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L’attitude britannique dans la question albanaise vue par la diplomatie française « (…) La position anglaise dans la question albanaise me semble être la suivante :

1. Les rapports récents représentent les Serbes comme ayant poursuivi en Albanie une campagne de destructions et de massacres. Les rapports ont indigné M. Lloyd George et Lord Curzon. Ils sont en outre connus de Lord Cecil et d’un certain groupe de députés des Communes qui prient leur Gouvernement de régler sans délai la question albanaise.

2. Il paraît que Foreign Office est convaincu que les Serbes ignoreraient la demande d’évacuation formulée par la Conférence, de même qu’ils ont ignoré les

avertissements antérieurs.

3. Ils [les Britanniques, n. n.] semblent avoir agi indépendamment des Italiens ; ils ont manifesté la crainte que si les Serbes avancent encore, les Italiens ne prennent possession d’une partie de l’Albanie ».

AMAE, SDN, Albanie 445, Société des Nations, Copie confidentielle, message téléphoné jeudi 10 novembre 1921 à 20h20, De M. Monnet (Londres) à M. Clauzel.

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Disons un mot sur l’établissement effectif, sur le terrain des frontières albanaises. On a vu les initiatives britanniques visant à confier à la Conférence des Ambassadeurs la définition des frontières. Après avoir été admis comme membre de la SDN, le gouvernement albanais s’est adressé à l’organisation afin de reconnaître les frontières du pays dans les limites de 1913611. Dans les débats qui ont suivi, plusieurs arguments ont été avancés en faveur de la compétence de la Conférence des ambassadeurs et non de la SDN. D’abord, selon l’article 89 du Traité de Saint- Germain en Laye avec l’Autriche-Hongrie, les principales Puissances alliées étaient chargées de fixer les frontières de la Grèce et du Royaume SHS. Ensuite, dans le Protocole de Kapshtica612, entre les autorités de Kortcha et le Gouvernement d’Athènes, les deux parties s’engageaient à se

610 AMAE, S.D.N., Albanie 1954 (1920-1922), Note sur la convocation du Conseil de la SDN. 611 Gerhard P. Pink, op. cit., p. 108-109.

175 soumettre à la décision de la Conférence de la Paix, donc aux principales Puissances alliées, concernant la délimitation frontalière613. Tous ces aspects ont amené l’assemblée de la SDN à édicter une résolution (le 2 octobre 1921) par laquelle elle recommandait à l’Albanie d’accepter la décision des principales Puissances alliées614.

S’appuyant sur la Déclaration du 9 novembre 1921 sur l’indépendance et la souveraineté de l’Albanie dans les limites de 1913, la Conférence des ambassadeurs institua une Commission internationale de délimitation des frontières de l’Albanie615. Elle fonctionna en parallèle avec une Commission d’enquête de la SDN au nord de l’Albanie dirigée par le géologue finlandais J. J. Sederholm, dont on va analyser l’activité dans le chapitre suivant616. Les rapports, les procès- verbaux et les cartes de la Commission internationale de délimitation peuvent être consultés aux

Centre des Archives diplomatiques de Nantes, Fond Délimitation des frontières en Europe (cartons 108 et 110). Selon les instructions reçues le 17 janvier et le 1er février 1922, la Commission devait continuer les travaux exécutés en 1913-1914 par la Commission internationale de délimitation des frontières nord et nord-est de l’Albanie et de la Commission internationale de délimitation de l’Albanie méridionale, sanctionnés par le Protocole de Florence de 1913. La cérémonie de constitution de la Commission a eu lieu à Paris le 18 janvier 1922.

Avant de se déplacer sur le terrain, la Commission s’est réunie en trois premières séances tenues au Quai d’Orsay (le 18 janvier) et à l’Institut géographique militaire de Florence (les 19 et 23 janvier 1922), afin d’établir sa structure intérieure, l’organisation des travaux, prendre note de ses compétences octroyées par la Conférences des Ambassadeurs, recevoir les délégués des pays intéressés et fixer la marche à suivre pour les travaux sur le terrain. Dans la première séance du 18 janvier, le général de brigade italien Enrico Tellini617 a été élu Président de la commission, un rôle formel qui s’inscrit dans la ligne droite de la Déclaration de 1921. De la commission faisaient partie un commissaire britannique, le lieutenant-colonel Frank Gilles (auquel succède le 1er mai 1925 par le lt-col. A. B. Clough), et un français, le lieutenant-colonel Emmanuel Perret (remplacé en 1923 par le colonel André Ordioni)618. Elle comptait aussi parmi ses délégués les représentants des pays intéressés – l’Albanie (Mehdi Bey Frasheri619), la Grèce (le lieutenant-colonel Karkandjos) et le

613 Gerhard P. Pink, op. cit., p. 109. 614 Idem, p. 112.

615 Idem, p. 115.

616 Cf. Catherine Scaffer Kadragic, International Delimitation of Albania, 1921-1925 : A study of Cooperation between

the League of Nations and the Conference of Ambassadors in Paris, Ph.D. diss., Columbia University, 1956 (ouvrage

inédit).

