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Déplacement vers le nord La mission militaire française à Scutari d’Albanie

La fin de l’année 1917 est caractérisée par les divergences franco-italiennes concernant le déroulement des actions militaires afin de consolider la position du front dans le secteur albanais et étendre la zone d’occupation alliée. Dans sa thèse sur Les relations entre la France et l’Italie dans

les Balkans pendant la première Guerre mondiale, monsieur Frédéric Le Moal a bien exposé les

dessous politiques de la coopération militaire franco-italienne315. L’épisode du déplacement de la

314 Jérôme Carcopino, op. cit., p. 193-194.

315 Frédéric Le Moal, Les relations entre la France et l’Italie dans les Balkans…, op. cit., p. 452 – 464.

Chronologie de Kortcha depuis la chute du régime ottoman

décembre 1912 – mai 1913 : Occupation militaire grecque. mai 1913 – mars 1914 : Régime civil grec.

mars 1914 – juillet 1914 : Gouvernement albanais du Prince Guillaume de Wied. juillet 1914 – octobre 1914 : Occupation par des troupes irrégulières grecques. octobre 1914 – décembre 1915 : Occupation militaire grecque.

décembre 1915 – 22 octobre 1916 : Administration civile grecque constantinienne. [mars 1916 : Mission française de reconnaissance à Kortcha.

22 – 29 juin 1916 : présence militaire française à Kortcha, n. n. ].

22 octobre 1916 – 23 novembre 1916 : Occupation militaire française/ Administration civile grecque (vénizéliste).

23 novembre 1916 – 10 décembre 1916 : Autorité militaire française et fonctionnaires civils grecs (vénizélistes).

10 décembre 1916 – 15 mars 1917 : Autorité militaire française et fonctionnaires civils albanais . 15 mars 1917 – 1er décembre 1917 : Autorité militaire française et République de Kortcha. 1er décembre 1917 – 16 février 1918 : Autorité militaire française et Kaza (Province) autonome de Kortcha.

16 février 1918 – 22 mai 19120 : Territoire militaire français. 22 mai 1920 : Le territoire est cédé aux autorités albanaises. 15 juin 1920 : Retrait des Français.

Source : ASD, Affari Politici 1919 – 1930, Albania 1928, Pacco 756, Agenzia Consolare d’Italia in Koritza, Rapporto n° 201, 28 giugno 1928

108 35e division italienne reste exemplaire à ce sujet. L’État-major italien reconnaît qu’au départ c’était le Gouvernement français qui avait avancé l’idée d’une extension de l’occupation jusqu’au lac de Prespa avec les éléments de la 35e division italienne316. Dans ce dessein, la zone italienne devait englober le kaza de Kortcha. Mais cette proposition avait rencontré l’opposition du Général Sarrail et de son successeur, le Général Guillaumat. Ceux-ci réussissent à convaincre Paris de l’inutilité de cette manœuvre susceptible d’affaiblir les positions italiennes autour de Valona. Pourtant, après l’entrée en guerre de la Grèce, les décideurs italiens avaient peur d’une participation grecque aux opérations visant à dégager l’Albanie317. Les craintes italiennes étaient justifiées par les démarches du Général Bordeau, chargé de l’organisation de l’armée grecque, auprès les autorités militaires italiennes pour une participation militaire grecque aux opérations militaires en Albanie318. La concurrence pour la légitimité en Albanie commençait. La question était particulièrement importante pour les Italiens qui avaient, selon le Traité de Londres de 1915, la charge du protectorat sur l’Albanie centrale : il était donc indispensable que les villes de Berat et d’Elbassan soient occupées par eux.

