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Le développement de l’industrie papetière en Mauricie, une histoire mêlée à celle de l’hydroélectricité

1. Histoire socioéconomique du territoire de la Tuque et construction de la filière forêt-bois actuelle

1.1. Histoire du territoire et des activités économiques en Mauricie

1.1.3. Le développement de l’industrie papetière en Mauricie, une histoire mêlée à celle de l’hydroélectricité

La deuxième usine papetière de la région, la Belgo-Canadian Pulp and Paper

Compagny, s’implante sur un terrain acheté par la Shawinigan Water and Power

Company (SWPC) en 18891. S’y implantent également la Pittsburgh Reduction

Company et sa filiale Northern Aluminium Company, un manufacturier d’aluminium - ancêtre de la compagnie Alcan - ainsi qu’une industrie chimique, la Shawiningan Carbide, producteur de carbonate de calcium (Bellavance, 1994). De nombreux barrages hydroélectriques ont alors été construits par la SWPC sur le territoire de la Mauricie, servant à alimenter les industries et les zones d’expansion urbaines. Le plus impressionnant est sans équivoque celui de la Loutre, construit en 1917. Le cours de la rivière Saint Maurice a été détourné pour créer un réservoir de 8,6 milliards de m3, inondant 500km² de forêt, dont le territoire de la communauté Atikamekw de Coucouache. La ville de la Tuque, qui comptait alors 8000 habitants, fut reliée à la route principale en 1925 (Desbiens, 2017).

1 « La stratégie de la Shawinigan vise trois objectifs : solliciter des entreprises intéressées à s'établir près d'une source d'électricité ; tenter d'acheter les terres autour de la concession hydraulique ; et enfin revendre ces terres aux entreprises intéressées, tout en faisant patienter le gouvernement provincial, qui avait lié la concession hydraulique à une série d'échéances. »

181 La SWPC continua ainsi d’étendre ses activités jusqu’à son rachat par la société d’Etat Hydro Québec, conjointement à la nationalisation de l’électricité québécoise en 1963.

Du côté de la haute Mauricie, de nouvelles infrastructures viennent dynamiser la région au début du XXe siècle. Une entreprise, la Québec and Saint Maurice Industrial Company, achète un territoire nommée La Tuque Falls par les anglophones pour y installer un barrage hydroélectrique ainsi qu’une usine de pâte et papier. Cette compagnie, créée par les frères Brown, deviendra la Brown Corporation en 1915. Les activités des frères Brown ont connu une expansion sans précédent à l’export avec la levée des frais de douanes de la loi Underwood en 1913.

Ce décret a également eu pour conséquence d’attirer les entreprises

nord-américaines qui implantèrent des usines de pâtes et papiers dans la région. De plus, la plupart des usines de pâtes et papiers de la Brown Corporation se sont construites à proximité de scieries existantes, rachetées par les compagnies à l’origine de la construction de l’usine papetière (Belleau 1979 p.51).

Les usines de la région de la Haute Mauricie suivaient la tendance québécoise d’intégration verticale des activités en produisant le papier journal à destination des Etats-Unis. En 1925, les 3 sites de production papetières installées à Trois Rivières (la CIP, Wayagamak et Saint Lawrence) mobilisaient la moitié des employés de la ville et fabriquaient 1400 tonnes de papier par jour. Cela a valu à la ville de Trois Rivières le titre de capitale mondiale du papier. Les frères Brown ont cependant misé sur une toute autre stratégie : suite à d’importants investissements en termes d’outillage de production, l’usine de la Tuque se positionne sur le marché du papier kraft en 1928. A cette époque, la Brown Corporation possède l’usine de papier Kraft de la Tuque, des usines de papier au New Hampshire, des territoires forestiers ainsi que des scieries. Les frères Brown ont ainsi fait vivre le territoire latuquois pendant plus d’une cinquantaine d’années (Lanthier, 1983).

Grâce à ces différentes positions stratégiques sectorielles et territoriales, et avec l’aide de subventions gouvernementales, la Brown Corporation surmonte aisément la Grande dépression et investit davantage dans le sciage, l’aménagement, l’exploitation forestière, et s’intéresse également à la construction de la centrale hydroélectrique de la Tuque en 1930. La réalisation de ce barrage hydroélectrique, dirigé par la Shawinigan Water and Power Company (SWPC), s’acheva en 1940 (H.

Tremblay, 2010). La SWPC est ainsi à l’origine des 9 premières centrales

hydroélectriques sur les 12 centrales qui ont été construites au cours du siècle, le long de la rivière Saint Maurice. Toutes ces centrales, sauf Shawinigan 1, sont toujours en activité.

182 Nom de la centrale

Hydroélectrique Maître d'ouvrage

Mise en service Capacité (MW) Centrale Shawiningan 1 SWPC 1901 / Centrale Shawiningan 2 SWPC 1911 200 Centrale de Grand-mère SWPC 1916 105 Centrale de la Gabelle SWPC 1924 129

Centrale de Rapide Blanc SWPC 1931 210

Centrale de La Tuque SWPC 1940 263 Centrale Shawiningan 3 SWPC 1948 184 Centrale de la Trenche SWPC 1950 302 Centrale Beaumont SWPC 1957 270 Nationalisation de la SWPC en 1963 Centrale du Rocher-de-Grand-Mère

Remplace la centrale de

Grand-Mère 2004 230

Centrale de la Chute Allard

Chantier publics 2008 65

Centrale des Rapides-des-Cœurs 2008 83

Tableau 15 : Mise en service et capacité de production des centrales hydroélectriques

en aval de la Rivière Saint Maurice en Mauricie. Réalisé par nos soins d’après

(Desbiens 2017)

La SWPC et la Brown Corporation ont ainsi participé activement au développement

industriel de la Mauricie, qui est devenue l’une des régions les plus importantes au

monde dans le secteur de la pâte et papier et pour l’hydroélectricité. Trois autres centrales sont construites à Shawiningan, qui devient le berceau de la plus grande installation hydroélectrique du monde en 1948. Cette abondance d’énergie électrique bon marché attire progressivement de nombreuses industries de pétrochimie, d’électrochimie, d’électrométallurgie et l’industrie textile. Un autre facteur d’attractivité pour les industries à cette époque réside dans le fait que les ouvriers sont payés 10% à 20% moins cher qu’à Montréal avec pourtant une absence quasi-totale de revendications sociales et seulement une seule grève sans violence en près de 50 ans.

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1.1.4. Le déclin des activités forestières et industrielles entrainant la