617 Directeur de l’Institut géographique militaire de Florence.

618 Emmanuel Perret, officier d’infanterie, détaché au Service géographique de l’Armée.

619 Mehdi Bey Frasheri (1873-1963). Homme politique, diplomate et écrivain albanais. Bektashi. A l’époque ottomane,

176 Royaume SHS (le colonel, puis général Mikhaïl Yovanovitch) – mais ceux-ci avaient une voix consultative, servant de relais entre la Commission, leurs gouvernements et les populations sur place. Le commissaire français avait exprimé son souhait, vu le volume de travail à effectuer, que les délégués des pays concernés restent dans leurs fonctions durant toute la période des travaux620. Pourtant, à part Belgrade qui a maintenu le même délégué jusqu’à la fin des travaux (1926), les autres, plus instables du point de vue gouvernemental, ont changé plusieurs fois leurs représentants : la Grèce trois fois (le lieutenant-colonel Karkandjos, remplacé par le lt-col. Botzaris, lui-même succédé par le lt-col. Christos Avramidès) et l’Albanie a « roulé » pas moins de 6 délégués (Mehdi Bey Frasheri, le Général Ali Kolonia Pacha, le major Bayram Fevzi, Démètre Beratti, de nouveau Mehdi Bey Frasheri et le ministre plénipotentiaire Ilias Bey Vrioni)621. La Commission disposait d’un secrétariat général commun dirigé par un Secrétaire général, poste détenu par le capitaine, ensuite chef d’escadron français Mathieu de Limperani. Cet organisme subsidiaire était composé par un adjoint technique – le lieutenant de l’armée italienne Mario Bonacini (remplacé plus tard par le capitaine Tito Fattobene) – et deux secrétaires dactylographes, sous-officiers, mis à disposition par l’armée française et par l’armée italienne622. Un médecin militaire, mis à disposition par l’armée italienne – le major Luigi Corti, ultérieurement remplacé par le major Giuseppe Sordi623, complétait le personnel auxiliaire. Le secrétariat permanent se trouvait à la disposition du Président et représentait un organisme distinct du personnel des autres délégations624. Afin d’assurer l’unité de direction et d’exécution, le lt-col. Gilles, commissaire britannique, a été chargé de la direction des travaux techniques625. De même, les équipes techniques d’un même pays devaient avoir un coordinateur unique responsable devant la Commission. Au même temps, le lieutenant Bonaccini a été nommé adjoint technique auprès du président de la Commission, pour centraliser les documents et exécuter certains croquis à l’attention de la Conférence des ambassadeurs. Il devait, entre autres, garder le secret des propositions de la Commission vis-à-vis des délégués des pays intéressés jusqu’à leur approbation par la conférence des Ambassadeurs626. On voit donc resurgir les limites

des Travaux publics et de l’Agriculture dans le cabinet dirigé par Ilias Bey Vrioni. Mehdi Bey a été le chef du gouvernement pendant l’occupation nazie (1943-1944).

620 CADN, Délimitation des frontières en Europe (1919-1936), Carton n° 108, Commission de Délimitation des

frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n° 2. Séance du 7 février 1922.

621 Idem, Carton n° 110, Rapport général sur la marche des travaux et note sur le fonctionnement technique de la

commission (1922-1926). Document établi en exécution des instructions du 17 janvier et de la lettre du 18 février 1922 de la Conférence des Ambassadeurs, p. 6.

622 Idem, p. 5-6 et Idem, Carton n° 108, Commission de Délimitation des frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n°

1. Séances des 18, 19 et 23 janvier 1922.

623 Idem, Carton n° 110, Rapport général sur la marche des travaux…op. cit, p. 6.

624Idem, Carton n° 108, Commission de Délimitation des frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n° 1. Séances des

18, 19 et 23 janvier 1922.