Les archives diplomatiques italiennes nous dévoilent aussi un autre aspect de la guerre de coulisses qui visait à obtenir l’adhésion de la diaspora albanaise319. La question est particulièrement intéressante en Suisse, pays neutre, où des notables albanais avaient trouvé refuge après le début des hostilités : Syreja bey Vlora320, Pandeli Cale321, Sotir Kolea322, Mehmed bey Klisura323. De plus, après l’entrée en guerre des États-Unis, la Confédération helvétique était devenue le seul lieu où les Empires centraux pouvaient maintenir des contacts avec les Albanais se trouvant à l’étranger. Ceux- ci pouvaient servir d’intermédiaires dans les relations avec les autres colonies albanaises. Guillaume

316 Stato Maggiore dell’Esercito, Ufficio Storico, Le truppe italiane in Albania, op. cit., p.123.

317 Surtout après la révolution bolchevique qui enlevait au front allié de Macédoine les 12 000 soldates russes. Cf.

Frédéric Le Moal, Les relations entre la France et l’Italie dans les Balkans…, op. cit., p. 453.

318 Idem, p. 129.

319 ASD, Affari politici 1919 – 1930, Albania 694, Fasc 108/9 (Informazioni e notizie varie), [Rapport sur] Attività di

correnti straniere nei centri politici albanesi, Roma, li 2 agosto 1918.

320 Syreja bey Vlora ou Süreyya, grand propriétaire terrien dans le sandjak de Berat, cousin d’Ismail Qemali, ancien

haut fonctionnaire ottoman. Se disait en faveur d’ « Une Albanie unie, sous domination ottomane, tant que celle-ci pouvait durer en Europe ». Cf. Nathalie Clayer, Aux origines du nationalisme albanais, op. cit., p. 111, 584 et 672.

321 Pandeli Cale (lire « Tzalé »), homme politique albanais. Orthodoxe, représentant de Kortcha au Congrès de Valona

de 1912 qui a proclamé l’indépendance du pays. Ministre de l’Agriculture dans le gouvernement provisoire d’Ismail Qemali. Exilé en Roumanie, puis en Suisse. Son frère, Efthimiu, était membre du Conseil des Notables de Kortcha.

322 Sotir Kolea (1872-1945). Lexicographe, folkloriste et publiciste originaire de Berat. Durant 1915 – 1919 il avait

fondé à Lausanne la revue « L’Albanie ». Après la guerre il sera le directeur de la Bibliothèque nationale d’Albanie.

323 Souvent munis du titre de « Bey » ces notables jouaient d’une influence particulière dans les régions dont ils étaient

originaires. Nathalie Clayer, citant Ekrem bey Vlora (p. 156-157), donne l’exemple du Mehmed bey Klisura (mort en 1941) auquel les habitants du district Klisura (Këlcyrë) s’adressaient comme arbitre quand le conseil des anciens se trouvait dans l’impossibilité de prendre une décision dans une affaire quelconque. Il était BEY, donc il savait mieux, jouant également le rôle d’intermédiaire entre la population et l’administration, même s’il n’avait pas une position officielle. Cf. Nathalie Clayer, Aux origines du nationalisme albanais, op. cit., p. 38-39.

109 de Wied avait envoyé plusieurs fois son fidèle, le docteur Michel Tourtoulis324, afin de convaincre les notables albanais de Suisse de collaborer avec le Comité Pro-Albanie constitué sous la présidence du Vice-président du Reichstag. De son côté, le ministre de l’Autriche-Hongrie à Berne rappelait la politique traditionnelle de son pays visant à défendre les droits des Albanais. Mais ce qui inquiétait le plus Rome étaient les jeux des alliés serbes et grecs. Les premiers avaient envoyé auprès de leur légation un diplomate chargé exclusivement de garder les contacts avec la communauté albanaise. Sa présence préoccupait d’autant plus l’Italie car, après un court séjour à Kortcha, il arrivait en Suisse en compagnie du nouveau consul français à Genève. Quant à la propagande grecque, elle rencontrait un obstacle sérieux du fait que la plupart des notables albanais se trouvant en Suisse étaient originaires des régions de l’Albanie du sud dévastées par les troupes grecques régulières et irrégulières. Pourtant, les autorités d’Athènes avaient nommé à la tête du consulat à Genève un connaisseur des affaires albanaises, Capsanbelli. Originaire d’Épire, il avait été agent consulaire à Girokastra à l’époque ottomane et gouverneur de Kortcha durant l’occupation grecque pendant les guerres balkaniques de 1912-1913. Mais les rivalités opposant vénizélistes et royalistes avaient rendu encore plus difficiles les jeux de la diplomatie grecque visant à attirer les Albanais à sa cause. Un autre aspect intéressant de ces actions diplomatiques est donné par les premiers bruits serbo-grecs d’une restauration de l’Albanie de 1913.

