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Déni de la séparation et constitution narcissique Conséquences au regard du développement du « self »

Dans le document L'Université, une épreuve de séparation (Page 97-101)

III L’ébauche de la capacité à être seul « L'un des buts de l'analyse consiste en ce que l'analysant découvre ou redécouvre en lui des

III.1 Rapport entre la honte et le développement de la capacité à être seul.

III.1.2. Déni de la séparation et constitution narcissique Conséquences au regard du développement du « self »

(Winnicott, 1960)

« L’amour des parents, si touchant, et au fond si enfantin, n’est rien d’autre que leur narcissisme qui vient de renaître et qui, malgré sa métamorphose en amour d’objet, manifeste à ne pas s’y tromper son ancienne nature ».

S.Freud, 1914.

C’est à partir de l’histoire narcissique de ses parents que l’enfant, dans un lien à cette histoire, fera ses premières expériences instinctuelles, acceptées ou non. Permettre à l’enfant de s’expérimenter au sens "winnicottien", c’est pour la mère accepter un détachement de l’enfant de soi, c’est aussi se séparer de ce qui pourrait être un prolongement narcissique pour elle- même, pour pouvoir se situer dans une véritable position œdipienne.

En maintenant le déni de la séparation, l’objet s’assure de la continuité de son Moi menacé par des failles narcissiques liées à son histoire. L’acceptation pulsionnelle par l’extérieur et la possibilité d’exister sans être en « réaction contre une immixtion extérieure » (Winnicott, 1958) conditionne chez l’enfant la capacité de s’éprouver soi. Ici se développent non seulement les éléments de base de la capacité à être seul, le développement ultérieur de la pensée à travers l’investissement de la Connaissance, mais aussi les prémices de la honte. Ces capacités peuvent, selon nous, être amoindries par une mère ne pouvant accepter la séparation au sens physique et psychique, en y associant une honte à être.

La possibilité et la forme que prendra la distanciation psychique de l’objet par le nourrisson conditionnera la mise en place et l’élaboration d’un Moi soumis à son environnement (« faux self » Winnicott, 1960, p 115) ou capable de coopération et d’affirmation de soi (« vrai self ») dans cet environnement. Le concept de « self » est ainsi élaboré par Winnicott à partir de l’observation du nouveau-né. Le Moi du nourrisson s’achemine vers un état dans lequel les exigences instinctuelles seront ressenties comme faisant partie du « self » et non de l’environnement. Lorsqu’une mère suffisamment bonne sait répondre de manière adéquate « au geste du nourrisson qui exprime une pulsion spontanée »lxix, c’est-à-dire rend effective

l’omnipotence de celui-ci par une réponse adaptée à ses besoins, la satisfaction du Çalxx devient un facteur important du renforcement du Moi ou du « vrai self ». Par le développement de cette omnipotence, le Moi se fortifie en vérifiant (grâce à l’adaptation réussie de la mère) sa capacité d’agir sur l’environnement. Petit à petit l’enfant apprendra à renoncer à cette omnipotence par la castration, condition de l’intégration du principe de réalité.

Ce qui permet à une mère de se sentir suffisamment bonne, c’est-à-dire de se décentrer d’elle-même pour répondre aux besoins du nourrisson, c’est un narcissisme suffisamment étayé et unifié qui la soutient dans son Moi. Dans le cas de failles narcissiques, si des manques, voire des blessures, ont marqué son développement narcissique, la mère ne peut effectuer cette adéquation. Le narcissisme de l’enfant, ou des parties de celui-ci, se trouve alors aliéné à celui de la mère, voire selon nous à des parties honteuses de cette dernière. La mère ne pouvant rendre effective l’omnipotence du nourrisson, « elle ne cesse de faire défaut au nourrisson au lieu de répondre à son geste. A la place, elle y substitue le sien propre, qui n’aura de sens que par la soumission au nourrisson. Cette soumission de sa part est le tout premier stade du « faux self » et elle relève de l’inaptitude de la mère à ressentir les besoins du nourrissonlxxi ». L’enfant, étant « captif » des exigences narcissiques maternelles, se soumet et réagit aux exigences de l’environnement.

Le plaisir de la Connaissance, comme source de jouissance, est à mettre en rapport, comme nous l’avons développé précédemment, avec le plaisir de la relation d’objet pour l’enfant, ou plus précisément au corps de l’objet qui adapte ses réponses aux émois pulsionnels et exigences instinctuelles. Dans ces conditions, l’investissement de la Connaissance, support de subjectivation, comme objet de jouissance en tant que source de plaisir, de création et métamorphose de l’Etre en devenir, peut difficilement se réaliser, ou alors sur un mode « désincarné », jusqu’à briller intellectuellement mais accompagné de pauvreté affective.

• - Les fonctions d’appropriation et d’intrusion (Faimberg, 1987) dans le

développement du narcissisme.