625 Idem, Procès-verbal n° 4. Séance du 25 février 1922, à Florence. 626 Ibidem.

177 des compétences de la Commission de délimitation des frontières de l’Albanie : elle disposait d’un rôle consultatif, ses propositions devaient être approuvées par la Conférence des Ambassadeurs627. La sécurité, la liberté de déplacement et la logistique présentaient un rôle particulier pour le bon fonctionnement de la Commission étant donné que ses membres devaient se déplacer au Royaume SHS, en Albanie et en Grèce. Pour prévenir tout incident et donc la pleine liberté de déplacement, la Conférence des Ambassadeurs avait dès le 18 novembre 1921 institué une zone neutre de 3 à 5 kilomètres de part et d’autre de la frontière à délimiter. Cet espace devait être libre de la présence des forces militaires ou de gendarmerie des puissances intéressées628. En cas de violation de la zone neutre, la Commission pouvait convoquer le délégué du pays concerné afin de faire intervenir son gouvernement. Si la situation dégénérait en conflit, l’un des commissaires était habilité à entreprendre une enquête avec les deux délégations et, en dernière instance, il serait fait appel à la Conférence des Ambassadeurs629. La composition des détachements d’escorte restait à la charge de la Commission630. Dans ce contexte, sur proposition albanaise, pour éviter tout malentendu, l’escorte devait être fournie par un seul gouvernement, à la fois SHS, albanais ou grec631. Des pièces d’identité individuelles, dans un premier temps en français, albanais et serbe, allaient être fournies aux membres de la Commission par Belgrade et Tirana632. Dans la perspective du déplacement à Scutari, la Commission s’est préoccupée des moindres détails : logements, moyens de déplacement, moyens de communication (réseau télégraphique), emploi du personnel travailleur et instruments nécessaires à l’exécution des travaux. Vu la proximité géographique et ses capacités, l’Italie devrait mettre contre coûts à la disposition de l’Albanie, avant le départ de la commission de Florence, du personnel spécialisé et des instruments techniques633. A titre gracieux, le Gouvernement italien mettait aussi à la disposition de la Commission pour gagner le sol albanais le contretorpilleur Acerbi634. Les grandes puissances ont partagé aussi les charges financières (la

627 Si pour les autres commissions de délimitation de frontières, le Traité de Versailles (art. 35, 48, 83, 87 et 111)

prévoyait que leurs décisions adoptées à la majorité des voix, engageaient les parties concernées, les décisions prises par les commissions chargées de délimiter l’Albanie et la frontière polono-tchécoslovaque dans le district de Teschen avaient valeur de recommandations et pouvaient être acceptées ou rejetées par la Conférence des Ambassadeurs. Gerhard P. Pink, op. cit., p. 179.

628 CADN, Délimitation des frontières en Europe (1919-1936), Carton n°110, Rapport général sur la marche des

travaux…op. cit, p. 8. 629

Idem, Carton n° 108, Commission de Délimitation des frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n° 5, Séance des 15 et 16 mars 1922.

630 Idem, Procès-verbal n° 1. Séances des 18, 19 et 23 janvier 1922. 631 Idem, Procès-verbal n° 2. Séance du 7 février 1922.

632 Ibidem et Idem, Carton n° 108, Commission de Délimitation des frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n° 3.

Séance du 9 février 1922.

633 Ibidem. On observe donc l’inégalité en moyens et personnel des pays intéressés. Il convient d’ouvrir ici une petite

parenthèse. L’État albanais ne dispose pas des ressources ni matérielles, ni intellectuelles pour promouvoir une thèse géopolitique complexe. L’Albanie en 1922 agit sur le plan géopolitique comme un mouvement national.

634CADN, Délimitation des frontières en Europe (1919-1936), Carton n° 108, Commission de Délimitation des