Dans les premiers mois de l’année 1918, les autorités militaires françaises craignaient une possible offensive austro-hongroise en Albanie. Cette opinion a été renforcée après la paix de Brest- Litovsk (3 mars) et la possibilité d’envoyer des renforts provenant du front russe325. Les militaires français et italiens étaient d’accord qu’une offensive-surprise pouvait annuler le rapport de forces favorable aux Centraux. Déroulée favorablement, l’opération militaire alliée réussit au bout de 3 jours (les 15-18 mai) à avancer de 40 kilomètres326. Après le remplacement du Général Guillaumat avec Franchet d’Espèrey (le 8 juin), les Français continuèrent leur avancement à nord du kaza de Kortcha (10 – 14 juin) et proposèrent à leurs alliés de poursuivre une action combinée afin de stabiliser le front sur la vallée du Skumbi. Dans les négociations portées à Valona entre le Général Ferrero et le Général Prosper Henrys327, les Italiens mettaient comme condition de la continuation de l’offensive l’avancée de leurs unités en direction de Fieri – Berat. Mais la contre-offensive autrichienne déclenchée le 24 juillet par le nouvel commandant des forces austro-hongroises, le Général Pflanzer-Baltin328, réussit la percée du front dans le secteur tenu par l’armée italienne qui

324 « Un orthodoxe marié avec une Française (…). Il est resté monarchiste, loyal à Guillaume de Wied » Cf. Duncan

Heaton-Armstrong, op. cit., p. 176.

325 Idem, p.125. 326 Idem, p. 129.

327 Commandant de l’Armée française d’Orient.

110 culmina avec l’abandon du Berat le 25 août et mettait en péril l’aile gauche de l’Armée française d’Orient329. Suite à l’offensive du Général Franchet d’Espèrey, le 30 septembre la Bulgarie se reconnaissant vaincue signait l’armistice. Cet événement pressait les Italiens de passer à l’action : devant l’imminence du retrait austro-hongrois, ils reprennent l’offensive, s’emparant de Berat (le 7 octobre), Durazzo (le 13), Tirana (le 15), Alessio (le 27 octobre, au Monténégro) et arrivent à Saint Jean de Médoua évacuée par les forces ennemies le 31 octobre. Leur avancée s’arrête à Scutari où ils entrent en compagnie des Français330, le 5 novembre331. Ils contrôlaient ainsi toute la zone côtière du pays. De l’autre côté, les forces franco-serbes avancent sur le frontière orientale de l’Albanie, occupant Dibra (sur le Drin noir) le 7 octobre et trois jours plus tard, Prizrend, au Kosovo. Le 15 octobre, un détachement franco-grec entrait à Ipek, ville albanaise du Monténégro. Après l’expulsion complète des Centraux du pays et la signature de l’Armistice, il fut convenu que Français et Italiens administrent chacun les territoires qu’ils occupaient. Une administration interalliée franco-italo-anglaise332 était organisée à Scutari, au nord de l’Albanie, et placée sous le commandement du général Joseph Bardi De Fourtou. Elle comprenait le XXXVe bataillon de bersagliers, un escadron de cavalerie de Catane et une compagnie de génie, pour l’Italie ; le 58e bataillon de chasseurs, un escadron de chasseurs d’Afrique et une compagnie de génie, pour la France, et un bataillon pour l’Empire britannique333. Les sources de l’état-major de l’armée italienne montrent que cette mesure d’occupation interalliée décidée par le Conseil suprême de Paris ne signifiait pas une éventuelle séparation de Scutari du reste de l’Albanie ou l’attribution d’un régime spécial, différent des autres villes albanaises334. L’occupation de l’Albanie se conclue donc par le contrôle temporaire français des principales zones qui font l’objet des revendications contradictoires - Kortcha et Scutari335- afin de faire respecter les éventuelles décisions de la Conférence de la Paix : partage selon le Traité de Londres de 1915 ou intégrité territoriale dans les limites de 1913. Mais dans les années 1918-1920 rien n’était encore décidé.

