui qui ne parle pas. Cette conception est alors appliquée à la lettre. La famille traditionnelle, en tant que pilier de la société, est considérée comme sacrée. Dans une approche toute catholique de la charité et du pêché, l’enfant est désigné responsable des châtiments et événements douloureux qu’il traverse. Il faut véritablement que les violences soient atroces, et abjectes, pour déclencher une intervention. Cette proposition nous permet une première caractérisation spécifique du système français de protection de l’enfance, en lien direct avec ses filiations historico-culturelles :

Ou bien ce contrôle sera permanent et préventif, l’État aura un œil et une main dans les familles pour rechercher les abus possibles. […] C’est le système germanique. Ou bien on attendra la manifestation des abus, on n’interviendra qu’in extremis, à titre répressif et exceptionnel. C’est le système du groupe des législations latines. […] Le législateur

français a adopté le second.

(Drucker, 1895 : 357)

La diffamation, avérée ou supposée, est lourdement condamnée. Un enfant témoignant d’actes violents est en conséquence régulièrement réprimandé. Selon Darya-Vassigh (2012 : 10) :

[…] la crainte de diffamer prime toujours sur la volonté de sauver un enfant. Dans les faits, le principe de laisser s’accomplir les actes pour les réprimer ensuite reste encore le principe directeur de l’action publique.

La loi de 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État ne mentionne pas la protection de l’enfance. Notons que contrairement à bien des idées reçues, le député Aristide Briand, à l’initiative de la loi, défendait l’idée d’une laïcité sans excès (Barbier, 2003), et qu’il n’y a donc pas de rupture radicale avec l’organisation religieuse, en particulier en ce qui concerne l’accueil des enfants en difficulté. Le contexte d’alors, précédant la Première Guerre mondiale, appelle à l’apaisement, et à un rassemblement de la population. L’objectif principal de la loi est principalement la garantie de l’ordre public. Néanmoins, la Loi amorce un certain déclin des œuvres sociales religieuses (les congrégations), et le législateur doit rapidement organiser la prise en charge des populations en difficulté. Et c’est vers les associations, créées peu de temps auparavant en 1901, qu’il va se tourner. De nombreuses congrégations religieuses ont refusé de se constituer en tant qu’associations cultuelles, et vont obtenir un statut spécial en 1924, celui

23 d’associations diocésaines. Notons qu’elles présentent l’avantage de bénéficier d’ores et déjà de locaux, de main d’œuvre que l’on juge qualifiée, et d’un ancrage important au sein des territoires. L’animation des internats de la protection de l’enfance va donc naturellement échoir à ces organisations, tout à fait religieuses dans leurs origines historiques, leur organisation, leur éthique, et la formation de leur personnel.

La Révolution Industrielle entraîne alors l’exode de millions de personnes vers les villes. La montée en puissance de la classe ouvrière, des syndicats, du communisme et de l’anarchisme, nécessitent une prise en charge, sociale et morale, visant l’intégration et, quand ce n’est pas possible, le contrôle d’une population nouvelle et inquiétante. La professionnalisation du travail social et le développement du service social s’accélèrent.

Majoritairement catholiques mais indépendants de l’Église qui, dans le même temps, multiplie les initiatives infructueuses en direction du monde ouvrier, les pionniers de l’assistance sociale sont issus d’un milieu restreint, ayant un niveau d’intégration suffisant pour aboutir à des pratiques communes au service d’un dessein clairement indiqué, sinon précis : assurer la paix sociale dans le progrès.

(Verdes-Leroux, 1978 : 153)

Le décret-loi du 30 octobre 1935 distingue les notions de faute et de protection de l’enfant, et met en place une surveillance éducative lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont compromises ou insuffisamment sauvegardées, par le fait du père ou de la mère. En parallèle, les classes dominées s’organisent et tentent de libérer l’Homme de ses chaînes socio- économiques, immanentes et transcendantes. Les courants de l’Éducation nouvelle (pédagogie Freinet, Montessori…) et populaire (universités populaires, bourses du travail, prêtres-ouvriers) s’ancrent dans ce bouillonnement intellectuel parallèle à la Révolution industrielle.

Pendant la Seconde Guerre mondiale s’opère la reprise en main idéologique et collective des populations, en faveur du triptyque « Travail, Famille, Patrie », via le régime de Vichy. Ce dernier impulse une importante restructuration du secteur de la protection de l’enfance, elle- aussi sous-estimée sans doute parce qu’associée à une période honnie. En effet, de nombreuses populations ont été déplacées et des milliers d’orphelins errent sur le territoire. Peu connu et médiatisé (Chauvière, 1980), cet épisode voit pourtant se développer et s’institutionnaliser d’importants réseaux associatifs, toujours actifs aujourd’hui (par exemple l’Association Régionale pour la Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adulte, ou ARSEA, développe ses réseaux durant cette période). Cette construction est nourrie par le retour en légitimité des puissances cléricales, et une certaine recherche d’efficacité institutionnelle, technique et pratique. Les

24 premières écoles de cadres, futures écoles d’éducateurs, sont créées. L’Éducation Nationale et les universités sont exclues de ce processus de rééducation de l’enfance inadaptée, au profit d’une nouvelle technicité médico-psychiatrique (Chauvière, 1980), et d’une étatisation souple des organisations institutionnelles, respectant en cela le principe de subsidiarité cher aux relations entre l’Église et l’État. Ce dernier contrôle l’allocation des ressources, et laisse une large autonomie aux associations sur le terrain pour la mise en place concrète de l’accueil. La profession d'éducateur durant cette période est marquée par l'engagement, le dévouement, et une vocation quasi christique (Jover, 1999).