Freud (1915), dans « Pulsion et destins des pulsions » étudie les différents moments qui permettent au sujet de se démarquer de l’objet. Selon la logique du narcissisme réglé par le principe de plaisir/déplaisir, ce qui est moi serait associé au plaisir, et non-moi associé au

lxx Instance Freudienne en tant que « pôle pulsionnel ». lxxi Ibid. p. 122.

déplaisir. En d’autres termes, lorsque le sujet ressent du déplaisir, il aura tendance à l’attribuer à un non-moi. Et lorsque l’objet lui procure du déplaisir, il aura tendance à le haïr. Ce principe de plaisir/déplaisir serait donc à l’œuvre dans la relation d’objet narcissique. A partir de ce principe, Faimberg (1987) développe une conception intéressante dans la généalogie de certaines identifications, qui seraient des identifications aliénées ou clivées du Moi, dont la cause serait à trouver dans l’histoire de l’objet.

Une partie clivée du Moi de l’enfant serait identifiée à la logique narcissique parentale selon laquelle : ‘‘tout ce qui mérite d’être aimé, c’est moi bien que cela vienne de toi, l’enfant’’. ‘‘Ce que je reconnais comme venant de toi, l’enfant, je le hais ; en plus, je te chargerai de tout ce que je n’accepte pas en moi, toi l’enfant, tu seras mon non-moi’’. Faimberg qualifie ce premier moment d’amour narcissique comme une « fonction d’appropriation » et le second moment de haine narcissique la « fonction d’intrusion » toutes deux caractéristiques de la « régulation narcissique d’objet ».

L’enfant se trouve ainsi pris dans une forme d’aliénation au narcissisme des parents, ce qui, dans la forme, n’est pas sans rappeler les mécanismes d’identification en cours dans la mélancolie. Alors que, dans la mélancolie, le sujet essaie de lutter contre l’angoisse insupportable de la perte de l’objet en identifiant une partie clivée du Moi à l’objet, chez Faimberg (1987), c’est l’objet qui expulse dans une partie du Moi clivée du sujet des parties honteuses de lui-même.

Cette aliénation permet ainsi que soient prises à son compte par l’enfant des parties honteuses et non acceptées du Moi de l’objet. A ne pas se séparer vraiment, objets et sujets y trouvent leur compte : l’objet, en maintenant une aliénation narcissique, dépose dans le Moi de l’enfant ce qu’il perçoit de honteux en lui. Le sujet, en étant dépositaire d’une partie du Moi de l’objet évite l’angoisse inhérente à tout processus de séparation. Il s’identifie à la partie honteuse du Moi de l’objet, justifiant ainsi pour le sujet mélancolique ses auto-reproches.

Or, toute épreuve de séparation vient irrémédiablement interroger le narcissisme des parents et du sujet et son histoire sera solidaire de l’histoire de ses parents. Ce double mouvement d’identification d’une partie clivée du Moi du sujet autour de ce qu’il prend de l’objet et de ce qu’il en reçoit, viendrait démontrer pour nous une forme de maintien d’une complicité autour d’un désir incestueux. Il n’y aurait ainsi pas d’espace psychique pour que l’enfant puisse développer son identité.

• - Honte et individuation

Dans la perspective de situer la honte dans le développement narcissique de l’enfant, Kinston (1983)lxxii a essayé de préciser la place de la honte en étudiant deux aspects du narcissisme. Il distingue le « self narcissim » correspondant à l’estime de soi, de « l’object narcissism » consistant dans les habitudes, la politesse et les manières sociales qui nous protègent des autres. La honte viendrait indiquer le passage du premier type de narcissisme au second. Elle surviendrait lorsqu’un sujet abandonne sa capacité à ressentir et éprouver par lui-même (correspondant au « vrai self ») pour adopter des façons de sentir et d’éprouver qui ne lui appartiennent pas afin d’éviter d’être rejeté par ses pairs ou son groupe de rattachement. La honte, écrit Kinston, « est le prix à payer sur le chemin de l’individuation », et Tisseron (1992) de préciser : « la honte prend ainsi une place dans le cadre des processus d’individuation contemporains de remaniements de la relation d’objet au moment où l’enfant prend conscience de la séparation et de la différence ».

Cette prise de conscience inaugure un cheminement vers une altérité possible commencée avec la séparation du sein maternel. Il se poursuit avec la fermeture de l’analité, puis avec l’affirmation du caractère féminin et masculin. Cette construction de l’altérité ne peut-être conçue comme atteignant son plein développement, qu’avec la conquête de la génitalité. La génitalité oblige le sujet à tenir compte de l’autre, de son désir dans une rencontre avec son propre désir de sujet. C’est, entre autres, à ce niveau, sous le regard de l’autre, que le sujet peut plonger dans la honte faute d’être accepté dans son désir.

La difficulté pour le sujet est de construire un espace psychique intérieur où il y a de la place pour lui et son désir, en lien avec l’autre désirant. Les étudiants sont ainsi confrontés à ce temps ou la personnalité va se construire sur la génitalité, avec la prime de plaisir qu’est l’altérité dans un nouvel environnement social. Ce temps s’élabore conceptuellement sous le terme de post-adolescence.

Afin d’expliciter la portée de ce concept dans notre pratique, il nous est apparu pertinent de le présenter et de l’interroger à la lumière de nos questionnements et observations en Service Universitaire de Médecine Préventive. Cette présentation nous permettra ensuite d’élaborer une synthèse de nos hypothèses que nous confronterons à des études de cas cliniques.

IV Le concept de post-adolescence au

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