Si à Kortcha les militaires français avaient une tâche plus facile en raison de leur condition d’occupants exclusifs, à Scutari la situation était plus compliquée car l’occupation était partagée et

329 Stato Maggiore dell’Esercito, Ufficio Storico, Le truppe italiane in Albania, op. cit., p.142-147.

330 En réalité, le 58e bataillon de chasseurs, partant de Prizrend, est arrivé avant les Italiens. Constantin Photiadès, La

victoire des Alliés en Orient (15 septembre – 13 novembre 1918), Pais, Plon-Nourrit et Cie, 1920, p. 207.

331 Les premiers éléments serbes ont investi la ville dès le 30 octobre, mais ils se sont retirés aussitôt que les franco-

italiens déciderent de l’occuper. Owen Pearson, Albania in the twentieth century : a history, vol. 1…, op. cit., p. 115. Cf. aussi Simon Robert, « Libération des territoires serbes et conquête de l’Albanie par les Italiens », Revue politique et

parlementaire, 25e année, t. 97, n° 287-289, p. 218 – 220. 332 Et non une administration internationale comme en 1913.

333Stato Maggiore dell’Esercito, Ufficio Storico, Le truppe italiane in Albania, op. cit., p. 166. Le représentant

britannique dans l’administration interalliée était le Général Philips, ancien officier de liaison auprès du Commandant de l’Armée française d’Orient. Cf. David Dutton (edited by), Paris 1918 : The War diary of the 17th Earl of Derby

[Brtish ambassador n. n.], Liverpool University Press, 2001, p. 130-131.

334 Ibidem.

111 les Français se trouvaient en position d’arbitre. Il faut également noter que la Serbie, en raison de son programme d’agrandissement territorial vers l’Adriatique, était perçue par Rome comme son principal concurrent géopolitique dans la région. Les Italiens doutaient en même temps de l’impartialité française concernant la question albanaise et craignaient que Paris soit absolument décidé en faveur des Serbes. Laissant à part la masse considérable d’informations plus ou moins exactes contenue dans les rapports et les notes italiens destinées à justifier les accusations envers la mission militaire française, trois lignes de force se dégagent. D’abord, les Italiens reprochaient aux Français et surtout au Général De Fourtou le changement de l’administration municipale pro-austro- hongroise de Scutari avec des personnalités philo-françaises par décision unilatérale (le 24 novembre)336. Ensuite, l’autorisation donnée aux forces serbes par le Général Franchet d’Espérey de procéder à l’occupation de la région stratégique située sur la vallée du Drin blanc, au nord-est du pays et, enfin, le transfert par les Français du matériel austro-hongrois capturé à Scutari en Serbie et au Monténégro, constituaient d’autres mesures qui justifiaient aux yeux des responsables militaires italiens la volonté française d’évincer l’Italie au profit de la Serbie337. De ce fait, la coexistence entre les militaires français et italiens n’a pas toujours été facile. Toute une série d’incidents a ponctué cette année et demie (octobre 1918 – mars 1920) d’administration interalliée, visant la présence des troupes serbes et la délimitation des juridictions des deux missions, interalliée et italienne. Notamment l’occupation par un bataillon italien des villages de la région de Vraka338, en réponse à la présence militaire serbe en Albanie, a donné lieu à une véritable guerre de télégrammes entre le commandant des troupes italiennes, le Général Piacentini, et celui des forces interalliées. Le premier craignait que la présence des minorités monténégrines dans les petits villages de Vraka (Gril, Omaraj, Borici i Vogel) donnerait un motif en plus à ces derniers d’étendre leur occupation et l’annexion. Il avait d’ailleurs accusé ouvertement le Général De Fourtou d’avoir « invité » les militaires serbes à s’installer en zone interalliée, à Tarabosh339. La réponse du Général de Fourtou, qui rejette les accusations italiennes, nous dévoile surtout les limites de son autorité. Afin de modérer les Italiens il doit invoquer les autorités militaires supérieures et le Gouvernement français :