A la Libération, le gouvernement est bien trop occupé à gérer une multitude de soucis pour se pencher sur la protection de l’enfance. Celle-ci a de toutes façons été organisée sur un modèle bénéficiant d’ores et déjà d’une forte légitimité. Les associations bénéficient de réseaux importants, alimentés par la présence au sein des conseils d’administration de notables locaux. Avec la création de dispositifs telle la Sécurité Sociale, et le renforcement de l’État-Providence, le secteur de l’enfance inadaptée s’institutionnalise et s’institue progressivement. Tout en étant dépendant des subsides de l’État, l’initiative privée via le modèle associatif se développe dans un important maillage du territoire national.

Au lendemain du second conflit mondial, le tout-répressif recule en effet au profit du préventif. C’est que des siècles d’accompagnement et de réflexions autour de l’émancipation de l’individu ont porté leurs fruits dans le développement de la société française. En parallèle des grandes catastrophes engendrées par les mouvements idéologiques encourageant le biologisme et un certain darwinisme social (nazisme, fascisme, colonialisme…), la figure de l’individu-citoyen se sacralise au détriment de l’institution historique (Dubet, 2002).

Le premier volet juridique de ces évolutions est l’ordonnance du 2 février 1945, toujours en application aujourd’hui (bien que réformée de nombreuses fois). Elle crée l’éducation surveillée, et organise une juridiction spécifique pour les enfants délinquants, pilotée par le Juge des Enfants. L’assistance éducative est créée en 1958, et étend le rôle du Juge des Enfants à l’ensemble de l’enfance en danger. Les « orphelinats » deviennent progressivement des « foyers », mais ce changement de dénomination n’implique pas nécessairement une évolution des pratiques drastique. Les modalités d’accueil sont toujours essentiellement collectives, construites sur des valeurs de bienveillance, de travail, et d’obéissance. L’héritage institutionnel religieux est toujours présent en filigrane, quand ce ne sont pas carrément des bonnes sœurs qui font office d’éducatrices. Lorsque la Loi ordonne la rupture entre la famille et l’enfant, l’État

25 se substitue aux parents, et confie ce dernier aux associations. Le Décret du 7 janvier 1959 institue des services de prévention au sein des directions de la population, via des actions éducatives en milieu ouvert administratives. La recomposition du paysage juridico- institutionnel ne se fait pas sans heurts, dans une période post-Seconde Guerre mondiale très méfiante envers les institutions, soupçonnées de mettre en place un certain contrôle social et de détourner les dominés des véritables sources de leur malheur, à savoir leurs conditions de vie socio-économiques. Un courant critique majeur voit le jour, à l’image de Foucault (1975), ou de Verdes-Leroux (1978) :

A la bienfaisance chrétienne, il est reproché de n’avoir servi à rien : elle a entretenu la pauvreté […] et a été incapable de s’opposer à la lutte des classes et de contribuer à l’apaisement social. […] Quant à l’Assistance publique, elle n’est pas jugée seulement impuissante, mais nocive parce que fondée sur la reconnaissance des droits sociaux. […] Il est dangereux de prendre en compte des droits, car cela revient à admettre à la fois que les difficultés sociales ne sont pas des phénomènes singuliers et aléatoires (« les desseins de la Providence ») mais la conséquence de processus socio-économiques, et que la correction des inégalités les plus criantes ne relève pas de la bienveillance, mais d’une négociation,

fonction d’un rapport de forces.

(Verdes-Leroux, 1978 : 153)

Ainsi, Dubéchot (2005 : 1) écrit à propos de ce courant que :

Nombre de travaux sociologiques ont longtemps assimilé l'intervention sociale au contrôle social, insistant notamment sur son rôle de reproduction sociale et d'imposition de normes sociales auprès de ses différents publics. D'autre part, de manière presque concomitante, […] la définition du travailleur social comme « un technicien de la relation », complémentaire voire concurrent du psychologue, a privilégié l'approche individuelle des comportements au détriment de son approche sociale, au point d'ailleurs que la sociologie n'occupe plus qu'une part limitée dans la formation initiale des travailleurs sociaux.