178 moitié des dépenses) des délégations des pays concernés635. Voici donc, passées en revue, la structure et l’organisation de la Commission internationale de délimitation des frontières de l’Albanie. Voyons maintenant comment se sont organisés les travaux de délimitation. On a déjà vu que la Commission devait reprendre les travaux de 1913-1914 effectués par des techniciens austro- hongrois. Avant de gagner Scutari il fallait donc résoudre le problème de la documentation qui se trouvait en grande partie conservée à l’Institut géographique de Vienne. Un technicien italien fut donc envoyé en mission à Vienne pour réunir les cartes et les croquis jugés utiles636. En même temps, les délégués des pays concernés devaient contribuer avec tout matériel documentaire susceptible d’aider la marche des travaux. Il est intéressant de noter que la documentation conservée à l’Institut géographique militaire de Florence reproduisait la documentation austro-hongroise637. Des recherches ont été faites aussi à Paris, mais les documents cartographiques identifiés n’étaient pas suffisants. Pour la topographie des lieux, la Commission ne disposait que de la carte autrichienne à l’échelle 1 : 200 000, utile pour une vision d’ensemble, mais incomplète pour les travaux de détail. Les cartes topographiques françaises n’étaient disponibles que pour la région de Kortcha. Elles étaient au 1 : 50 000, exécutées par le service topographique de l’Armée d’Orient et…trouvées par hasard à Kortcha638. Une fois le matériel disponible réuni et étudié, la Commission procéda le 25 février 1922 à la validation des travaux effectués en 1913-1914 et à la division de la frontière SHS-albanaise-grecque (734 kilomètres) en neuf sections (de A à F pour la frontière SHS- albanaise et de I à III pour la frontière gréco-albanaise)639. Elle décida en même temps de commencer par la Sous-section A1 (72 km), de la mer Adriatique à la rive septentrionale du Lac de Scutari640, donc par la délimitation de la frontière SHS-albanaise. Une fois la Commission arrivée à Scutari, la documentation de cabinet devait être complétée sur le terrain, d’abord par des reconnaissances préliminaires641.

Passons maintenant à la méthode de travail employée. Avant de procéder aux travaux de délimitation dans une section, la Commission présentait aux délégués des pays intéressés la définition de la ligne de frontière issue de l’accord de Londres de 1913 et confirmée par la Déclaration du 9 novembre 1921 et les invitait à faire leurs observations et leurs propositions642. Entre temps, les équipes topographiques se déplaçaient sur le terrain afin de préparer des relevés

635 Idem, Procès-verbal n° 93, Scutari le 6 avril 1922.

636 Idem, Procès-verbal n° 1. Séances des 18, 19 et 23 janvier 1922. 637 Ibidem et Idem, Procès-verbal n° 2. Séance du 7 février 1922.

638 Idem, Carton n°110, Rapport général sur la marche des travaux…op. cit, p. 10. 639 Cf. les annexes.

640 CADN, Délimitation des frontières en Europe (1919-1936), Carton n° 108, Commission de Délimitation des

frontières de l’Albanie n° 26, Procès-verbal n°4. Séance du 25 février 1922 à Florence.

641 Idem, Procès-verbal n° 2. Séance du 7 février 1922.

179 figurés sur des cartes au 1 : 50 000. Une équipe était formée par un opérateur topographe, un adjoint géomètre, plusieurs aides porte-mires et du personnel employé au transport de l’équipe, au total dix personnes643. Ensuite, la Commission, ensemble avec les délégués des pays concernés, se déplaçait sur le terrain afin de constater le travail des équipes et réunir les données administratives et économiques pour décider le meilleur trajet possible. Les enquêtes sur le terrain ont été effectuées par les trois commissaires – italien, français et britannique –, sans la présence des délégués des pays concernés : ils questionnaient les autorités locales et les habitants, convoqués soit par l’intermédiaire des délégués, soit pris au hasard. D’habitude, les délégués des pays concernés n’assistaient pas aux questionnaires. Là où ils ont assisté, les commissaires ont observé que ceux-ci interprétaient différemment les demandes et les réponses des personnes questionnées. De plus, ces- dernières étaient plus réservées par crainte de poursuites, voir d’emprisonnement. Les États concernés, surtout les royaumes SHS et grec, étaient visiblement gênés par ce type d’enquêtes qui mettait en cause la validité de leur revendications. C’est pourquoi ils ont protesté maintes fois afin d’obtenir de la part de la Conférence des Ambassadeurs la cessation de ce type d’enquêtes jugé non- productif. Dans certaines localités visées, les commissaires n’ont pas trouvé de population masculine, signe que les autorités essayaient de saboter leurs démarches. Nonobstant ces difficultés, les enquêtes ont été poursuivies sur toute la zone à délimiter, même dans le secteur du Mont Gramos à la Mer Ionienne, défini en 1913644 et confirmé en 1921. Dans ses enquêtes, la Commission a avisé :

« a) Dans les régions nord et est (frontière yougoslave-albanaise), sur les limites des tribus ; dans le kaza de Koritza (frontière gréco-albanaise), sur les divisions administratives actuelles et à l’époque de l’accord de Londres de 1913.