« J’ai l’honneur de vous informer que je n’ai pas invité les troupes serbes à venir sur le territoire dépendant de Scutari, comme je n’ai pas autorisé les détachements italiens étrangers de la garnison interalliée de Scutari à occuper le

336 Mais l’Office historique de l’état-major italien oubli de nommer ces pro-français. Cf. Stato Maggiore dell’Esercito,

Ufficio Storico, Le truppe italiane in Albania, op. cit., p. 167.

337 ASD, Affari Politici 1919-1930, Albania 689 – 1920, Nuovo assetto dell’Albania - Regime provvisorio II° semestre,

Telegramma in arrivo n° 102, da Scutari [Perricone], li 5 marzo 1920, ore 19, a Roma, li 6 marzo, ore 21:55, copia n° 5.

338 Située à neuf kilomètres de la ville de Scutari. 339 Au nord de la ville de Scutari.

112 village de Vraka dépendant de la municipalité de Scutari340, occupation contre laquelle les habitants protestent vivement. Je proteste contre les affirmations très inexactes contenues dans votre télégramme et je vais informer le Général

Franchet d’Esperey et mon Gouvernement. De Fourtou. »341

Son télégramme nous donne aussi le sentiment que les Italiens avaient adopté la stratégie de diaboliser la France et donc amplifier les dangers causés par ses attitudes. Il est intéressant à ce sujet de signaler les craintes italiennes vis-à-vis de l’usage du toponyme serbe Vraka au lieu de celui albanais Borici par le Général De Fourtou, ce qui dénote, à leurs yeux, la volonté de l’inclure sous juridiction française342.

Si l’on ne peut pas nier l’attitude proserbe manifestée par les Français, nous ne pouvons pas non plus passer sous silence l’instrumentalisation par les Italiens des peurs et des revendications nationales albanaises343. Mais si cette attitude représentait, sans aucun doute, une source de tensions supplémentaire, un fait plus grave provoquera une fissure irréparable entre les deux missions militaires et se répercutera sur l’ensemble des relations italo-françaises. Le 5 janvier 1920, le Général Franchet d’Esperey télégraphiait à Paris « que plusieurs bateaux battant pavillon français et interallié [qui transportaient des munitions pour les troupes serbes de Monténégro] ont été attaqués sur Bojana par environ 200 assaillants portant uniforme italien »344. L’événement démontre également que les responsables politiques de Rome avaient encore du mal à subordonner les militaires sur le terrain et que la victoire avait bien surexcité les esprits. Les discutions qui ont suivi au Quai d’Orsay entre le comte Bonin-Longare, ambassadeur de l’Italie à Paris, et Jules Laroche, sous-directeur de la Direction Europe, n’ont pas donné des résultats notables, chaque partie accusant les responsables militaires sur place : le Général De Fourtou et le Commandant Perricone345.

340 La limite de la zone interalliée s’étendait jusqu’environ 10 kilomètres autour de la ville.

341 ASD, Affari Politici 1919-1930, Albania 689 – 1920, Nuovo assetto dell’Albania - Regime provvisorio II° semestre,

Dépêche n° 4556, Roma 2 marzo 1920, Ministero della Guerra al Ministero degli Affari Esteri, Oggetto : Sconfinamento serbo nella zona nord - Scutari.

