1.3. Situation Récente de la Pauvreté
1.3.2. Des opportunités d’emplois précaires et peu durables
88. L’augmentation des emplois informels souligne l’accentuation de la précarité et de l’incertitude des emplois et revenus salariaux des ménages. Sans surprise, l’accès à l’emploi de la population active se fait principalement à travers l’agriculture et le secteur informel.
Pour la population active constituée des personnes âgées de 15-64 ans2, les opportunités d’emploi proviennent essentiellement d’un secteur agricole précaire et incertain du point de vue de la productivité et des salaires. Les estimations indiquent en effet que 70,4% des 15-64 ans ont bénéficié d’un emploi agricole en 2009 contre 62,4% en 2006 (Tableau 4). Censés offrir une rémunération et des conditions de travail moins précaires, les emplois agricoles formels ont connu un recul sensible passant de 18,3% à 11,4% de 2006 à 2009. A l’opposé, les emplois agricoles informels3 ont enregistré un bond de 44,1% des emplois offerts aux 15-64 ans en 2006 à 59% en 2009.
1 Le choix de la période d’analyse porte sur les années 2000 à aujourd’hui. Il s’agit d’analyser la performance de la croissance de la production (revenu) par tête depuis la mise en œuvre du CSLP I. Comme situation de base, il faut considérer la période allant de la signature des accords d’Arusha en 2000 (changement majeur dans la gestion politique du pays) à 2006 (année précédant la mise en œuvre du CSLP I).
2 C’est la population en âge de travailler selon les standards du BIT.
3 Il s’agit précisément des emplois dans les entreprises familiales et des travailleurs indépendants.
89. Le secteur non-agricole semble ne pas avoir créé de nouvelles opportunités d’emplois aux ménages burundais. En tant qu’indicateur de diversification et de modernisation de l’économie, le secteur non-agricole – pourvoyeur d’emplois à rémunérations généralement plus attractives – n’a pas montré de dynamisme soutenu sur la période considérée. Les emplois des secteurs tels que l’extraction minière, la transformation industrielle, la construction, voire le commerce (gros et détail), ont tous eu plutôt tendance à diminuer, alors même que ces secteurs sont une source importante de création de revenu au sein des ménages. Cependant, quelques opportunités d’emplois nouveaux, bien que relativement faibles, ont pu être créées dans les transports, les communications et les petits métiers (service et confection).
La stagnation dans la création de richesse réelle par tête entre 2006 et 2009 a sans pour première explication plausible la précarité et la faiblesse des rémunérations des offerts par le marché du travail aux ménages vivant en particulier en milieu rural.
précarité de ces conditions de travail, le secteur informel a su insuffler une dynamique création d’emplois permettant de réduire le chômage. D’après les données d’enquêtes disponibles, le Burundi a fait d’énormes progrès dans la résorption du chômage des depuis la mise en œuvre du CSLP I par comparaison à la situation qui prévalait en statut d’occupation actuel4 des personnes en âge de travailler montre que le taux de des 15-64 ans a chuté de 9,1% en 2006 à 2,2% en 2009 (
90. Tableau 1).
91. Bien que le milieu urbain reste particulièrement touché par un chômage à deux chiffres, il convient de préciser que son niveau a connu une diminution de 16% à 11,7% sur la même période. Le milieu rural s’illustre quant à lui par un taux de chômage compatible avec le plein emploi du marché du travail (formel et informel). Ces résultats à priori encourageants inspirent cependant deux commentaires, à savoir : (i) l’incapacité du marché du travail d’offrir des emplois durables et stables ;; et (ii) la situation spécifique des jeunes qui ne s’est pas améliorée.
4 Les enquêtes ménages utilisées pour ces estimations contiennent des modules emploi et/ou chômage sur lesquels nous avons retenu pour les calculs des questions similaires à peu de chose près. La question en rapport avec le statut d’occupation actuel nous sert à estimer le taux d’activité et le taux de chômage des 15-64 ans. Afin de voir si le statut d’occupation actuel s’est inscrit dans une certaine durée, nous estimons le nombre de mois au cours desquels l’occupation actuelle a été pratiquée sur les 12 mois précédant l’enquête. La variable renseignant sur le nombre de mois travaillé concerne uniquement les employés du secteur formel. Donc pour le secteur informel, nous ne sommes pas en mesure de fournir cette information.
5 Ici, le taux de chômage est égal au rapport entre la population active inoccupée au sens du BIT (les chômeurs âgés de 15-64 ans) et la population active (les personnes actives occupées et les personnes actives inoccupées) de la tranche d’âge des 15-64 ans.
Tableau 4 : Secteur d'origine des moyens de vie selon le milieu, 2006 – 2009
Organismes extraterritoriaux 0.58 0.82 0.03 0.09 0.07 0.16
Petits métiers 2.62 2.16 1.33 1.85 1.41 1.88
Médicine traditionnelle 0.08 0.00 0.01 0.01 0.01 0.00
Domestiques 3.61 6.87 0.78 1.03 0.96 1.66
Autre occupé 1.01 0.56 0.30 0.96 0.35 0.92
Informel occupé (indépendant/entreprise familiale) 22.41 26.63 45.58 62.95 44.1 59.02
Actif inoccupé 10.37 7.87 6.81 1.08 7.04 1.82
Elève et autre inactif 30.97 31.99 18.60 15.33 19.38 17.13
Données manquantes 2.37 0.17 1.45 0.41 1.51 0.39
Total 100 100 100 100 100 100
Source : Estimations du Gouvernement sur la base des enquêtes QUIBB 2006 et PMS 2009.
