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Chapitre 3 : Structures organisationnelles et innovation: l'apport de la gestion

B. ARTICULATION DIFFERENTIELLE

2. Des aooellations et confi2urations or~anisationnelles variables

Les formes concrètes et les appellations de ces dispositifs dédiés varient largement.

Ce sont, selon les auteurs, des« collateral forms» [Robbins,1987], des «organisations projets» [Holt, 1991], ou, des «équipes projets» [Midler, 1995; Benghozi, 1990], des «venture teams» [Hannan, 1969; HoIt, 1991], des « structures intégrées» [Xuereb, 1991] ou, des« skunk work» [Quinn, 1985; Peters et Waterman, 1990].

Voici comment Quinn justifie la nécessité d'organisations dédiées pour la production de l'innovation:

«every highly innovative enterprise in my research sample emulated small company practices by using groups that functioned in a skunkworks style. Small teams of engineers, technicians, designers, and model makers were placed together with no intervening organizational or physical barriers to

developing a new product from idea to commercial prototype stages»287.

Voici la description que Hoit propose de l' « organisation projet indépendante» :

«this is a self-contained group consisting of full-time members skills in

Marketing, R&D, Manufacturing, Finance. The project manager 0•• usually

reports to the head of the company ( ..It is) a separate organization (00) ln

order to get a well integrated group, the members should be located together

286Van de Ven A.H. 1986 Central Problems in the Management of innovation, Management Science Vo1.32,

n05, May 1986, pp 590-607

287 Quinn J.B 1985 Managing Innovation: controlled chaos, Harvard Business Review, n03, May-June 1985,

(..) when the project is completed, the group members are transferred back to

the basic structure»288.

Suivant Hanan289, Holt définit les «venture teams» comme une variante de la forme

« projet indépendant », elle est, selon lui, plus spécifiquement utilisée pour promouvoir un comportement entrepreneurial :

« a venture team is characterized by being relatively small, by being composed

of members from variousfunctional areas workingfull-time on the project, by having a broad objective that is not well defined at the start, by having sufficient resources, by being segregated from thepermanent organization, and

by having great freedom with a minimum corporate rules and regulations»290

Robbins regroupe ces approches différentielles sous le vocable de «collateral forms ». Il s'agit de dispositifs qui ont, selon lui, les caractéristiques suivantes :

« The collateral form is a loosely structured organic appendage designed to

coexist side by side with a bureaucracy on a relativelypermanent basis. They are typically small teams or separate business units that are given the independence and resources to experiment. They can pursue their own ideas without the rules, time-consuming analysis, and approvalsfrom multiple levels of management that are required in bureaucracies (...this can be compared

with) creating adhocraties within a large corporation»291.

Selon Kanter [1988 & 1989], la particularité de ces organisations dédiées est de jouir de conditions d'autonomie exceptionnelles par rapport à l'organisation courante :

• autonomie géographique tout d'abord: «a separate place dedicated to nothing but newstream experimentation. Managers at one new venture unit insist that the only way they had any chance to develop their counter cyclical business was to have their own

288 HoIt K. 1991 What is the best way of organizing projects in Managing Innovation, Edited by J Henry and

D Walker, Sage, pp 94

289Hanan M. 1969 Corporate growth through venture management, Harvard Business Review. January-

February 1969, pp 43-61

290Holt K 1991 What is the best way of organizing projects in Managing Innovation, Edited by J Henry and

D Walker, Sage, 1991, pp 95

291Robbins S. P. 1987 Organization Theorv. Structure. Design and AD1>lications.Prentice-Hall International,

building and create a new culturefrom scratch (...) we are allowed to get away with a

lot (ofrules). We hardly ever write memos here.»292.

• autonomie par rapport aux règles et aux procédures de l'organisation courante ensuite : « the desire of venture participants to ignore or avoid the use of corporate procedures

and services »293

• une capacité autonome de définir ses propres systèmes et procédures

Pour autant, selon Kanter, la création d'entités dédiées, ne réduit pas les tensions avec l'organisation courante. L'entité dédiée fait valoir son besoin d'autonomie, alors que l'organisation courante (responsable de la sélection des options et de leur financement) fait valoir son impératif de contrôle : il existe ainsi des « tensions between the newstream quest

for autonomy and the mainstream pushfor control»294.

