Dans le dernier PAFIT 2018-2023, le volume de bois disponible pour l’industrie forestière est en augmentation par rapport au PAFIT 2013-2018 avec 3,5 millions de m3 attribuable à la filière forêt (contre 3,3 millions de m3 pour 2018-2013). Pour le PAFIT 2018-2023, 68% de ce bois disponible est réservé aux industries possédant une garantie d’approvisionnements (GA). Un peu plus d’un quart du volume de bois disponible (27%) concerne le bureau de mise en marché des bois (BMMB) qui correspond à la mise en place par le gouvernement d’un marché libre provincial. Enfin, le permis de récolte de bois aux fins de l’approvisionnement d’une usine (PRAU) accorde 154 000m3 (environ 5% du bois disponible en région) à la nation Atikamekw pour approvisionner la scierie d’Opitciwan en partenariat avec PF Résolu.
Contrairement aux garanties
d’approvisionnement, le PRAU est un droit forestier qui « autorise son titulaire à récolter un volume de bois
sur les terres du domaine de l'État. »
(LADT). Pour le nouveau PAFIT 2018-2023, la part du volume des Garanties d’approvisionnement et du bois BMMB a augmenté d’environ 100 000 m3 et le volume PRAU à destination de la nation Atikamekw a augmenté de 10 000m3, comparé au PAFIT 2013-2018.
Figure 39 : Répartition des contrats et dispositifs d’approvisionnement en Mauricie
(Tout UAF confondues). Réalisé par nos soins
* N’inclut pas les volumes délivrés pour le bois de chauffage ni les volumes non récoltés des années antérieures vendus.
Tableau 18 : Attribution du bois disponible en région Mauricie pour le PAFIT 2013-2018 et pour le PAFIT 2018-2023 (MFFP, 2018d)
PAFIT 2018 - 2023
192 Parmi le volume de bois réservé aux industries bénéficiaires de GA, la grande majorité (84% de ce volume) est octroyée localement à des entreprises installées en Mauricie, à destination de la filière forêt-bois La Tuquoise et Trifluvienne. Seulement 16% des bénéficiaires de GA en Maurice proviennent d’industrie hors région.
La filière forêt-bois La Tuquoise s’octroie la majorité du volume réservé aux
bénéficiaires de garanties d’approvisionnement alloué aux industries mauriciennes (68%), contre (32%) à destination de la filière Trifluvienne. Deux constats majeurs expliquent cette situation. Tout d’abord, les deux plus grandes scieries (celle de PF Résolu à la Rivières aux rats et celle d’ARBEC à Parent) sont toutes les deux situées dans le territoire de la Tuque. De plus, les deux usines papetières de la filière forêt trifluvienne, les usines de Kruger, ne sont pas positionnées sur la ressource forestière pour leur production mais sur du papier recyclé pour le site de Trois rivières qui produit une pâte thermodynamique qui sert à l’approvisionnement de
l’usine de Wayagamack en matière première. Equipées de centrales de
cogénération, un approvisionnement supplémentaire en copeaux est acheté auprès des scieries régionales ou, à défaut, par du bois rond obtenu grâce aux garanties d’approvisionnements que Kruger possède sur les UAF mauriciennes, dont le volume en m3 n’est pas renseigné, ni sur le PAFIT 2013-2018, ni sur le PAFIT 2018-2023.
Parmi les 14 entreprises du bois présentes en Mauricie, c’est le groupe Rémabec qui cumule plus de la moitié (56%) du volume d’approvisionnement réservé aux bénéficiaires de garanties d’approvisionnement, originaires de la région de Mauricie. Il est suivi par PF Résolu avec ses deux scieries la Tuquoise, celle située à la Rivière aux Rats et celle en commandite avec les Atikamekws dans la communauté d’Opitciwan. Westrock capte 15% de ce volume et les 4% restants sont répartie=s entre les scieries Commonwealth Plywood et Xylo Carbone.