b) Sur les intérêts économiques locaux, notamment sur les marchés où s’approvisionnaient les habitants, ce qui constitue, par suite du manque de communications, une des questions essentielles ; dans le voisinage des villages, sur les dépendances de ces mêmes villages et les limites des champs cultivés par leurs habitants, l’emplacement des sources alimentant la localité, etc.

c) Sur la langue parlée dans les familles : à cet égard, la Commission, lorsque la chose a été possible, s’est adressée de préférence aux femmes, celles-ci ne connaissant, en général, que leur idiome maternel.

d) Sur la religion dominante de chaque village et la nationalité des écoles existantes etc., pour en tirer des éléments moraux, susceptibles d’éclairer le jugement de la Commission et de l’aider dans l’établissement de ses propositions. »645

Malgré ces méthodes objectives employées, on ne doit pas perdre de vue que le traçage des frontières albanaises laissait le pays avec la moitié de sa population en dehors de ses limites

643 Idem, Carton n° 108, Procès-verbal n° 2. Séance du 7 février 1922.

644 Idem, Carton n°110, Rapport général sur la marche des travaux…op. cit, p. 13. 645 Idem, p. 12-13.

180 politiques. Avec toute leur bonne volonté, les propositions de la Commission devaient s’inscrire dans l’accord de Londres de 1913, confirmé par la Déclaration du 9 novembre 1921.

Une fois ce travail accompli, les délégués des pays intéressés étaient de nouveau conviés à présenter leurs propositions, cette fois-ci définitives, concernant la frontière à tracer. Les éléments ainsi réunis, la Commission passa à l’étude sur la carte de la ligne-frontière et formula sa proposition argumentée à l’attention de la Conférence des Ambassadeurs. Dès que la décision de celle-ci lui parvenait, la Commission convoquait les délégués des pays concernés pour leur communiquer la frontière définitive et procédait à l’emplacement des bornes sur le terrain. Suite à l’approbation de la Conférence des Ambassadeurs en 1923, cette activité fut partagée entre les trois Commissaires : le commissaire britannique, qui dès 1922 surveillait l’emplacement des bornes dans la sous-section A1, a coordonné en 1923 les opérations d’abornement dans les sections C, D, E ; le commissaire français s’est occupé de la sous-section A2 ; le commissaire italien a eu la charge de la IIe section. Les autres sections – B, F, I, III et l’achèvement de la IIe– furent abornées sous la coordination des trois commissaires, ensemble, dans l’intervalle 1923 – 1925. Après un ultime contrôle sur l’emplacement des bornes jalonnant la ligne de frontière nouvellement tracée, la Commission supprima la zone neutre et passa à l’établissement des protocoles finaux qui devaient être signés par les Commissaires chargés de l’abornement : un pour la frontière SHS – albanaise et l’autre pour la frontière gréco-albanaise. Ces opérations se sont étalées de 1922 à 1925, comme il suit :

- De mars à décembre 1922, l’étude de la frontière comprise entre l’Adriatique et la rive occidentale du lac d’Ochrida (Sections A, B, C, D, E) et l’emplacement des bornes dans la sous-section A1 (Mer Adriatique – lac de Scutari) ;

- De mai à décembre 1923, l’étude du secteur situé entre le lac d’Ochrida et le Mont Gramos (Section F de la frontière SHS-albanaise et Section I de la frontière gréco-albanaise) et l’abornement de la frontière allant du lac de Scutari au Mont Vila (sous-section A2), du Mont Dyaravitsa au lac d’Ochrida (Sections C, D, E) et du Mont Gramos au canal de Corfou (Sections II, III);

- De mai à octobre 1924, l’abornement de la frontière entre le lac de Prespa et le Mont Gramos (Section I) et entre Tchafa Dériane et le Mont Dyaravitsa (Section C);

- D’août à octobre 1925, l’abornement de la ligne-frontière entre les lacs Ochrida et Prespa (Section F)646.

L’activité de terrain de la Commission s’est étendue donc sur trois ans, de nombreux obstacles et événements retardant ses travaux. D’abord le relief prédominant montagneux, à part

181 quelques exceptions, souvent au-dessus de 2000 mètres d’altitude : les massifs Korab, 2764 m, et Dechante, 2384 m, par exemple, se trouvaient sur la ligne de frontière même, entre l’Albanie et la Macédoine yougoslave647. De plus, les zones à parcourir disposaient d’une infrastructure rudimentaire ou mal entretenue qui a causé aux équipes topographiques pas mal d’accidents. Le climat rude, tempéré continental, ne permettait pas d’effectuer des travaux hors de la période de mai

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