92. Parallèlement à la tendance baissière du taux de chômage, le taux d’activité des 15-64 ans a connu une augmentation significative6. De 2006 à 2009, le taux d’activité a augmenté de près de 5 points de pourcentage sur l’ensemble du Burundi. Avec près de 6 points de pourcentage de croissance de la population active, le marché du travail rural témoigne d’un grand dynamisme dans la création d’emplois depuis 2006 à l’opposé du marché du travail urbain où cette croissance est restée inferieure à 3 points de pourcentage.
93. Hormis les emplois informels sur lesquels une analyse étayée ne peut être effectuée faute de données désagrégées, il est important de noter que les emplois formels, qui devraient par définition être moins précaires que les emplois informels, ont été occupés par leurs détenteurs en moyenne 6,9 mois (sur les 12 derniers mois précédant l’enquête ménage) en 2009 contre 5,6 mois en 2006, congés payés non-inclus. En admettant que les emplois informels sont dans le meilleur des cas aussi incertains et précaires que les emplois formels, ces résultats soulignent clairement – et ce malgré les progrès dans le nombre de mois travaillés et donc rémunérés – la faiblesse des opportunités d’emploi s’inscrivant dans la durée et probablement le sous-emploi de la force de travail, y compris celle qui a pu bénéficier de ces 6,9 mois de travail dans l’année.
94. C’est dans le milieu urbain que la population active jouit des opportunités d’emploi les plus durables avec en moyenne 9 à 10 mois de travail consécutif, congés payés non-inclus.
Avec une progression de 1 mois de travail dans l’année entre 2006 et 2009, les détenteurs d’un emploi rural ont connu en moyenne un rallongement de la durée de travail supérieur à celui des citadins (à peine ½ mois en 3-4 ans).
95. La plupart des indicateurs de base utilisés pour analyser le marché du travail sont restés défavorables aux jeunes7 sur les années considérées. Certes le chômage des jeunes en milieu rural a connu un net recul depuis 2006 (10,4% contre 2,5% en 2009), mais la réalité actuelle fait état d’une situation alarmante matérialisée par un taux de chômage près de 3 fois plus élevé chez les jeunes que chez les personnes âgées de 25-64 ans en 2009.
6 Le taux d’activité est le rapport entre la population active de la tranche d’âge des 15-64 ans et la population en âge de travailler (les personnes âgées de 15-64 ans).
7 Il s’agit des personnes âgées de 15-24 ans.
Figure 3 : Durée des emplois du secteur formel (a) – Différence entre la durée des emplois des 25-64 ans et celle des emplois des 15-24 ans
(b) – Différence entre la durée des emplois des 15-64 ans et celle des emplois des 15-24 ans
Source : Estimations du Gouvernement sur la base des enquêtes QUIBB 2006 et PMS 2009.
96. La mise en œuvre du CSLP I semble avoir permis de réduire les inégalités dont les jeunes ruraux ont fait l’objet dans l’accès aux emplois durables (Figure 3). En milieu rural, l’écart entre la durée des emplois dits formels des 25-64 ans et celle des emplois des 15-24 ans s’est amenuisé de 0,9 mois travaillés à 0,7 mois travaillés de 2006 à 2009. En revanche, en milieu urbain où certes les jeunes réussissent à décrocher des emplois leur permettant de travailler en moyenne 8 mois et demi par an, cet écart par rapport aux aînés ne cesse de se creuser.
97. La perte d’un emploi antérieur aurait frappé environ 19,7% des jeunes chômeurs en 20088. Les principales raisons de la perte d’emploi sont de nature involontaire dans 82,5%
des cas et de nature volontaire dans les 17,5% restants. Concernant les motifs involontaires, le nombre de jeunes chômeurs est alimenté principalement par trois phénomènes, à savoir : (i) les difficultés des entreprises privées (compression et fermeture) pour 23,6% ; (ii) le licenciement pour 12,3% ; et (iii) le chômage technique pour 6,1%9.
98. Concernant les motifs volontaires, l’insuffisance de rémunération dans l’emploi précédemment occupé représente à elle-seule 16,3 points de pourcentage des 17,5 points qui regroupent les jeunes chômeurs ayant décidé de quitter d’eux-mêmes leurs emplois antérieurs. A titre de comparaison, les compressions de personnel et les fermetures d’entreprises ont globalement moins frappé les 25-64 ans, puisque seulement 4% des chômeurs de cette classe d’âge affirmaient avoir quitté leur ancien travail à cause d’une rémunération insuffisante.
1.3.3. Qualité de l’emploi et pauvreté : une relation à l’épreuve des programmes du CSLP I