Le moyen de réduire ces tensions est de développer des rôles de connexion entre les deux, et notamment de connecter l'entité dédiée à des sponsors influents dans l'organisation courante.

Xuereb [1991] défend lui aussi la mise en place de dispositifs dédiés pour la production de l'innovation. Il dénomme ce type de dispositif, « structure intégrée» :

«Elle permet d'effectuer simultanément l'ensemble des activités liées au développement d'un produit nouveau dans une entité de développement unique

où se trouve rassemblée la totalité des compétences nécessaires à

l'accomplissement du processus d'innovation »295.

3. Caractéristiques des confi2urations structurelles dédiées

Les entités dédiées présentent souvent des caractéristiques proches des configurations structurelles adhocratiques.

D'une part, sur les modalités de division des rôles. Si les individus qui participent à ces entités dédiées sont très souvent des experts, leur rôle individuel dans l'entité est souvent large, peu spécifié et sujet à ajustement en fonction des circonstances.

292 Kanter R.M. 1988 When a thousand flowers bloom - Structural, Collective, and Social Conditions for

Innovation, in Research in Organizational Behavior, Vol. 10, JAl Press, pp 169-211

& Kanter R.M. 1989 Swimming in Newstreams : Mastering Innovation Dilemmas, California Management Review, Summer 1989, pp 45-69

293Kanter R.M 1989 Swimrning in Newstreams: Mastering Innovation Dilemmas, California Management

Review, Summer 1989, pp 45-69

294Kanter R.M 1989 Swimrning in Newstreams : Mastering Innovation Dilemmas, California Management

D'autre part, les modalités de coordination des contributions individuelles sont aUSSI typiques des configurations adhocratiques. La collaboration entre acteurs ainsi que la coordination de leurs contributions sont largement laissées au jeux spontanés du collectif. Un seul rôle hiérarchique, le chef d'équipe ou le chef de projet, est formellement en charge de l'intégration. Enfin, le niveau de formalisation est généralement très bas.

Ainsi, les entités dédiées sont généralement caractérisées par une forte autonomie individuelle de leurs membres: séparation physique du reste de l'organisation, informalité des relations, flexibilité des modes d'organisation ... jusqu'à des formes «d'auto- organisation» (prônées par Van de Ven par exemple).

L'objectif est de promouvoir des modes de fonctionnement qui échappent à la logique de contrôle caractéristique de l'organisation courante : procédures formelles d'évaluation, contrôle financier, rapports...

Cependant la direction de l'organisation garde le contrôle de ce qui y est réalisé. Selon Galbraith, la direction à un rôle de «chef d'orchestre »296.Pour Van de Ven, les «macro- directions» fixées par la direction guident les «micro-actions» qui prennent place dans ces organisations297.

L'enjeu commun de ces dispositifs dédiés est de permettre une intégration plus élevée et plus rapide des différentes contributions spécialisées produites par les individus-experts. Dans les termes de Galbraith, l'enjeu est de permettre un «simultaneous coupling» (vs. « sequential coupling ») des contributions des acteurs participant à l'innovation: cf.Figure

22.

Figure22 -Couplagesimultanédesactivités298

c

295Xuereb J-M 1991 Une redéfInition du processus d'innovation Revue Francaise de Gestio~ Juin - Juillet-

Août 1991

296Galbraith J.R. 1882 Designing the Innovating Organization, Organizational Dvnamics, EdO Amacom,

Winter 1982, ppl0

297Van de Ven A.H. 1986 Central Problems in the Management of innovation, Management Science Vo1.32,

n05, May 1986, pp 590-607

298Adapté de Galbraith J.R. 1982 Designing the Innovating Organization, Organizational Dvnamics, EdO

La forme «projet» est certainement le dénominateur commun de toutes ces formes: il s'agit d'un collectif de spécialistes réunis de façon temporaire pour mener à bien un projer99• Ici, le processus d'innovation n'est plus défini comme une suite d'activités

successives réalisées par des départements différents, mais comme un ensemble d'activités réalisées sous responsabilité unique, et isolées de l'organisation courante.