342 Idem, Scutari 22 febbraio 1920, Protocollo n°98, Riservatissimo urgente, Al Comando truppe Albania, Valona,

Oggetto : Protesta francese per l’occupazione di Borici.

343 Le 15 décembre 1918 un Gouvernement provisoire albanais sous la présidence de Turkhan Pacha était constitué à

Durazzo en zone d’occupation italienne. Cf. Justin Godart, L’Albanie en 1921, Paris, PUF, 1922, p. 123-125.

344 DDF, t. I, 10 janvier – 18 mai 1920, Doc. 58, Dépêche n° 515 3/11-S. O, Secret, Paris, 28 janvier 1920 (Reçu : le

29), Général Buat, Chef d’État-Major Général de l’Armée, à M. Millerand, Ministre des Affaires Etrangères, objet : Garnisons de Scutari et de Koritza. Il s’agissait de l’attaque contre le pyroscaphe « Skodra » perpétrée le 29 décembre 1919. Le navire, sous pavillon français, faisait partie d’un convoi qui transportait du matériel militaire capturé à destination des troupes serbes du Monténégro. Les Italiens ont accusé les comitadjis monténégrins de la bande armée (çeta) de Saavo Raspopovich, opposés à l’intégration de leur pays dans le Royaume SHS. ASD, Affari Politici 1919 –

1930, Albania 689, 54 bis Regimo provvisorio II° semestre 1920, [Communication faite par le capitaine de corvette U.

Perricone], Rome, s. d., Oggetto : Attaco da parte di comtitagi dal piroscafo « Skodra ».

345 DDF, t. I, 10 janvier – 18 mai 1920, Doc. 58, Dépêche n° 515 3/11-S. O, Secret, Paris, 28 janvier 1920 (Reçu : le

113 Après l’évocation des relations interalliées, un mot sur les rapports entre les militaires français et la population autochtone. Le même déficit d’image que la France trouve lorsqu’en 1916 elle arrive à Kortcha se manifeste deux ans plus tard au nord du pays. Les nombreux mémoires et appels envoyés par les habitants de la Haute-Albanie à l’Italie, l’Empire britannique et aux États-Unis, dénotent que la France était perçue par la plupart comme étant proserbe et donc hostile346. L’assistance accordée par les militaires français aux Serbes, afin d’anéantir les bandes armées (çeta) de comitadjis monténégrins qui se sont organisés pour combattre l’intégration de leur pays au sein du Royaume Serbo-Croato-Slovène, entretenait ce climat de méfiance347. Les rapports italiens parlent aussi du mécontentement de la population des villages de Vraka, avant l’arrivée des Italiens, à cause de la mesure prise par la municipalité de Scutari de prélever le traditionnel impôt ottoman, la dîme348. De plus, la situation contrastait avec la période de calme durant l’occupation austro- hongroise et cet aspect ne passait pas inaperçu parmi les habitants de Scutari et de ses alentours. La propagande française, malgré les quelques opportunistes qui offraient leur services349 aux principaux vainqueurs de la guerre, ne réussit pas à susciter les mêmes adhésions qu’à Kortcha. La pétition visant l’ouverture d’un lycée français à Scutari, adressée par un certain nombre de notables (le 12 mars 1919), exprime moins la francophilie ou l’italophobie que le désir d’obtenir l’appui français, de briser, même modestement, le monopole serbe sur la francophilie, surtout que les rapports secrets italiens mentionnent l’ingénieur Briot350 parmi les inspirateurs de cette initiative351. Malgré sa faiblesse, les rapports envoyés à Rome par les militaires italiens en Albanie parlent d’une propagande particulièrement agressive, visant à augmenter l’influence française et à favoriser les Serbes dans leur politique d’expansion. L’explication consiste, d’une part, dans la vision un peu

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