Figure 40 : Répartition du volume de bois réservé aux bénéficiaires de GA originaire de la région de la
Mauricie. Réalisé par nos soins
Concernant les bénéficiaires de garanties d’approvisionnement hors région, la plupart sont des industries qui sont proches des UAF de la Mauricie, comme la région du Lac saint Jean, les Lanaudière ou la région de Québec. D’autres entreprises encore, comme le spécialiste du Bardeau de cèdre dans la région des Appalaches, viennent s’approvisionner en Mauricie à la recherche d’une essence
193
Nom de l'entreprise Filière forêt - bois Localisation Type de produits Essence GA (m3)
WestRock La Tuquoise La Tuque Carton d'emballage et alimentaireBouleau jaune 288 000
Industries John Lewis (groupe Rémabec)La Tuquoise La Tuque Bâtonnets en bois Bouleau jaune et Bouleau blanc 40 400 Compagnie Commonwealth Plywood La Tuquoise La Tuque Sciage de feuillus Bouleau jaune et Bouleau blanc 40 700 Produits forestiers Résolu La Tuquoise La Tuque Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 396 850 Arbec (groupe Rémabec) La Tuquoise La Tuque - Parent Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 457 850
Arbec (groupe Rémabec) La Tuquoise La Tuque Poteaux Pins et pin gris 14 150
Scierie Opitciwan (PF Résolu et Atikamekws)La Tuquoise La Tuque Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 111 650 Transfobec Mauricie (Westrock) La Tuquoise La Tuque Paillis érables, hêtre, chêne, tilleul, bouleau jaune 10 000 Produits forestiers Arbec (groupe Rémabec)Trifluvienne Shawiningan Panneaux gaufrés à lamelles orientéespeuplier 188 900 Compagnie Commonwealth Plywood Trifluvienne Shawiningan Placages de bois Bouleau jaune et Bouleau blanc 17 800 Arbec (groupe Rémabec) Trifluvienne Saint Roch de Mékinac Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 376 100 Xylo Carbone Trifluvienne Saint Tite Charbon de bois érables, hêtre, chêne, tilleul, bouleau jaune 16 300 Boiseries Savco (groupe Rémabec) Trifluvienne Saint Adelphe Bois de palette et copeaux de boisFeuillus durs 52 550 Kruger Wayagamack Inc Trifluvienne Trois Rivières Papier Kraft papier couché pâte à papier S.O
Kruger Trois Rivières Trifluvienne Trois Rivières Papier journal carton et fibre de cellulose100% papier recyclé depuis 2017 S.O
Total 2 011 250
Tableau 19 : Bénéficiaires de Garanties d'approvisionnements des UAF en Mauricie, d’après le PAFIT 2018-2023 de la Mauricie (Page suivante)
Nom de l'entreprise Filière forêt - bois Localisation Type de produits Essence GA (m3)
Le spécialiste du Bardeau de cèdre Région Appalaches Saint Prosper de Dorchester Bardeaux Thuya 14 650
Scierie PSE Région de Québec Saint Ubalde Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 8 650
Scierie Dion & Fils Région de Québec Saint Raymond Sciage de feuillus Bouleau et feuillus durs 28 450
Maibec Région de Québec Saint Théophile Revêtement et lambris Thuya 5 750
Eloi Moisan Région de Québec Saint Gilbert Revêtement et lambris Sapin, épinette, pin gris, mélèze 100
Adélard Goyette & Fils Région de Québec Rivière à Pierre Sciage Feuillus durs et pin 18 750
Domtar Région du Centre Québec Windsor Papeterie et Bioraffinerie Bouleau et feuillus durs 48 000
Produits Forestiers Résolu Région Lac Saint Jean La Doré Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 58 450
Produits Forestiers Résolu Région Lac Saint Jean Saint-Félicien Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 17 950
Norbord Région Lac Saint Jean Chambord Panneaux Bouleau et peuplier 32 500
Barrette-Chapais Région Lac Saint Jean Chapais Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 118 750
Scierie Saint Michel Région Lanaudière Saint Michel des Saints Sciage de résineux Sapin, épinette, pin gris, mélèze 24 450
Scierie Dumais Région Lanaudière Saint Jean de Matha Sciage de peuplier Peuplier 1 000
194 D’une manière générale, les garanties d’approvisionnement en Mauricie, qu’elles soient à destination des industries mauriciennes ou hors régions, sont principalement destinées aux industries du sciage (69% des GA) contre 14% à destination de l’industrie papetière, 9% à destination de la fabrication de panneaux, 2% à destination des industries John Lewis pour la fabrication des bâtonnets en bois, 2% également pour les boiseries Savco dans la mise en copeaux et la fabrication de palettes. Les 3% restant sont partagés entre les entreprises spécialisées de charbon de bois (Xylo Carbone), de revêtement et lambris, de fabrication de poteaux, de paillis ou de bardeaux.
Figure 41 : Répartition du volume réservé aux bénéficiaires de GA sur les UAF
de Mauricie (Industries mauriciennes et hors régions)
Réalisé par nos soins.
Et si on s’intéresse aux acteurs, Rémabec reste l’industrie qui monopolise le plus de volume de bois disponible en Mauricie. Ensuite, vient le dispositif du BMMB qui permet aux entreprises mauriciennes ainsi qu’à d’autres compagnies hors région de se positionner sur du bois mis en vente aux enchères (Voir Encadré 9). En troisième position, PF Résolu s’accapare 21% du volume de bois disponible en Mauricie avec sa scierie de Rivière aux Rats, mais surtout grâce à son usine en commandite avec les Atikamekw, via leur PRAU de 154 000 m3. Avec 9% du volume de bois disponible en Mauricie, Westrock se place en quatrième position, suivie par Barette Chapais, une méga-scierie, installée au lac Saint Jean. Commonwealth Plywood s’octroie 2% du volume de bois disponible en Mauricie, tout comme l’ensemble de 5 scieries familiales installées hors région. Avec moins de 1% du volume total disponible, on retrouve Domtar, Norbord, XyloCarbone et des entreprises spécialisées en bardeaux, en revêtements et en lambris.