Ces configurations structurelles dédiées accordent toutes une priorité, prescriptive et explicative, à l'autonomie individuelle, au détriment du contrôle organisationnel.

Par contre, les points de vues diffèrent entre les auteurs, quant à l'étendue des activités que de telles configurations dédiées sont censées prendre en charge.

La question est de déterminer quel spectre des activités innovantes, l'entité dédié est censée prendre en charge: prend-elle seulement en charge les activités de génération d'idée nouvelle, et / ou de sélection, et!ou seulement de réalisation?

Les auteurs divergent sur ce point (Figure 23). Selon les cas, ce dispositif spécifique est appelé à prendre en charge soit l'ensemble du spectre : génération-sélection-réalisation [Galbraith, 1982; Xuereb, 1991 ; Holt, 1991300

], soit seulement une partie: généralement la

phase de « réalisation» [Kanter, 1988 & 1990 ; Van de Ven, 1990].

Figure 23- Spectre des activités prises en charge par les entités dédiées

Génération Sélection Réalisation Production!

Commercialisation

fortement connectée fortement Galbraith Kanter Van de Ven Xuereb Ho1t àOC Organisation courante àOC Organisation courante Organisation courante Organisation courante Organisation courante Organisation courante Organisation courante

Ainsi, il Y a unanimité sur le fait que les dispositifs dédiés sont faits pour prendre en charge la phase de Réalisation des processus d'innovation, de même il y a accord pour dire que la

299L'équipe projet se différencie de la«task-force » : en effet si cette dernière est aussi une structure

dernière phase est celle qui doit être reprise en charge par l'organisation courante. Par contre il y a débat sur les phases amonts de sélection et réalisation.

Ce sont, en outre, les approches différentielles de ce type qui ont théorisé, pour la première fois, la nécessité d'intégrer des acteurs externes pour produire l'innovation:

Ainsi selon Peters :

« The product-development team notion is incomplete unless outsiders

participate. Principal vendors, distributors, and «lead» (future test site)

customers arefull-time members »301.

Ou, selon Delbecq et Mills :

« extensive and intensive interaction with clients and organizational boundary

spanners » is necessary302.

Les sous champs de littérature identifiés plus haut de« Gestion de projet» et « d'Intrapreneurship », s'inscrivent indéniablement dans cette tradition d'approche

différentielle de gestion de l'innovation. A cette différence près que la « gestion de projet»

se focalise plutôt sur l'analyse des logiques de production de l'innovation, après la phase de sélection; alors que « l'Intrapreunariat» se focalise plutôt sur les séquences amont de Génération d'idées nouvelles et de Sélection de ces idées. Les questions pertinentes de ce 2ème sous champ sont d'une part, comment encourager et repérer les propositions

innovantes produites dans l'organisation, et d'autre part, comment évaluer leur potentiel et choisir le mode organisationnel souhaitable de leur réalisation303

300« the venture group not only generates ideas. but is also responsible for development and exploitation of

them » in HoIt K. 1991 What is the best way of organizing projects in Managing Innovation, Edited by J

Henry and D Walker, Sage, pp 95

301Peters T. 1991 Get Innovative or Get Dead - Part Two, California Management Review. Winter 1991, pp

9-23

302Delbecq A.L. & Mills P .K. 1984 Managerial Practices l'hat Enhance Innovation, Organizational

Dvnamics. Summer 1985, Volume 14, n04, pp24-34

303 création d'une équipe projet, d'une division dédiée ..jusqu'à la création d'une entreprise indépendante, ou

la vente sous licence. Remarquer que l'on sort, dans ces deux derniers cas, de la problématique de la gestion interne de l'innovation.