Un mélange de dépendance et de méfiance envers les institutions étatiques renforce la distanciation avec l’université et la recherche, soupçonnées de vouloir techniciser la relation et l’engagement gratuit de soi. N’oublions pas que selon Lefebvre (2011 : 28), reprenant Geertz (1972 : 24), la religion :

[…] prend la forme d’un double modèle. D’une part, il est un modèle de la réalité, au sens qu’il met en parallèle les structures symboliques avec le système non symbolique. D’autre part, il est modèle pour la réalité, en manipulant les systèmes non symboliques en fonction des relations exprimées dans le système symbolique. […] La religion devient, de la sorte, ce qui fonde le sens commun, et le sens commun, l’application au quotidien des fonctions de signification et d’orientation de la religion. S’intéresser au sens commun en conséquence, c’est toucher à la religiosité d’une population, l’un étant coextensif de l’autre. Et pourtant, la religion semble plus qu’un savoir, plus que le sens commun. Elle en est à la fois la légitimation de contenu, le processus dynamique à l’origine des connaissances et le sens commun. Sur ce point également, les similitudes entre le concept de religion et celui de représentations demeurent frappantes.

26 Reprenons Weber (1905), qui liait le catholicisme avec le concept d’éthique religieuse de la fraternité, à savoir un lien social chaud, mû par le don et le contre-don. L’affect et la proximité sont valorisés au détriment de la rationalisation, et du calcul d’intérêts. A ce titre, la charité chrétienne mobilisée dans la protection de l’enfance en est la pertinente illustration pratique. Selon Hénaff (2008 : 502), il s’agit d’une :

[…] sublimation des rapports à autrui jusqu’à un amour universel ou acosmique qui fait de tout être humain un être digne d’attention et d’affection de la part du croyant.

En France (comme au Québec), l’unité sociale indispensable à l’entretien de ce lien affectif sera la famille traditionnelle :

La famille primait et avec elle la charité, dimension prioritaire par rapport à la justice. Il existait une sorte d’autonomie de la famille au-dessus de l’ordre civil, politique et social, de même qu’il existait une religion qui déterminait cette autonomie en la captant. […] La culture catholique a maintenu le principe qu’un don en retour envers Dieu est possible, qu’il l’est à travers le don à autrui, par la Charité. (Hénaff, 2008 : 515)

Une telle conception du lien social sera produite et reproduite par des institutions, elles-mêmes fruits de la conception catholique et romaine des organisations. L’institution est sacrée, et constitue un modèle institutionnel rituel et une bureaucratie sacralisée de salut (Willaime, 2001). Lorsque la Révolution Industrielle vient bousculer les modes de production des richesses traditionnels, la doctrine sociale de l’Église catholique, en réponse à la modernité et à l’industrialisation, se développera en cohérence avec les idées exposées précédemment :

- Soutien aux familles par l’État (les Caisses d’Allocations Familiales sont issues de ces injonctions).

- Importance du travail et de la propriété privée.

- Primat de l’Église sur l’encadrement des populations à propos des valeurs, de la morale et de la paix. Ce rôle doit être protégé par l’État.

- Affirmation de l’importance du principe de subsidiarité. Une tâche doit être confiée au plus petit échelon de l’organisation sociale capable de la mener à bien. Il s’agira, avant 1901, des congrégations religieuses, puis des associations.

La doctrine sociale catholique cherche à encourager la création d’un corps social unifié, dans lequel les œuvres se poursuivent pour répandre la Vérité. Elle souhaite répandre le lien social d’inspiration familiale, en portant les principes de solidarité et d’entraide devant garantir le salut

27 et la grâce. La solidarité, l’amour de son prochain et le travail comme œuvre de charité, sont des valeurs ayant influencé les institutions politiques et la conception du lien social dans les pays catholiques. Pendant des années, l’État ainsi, comme nous l’avons étudié, répugnera à se mêler des questions liées à la famille et à l’assistanat financé par la Charité privée.

C’est peut-être à cet état de fait que l’on pourrait rattacher notre mentalité et nos attitudes touchant la pauvreté et la richesse. Sans trop la caricaturer, on pourrait grossièrement décrire cette mentalité en disant que nous avons eu tendance à considérer la richesse comme un don de Dieu dont les bénéficiaires doivent user pour le plus grand bien de leur âme, c’est-à-dire en distribuant une partie aux pauvres, et la pauvreté comme une grâce de Dieu qui facilite l’accès au Ciel et permet aux riches de faire quelques bonnes actions. Plus peut- être que dans aucun autre milieu, nous avons été persuadés qu’il y aura toujours des pauvres parmi nous et qu’il est assez bon qu’il en soit ainsi. La vue providentielle des choses, qui caractérise assez bien notre mentalité religieuse, s’accommodait parfaitement de cette définition de la pauvreté. Mais le sens de la justice sociale y trouvait peu de prise. Les revendications sociales risquaient d’apparaître comme un désordre introduit par l’homme

dans les desseins de Dieu.

(Rocher, 1960 : 62)

On retrouve dans cette dernière proposition une conception moniste de l’humain, en relation directe avec Dieu, faisant fi de l’influence de l’environnement, en ce que cela risque de le déresponsabiliser. Ne perdons pas de vue que la religion catholique s’est construite dans un contrat passé avec les individus, entre eux-mêmes et l’entité religieuse. Un comportement noble et humble permet l’accès au paradis, l’alternative est une éternité au purgatoire. L’Homme est