Figure 42 : Répartition du volume total de bois disponible en Mauricie par entreprise. Réalisé par nos
195
Encadré 9 : Le BMMB, un dispositif qui dérange
Ce dispositif d’enchère est censé rétablir le marché libre sur le bois, démocratiser son accès et en fixer la juste valeur. Mais il s’avère être une source de complexification de la planification forestière et une source d’augmentation du coût de la fibre. Le manque de visibilité sur le long terme ainsi que l’absence d’information sur les secteurs ponctionnés par le BMMB freinent les investissements et
augmentent les coûts d’approvisionnement. « Des secteurs de coupes sont
soustraits à la planification par le BMMB. On ne sait jamais si le BMMB va faire une
ponction sur quels secteurs » (Entretien Coopérative du Haut Saint Maurice, 10 août
2016). « Le prix de la fibre établi par le nouveau régime est beaucoup trop élevé.
Cela a augmenté les coûts d’approvisionnement de 15 à 20% en moyenne dans l’ensemble du Québec » (Entretien CIFQ, 20 juin 2016). En effet, les secteurs ponctionnés aléatoirement sur le territoire forestier et l’arrivée de nouveaux acteurs
hors région venant acheter ces lots génère des tensions. « Le BMMB, en créant ces
nouveaux joueurs-là qui n’avait pas les mêmes droits que les bénéficiaires de GA, a
créé certaines frictions au niveau de l’amortissement des chemins forestiers… Alors
qu’avant, tout le monde s’entendait sur les coûts d’aménagement des chemins
principaux. Le travail de planification forestière était reparti de manière équitable
entre les bénéficiaires de CAAF. » (Entretien Coopérative du Haut Saint Maurice, 10
août 2016).
Ainsi 25% du bois récolté passent par le BMMB qui établit des lots de bois et les vend au plus offrant. Mais, dans les faits, 20% du bois mis aux enchères ne trouvent pas preneur car le BMMB ne prend pas en compte les disparités des lots et la réalité du terrain sur lequel se trouvent ces lots de bois. « Le BMMB établit un coût
d’opération avec ses intrants. Mais les intrants utilisés sont trop méthodiques et ne
sont pas compatibles avec la réalité du terrain. » (Entretien Coopérative du Haut
Saint Maurice, 10 août 2016). « Il y a des lots qui comportent 100% d’épinette noire à
maturité et tout le monde les veut, mais d’autre lots sont moins intéressants : ils sont dans les montagnes avec des distances de transports plus élevés et des conditions
d’accès plus difficiles. » (Entretien CIFQ, 20 juin 2016). D’autre part, la volonté
principale du BMMB de démocratiser l’accès à la récolte de bois n’est pas toujours réalisée. Certes, 50% des acheteurs de lots de bois au BMMB ne sont pas des
bénéficiaires de garanties d’approvisionnement. Cependant, une grande partie de
ces acquéreurs sont les entrepreneurs forestiers engagés initialement par les bénéficiaires de garanties d’approvisionnement forestiers (BGAF). « Il y a plusieurs entrepreneurs qui récoltaient pour les BGAF qui maintenant qui le revendent à
différents industriels et même dans certains cas à l’ancien bénéficiaire de CAAF. » (Luc Bouthillier) (Marceau & Rhéaume, 2016).
De plus, le BMMB est accusé de faire monter le coût de la fibre en raison de la surenchère d’entrepreneurs hors région des secteurs de ponction du BMMB, qui n’ont pas une vision juste de l’équilibre du coût de la fibre dans la filière forêt-bois
locale. « C’est venu créer une certaine rareté, les prix du bois ont monté depuis le
BMMB, dû à l’effet de la surenchère des entrepreneurs. Un entrepreneur qui n’a pas
forcément idée des coûts de la filière et qui veut vendre du bois sur le marché, va
avoir tendance, pour s’assurer du travail, à acheter les lots plus chers que la valeur réelle du bois… et l’usine qui va acheter ce bois, acceptera la hausse de prix car sinon elle va devoir fermer son usine par manque de bois ; cela entraîne un équilibre
196 Ainsi, la ressource forestière de la Mauricie est-elle majoritairement accaparée par des acteurs locaux, notamment Rémabec qui, en possédant de nombreuses industries tout au long de la chaîne de valeur, est un acteur incontournable de la filière forêt-bois la Tuquoise et trifluvienne. De même, Résolu, principalement présent au sein de la filière forêt la Tuquoise, possède également des sites industriels au Lac Saint jean qui viennent s’approvisionner au nord de la Mauricie, pour de simple raison de proximité avec les UAF du Nord. Enfin, Westrock, avec son usine emblématique de la Tuque, est également un acteur important en Mauricie, puisqu’il consomme 9% du volume de bois qui y est disponible. De plus, Westrock, qui consomme exclusivement du bouleau jaune, se trouve en tête des consommateurs de cette ressource en Mauricie, avec 35% de la ressource en feuillus octroyés dans les garanties d’approvisionnement en Mauricie, tous bénéficiaires confondus (intra et hors région mauricienne). Cet approvisionnement exclusif en bouleau jaune, conjointement à une forêt mauricienne hétérogène, posent certains défis à l’approvisionnement, pour Westrock, mais également pour les consommateurs de feuillus, en général.
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